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lundi 30 septembre 2019

Quand il faut repartir à zéro

Monzo
Imaginez que vous ayez concocté une nouvelle gamme de produits et que vous vous rendiez compte au bout de quelques mois que vos clients ne l'apprécient pas. Vous pouvez vous entêter, peut-être en apportant quelques améliorations cosmétiques… ou bien vous arrivez à la conclusion qu'il faut reprendre votre concept depuis le début.

Voilà une leçon d'innovation parmi les plus douloureuses à appliquer : comprendre que la bonne idée supposée ne répond pas à une attente et y mettre un terme avant qu'elle n'ait englouti trop de ressources, démoralisé les salariés, fait fuir les utilisateurs, menacé la survie de l'entreprise… L'enjeu est d'autant plus critique quand c'est une startup qui est concernée, ce qui fait de l'exemple que donne la britannique Monzo un cas d'école.

Depuis le printemps dernier, la néo-banque explore les opportunités de créer un modèle économique viable afin d'assurer son avenir (dont le caractère critique donne un poids supplémentaire à la démonstration). Comme nombre de ses consœurs, elle a choisi de développer une offre « premium », consistant à ajouter des services complémentaires à sa solution de base, moyennant le paiement d'une redevance mensuelle.

En conséquence, Monzo Plus proposait initialement aux consommateurs une liste d'options à sélectionner à volonté, afin de personnaliser leur compte bancaire. Cependant, dès le mois d'août, face aux réactions des clients, une réorientation était opérée et des formules par profil étaient mises en place : par exemple le pack globe-trotter, incluant assurance voyage, retraits gratuits à l'étranger, accès à des salons d'aéroport…

Enquête client Monzo

Hélas, en écoutant attentivement ses utilisateurs et en mesurant leurs pratiques, la jeune pousse a dû se rendre à l'évidence, moins de 6 mois après le lancement : l'adoption est faible et, en tous cas, très inférieure aux ambitions des débuts. Non sans quelques hésitations, elle vient donc de prendre la difficile décision d'arrêter les frais et de repartir d'une feuille blanche, avec une équipe dédiée entièrement renouvelée.

Il faut mesurer l'ampleur du sacrifice ainsi réalisé. Non seulement s'agit-il de mettre au rebut des mois de dur labeur, mais les impacts sur les clients devront aussi être gérés. Ce pourrait être l'annonce de l'abandon brutal des services, au risque de mécontenter leurs adeptes (même peu nombreux), ou, comme le fait Monzo pour l'instant, la prolongation de leur existence pour ceux qui le désirent (avec l'obligation de maintenir des produits obsolètes) et un remboursement des frais engagés pour ceux qui préfèrent les résilier.

Alors, comment « réussir à échouer » dans de bonnes conditions ? La néo-banque intègre tous les ingrédients nécessaires : une feuille de route qui fixe dès le démarrage du projet les objectifs à atteindre, une flexibilité de la démarche autorisant des ajustements et des changements de cap relativement fréquents, une évaluation précise et régulière des indicateurs d'avancement prédéterminés, une échéance ferme pour valider les résultats… et la force d'arrêter s'ils ne sont pas conformes aux espérances.

Mais elle sait également apprendre de ses erreurs et sa deuxième tentative profitera donc de l'expérience acquise, notamment en matière d'écoute des clients en amont de l'innovation. En effet, Monzo a l'intention de multiplier les initiatives visant à identifier leurs besoins, explicites et implicites, ou encore à les interroger sur leur appétence aux nouveautés qu'elle envisage de mettre à leur disposition. Elle devrait de la sorte maximiser ses chances de succès ou, au pire, limiter les coûts d'un prochain raté.

dimanche 29 septembre 2019

Amazon attaque le secteur de la santé

Amazon Care
Les rumeurs de l'irruption d'Amazon dans l'univers de l'assurance couraient ces derniers mois, c'est du côté de la santé que ses premiers pas sont maintenant engagés, avec une expérimentation, menée auprès de ses salariés, qui révèle déjà comment le géant du commerce en ligne décline ses recettes dans un secteur mûr pour l'innovation.

