Free cookie consent management tool by TermsFeed

samedi 31 août 2019

N26 appuie là où ça fait mal

N26
Officiellement ouverte [PDF] à tous les citoyens américains depuis quelques jours, la néo-banque N26 lance une vaste campagne publicitaire dans trois grandes villes des États-Unis. Grâce à l'enquête sur laquelle elle s'appuie, celle-ci révèle en creux les frustrations des consommateurs vis-à-vis des établissements existants.

Présentée comme « la banque que le monde aime », la nouvelle offre met en avant sur les affiches déployées sur les métros, bus et taxis de Chicago, New York et San Francisco une poignée de caractéristiques jugées particulièrement différenciatrices : la transparence, la gestion de projets, la sécurité, la tranquillité d'esprit et la vitesse. Elles peuvent paraître banales aux habitués de la FinTech mais chacune d'elles reflète une lacune criante au sein des catalogues des banques traditionnelles.

D'emblée, l'ouverture de compte en 5 minutes, sur son téléphone, sans paperasse inutile, reste un argument convaincant pour tous ceux qui ne comprennent pas pourquoi ils devraient se déplacer dans une agence et perdre une heure ou une demie-journée dans une opération perçue comme triviale. Dans le même registre de la réactivité, vient immédiatement derrière la promesse de profiter de son salaire jusqu'à deux jours plus tôt qu'habituellement, par simple validation du virement avant sa compensation effective.

Un autre aspect qui échappe encore totalement à la plupart des institutions financières et qui retiendra probablement le plus l'attention est la transparence. Elle intervient avant même l'entrée en relation, avec, notamment, la garantie d'une tarification sans surprise et sans conditions minimales. Elle revient ensuite dans la vie quotidienne, sous la forme de notifications émises dès qu'une transaction est enregistrée, procurant au client l'assurance d'être en permanence en contrôle de ses finances personnelles.

N26 – Mobile banking the world loves

Au-delà de ces réponses à leurs besoins fondamentaux, il reste à ajouter le soin accordé à aligner la solution avec ce qui motive réellement les consommateurs. Non, ce ne sont (évidemment) pas les arcanes de la gestion de l'argent, mais plutôt leurs projets et leurs rêves, pris en charge a minima, à ce stade, avec un module « Spaces » qui aide à les préparer. Enfin, la sécurité est, elle aussi, abordée sous un angle original, laissant de côté le niveau essentiel sans lequel une banque n'est pas une banque, pour insister sur les options donnant à l'utilisateur le pouvoir sur sa propre sérénité financière.

Quand les acteurs en place tentent de répliquer les recettes des néo-banques, que ce soit à travers leurs applications mobiles ou par le truchement d'une entité indépendante, ils ont fréquemment tendance à se concentrer sur la copie de leurs fonctions, en particulier les plus tape-à-l'œil. La manière dont N26 expose ses avantages concurrentiels devrait les inciter à s'attacher, au contraire, aux défauts majeurs qu'ils ciblent précisément. Non seulement sont-ils déterminants pour élaborer une offre séduisante mais, en outre, ils peuvent susciter des solutions variées, dont les meilleures restent peut-être à créer.

vendredi 30 août 2019

Que valent vraiment les outils « low code » ?

Brique
Depuis quelques années, les approches « low code » – qui promettent de rendre la création d'applications accessible à tous, sans (presque) requérir de compétences de programmation – gagnent en popularité dans les entreprises où les besoins en développement logiciel explosent. Mais sont-elles vraiment à la hauteur des attentes ?

L'idée est aussi ancienne que les premiers ordinateurs : ne serait-il pas possible de concevoir une plate-forme grâce à laquelle n'importe quel utilisateur pourrait, sans connaissances particulières, assembler visuellement des blocs prêts à l'emploi afin de bâtir la solution qu'il a imaginée. Au vu de plusieurs annonces récentes, de la transition complète d'une banque vers un tel modèle à son adoption par un assureur, il serait facile de croire que le rêve est désormais devenu réalité. Et j'y ai cru.

Malheureusement, il y a quelques semaines, j'ai voulu profiter de cette tendance pour accélérer mon nouveau projet et j'ai alors fait le tour des principales offres du marché à la recherche de celle avec laquelle nous pourrions produire rapidement les premières itérations de notre application mobile et/ou web. J'en ai même sélectionné une poignée pour une deuxième phase d'évaluation, au cours de laquelle j'ai installé des versions de démonstration et tenté de développer concrètement quelques écrans.

Je ne prétendrai certes pas avoir mené un test extensif mais l'impression qu'il me reste de cette expérimentation est une immense déception. Les entrepreneurs qui voudraient fonder leur activité avec des outils « low code » auront intérêt à y réfléchir à deux fois et les responsables qui aimeraient pouvoir les proposer en alternative contrôlée aux pratiques de « shadow IT » (le recours à des services informatiques à l'insu de la DSI) devront se résigner à n'en faire qu'une option réservée à des cas très spécifiques.

Plus précisément, que reprocher à ces solutions ? Les défauts sont finalement toujours les mêmes que dans les générations passées. Tout d'abord, même quand il s'avère viable de créer une application sans programmation, le résultat obtenu reste souvent fonctionnellement limité et parfois graphiquement sommaire. En creusant l'analyse, il ressort que la prise en main est beaucoup trop complexe pour un usage occasionnel tandis que le choix d'un éditeur revient à accepter de lui être pieds et poings liés.

En synthèse, la réalisation d'un projet un tant soit peu sérieux avec une de ces plates-formes demande un investissement conséquent, en apprentissage et en mise au point (ainsi que, dans certains cas, en coûts directs), incompatible avec l'ambition initiale de simplifier la production logicielle. À court et moyen terme, les professionnels du code ont donc encore un bel avenir devant eux, surtout que, en parallèle, leurs outils traditionnels ont énormément progressé et les rendent de plus en plus productifs.

Assemblage de briques

jeudi 29 août 2019

Pourquoi le « digital native » est une réalité

Forrester
Nous avions déjà une ribambelle d'experts nous expliquant qu'il est indispensable, de nos jours, d'enseigner le développement logiciel à nos enfants, voilà qu'il faudrait en plus qu'ils apprennent comment fonctionnent ordinateurs, smartphones, internet… de manière à savoir correctement se défendre contre les dangers omniprésents.

Cette nouvelle injonction nous arrive, entre autres, par la plume de Chase Cunningham, analyste pour Forrester, qui s'inquiète, à l'occasion de la rentrée scolaire, des cours de cybersécurité proposés à sa progéniture. Au niveau des classes élémentaires, le programme évoque les notions de hacking, les bases de la protection contre les risques courants, l'utilisation de Facebook… Il s'indigne alors de l'absence totale de présentation de ce qu'est un PC ou un smartphone, comment opère un réseau WiFi…

L'idée paraît de bon sens : partant du principe que l'humain ne peut maîtriser que ce qu'il comprend, il faut impérativement appréhender les mécanismes fondamentaux à l'œuvre dans les outils informatiques pour bien les exploiter. Malheureusement elle est aussi fausse qu'irréaliste. Si elle était appliquée, il faudrait, par exemple, connaître les entrailles du moteur pour conduire une voiture, il faudrait comprendre l'électricité avant d'allumer la lumière… et nos années d'école se prolongeraient sans fin.

En réalité, chaque étape du « progrès » humain consiste à faire évoluer une technologie jusqu'au point où elle peut s'émanciper de son domaine réservé, devenir accessible au plus grand nombre… et servir de point d'appui à d'autres avancées. Ceux qui la conçoivent et qui l'améliorent continuellement sont des experts, qui en dominent tous les tenants et aboutissants, mais la majorité n'a qu'à ingérer quelques règles d'utilisation pour en profiter. Il en a toujours été ainsi et notre époque n'est en rien différente.