À ce stade, Amazon Care est donc un programme (optionnel) d'assistance médicale accompagnant la couverture santé proposée par l'entreprise à ses employés et leur famille. Conçu pour l'ère « digitale », il repose principalement sur une application mobile, sans toutefois négliger les besoins d'interaction humaine. Ses cibles sont, d'une part, la prévention et l'information et, d'autre part, les interventions pour les maladies courantes (rhumes, allergies, infections…) et les petites blessures du quotidien.

En pratique, le dispositif comprend une option de tchat, qui met l'utilisateur en contact avec un/une infirmier/infirmière afin de répondre à toutes les questions qu'il se pose. Dans des circonstances plus sérieuses, il est également possible d'organiser une consultation à distance (vidéo) avec un médecin. Le diagnostic de ce dernier peut alors conduire à dépêcher un auxiliaire pour réaliser des examens ou apporter des soins, tandis que les médicaments prescrits sont livrés, dans les deux cas à domicile ou sur le lieu de travail.

Accueil Amazon Care

Naturellement, Amazon n'est pas le premier à développer le principe des rendez-vous médicaux virtuels, qui commence même à s'imposer parmi les assureurs traditionnels. Pourtant, son approche reste fortement marquée par son ADN : contrairement à la plupart des initiatives similaires, il ne s'agit pas ici d'améliorer d'abord l'efficacité du suivi du patient mais surtout d'offrir une expérience optimisée du parcours de soin, avec une palette complète de services accessibles facilement et rapidement.

La démarche n'est évidemment pas désintéressée du point de vue de l'employeur. En effet, il devrait préférer que ses salariés soient mieux pris en charge, à la fois en amont pour, a minima, réduire leur stress et améliorer leur engagement, et quand la maladie survient, pour limiter ses impacts sur leur travail. Aujourd'hui, cette simple perspective n'est pas si répandue dans les entreprises. À cela, il faut également ajouter le confort et la commodité apportés aux patients, dans des moments plus ou moins pénibles.

Le déploiement strictement interne de la plate-forme « Amazon Care » ne doit pas tromper. Il ne représente qu'un jalon préliminaire – de l'ordre du MVP (« Minimum Viable Product ») – d'un projet extrêmement ambitieux qui, à long terme, pourrait réinventer les modèles de protection santé dans les organisations et visera des centaines de millions de personnes, en continuant à profiter de l'expertise d'Amazon en matière d'expérience utilisateur (par exemple à travers ses interfaces vocales intelligentes).

samedi 28 septembre 2019

Des conseillers RBC spécialistes des données ?

RBC
Désireuse d'accompagner les entreprises qui lui font confiance dans l'optimisation de leur activité, RBC met désormais à leur portée, pour la première fois au Canada, l'information stratégique qu'elle capture à travers la gestion des flux qu'elle traite pour leur compte. Bizarrement, elle ne leur propose hélas qu'un accès indirect à ce trésor…

Au premier abord, la plate-forme « Avantages Perspectives RBC » ressemble à celles qu'ont mis en place plusieurs banques à travers le monde (une des plus récentes étant Sabadell, en Espagne). Partant du constat de la valeur extraordinaire des données qu'elle amasse au fil des opérations de ses clients professionnels (et de leurs clients), elle met en place un portail analytique destiné à leur restituer la connaissance qui peut en être extraite et qui doit les aider à mieux piloter et développer leur organisation.

Expérimentée initialement avec une trentaine d'acteurs importants du commerce de détail, la solution cible maintenant différents domaines, tels que, par exemple, l'agriculture, la santé et l'industrie manufacturière. Dans tous les cas, elle promet d'apporter une meilleure compréhension des marchés, des métiers, de l'environnement concurrentiel, des besoins et attentes de la clientèle…, notamment dans un contexte local, en s'appuyant sur des données brutes de vente et sur des comparaisons sectorielles.

Concrètement, grâce à « Avantages Perspectives RBC » et ses puissantes capacités analytiques appliquées à des sources d'information exclusives, la banque vante son ambition de délivrer aux propriétaires et gestionnaires d'entreprises, en totale confidentialité et en temps réel (?), des conseils personnalisés et opérationnels en matière de pénétration commerciale, de recherche de zones d'implantation, de recrutements de collaborateurs à prévoir, d'acquisition et de fidélisation des clients…

RBC Entreprises

Tout cela paraît, évidemment, trop beau pour être vrai. Pourtant, plutôt que de déployer un simple site web sur lequel les utilisateurs consulteraient les informations qui les concernent et obtiendraient des recommandations plus ou moins automatisées, RBC a fait le choix de ne confier l'accès à ces contenus qu'à ses conseillers, qui sont, eux, chargés de transmettre à leurs interlocuteurs ceux qu'ils jugent pertinents. Approche stupide ou coup de génie, seul capable de matérialiser la promesse ?

Dans le principe, l'idée est en effet intéressante et judicieuse : le banquier étant censé connaître son client, il est dans une position idéale pour mettre en adéquation le contexte spécifique de ce dernier avec des données produites par un algorithme relativement générique. En attendant que les modèles d'intelligence artificielle soient suffisamment sophistiqués, il vaut probablement mieux laisser un humain exploiter la matière à sa disposition pour orienter les choix et les décisions de l'entrepreneur.

Hélas, dans la pratique, on peut craindre des désillusions… car ce qui est envisagé ici n'est possible que si le conseiller a acquis au préalable des compétences inédites. Outre qu'il lui faudra approfondir la connaissance intime, aujourd'hui très lacunaire, des entreprises figurant dans son portefeuille, ainsi que du fonctionnement de leur secteur d'activité, il devra également être formé à l'exploitation et l'analyse de l'information, qui ne s'improvise pas. Or rien ne laisse entendre que RBC a agi en ce sens.

Dans l'hypothèse où cet effort ne serait pas suffisant, la banque se retrouverait alors avec une solution inutile : les grandes structures susceptibles de bénéficier d'un vrai accompagnement rapproché sont probablement celes qui possèdent une expertise analytique supérieure pour laquelle il suffirait de leur donner accès à des données brutes, tandis que les PME se verront offrir une approche standardisée (leur conseiller n'étant pas omniscient), qui serait plus facile d'accès si elle était fournie directement en ligne.

vendredi 27 septembre 2019

La boîte à outils entrepreneuriale de BNP Paribas

#LancezVous by BNP Paribas
Elle n'a pas (encore ?) été lancée officiellement mais elle commence à être présentée ici et , alors il est certainement temps de nous pencher sur la nouvelle plate-forme concoctée par BNP Paribas à destination des entrepreneurs en herbe, quelques jours après le démarrage de l'initiative à la fois similaire et très différente du Crédit Agricole.

La promesse de #LancezVous est sans surprise, puisqu'il s'agit d'accompagner le porteur de projet dans les différentes étapes de la création d'activité. Après inscription sur le site, il se voit ainsi proposer de suivre son avancement dans les 4 grandes phases du processus – idée, conception, lancement et développement. Chacune comporte une liste d'actions (trouver une idée, choisir un nom… jusqu'à gérer la paye, la comptabilité…), qu'il coche au fur et à mesure de leur réalisation, pour matérialiser ses progrès.

Cependant, la composante originale de la solution est sa boîte à outils de l'entrepreneur. Accessible soit directement par thématique (financement, juridique, comptabilité…), soit en association avec les différents jalons de la feuille de route (par exemple un service de préparation de plan d'affaires lors de la définition du projet), elle pointe vers des offres de partenaires susceptibles de répondre aux besoins les plus divers, la plupart d'entre elles étant en outre assorties de promotions réservées aux utilisateurs de #LancezVous.