Ceci étant, le réflexe de Chase Cunningham n'est pas surprenant car il est révélateur de la transition que nous vivons actuellement. Pour nous qui avons participé à l'émergence de l'informatique et de l'internet, il semble naturel de devoir s'intéresser à leurs moteurs et à leurs fondations pour se les approprier. Mais les générations qui nous suivent, à commencer par les « digital natives », ont, elles, basculé dans la phase de banalisation, où ils sont devenus des outils de la vie courante, avec un simple mode d'emploi.

En conséquence, non seulement ces jeunes considèrent-ils ces technologies de la même manière que leurs aînés perçoivent l'automobile ou l'électricité, c'est-à-dire comme une « commodité » vitale, mais la plupart d'entre eux n'ont, en outre, aucune espèce d'envie de savoir comment tout ces objets qu'ils manipulent depuis leur naissance remplissent leur fonction. La seule option pédagogique disponible dans ce contexte est donc de soigner le « mode d'emploi » (l'objet du cursus qui consterne Chase Cunningham).

Alors qu'une nouvelle mode affirme que les « digital natives » ne sont qu'une vue de l'esprit et que ce n'est pas la date de naissance qui détermine les comportements, il est utile de prêter attention à cette divergence de perspectives qu'on oublie facilement. En effet, elle induit – principalement, même si ce n'est pas exclusif, chez les moins de 25 ans – des attitudes fondamentalement différentes face aux outils modernes, qui rendent totalement anachroniques les manières de les aborder de l'ère précédente.

Rentrée scolaire…

mercredi 28 août 2019

Premiers pas pour la sécurité de l'ère quantique

IBM Research
Nonobstant quelques déploiements publics, l'informatique quantique reste à ce jour un sujet de recherche. Pourtant, même si sa maturité commerciale n'est pas attendue avant 10 ans, ses implications pour la sécurité des systèmes commencent à être sérieusement appréhendées. Ainsi, IBM en arrive déjà à concevoir des solutions concrètes.

La promesse des futurs ordinateurs quantiques est d'être capables de résoudre des problèmes mathématiques considérés comme inaccessibles aux technologies traditionnelles, grâce, notamment, à ses propriétés de parallélisation des calculs. Or cette qualité pourrait être appliquée à tous les algorithmes de cryptographie en vigueur actuellement, jusqu'à rendre totalement inopérante la protection des données qu'ils assurent dans tous les domaines du quotidien, des particuliers et des entreprises.

Selon les chercheurs d'IBM, ce scénario catastrophe pourrait se matérialiser d'ici 10 à 30 ans, le temps que les machines et/ou les logiciels associés deviennent tolérants aux erreurs, afin de garantir la fiabilité systématique des résultats obtenus. Au premier abord, ce délai donne l'impression d'être suffisant pour mettre au point des alternatives… mais ce serait négliger l'hypothèse de cybercriminels captant et stockant aujourd'hui des données chiffrées en vue de les exploiter quand leur décodage sera possible.

Telle est la raison pour laquelle IBM veut prendre de l'avance, en développant dès maintenant des méthodes de sécurisation résistantes aux futurs calculateurs quantiques. Ses travaux, menés en collaboration avec des partenaires académiques (dont l'ENS Lyon) et destinés à être partagés en mode libre et ouvert, jusqu'à, si possible, la définition d'un standard public, devrait aboutir à la mise en ligne de services « cloud » en 2020, dont une implémentation du protocole universel du web sécurisé (TLS/SSL).

Prototype de lecteur de bande sécurisé

En parallèle, IBM a également mis sur pied une offre de prestation à destination de ses clients dont l'objet est d'analyser leur existant et d'évaluer sa susceptibilité aux risques de l'informatique quantique. Il s'agit, d'une part, de recenser tous les composants, matériels et logiciels, qui devront être intégrés à une campagne de migration et, d'autre part et de manière plus urgente, à identifier les zones de danger « immédiat », par exemple les entrepôts de données ultra-sensibles à durée de vie longue.

Par leur activité, qui les conduit à gérer des informations confidentielles sur des périodes étendues, les institutions financières sont naturellement concernées en priorité par ces préoccupations (certaines ont d'ailleurs pris les devants). En l'occurrence, le défi pour elles n'est pas uniquement de se mettre en alerte par rapport à une menace lointaine. Les impacts prévisibles de l'informatique quantique sur leurs infrastructures sont tellement lourds qu'ils laissent entrevoir des chantiers pharaoniques pour leur remise à niveau… d'autant plus complexes qu'ils affecteront parfois des technologies préhistoriques…

mardi 27 août 2019

Quand la banque s'affranchira du cash

Brink's
Après le départ du Crédit Mutuel de Bretagne l'année dernière, les édiles de Locmaria-Plouzané (5 000 habitants) souhaitaient maintenir un distributeur de billets sur le territoire de la commune afin d'entretenir la vitalité de son centre. Ils se sont tournés vers la nouvelle solution « Point Cash Village » de Brink's. Une initiative qui doit ravir les banques…

À la faveur de la transition des paiements vers des instruments « modernes » (la carte, essentiellement), les pays développés entrent dans un cycle de réduction de la densité des automates. Le problème est que, dans les zones rurales les plus touchées, une partie de la population compte encore largement sur les espèces pour les opérations du quotidien et se trouve, en conséquence, en difficulté, tandis que les commerçants locaux craignent de les voir s'approvisionner dans les villes où ils retirent de l'argent.

Les institutions financières (surtout les établissements mutualistes) subissent donc de fortes pressions pour sauvegarder leur présence et continuer à assurer ce que beaucoup considèrent comme un service public. Entre équation économique intenable et enjeu d'équilibre territorial, voilà donc qu'une alternative apparemment viable émerge, qui semble susceptible de satisfaire tout le monde, même si elle coûte à la collectivité.

La solution que propose le spécialiste de la « sécurité fiduciaire » constitue en effet une opportunité bienvenue dans les villages et autres petites villes qui craignent pour leurs petits commerces, leur contribution au dynamisme des campagnes et, à terme, pour leur propre avenir. Moyennant une redevance mensuelle (à partir de 500 euros, et elle devrait baisser avec la croissance des déploiements), Brink's prend intégralement en charge la logistique du GAB et garantit sa disponibilité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Point Cash par Brink's

L'initiative n'est évidemment pas une surprise de la part de l'entreprise, puisque la gestion des distributeurs lui est déjà largement sous-traitée, ainsi qu'à ses consœurs, et que, de ce fait, elle a beaucoup à perdre à la diminution du nombre d'installations. Plus généralement, elle doit affronter un défi existentiel, son activité reposant presque exclusivement sur un support en voie d'extinction (certes lente). À défaut d'une vision plus lointaine, son seul recours consiste à prendre elle-même les choses en main.

Or cette convergence d'intérêt avec les consommateurs et les communes qui se lamentent de la disparition des GAB représente une aubaine pour les banques. Un des obstacles à leurs velléités de fermer une proportion importante de leurs points de présence est levé : elles pourront maintenant suggérer une solution de substitution, que, au pire, elles seraient en mesure de financer, afin de faire taire les protestations. La marche vers la dématérialisation totale de leurs métiers – en commençant par l'abandon des activités liées au cash, lourdes et coûteuses – va de la sorte pouvoir se poursuivre.

lundi 26 août 2019

Le terminal de paiement logiciel arrive en Europe

ING
Quasiment depuis que Square a inventé le terminal de paiement sur smartphone en 2010, le principe d'une version entièrement logicielle – dénuée, donc, de l'appendice physique plus ou moins gênant destiné à lire la piste magnétique ou la puce de la carte – m'apparaissait comme une évidence. Son heure est peut-être enfin venue…

À l'époque des pionniers, il n'existait, naturellement, aucune alternative : l'immense majorité des transactions par carte reposait sur un accès aux données à travers une interface matérielle et, bien que le reste du processus de règlement puisse parfaitement être géré par une application mobile, il fallait soit connecter un accessoire au téléphone pour reproduire ce mode opératoire, soit imposer une saisie manuelle des informations (avec les surcoûts associés à un paiement de type « carte non présente »).