Parmi les 26 fournisseurs référencés à ce jour (d'autres devraient être ajoutés régulièrement), la banque glisse ses propres produits, tels que l'affacturage de BNP Paribas Factor ou la location de véhicules d'entreprise d'Arval. Mais la part belle revient à des sociétés tierces, pour des domaines non financiers (sécurité informatique avec Kaspersky, site de e-commerce EProShopping, contrôle réglementaire de Veritas…) mais aussi pour l'assurance (avec +Simple), le paiement à distance (avec PayTweak)…

#LancezVous by BNP Paribas

La combinaison dans une plate-forme unique d'une check-list complète du montage (et des premiers pas) d'une entreprise avec les outils correspondants est une excellente approche pour les personnes qui, jusqu'à maintenant, étaient contraintes de rechercher les informations et les solutions nécessaires dans une multitude d'endroits distincts, en ligne ou « en dur », chacun étant focalisé sur telle ou telle spécialité. Avec l'attrait supplémentaire des réductions accordées, #LancezVous devrait être irrésistible.

Pourtant, elle le serait probablement encore plus si elle prenait mieux son utilisateur par la main. En particulier, la personnalisation du parcours et des partenaires suggérés en fonction du secteur visé constituerait un atout important, surtout si le catalogue continue à s'enrichir, en évitant de mentionner des tâches sans objet (telles que la sélection d'un emplacement commercial dans le cas d'un éditeur de logiciels ou l'obtention d'une certification dans les métiers non réglementés). Peut-être pour une prochaine version…

À terme, il restera à déterminer comment le dispositif cohabite avec la banque : se contentera-t-il d'exposer les produits maison, comme une simple vitrine, ou se prolongera-t-il en une véritable plate-forme de services, la tendance à l'ouverture permettant d'automatiser les échanges de données pour plus d'efficacité (ainsi que l'ont déjà mis en place quelques institutions financières) ? Enfin, l'émergence de démarches variées ciblant les petites entreprises – dont la nouvelle tentative de lancement d'une communauté sur Twitter – soulève aussi la question de leur cohérence et de leur convergence…

jeudi 26 septembre 2019

SalaryFits invite la banque chez les employeurs

SalaryFits
L'édition d'automne 2019 des conférences Finovate vient de s'achever, affichant une nouvelle fois une forte prédominance de solutions techniques à destination des institutions financières, orientées, notamment, vers la personnalisation d'offres via l'intelligence artificielle. Ma sélection du jour s'écarte toutefois de cette dernière tendance.

La promesse de SalaryFits, une jeune pousse d'origine portugaise (fondée en 2016), est également dans l'air du temps, puisqu'elle touche au bien-être financier des salariés. Soucieuse de réduire les problèmes chroniques d'engagement au travail, d'absentéisme, voire de santé, des personnes qui rencontrent des difficultés avec l'argent, elle a conçu et développé une plate-forme sur laquelle elle cherche à rassembler les banques, les entreprises et leurs collaborateurs au sein d'une convergence d'intérêts.

Concrètement, le dispositif comprend trois parties complémentaires. D'un côté, les employeurs sont invités à connecter leur système de paye. Pour leur part, les fournisseurs vont mettre à disposition une palette de produits – porte-monnaie électronique, carte de crédit, prêt à la consommation, assurance, protection santé, retraite, fonds d'investissement… – en profitant des avantages dégagés par l'interface ainsi mise en place, entre garantie de revenus et possibilité de prélèvements directs sur le salaire.

Enfin, l'employé a accès à un portail personnalisé, où il trouvera les solutions dont il a besoin afin de surmonter une mauvaise passe ou, plus généralement, de réduire son stress dû à des questions d'argent, à des conditions plus favorables que s'il devait recourir à des acteurs (ou des requins) ne le connaissant pas, qui seront d'autant plus réticents s'il n'a pas un long historique immaculé, et en évitant l'embarras de demander à son responsable une avance sur sa paye ou d'emprunter auprès d'un collègue.

SalaryFits

Pour l'entreprise, tout ce qui peut améliorer la qualité de vie des collaborateurs, et leur productivité, est bon à prendre, surtout quand cela ne lui coûte rien, à l'exception d'une intégration technique relativement simple (déjà réalisée avec une centaine de progiciels du marché). Quant aux institutions financières, elles devraient se laisser attirer par la perspective d'une clientèle plus ou moins captive, dont une partie leur échappe car en dehors des circuits traditionnels, qu'elle peut alors aborder sans risque inconsidéré.