Presque une décennie plus tard, les clones de Square se sont multipliés, y compris dans les banques, en conservant toujours la même approche. Pourtant, en parallèle, le monde a changé et le paiement sans contact, par carte ou avec les porte-monnaie mobiles, s'est popularisé. Or l'avantage de la technologie NFC utilisée est qu'elle est intégrée dans la plupart des smartphones commercialisés aujourd'hui et que, à l'exception des iPhones d'Apple, ceux-ci sont capables de lire eux-mêmes les données nécessaires.

C'est précisément pour cette raison que quelques institutions financières commencent à déployer des solutions 100% logicielles, beaucoup plus simples et économiques à mettre en œuvre (et à entretenir) pour les commerçants. Le mouvement a été amorcé en Australie, où l'habitude des opérations sans contact est semble-t-il déjà bien ancrée, avec une annonce (sans suite ?) de CommBank en 2018 et celle toute récente de NAB. Il arrivera bientôt en Europe, si l'expérimentation d'ING en Turquie est concluante.

Terminal de paiement logiciel ING

Dans tous les cas, il n'est actuellement question que de pilotes, concernant un nombre réduit de marchands (200 pour ING). Car le concept comporte quelques limitations, qui méritent une validation sur le terrain. En particulier, outre la réticence d'une partie des consommateurs, la limitation du montant des transactions peut s'avérer bloquante dans certains secteurs d'activité et anéantir l'intérêt du dispositif, même si le plafond de 100 dollars institué en Australie laisse une certaine marge de manœuvre.

Il n'en reste pas moins que le terminal d'encaissement logiciel a toutes les chances de devenir une offre incontournable à moyen terme, à la faveur de la baisse régulière de l'utilisation des espèces pour les dépenses du quotidien, face à laquelle, dans le prolongement des hypothèses ayant conduit à la naissance et au succès de Square, les petits commerçants et autres artisans ne sont pas forcément prêts à adopter les solutions traditionnelles de leur banque, coûteuses, encombrantes et relativement statiques.

dimanche 25 août 2019

Le sabotage de la DSP2 est un succès !

Tink
À trois semaines de l'échéance (le 14 septembre) fixée pour la mise en œuvre des dispositions de la deuxième Directive des Services de Paiement (DSP2) relatives à l'ouverture des accès aux comptes bancaires, Tink dresse un tableau consternant de la situation dans les établissements européens puisque aucun n'est conforme, à ce jour.

Selon la dernière analyse en date de la startup, qui porte sur les principales banques de 12 marchés concernés par la réglementation (dont elle estime qu'elles couvrent environ 90% de leur population), seules 15% des APIs disponibles seraient effectivement opérationnelles, tout en restant difficilement exploitables en raison de problèmes divers de qualité ou de performance. À l'autre bout du spectre, plus de 6 institutions sur 10 ne sont pas du tout en mesure de proposer des interfaces en état de fonctionner.

Avec les autres acteurs qui risquent d'être légalement contraint de basculer sur ces implémentations défaillantes, Tink s'inquiète évidemment de l'impact d'une telle impréparation sur les millions de consommateurs qui comptent sur leurs solutions pour suivre leurs finances personnelles (ce qui, suprême ironie, est aussi un enjeu dans les nombreuses grandes banques intégrant des fonctions d'agrégation), pour obtenir un crédit ou, plus généralement, pour faciliter leur vie quotidienne avec leur argent.

Face à la menace existentielle qui la guette, la jeune pousse (et, là encore, elle n'est pas seule dans sa démarche) demande aux autorités nationales d'introduire de manière formelle, non un régime dérogatoire, mais plutôt une période d'intérim pendant laquelle des garanties de continuité seraient données dans le but de permettre, a minima, de repousser la perspective d'une dégradation majeure de ses services. En fait, trois pays ont déjà pris des mesures dans ce sens : Allemagne, France et Royaume-Uni.

Etat des APIs PSD2 de production – Tink

Certes, ces initiatives répondent au danger immédiat, mais on peut s'interroger sur ce qu'il adviendra lorsque les approches conciliantes, nécessairement temporaires, arriveront à expiration. N'est-il pas légitime de douter de la sincérité des banques dans la mise en place de moyens d'accès à ce qu'elles considèrent comme leur trésor privé ? Depuis l'émergence de l'idée d'ouverture, elles n'ont pas manqué de brandir les arguments les plus spécieux (et parfois ridicules) pour combattre le texte, puis sa mise en œuvre.

Aujourd'hui, elles expliquent que les délais étaient trop courts pour déployer les APIs qui leur étaient imposées. Elles ont pourtant eu des années pour se préparer : contrairement à ce qu'elles veulent faire croire, le compte à rebours n'a pas commencé il y a 18 mois avec la publication des RTS – les spécifications techniques – mais infiniment plus tôt, en 2013 quand la directive était adoptée par la commission européenne ou, au pire, en 2015 au moment de sa validation par le parlement et le conseil.

Il n'est donc pas totalement déraisonnable de soupçonner de la part des institutions financières une tentative de sabotage vis-à-vis d'une législation indésirable, dont l'objectif serait d'entraver les velléités de développement de la concurrence, d'abord en retardant autant que possible son entrée en vigueur, puis en faisant en sorte que les entreprises susceptibles de bénéficier de ses dispositions soient mises en difficulté, de manière à les décrédibiliser auprès de leur clientèle (existante et potentielle).

samedi 24 août 2019

Investissement et conseil financier convergent

Wealthfront
Dans un climat relativement morose pour les robots d'investissement, quelques acteurs commencent à percevoir les lacunes de leurs offres et se préoccupent de les combler. Coup sur coup, Capital One et Wealthfront ont ainsi acquis respectivement United Income et Grove, afin d'ajouter la dimension de conseil financier qui leur manquait.

C'est un constat universel aujourd'hui dans le secteur, aussi bien du côté des établissements traditionnels que parmi les innombrables startups, qui promettent tous de faire fructifier les portefeuilles de leurs clients à moindre coût : en dehors d'une exploration superficielle et rapidement oubliée de leurs projets et de leurs rêves, la démarche adoptée est invariablement centrée sur les produits et leur performance, s'adressant alors de fait au club restreint des personnes déjà familiarisées avec l'investissement.

Même pour un vétéran des robo-advisors tel que Wealthfront, qui cherche depuis longtemps à aligner sa communication avec les besoins fondamentaux des consommateurs – par exemple en intégrant projets de vie et préparation de la retraite, en parlant de fiscalité, en prévoyant les situations d'urgence… –, la déconnexion entre leurs envies et les stratégies qui leur sont proposées reste un facteur majeur de résistance. Pour la lever, une seule possibilité : développer un accompagnement à 360 degrés.

Grâce à l'expertise en planification financière de Grove, la jeune pousse veut donc embrasser une nouvelle perspective. Sous le nom de « Self-Driving Money », sa vision devrait prendre la forme d'un service avec lequel l'utilisateur n'aurait qu'à déposer son salaire sur son compte Wealthfront pour que les automates intelligents se chargent de régler ses factures, d'alimenter et maintenir à un niveau adéquat sa réserve de précaution et de gérer son épargne au mieux selon ses objectifs et son train de vie.

The Grove Team is Joining Wealthfront

L'approche donne un sens profond à l'introduction récente d'un compte rémunéré dans la panoplie de Wealthfront, qui pourrait même esquisser une extension vers une véritable offre bancaire (en fait, l'éventualité est évoquée dans la FAQ). De produit d'appel attractif (par son taux d'intérêt et la familiarité du citoyen moyen avec son principe), il deviendrait de la sorte une composante d'un dispositif complet de pilotage automatique des finances personnelles, aux côtés des solutions d'investissement et de crédit.

Si je me méfie des startups de la FinTech qui rêvent de licence bancaire, souvent dans une logique de fuite en avant, la stratégie de Wealthfront en est exactement l'inverse et elle peut s'avérer redoutable. Il suffit, pour le comprendre, de réaliser que, demain, ce qui définira une banque efficace et performante ne sera plus son catalogue de produits mais sa capacité à répondre aux attentes de ses clients de la manière la plus transparente possible : c'est précisément ce qu'est en train de bâtir le robo-advisor…

vendredi 23 août 2019

L'efficacité des néo-banques se mesure

Starling Bank
Un peu plus de deux ans après son ouverture officielle au public, Starling Bank nous gratifie d'un rapport d'étape qui, outre un rappel de toutes les nouveautés introduites depuis le précédent (en avril), révèle quelques chiffres qui devraient faire rêver certains banquiers, tant ils établissent la démonstration de l'efficacité du modèle de la startup.

Prenons immédiatement les précautions d'usage : bien sûr, la comparaison du trublion britannique avec les institutions financières historiques devrait prendre en compte bien plus d'éléments que ceux que je retiens ici, dont, en particulier, la richesse de leurs catalogues respectifs (celui de Starling comprenant tout de même, à ce jour, compte courant, compte joint, compte pour adolescent, compte en euro, compte d'entreprise, découvert autorisé, prêt personnel, transferts internationaux…).

Il n'empêche : voilà une banque qui gère désormais 800 000 comptes, avec une (relativement) petite équipe de 630 personnes, au total. En soi, ce niveau dénote probablement déjà une performance intéressante par rapport aux dizaines de milliers d'employés des grandes enseignes. Mais on peut encore approfondir la réflexion… et enfoncer le clou, par exemple en comparant la situation actuelle de la jeune pousse avec celle que décrivait Anne Boden, sa directrice générale, il y a tout juste un an.

À l'époque, les effectifs comptaient 220 collaborateurs, pour un total d'environ 220 000 comptes (particuliers et professionnels) ouverts. Si on prend en compte que l'offre est toujours en plein développement, ce qui mobilise donc des ressources importantes et justifie une bonne partie des recrutements, l'écart entre les taux de croissance des deux indicateurs – l'un représentatif des charges et l'autre des revenus – illustre sans conteste la capacité de montée en puissance à coût marginal de la néo-banque.

Start your Starling Career

Poursuivons le raisonnement, en explorant la répartition des emplois dans l'entreprise (hélas avec peu de données objectives). Tout d'abord, contrairement à ce que voudraient faire croire ses concurrentes, le service au client est évidemment une priorité, comme l'indique le recrutement, annoncé en mars dernier, de 100 (au plus) opérateurs de support. En pratique, il s'agit certainement du poste de dépenses le plus conséquent qui soit directement proportionnel à l'activité… et qui semble plutôt bien maîtrisé.

Enfin, il reste à aborder la partie technologique, représentant à coup sûr une part majeure de la force de travail (la même source évoquait d'ailleurs 50 embauches dans ce domaine). Selon toute vraisemblance (et à partir des éléments disponibles), l'informatique de la startup occupe entre 150 et 300 personnes et c'est là que le contraste risque de faire bondir : quelle DSI d'une grande banque serait capable de créer, maintenir en conditions opérationnelles et faire évoluer une plate-forme équivalente avec si peu de moyens ?

Une cause de ce différentiel de productivité est facile à identifier : sans nécessairement pointer du doigt les systèmes anciens, survivants d'un autre âge, qui ont pourtant aussi leur rôle dans l'équation, l'accumulation d'une multitude de composants hétérogènes est un facteur de déperditions. Mais, surtout, les modèles organisationnel et culturel sont des coupables autrement plus pernicieux et tout aussi réels, comme l'attestent les tentatives de grands groupes de lancer des néo-banques et les coûts de ces projets…

jeudi 22 août 2019

Visa fait des efforts sur la sécurité

Visa
La cybercriminalité progresse et innove chaque jour, aussi les protections mises en œuvre par les entreprises doivent-elles évoluer constamment, elles aussi. Prenant en compte les dernières tendances en vogue, Visa dévoile une poignée de nouveaux services destinés à aider les commerçants et les institutions financières à faire front.

Dans la course aux armements permanente qui sévit dans le secteur des paiements, les menaces prennent régulièrement des formes inédites. Selon un rapport commissionné auprès du cabinet Forrester, les techniques du moment comprennent l'analyse des failles logicielles des GAB, exploitées pour retirer des espèces frauduleusement, et les attaques sur les sites marchands autorisant des recherches de code par énumération (par exemple en testant, automatiquement, tous les CVV possibles un par un).

Fort logiquement, face à la montée en puissance de ces offensives, Visa introduit donc de nouvelles solutions au sein de son arsenal. D'un côté, « Vital Signs » détecte, parmi les flux de transactions, les anomalies révélatrices d'un automate piraté et, le cas échéant et en accord avec son propriétaire, suspend immédiatement ses opérations. De l'autre, « Account Attack Intelligence » identifie les sites sur lesquels les demandes de paiement indiquent des tentatives de deviner les données confidentielles et alerte les victimes.

Visa Security

En complément de ces réponses in situ, Visa met en place des moyens de prévention, afin d'éviter les erreurs les plus courantes avant qu'elles ne génèrent des dommages. « Payment Threats Lab » propose ainsi un environnement de test dans lequel ses clients pourront contrôler que les bonnes pratiques de sécurité sont correctement intégrées et configurées dans les processus et les traitements déployés. « Threat Disruption », enfin, est un scanner de vulnérabilités et de maliciels pour les sites d'e-commerce.

Une particularité notable de ces services additionnels est qu'ils sont explicitement mis à la disposition des clients de Visa sans frais (et sans inscription). Il reste à voir comment tout cela doit fonctionner sur le terrain et, en particulier si leur accès sera suffisamment simple et transparent, mais cette politique est extrêmement bienvenue alors que le niveau de risque sur les instruments de paiement atteint désormais des sommets tels qu'il n'est résolument plus envisageable de considérer la cybersécurité comme une option.

mercredi 21 août 2019

Pingit, toujours vivant !

Pingit
Dernier survivant d'une époque à laquelle plusieurs banques dans le monde cherchaient à imposer leur porte-monnaie virtuel, Pingit semble poursuivre son bonhomme de chemin. À tel point qu'il absorbe maintenant bPay, une autre solution de paiement que Barclays a lancé un peu plus tard et qui n'a visiblement pas aussi bien réussi…

À l'origine, Pingit n'était qu'un service permettant à tous les britanniques d'envoyer de l'argent à n'importe quel compatriote, pourvu qu'il possède un compte bancaire, en fournissant uniquement son numéro de téléphone. Par la suite, il a constamment évolué, intégrant de nombreuses possibilités supplémentaires. Mais, au moment où le monde découvrait Apple Pay, Barclays décidait de répliquer avec une application distincte, destinée spécifiquement à prendre en charge les paiements de proximité sans contact.

La première a rapidement conquis son public, atteignant 400 000 utilisateurs au cours de ses deux premiers mois d'existence et plus de 3,5 millions à ce jour. À l'inverse, la deuxième n'aurait que péniblement séduit quelques milliers (au mieux quelques dizaines de milliers) d'adeptes 3 ans après son démarrage. Son abandon, matérialisé par l'ouverture d'une boutique en ligne d'achat d'accessoires NFC (bracelets, porte-clés…) reprenant son activité historique sous la marque Pingit, ne constitue pas une surprise.