À l'arrivée, c'est donc une véritable approche d'agrégation de services que propose SalaryFits, dont la valeur ajoutée réside dans sa capacité exclusive à établir une relation (commerciale) entre des banques et des consommateurs qui n'ont pas naturellement vocation à se rencontrer, en capitalisant sur la confiance que procure aux premières l'employeur des seconds (et les garanties qu'il apporte implicitement).

En revanche, il faut souligner une lacune par rapport à l'ambition affichée d'œuvrer pour le bien-être financier des individus, à savoir que, au-delà de l'accès qui leur est donné à des moyens jusqu'alors hors de leur portée, ils apprécieraient certainement de bénéficier en sus d'un accompagnement intelligent afin de les aider à les utiliser à bon escient, plutôt que d'être livrés à eux-mêmes avec un catalogue de produits. Peut-être la startup reviendra-t-elle à un prochain Finovate avec le soupçon d'intelligence artificielle qui comblera le vide… et la ramènera dans le club des tendances incontournables !

mercredi 25 septembre 2019

Google analyse les dommages pour USAA

USAA
Elle n'est pas la première compagnie d'assurances à glisser un peu d'intelligence artificielle dans ses procédures d'évaluation des dommages aux véhicules, mais la démarche de l'américaine USAA révèle une stratégie pragmatique, conçue avec des partenaires leaders dans leurs domaines, dont Google pour l'analyse d'images.

Le partenariat entre les deux firmes n'est pas tout neuf et il trouve ici une concrétisation intéressante. En pratique, l'assuré pourra transmettre des photographies de sa voiture victime d'un accrochage, qui sont alors analysées en temps réel par les algorithmes d'apprentissage automatique de Google afin de déterminer les parties de carrosserie affectées. Le résultat est ensuite envoyé vers un troisième acteur, Mitchell International, dont le rôle consiste à rechercher les pièces (génériques) dans les catalogues des constructeurs et réaliser une estimation du coût réel des réparations.

À ce stade, comme il arrive encore souvent avec les applications de l'intelligence artificielle (et les incertitudes qui subsistent sur leurs performances), le dossier est finalement remis à un professionnel des sinistres automobiles, qui valide le montant du dédommagement établi par les logiciels ou apporte les ajustements qu'il estime nécessaire. Touche finale, ses éventuelles corrections sont systématiquement réinjectées dans les modèles mis en œuvre, de manière à améliorer continuellement la qualité de leurs calculs (jusqu'à, un jour, remplacer totalement l'humain dans le processus).

Analyse d'image de Google

Naturellement, un objectif de l'initiative, à l'instar des équivalents qu'on a déjà vu déployés à l'occasion de catastrophes naturelles (exploitant l'imagerie aérienne), est de limiter la charge de traitement manuel, parfois disproportionnée par rapport à l'indemnisation considérée. Sans surprise, pour éviter d'évoquer prématurément les opportunités de réduction d'effectifs qu'entraînera inévitablement l'automatisation, USAA souligne qu'elle lui permettra avant tout de rediriger les efforts sur les cas les plus complexes.

D'un autre côté, le bénéfice est également sensible du côté des assurés, car, sauf circonstances exceptionnelles, leur déclaration sera gérée avec une célérité incomparable, aboutissant, dans un idéal proche, à une prise en charge des frais de réparation en quelques heures, sans démarches chronophages, sans visite d'expert…, en un mot, sans complication inutile. La perspective est trop attractive pour être ignorée.

Une question que soulève l'approche d'USAA est son choix de ne pas recourir à une des jeunes pousses, de plus en plus nombreuses, qui proposent des services de ce genre « clés en main » et, au contraire, d'assembler elle-même les briques technologiques dont elle a besoin. La réponse réside simplement dans sa perception de sa différenciation concurrentielle dans le traitement des sinistres, matérialisée par l'intervention de ses évaluateurs humains (alors que l'analyse d'image et la reconnaissance de pièces sont banalisées)… en attendant que ses algorithmes parviennent à se substituer à eux.

mardi 24 septembre 2019

Une initiative pour une banque sans cœur

BIAN
Il était temps ! Une poignée de banques, prenant (enfin) pleinement conscience de la dangereuse impasse dans laquelle les mènent leurs vieux cœurs de systèmes informatiques, ont décidé de mettre en commun leurs ressources afin de définir une approche adaptée aux exigences contemporaines et résistante au risque d'obsolescence.