Après un tel parcours, il serait extrêmement intéressant de comprendre les raisons d'un succès finalement étonnant, surtout au regard du nombre de tentatives similaires qui sont désormais rangées aux oubliettes de l'histoire (qui se souvient par exemple de Kwixo, à la même époque ?). Si je ne peux évidemment pas affirmer détenir la vérité, j'ai tout de même quelques hypothèses à proposer… susceptibles de servir encore aujourd'hui aux innovateurs des grandes groupes, dans le secteur financier ou ailleurs…

Buy a Pingit Device

Tout d'abord, la différence entre Pingit et bPay saute aux yeux… et rejoint le scepticisme que j'entretiens depuis des années vis-à-vis du paiement sans contact sur mobile. D'un côté, nous avons une solution qui, d'emblée, vise à réduire une friction de la vie quotidienne, mineure et néanmoins sensible, au niveau des échanges d'argent entre particuliers. De l'autre côté, il n'existe pas de véritable besoin, les moyens existants (carte bancaire en tête) sont bien acceptés, fonctionnent correctement et sans heurt.

Cette première étape est essentielle… mais elle ne suffit pas, d'autant que d'autres acteurs se sont rapidement positionnés sur le créneau, face auquel l'argument de la confiance en une institution financière n'est pas nécessairement déterminant. En l'occurrence, et il s'agit probablement de la qualité la plus importante de sa démonstration, Pingit a ensuite révélé un talent extraordinaire dans son attention aux demandes de ses clients et dans sa capacité à les comprendre et y répondre avec l'agilité requise.

Presque immédiatement adopté pour des paiements sur les plates-formes de petites annonces (où les opérations en temps réel représentent un avantage alors inédit), puis pour des transactions avec des artisans, le porte-monnaie a ainsi su s'adapter et accueillir ces pratiques à un rythme accéléré. Au fil du temps, se sont ajoutées, de la même manière, des options de donation à des organisations caritatives, de cagnotte en ligne, de création de tirelires thématiques, de facturation (pour les entreprises)…

L'aspect réellement fascinant de la démarche de Barclays avec son application mobile est que, en la prolongeant à l'extrême, elle pourrait certainement aboutir à la création d'une banque complète, entièrement nouvelle, et conçue de A à Z en réponse aux attentes de ses utilisateurs. Dans la mesure où la vision initiale reste présente tout au long de l'exécution, il s'agit d'une magnifique illustration d'approche centrée sur le client.

mardi 20 août 2019

Pourquoi la FinTech ne devrait pas exister

Celent
Ce n'est pas la question que pose Bob Meara, analyste pour Celent, puisque lui s'interroge plus spécifiquement sur l'existence de Digit (et de ses équivalents), mais il est aisé de prolonger les explications qu'il avance… jusqu'à se pencher sur ce qui empêche les institutions financières de copier ce que développent les startups de la FinTech.

L'exemple pris est évidemment caractéristique d'un immobilisme surprenant. Après tout, le service d'épargne automatique intelligente que propose Digit depuis 5 ans – qui a, depuis, été copié aux 4 coins de la planète – devrait logiquement être fourni par les banques. Elles disposent des données nécessaires, la technologie à mettre en œuvre n'est pas extraordinairement complexe et les 500 000 utilisateurs existants de la jeune pousse tendent à démontrer que les consommateurs apprécient le concept.

Une évolution récente de l'application de Digit consistait en l'introduction d'une option de transfert instantané des fonds mis de côté vers un compte courant. Plus importante qu'il n'y paraît, cette addition est présentée comme un moyen de faire face à une urgence sans délai, donc sans s'exposer à des frais de découvert ou de carte de crédit. Et voilà comment Bob Meara arrive à la conclusion que les établissements traditionnels tiennent trop aux revenus générés par ces derniers pour adopter ce genre de solutions.

D'emblée, le raisonnement semble un peu tiré par les cheveux, car il sous-entend que les banques seraient enclines à décourager l'épargne chez leurs clients, au profit de leurs produits de crédit. En admettant qu'il intervient malgré tout, on ne peut alors que concorder à l'idée qu'il serait plus sage de ne pas laisser l'opportunité aux mains de concurrents émergents, surtout quand ceux-ci parviennent à dégager des revenus récurrents non négligeables (5 dollars par mois par utilisateur) avec leur modèle.

Digit – Save money without thinking about it

Cependant, je ne crois pas que la menace sur la manne des frais de découvert soit la principale raison du désintérêt des acteurs historiques pour l'épargne automatique. Je pense plutôt que sa première cause est la même qui permet, depuis au moins une décennie, à des trublions de prendre pied dans une multitude de niches plus ou moins étroites du secteur financier et qui peut se résumer à une certaine inconscience des besoins fondamentaux des clients dans une époque où le rapport de forces s'inverse.

Pour la plupart des banques, la stratégie focalisée sur la vente de produits – et un « conseil » aligné sur ce dogme – reste la norme et ne peut laisser place à une vision d'accompagnement de la vie quotidienne du consommateur (ou de l'entreprise). Dans leur esprit, le principe d'un assistant d'épargne est aussi éloigné de leur métier que le coaching sportif. Même quand elles font un effort dans cette direction, elles ne réussissent pas à vraiment se mettre à la place de leur client : ainsi, dans un cas cité par Bob Meara, RBC (avec NOMI) ne se préoccupe pas des personnes multibancarisées.

Bien au-delà de Digit et de son application, les institutions financières resteront incapables de reproduire les bonnes idées de la FinTech tant qu'elles n'auront pas appréhendé une nouvelle perspective vis-à-vis de leur raison d'être, réellement axée sur le service rendu au client. C'est le même défaut qui les empêche de comprendre la direction que prend le secteur à plus long terme, notamment vers la notion de services invisibles

lundi 19 août 2019

Et le cloud devint bouc émissaire

Banque Centrale Européenne
Quand l'américaine Capital One révélait il y a quelques jours avoir été victime d'un incident de sécurité majeur – concernant plus de 100 millions de ses clients – sur un de ses systèmes hébergés par Amazon, je m'attendais à une attaque en règle sur le recours des institutions financières au cloud computing. Je ne me suis (hélas !) pas trompé…

Peu importe qu'une multitude de fuites de données aient par le passé affecté des applications internes, y compris parmi les siennes propres (!), la Banque Centrale Européenne profite de l'aubaine que représente pour elle la gigantesque faille de Capital One pour exprimer, par la voix d'un de ses directeurs généraux, ses inquiétudes face à la tendance croissante des établissements européens à migrer leur informatique vers les services d'Amazon, Google, Microsoft…, due, selon lui à la pression des coûts.

Certes, monsieur Ibel est prêt à concéder que les solutions de ces fournisseurs ne sont pas particulièrement vulnérables, de façon inhérente, voire même qu'elles peuvent souvent être mieux protégées que des systèmes propriétaires. Pourtant, il estime que la concentration de données précieuses qu'elles recèlent constitue un facteur d'attraction irrésistible pour les cybercriminels… comme si les informations personnelles de 100 millions d'individus ne suffisaient pas elles seules à susciter l'attention !

En conséquence, sa sentence résonne comme une condamnation sans appel : jusqu'à aujourd'hui, l'Europe a évité une catastrophe du même ordre que celle touchant Capital One parce que ses banques ont résisté aux sirènes du cloud computing avec leurs données les plus sensibles, mais, dès qu'elles succomberont à la tentation (comme l'esquisse par exemple Deutsche Bank), elles s'exposeront à l'inévitable… contre lequel la BCE envisagera de prendre des mesures (de renforcement de capital, notamment).

Cloud computing

Or une telle rhétorique est extraordinairement mal inspirée et terriblement contre-productive. Tout d'abord, ses prémisses sont incorrectes, car s'il est vrai que les attaquants privilégient les faiblesses des composants les plus populaires (parce que potentiellement exploitables sur un maximum de cibles), les infrastructures infonuagiques sont loin d'être les premières visées. Les défauts présents dans les logiciels les plus courants sont largement en tête des convoitises, de ce point de vue.

Surtout, la principale source d'insécurité sur les capacités technologiques des institutions financières est leur ouverture sur le monde extérieur (via internet) et le mode d'hébergement sous-jacent n'y change rien. Ce qui fait que la menace croît de jour en jour est lié à l'évolution du monde, dans ce que toutes les interactions de l'entreprise avec ses clients, ses partenaires, ses fournisseurs… sont désormais possibles directement en ligne. Le cloud n'en est qu'une manifestation complémentaire, pas la source !

Dans ces conditions, plutôt que de s'attarder sur un phénomène dérivé (et, d'une certaine manière, révélateur), la BCE devrait concentrer ses efforts sur l'augmentation exponentielle des besoins d'expertise technique des banques à l'ère « digitale ». Car le fond du problème est bien celui-là : leurs systèmes informatiques sont toujours plus complexes et demandent des compétences de plus en plus pointues, non seulement pour leur qualité et pour leur performance mais également pour leur protection.

dimanche 18 août 2019

Le scoring alternatif fait ses preuves

FinRegLab
Le recours à des informations non conventionnelles (parfois même non financières) afin d'évaluer la fiabilité d'un emprunteur potentiel a beau se développer depuis plusieurs années, le principe continue à soulever le scepticisme des institutions financières attachées au score de crédit traditionnel. Plusieurs études confirment pourtant son efficacité.

SellersFund fait partie, aux côtés de startups plus anciennes (telles que Kabbage) ou de géants du web (dont l'incontournable Amazon), de cette nouvelle génération d'établissements de crédit qui sélectionnent les entreprises auxquelles elles accordent leur confiance non plus en fonction de leurs antécédents en matière de prêts mais au regard de leur performance commerciale et de ses perspectives futures. En se déployant au Canada et au Royaume-Uni, elle illustre le succès indéniable du modèle.

À l'instar de leurs équivalents ciblant le grand public, la promesse principale de ces acteurs émergents est la démocratisation de l'accès au crédit, d'une part en l'ouvrant à tous ceux qui ne possèdent pas les références suffisantes pour enter dans les grilles standards des banques (généralement par insuffisance d'historique) et, d'autre part, en étant capable de proposer des conditions contractuelles plus avantageuses, grâce à une évaluation du risque de défaut plus inclusive, plus précise et plus fiable.

Cette dernière est obtenue par diverses méthodes mais une des plus fréquemment utilisées s'appuie sur une analyse statistique et prédictive des flux financiers du demandeur, tels qu'ils sont reflétés par ses relevés de transactions bancaires (pour les particuliers) ou bien, soit ses livres comptables, soit son activité effective sur les grandes places de marché en ligne (pour les entreprises, notamment elles qui exercent dans le e-commerce), tous faciles à obtenir et exploiter sous forme électronique.

Parce que le mystère et, il faut l'admettre, une certaine opacité entourent encore ces pratiques (que leurs concepteurs cherchent naturellement à protéger de tout plagiat), le soupçon de biais dans les algorithmes et de dérive éthique incontrôlable conséquente surgit alors, comme à chaque fois qu'il est question de traitement automatique de données ou, pire, d'intelligence artificielle. L'absence, jusqu'à récemment, d'études sérieuses sur le sujet entretenait le doute… et servait d'excuse aux incrédules.

FinRegLab – The Use of Cash-Flow Data in Underwriting Credit

La publication, coup sur coup, par des organismes indépendants (américains), de deux rapports sur la validité des approches alternatives de scoring des emprunteurs vient donc à point nommé pour apporter un peu d'objectivité au débat. Et leurs résultats, dont on pourra toujours contester la représentativité, puisqu'ils ne portent que sur un échantillon limité de fournisseurs, ont au moins le mérite de démontrer que, techniquement, les promesses peuvent être tenues et bénéficier au plus grand nombre.

Nous avons donc d'abord un dossier complet du FinRegLab, un institut de recherche à but non lucratif, résumant ses recherches empiriques sur les données fournies par 6 startups opérant sur les marchés privés et professionnels. En comparant les scores déterminés par leurs modèles originaux avec ceux mis en œuvre habituellement et en analysant les prêts accordés, les experts confirment sans ambiguïté les bénéfices des modèles innovants, dans leur capacité à mieux prédire le risque de défaut et son effet positif sur l'accès au crédit par les populations exclues, dans des conditions équitables.

À l'appui de ces conclusions, le CFPB (en charge de la protection des consommateurs) nous propose une mise à jour sur ses deux ans d'expérimentation – dans un cadre réglementaire – avec la jeune pousse Upstart (sur le crédit aux particuliers). Dans ce cas, les chiffres qu'elle révèle permettent de mieux prendre conscience de l'ampleur de l'enjeu : ratio d'approbation en hausse de 27% et taux d'intérêt réduits de 16%, en moyenne, avec, entre autres, un pic d'acceptation parmi les moins de 25 ans (+32%).

Une autre observation qui pourrait être faite dans le domaine est le désintérêt généralisé des institutions financières historiques quant aux possibilités de développer le marché du crédit grâce à l'exploitation des données… qu'elles détiennent déjà (au moins pour leurs clients existants) ! Non seulement négligent-elles là leur rôle social fondamental mais, de surcroît, elles laissent échapper des opportunités de croissance, laissant la place à des concurrents mieux armés qui finiront par les menacer directement.

samedi 17 août 2019

BBVA cède à la mode des avis de clients

BBVA
Il y a longtemps, émergeait l'idée d'intégrer les avis et commentaires de clients dans les sites web des institutions financières… jusqu'à ce qu'elle soit plus ou moins enterrée quelques années plus tard… Aujourd'hui, dans un élan de transparence caractéristique de sa culture d'entreprise, BBVA la ressuscite au sein de son application mobile.

L'initiative est en quelque sorte une évidence pour la banque espagnole et sa stratégie de mettre à disposition tous ses produits et services sur les smartphones de ces clients. Dans un premier temps, seule sa gamme de prêts personnels instantanés est concernée, ce qui n'est pas surprenant au vu de leur popularité sur le canal mobile (où sont réalisées 87% de leurs souscriptions). L'objectif est alors d'apporter des arguments supplémentaires pour convaincre les utilisateurs qui hésiteraient à se lancer.

Le principe retenu pour cette mise en œuvre est tout à fait classique, copie conforme des autres dispositifs du même genre : chaque détenteur d'un produit ouvert au vote se voit proposer d'attribuer une note, matérialisée par une échelle standard de 1 à 5 étoiles, et de rédiger un commentaire sur son expérience. Lors de l'exploration du catalogue dans l'application, la moyenne des évaluations recueillies est présentée aux côtés des caractéristiques des offres, avec une possibilité de consulter les avis détaillés.

BBVA, primer banco que muestra las opiniones de los clientes sobre los productos que oferta en España

Naturellement, le concept est séduisant, d'une part par son intention de pallier à l'absence d'un conseiller humain pour guider les choix des consommateurs, en leur fournissant des recommandations de leur pairs et, d'autre part, par l'effort de transparence que représente l'acceptation des critiques publiques susceptibles d'être formulées par les clients. À l'heure où se développent les polémiques autour de la prolifération des notations sur toutes sortes d'activités, le modèle mérite pourtant d'être questionné.

Il conviendrait notamment de s'inquiéter de la pertinence des opinions exprimées. Il existe en effet une différence majeure entre l'appréciation d'un produit courant (une paire de chaussures ou un film, par exemple), pour laquelle les critères applicables seront relativement triviaux (le rapport qualité-prix et/ou le plaisir ressenti, pour l'essentiel), et un jugement sur un service bancaire, qui, au mieux, sera lié au projet personnel dont il aura autorisé la réalisation, au pire, portera sur des facteurs hétéroclites peu représentatifs.