Quoi qu'en pensent les responsables de nombreux établissements, les composants techniques qui constituent les fondations même de la banque, souvent identiques à ce qu'ils étaient il y a plusieurs décennies (à une époque on n'existaient pas de services en ligne ou mobiles), ne sont plus en mesure de faire face aux enjeux actuels de multiplication des points de contact avec les clients, d'accélération constante des opérations, de réactivité aux nouveaux besoins et attentes, d'innovation permanente…

À vrai dire, la cause principale de leurs limitations n'est probablement pas tant l'âge de ces plates-formes que la manière dont elles se sont développées au fil des années, par accumulation de fonctions interdépendantes. En guise de confirmation, un signe qui ne trompe pas est l'hésitation et l'incertitude de quiconque est amené à répondre à la question : « qu'est-ce qu'un cœur bancaire ? ». Alors que, fondamentalement, il devrait s'agir uniquement du module de tenue de comptes, il comprend maintenant presque tous les métiers (certains y intègrent jusqu'à la gestion des clients, parait-il !).

Avec quelques fournisseurs de technologies (dont l'inévitable IBM), 6 institutions financières de premier plan – 4 américaines, Citi, JPMorgan Chase, PNC et Wells Fargo, et 2 asiatiques, Bangkok Bank et CIBC – admettent finalement que la situation est intenable et ont donc lancé une initiative au sein du BIAN, association dont la vocation est de définir un référentiel d'architecture informatique commun pour le secteur, afin de créer une plate-forme à l'état de l'art permettant d'aborder l'avenir avec confiance.

BIAN - La banque sans cœur

Le plan est d'autant plus ambitieux qu'il ne suffira pas de concevoir un nouveau système, simple remplacement du précédent, qui serait susceptible de retomber très rapidement dans les mêmes pièges, mais d'inventer un modèle radicalement différent, qui devra être à même de résister à l'usure du temps. La réponse proposée est donc une « banque sans cœur » (« coreless bank »), dans laquelle ce sont des services élémentaires, modulaires et interchangeables, qui assureront les indispensables fonctions de base.

Initialement, seul un projet pilote est envisagé, qui devrait couvrir quelques produits destinés au grand public (paiements, crédit à la consommation…) et, s'il est question d'implémentation effective, elle sera probablement laissée à la charge des partenaires technologiques de l'initiative. L'objectif serait de mettre à la disposition des banques un jeu de composants faciles à déployer (y compris sur des infrastructures infonuagiques), accessibles par l'intermédiaire d'API, pour réduire les adhérences.

Il restera cependant de sérieux obstacles à franchir avant de réaliser cette vision. Non sur la concrétisation de la plate-forme elle-même, puisqu'elle n'est guère qu'une déclinaison des bonnes pratiques d'architecture actuelles, mais sur la capacité des institutions financières à la mettre en place dans leur environnement. En effet, le principal frein à la modernisation des cœurs bancaires est et reste la transition entre deux systèmes, dont celui qui doit céder sa place est enfoui dans un amas inextricable.

lundi 23 septembre 2019

Vers la fin du paiement en ligne par carte ?

American Express
La menace doit commencer à sérieusement peser sur les opérateurs de paiement par carte, puisque, dans le sillage de Mastercard et Visa, c'est au tour du troisième géant occidental du secteur, American Express, de proposer, pour l'instant exclusivement au Royaume-Uni, une solution de règlement en ligne directement depuis un compte bancaire.

Grâce à l'ouverture des systèmes imposée par la deuxième directive de paiement (DSP2), et, plus spécifiquement, son volet consacré à l'initiation de paiement, le nouveau service « Pay by Bank Transfer » offrira aux e-commerçants, d'ici à la fin de cette année, une alternative efficace, sécurisée et quasi-universelle aux options classiques de paiement sur la toile, dont la plus répandue à ce jour est naturellement la carte. Une poignée de grandes enseignes britanniques ont déjà signé pour son implémentation.