Je soupçonne d'ailleurs que ces limitations, rendant finalement les avis publiés sans intérêt pour les visiteurs qui les parcourent, constituent une des principales raisons pour lesquelles la plupart des institutions financières qui se sont risquées dans de telles aventures au cours des années passées ont fini par abandonner la partie.

vendredi 16 août 2019

L'épargne, prochaine étape de la portabilité ?

Pay.uk
Pionnier lors de son lancement en 2013, le service britannique de transfert de comptes courants entre banques (« Current Account Switch Service ») a progressivement prouvé son utilité, bien qu'il n'ait pas stimulé la mobilité massive espérée à l'origine. Son opérateur évoque maintenant la possibilité d'un équivalent pour l'épargne…

Afin d'appuyer sa démonstration, la filiale de Pay.uk a commandité une étude [PDF] auprès des consommateurs et elle révèle effectivement quelques résultats intéressants. Il ressort en particulier qu'un tiers des comptes d'épargne « simples » – représentant plus de 350 milliards de livres sterling de dépôts – ont plus de 5 ans d'ancienneté et que seulement 13% de l'ensemble ont été déplacés dans une nouvelle institution au cours des 3 ans écoulés (un niveau proche de celui constaté sur les comptes courants).

Quand les enquêteurs interrogent les personnes concernées sur leur inertie, elles répondent qu'elles sont conscientes de l'erreur qu'elles commettent – elles tendent à savoir qu'il existe des produits plus rentables sur le marché – mais elles s'avouent peu enclines à effectuer les recherches nécessaires pour trouver la meilleure offre, puis à engager les démarches de migration. Dans ces conditions, il n'est évidemment pas surprenant qu'une majorité se prononce en faveur d'un outil d'assistance à la mobilité.

Current Account Switch Service Home

Je ne pense pourtant pas qu'il s'agisse de la solution idéale. Pour le comprendre, examinons les mécanismes entrant en jeu dans les processus de décision. Dans le cas du compte courant, il est aisé de percevoir les frictions qu'induit la bascule vers un autre fournisseur, ne serait-ce que par le nombre d'interlocuteurs à notifier. Un accompagnement externe est incontestablement bienvenu. Sur un livret d'épargne, rien de tout cela : la seule vraie difficulté exprimée concerne la souscription elle-même.

Qui est alors le plus à même d'apporter une réponse ? L'établissement d'accueil, bien sûr ! Et la réalité profonde qu'expriment les citoyens est que les banques font un travail exécrable quand il est question de conquérir de nouveaux clients. Si elles ne sont pas capables d'exposer clairement la supériorité de leur offre et, ensuite, de proposer une entrée en relation fluide, transparente et immédiate, jamais elles ne pourront développer la mobilité, qu'un service d'assistance au transfert soit disponible ou non.

Encore une fois, c'est l'habitude d'un engagement sans partage, quasiment pour la vie, des consommateurs avec leur banque qui a induit ce manque de soin apporté à certaines étapes de la relation commerciale, considérées comme secondaires puisque sans alternative possible. Or les temps changent : ce modèle est désormais menacé et si les acteurs historiques ne font pas évoluer leurs approches, en optimisant TOUS les moments d'interaction, des trublions de la FinTech sauront profiter de l'aubaine…

jeudi 15 août 2019

Intesa Sanpaolo remixe la finance participative

Intesa Sanpaolo
L'attribution par l'EFMA de son prix de l'innovation du mois à Intesa Sanpaolo nous donne l'occasion de nous pencher sur « For Funding », une plate-forme de financement participatif qui, deux ans après son lancement, conserve son originalité… même si ses résultats ne sont pas aussi brillants que le laisse entendre sa présentation…

Consciente qu'il aurait été vain de créer une solution généraliste, comme il en existe déjà beaucoup sur le web, dont certaines très efficaces, la banque italienne a d'emblée fait le choix de viser une cible particulière : les associations à but non lucratif. Conséquence directe de cette spécialisation, elle a pu se concentrer sur les besoins spécifiques de cette catégorie de clientèle, ce qui l'a amenée à concevoir un modèle dans lequel différentes typologies de financement peuvent être combinées au sein d'un même projet.

Dans nombre de ces organisations, notamment parmi celles qui exercent dans le domaine social privilégié par Intesa Sanpaolo, les dons constituent la ressource principale. Aussi est-ce la première forme d'appel à contribution qui leur est proposée (et la plus populaire). Mais il leur est également possible, par exemple pour des programmes de grande ampleur, de solliciter un crédit communautaire. Dans ce cas, les participants peuvent alors répartir leur apport à leur guise entre prêt remboursable et donation.

Intesa Sanpaolo For Funding

En pratique, les campagnes passées montrent que la plupart de ces opérations de crédit (toutes ?) ont été partiellement couvertes par la banque elle-même. « For Funding » combine donc 3 modes de financement distincts sur une plate-forme unique et, surtout, au sein de chaque dossier déposé. Voilà une belle réponse à ce qui non seulement représente une option légitime pour les associations mais correspond également à un fonctionnement largement répandu pour l'accomplissement de leurs missions.

En dépit de ses qualités et de l'autosatisfaction de ses concepteurs, l'initiative ne semble malheureusement pas parvenir à se développer : la liste des campagnes visibles sur le site révèle moins d'une dizaine de demandes en cours, concernant exclusivement des donations, et une cinquantaine de succès au total, dont la majorité de ceux qui portent sur un crédit datent d'avant la mise en ligne (en 2017), tandis que, apparemment, le montant (modeste : 23 millions d'euros) des prêts accordés inclut la part de la banque…

Les aventures des banques dans la finance participative se soldent souvent par des échecs plus ou moins avoués. La raison première en est certainement leur positionnement ambigu, coincées entre des solutions de crédit classiques et un idéal communautaire qu'elles ne sont pas véritablement en mesure d'assumer. Il serait intéressant de comprendre pourquoi l'approche d'Intesa Sanpaolo, pour une fois plutôt bien ciblée et offrant une vraie différenciation concurrentielle, ne réussit pas mieux…

mercredi 14 août 2019

Tandem co-construit son crédit hypothécaire

Tandem
Conçue dès l'origine – c'était en 2016 – en collaboration avec ses clients potentiels d'alors, la néo-banque britannique Tandem ré-édite aujourd'hui l'aventure de la co-innovation avec le grand public à l'occasion de la préparation de son offre de crédit hypothécaire, dont le lancement officiel est prévu au début de l'année prochaine.

En s'attaquant au pilier de la banque traditionnelle, qui représente en même temps un moment clé dans la vie de ses clients actuels et futurs, la jeune pousse porte l'ambition de créer un produit radicalement différent des standards en vigueur dans le secteur. Pour ce faire, elle a en tête un certain nombre de caractéristiques qu'elle envisage d'intégrer, dont plusieurs options destinées à renforcer la flexibilité du prêt (et des remboursements) et quelques idées originales pour rendre l'accession à la propriété plus inclusive.

Dans ce dernier domaine, Tandem évoque naturellement la possibilité de capitaliser sur l'ouverture des données bancaires, qui lui permettra, grâce à une analyse des comptes et des actifs détenus dans n'importe quel établissement, de pallier aux défauts des systèmes de notation financière existants (pour ceux qui n'ont pas d'historique suffisant, ceux qui – à l'instar des travailleurs indépendants – n'ont pas un profil conventionnel ou encore ceux qui ont connu un accident de parcours difficile à effacer…).

Il serait question également de déterminer les conditions non plus seulement en fonction de la situation présente de l'emprunteur mais plutôt de ses perspectives d'avenir. Au lieu de plafonner ses mensualités selon son salaire à la signature, pourquoi ne pas retenir une prédiction de son évolution professionnelle sur toute la durée du contrat ? Dans un autre registre, Tandem stimule l'imagination avec une dispositif de remboursements exceptionnels automatiques, dès la détection de liquidités sur les comptes.

Tandem

Si la startup s'adresse aux consommateurs pour l'aider à développer la solution parfaite, ce n'est donc pas par manque de créativité en son sein. En réalité, son objectif est avant tout de recueillir leur avis sur la multitude de propositions qu'elle a assemblées en interne et, de la sorte, appréhender celles qui paraissent les plus importantes pour les utilisateurs et qui, en conséquence, méritent d'être développées en priorité et, au contraire, écarter au plus tôt celles qui ne rencontrent pas d'écho.

Il subsiste encore largement dans les entreprises un mythe persistant qui ferait de la co-innovation avec les clients un moyen extraordinaire de faire émerger des concepts révolutionnaires. C'est une erreur tragique : sauf rare exception, la « foule » n'est généralement capable que de générer des idées d'améliorations incrémentales. En revanche, le recours – comme Tandem – à une approche ouverte dans le but de valider et trier les jalons d'une feuille de route est à la fois efficace et utile, surtout dans un projet s'écartant des sentiers battus, quand on ne dispose pas de ressources infinies…

mardi 13 août 2019

Singapour crée un bac à sable express

MAS - Monetary Authority of Singapore
Trois ans après en avoir lancé l'idée, l'Autorité Monétaire de Singapour (MAS) est tellement satisfaite du fonctionnement de son bac à sable réglementaire qu'elle en élabore aujourd'hui une déclinaison « express », dont l'objectif est d'accélérer toujours plus les démarches expérimentales, tout en maintenant un cadre prudentiel adéquat.

Bien sûr, le concept a, dès l'origine, été imaginé et déployé pour permettre aux institutions financières et aux startups de la FinTech de tester rapidement leurs produits et services innovants auprès de vrais clients, et vérifier ainsi leur valeur potentielle et l'intérêt d'en poursuivre le développement, sans devoir au préalable s'engager dans des démarches administratives classiques de demandes d'agréments et autres autorisations de mise sur le marché, qui prennent parfois des mois, voire des années.

La règle du jeu consiste à imposer un cadre dans lequel le projet candidat au bac à sable doit s'inscrire pour bénéficier d'un processus réglementaire allégé. Dans la plupart des cas, et Singapour ne fait pas exception, il comprend un certain nombre de limitations, notamment en termes de volume d'activité, et une exigence de suivi rapproché, à travers lequel l'autorité de contrôle surveille en permanence non seulement le respect de ses contraintes mais également les risques inconnus susceptibles d'être introduits.

Pour la MAS, le dispositif remplit parfaitement son rôle… mais, au fil de son utilisation, elle s'est rendu compte que beaucoup de dossiers déposés concernaient des innovations relativement modestes par rapport à l'état de l'art, pour lesquelles même les deux ou trois mois requis afin d'obtenir un accord semblent excessifs. En conséquence, elle a décidé d'implémenter une version « express » de son bac à sable, offrant un temps de réponse inférieur à 21 jours en contrepartie de restrictions plus sévères.

Bac à Sable Express MAS

En l'occurrence, elle sera réservée (initialement) à 3 types d'acteurs – courtiers d'assurance, opérateurs de marchés structurés et plates-formes de transferts d'argent – et à des expérimentations aux paramètres de risques extrêmement réduits – pour une durée de 9 mois maximum, avec des plafonds de, par exemple, 1 000 polices d'assurance distribuées ou 100 000 dollars (singapouriens) de fonds en attente de transfert… Enfin, les rapports d'avancement réguliers restent naturellement de rigueur.

La différence avec le bac à sable « classique » peut paraître ténue, mais l'initiative de la MAS révèle une compréhension profonde de l'enjeu de réactivité et de flexibilité du secteur financier contemporain, qui fait que quelques semaines et les coûts administratifs de constitution d'un dossier peuvent s'avérer déterminants au moment d'évaluer la viabilité d'un projet qui s'écarte un tant soit peu des normes.

Notons en outre que le régulateur est lui-même confronté à un enjeu d'efficacité, qui lui impose de savoir concentrer ses efforts là où ils sont le plus nécessaires. En ce sens, la définition d'une approche accélérée pour les entreprises représente aussi pour lui une opportunité de standardiser et, d'une certaine manière, automatiser une partie de ses opérations, de manière à pouvoir consacrer plus de ressources à l'innovation disruptive.

lundi 12 août 2019

Le crowdfunding face à une impasse

LendingClub
Dans l'univers de la FinTech, la finance participative est un des plus anciens domaines de disruption (juste derrière les paiements). Il n'est donc pas surprenant qu'elle soit sujette à des soubresauts – fermetures, consolidations, changements de modèle… Mais peut-être est-elle maintenant en train de vivre une vraie crise existentielle…

Les velléités du leader historique LendingClub d'acquérir une licence bancaire aux États-Unis offrent ainsi un indice supplémentaire des hésitations – sinon des errements – du secteur. Les arguments brandis pour justifier une telle opération ne manquent pourtant pas de bon sens, entre un besoin d'entretenir une relation plus étroite avec des emprunteurs occasionnels, donc difficiles à fidéliser, et les opportunités de capter une clientèle plus large, parmi les consommateurs n'ayant pas accès au crédit.

La réalité est cependant légèrement différente. Dorénavant, la plupart des plates-formes de crowdfunding sont financées par des investisseurs institutionnels, profitant de rendements attractifs par rapport aux supports classiques. L'offre étant couverte, leur principale préoccupation concerne donc la demande. Or, de ce côté, la situation s'avère compliquée : les particuliers et les entreprises tendent à conserver une certaine défiance vis-à-vis de ces acteurs et les avantages promis ne suffisent pas à les séduire.

La réponse des startups à cette difficulté se répartit aujourd'hui entre deux camps. Il y a celui que désire rejoindre LendingClub, consistant à aborder des métiers adjacents (sans véritablement adresser la question de fond), de manière à développer la clientèle potentielle de son activité principale. L'autre, illustré par le cas de P2BInvestor (et qu'exploite aussi LendingClub), repose sur l'idée de commercialiser les produits par l'intermédiaire des institutions possédant déjà la confiance de leurs clients.

Accueil LendingClub

Entre la fuite en avant vers la néo-banque (qui n'est souvent que l'illusion d'une solution magique) et l'aveu d'échec que constitue le modèle de fournisseur technologique, ces acteurs perdent de vue ce qui faisait leur particularité à l'origine : l'innovation. En effet, le cœur du problème pour beaucoup de FinTech (y compris au-delà de la finance participative) est l'absence de différenciation : quand les critères d'attribution, les conditions et les modalités du crédit de LendingClub sont similaires à ceux des banques (qui ont tout de même progressé), les clients se font automatiquement plus rares…

Concrètement, l'utopie inclusive des débuts a laissé place, au fil des ans et sous la pression des partenaires finançant les opérations, à une approche classique, qui exige un score de crédit élevé, un long historique financier et un quotient d'endettement limité pour accorder un prêt à un taux « banal ». Pendant le même temps, les acteurs historiques travaillent sur leur réactivité et introduisent de nouveaux critères d'évaluation de fiabilité pour les exclus du système. L'avantage concurrentiel du trublion fond à vue d'œil.

La seule option viable pour une jeune pousse qui veut réussir dans un secteur aussi encombré que la finance est d'apporter une proposition de valeur inédite et impossible à ignorer de la part de la cible visée. Ce que découvrent les plus anciennes est que cet impératif ne s'exerce pas uniquement comme un point de départ. À défaut de parvenir à établir une relation de confiance forte et stable avec leur marché (ce qui prendra très longtemps), elles sont contraintes de maintenir un état d'innovation permanente.