Le consommateur qui choisit ce mode de règlement lors de la validation de son panier se verra d'abord présenter une liste de banques parmi lesquelles il sélectionnera l'établissement dans lequel il détient le compte à débiter. Il sera ensuite redirigé vers le site web de ce dernier, où il devra s'identifier et s'authentifier de manière à confirmer la transaction en cours, par l'intermédiaire de l'interface exigée par la réglementation.

American Express met en avant quelques avantages spécifiques de cette solution, autant pour les marchands que pour leurs clients. Les premiers bénéficieront notamment de transferts instantanés sur leurs comptes bancaires, tandis que les seconds profiteront d'une expérience optimisée, leur évitant de devoir rechercher les informations de leur carte (mais leur imposant de connaître leurs identifiants d'accès à la banque en ligne) et leur donnant un aperçu du solde disponible avant de confirmer leur paiement.

AmEx - Pay with bank transfer

Les tentatives de ce genre ne datent pas d'hier, sans jamais rencontrer le succès. Cependant, la donne a aujourd'hui changé, car la DSP2 permet de lever (au moins) deux obstacles à la viabilité du concept. D'une part, l'obligation pour les institutions financières de mettre à disposition un service de paiement par API facilite la mise en œuvre d'un système fonctionnant en temps réel, quel que soit le teneur de compte de l'utilisateur.

D'autre part, les contraintes de sécurité qui s'appliquent maintenant aux paiements en ligne – avec l'obligation presque systématique de recourir à une authentification à deux facteurs, surtout pour des montants relativement élevés – tendent à réduire l'écart de confort entre l'utilisation d'une carte et la validation d'un mouvement bancaire, les frictions des parcours devenant similaires dans les deux cas – du moins tant qu'aucun progrès ne sera enregistré d'un côté ou de l'autre en matière d'expérience client.

Bien qu'il soit aisé de comprendre pourquoi AmEx et ses consœurs, pressentant le risque de désaffection de la carte, cherchent à se positionner sur l'approche susceptible de prendre l'ascendant, leur légitimité paraît précaire. Les généralistes du paiement en ligne (PayPal, Stripe…) ou encore les banques seraient certainement mieux placés. À moins que la réactivité ne soit la clé : hormis quelques cas isolés, les solutions opérationnelles sont rares et les premiers arrivés parviendront peut-être à tirer leur épingle du jeu…

dimanche 22 septembre 2019

Monzo veut étendre sa fonction anti-addiction

Monzo
Un peu plus d'un an après la mise en place de son système de blocage des transactions de jeux et paris en ligne et au vu du succès qu'il rencontre parmi ses clients, Monzo réfléchit à une déclinaison de son principe à d'autres addictions courantes. Selon toute vraisemblance, il lui faudra cependant diversifier son approche pour rester efficace.

Voilà une parfaite illustration des limitations des outils de gestion de finances personnelles passifs habituels et, a contrario, de la nécessité d'adopter une démarche proactive, parfois énergique, de conseil. Face aux petites mauvaises habitudes telles que les excès de dépenses sur les sites web de casino, poker et autres du genre, les méthodes culpabilisantes traditionnelles consistant à exposer les dérives a posteriori et invitant à faire plus attention à l'avenir n'ont quasiment aucun effet sur les comportements.

Avec la technique de verrouillage de Monzo, reprise depuis par plusieurs autres établissements britanniques, l'impact est non seulement plus direct et concret mais également mieux accepté par l'utilisateur. En effet, c'est ce dernier qui décide, en conscience, de s'interdire les dépenses dangereuses pour son équilibre budgétaire (et psychique, éventuellement), en sachant qu'une demande d'annulation de son geste, par un appel potentiellement embarrassant à sa banque, subira un délai de 48 heures.

Au-delà de la théorie, les résultats observés par Monzo confirment sans ambiguïté la puissance de la démarche. D'une part, les 140 000 personnes – sur 3 millions de clients au total – ayant activé le blocage, dont moins de 5% reviennent sur leur décision, valident l'attrait d'un dispositif volontaire, même si toutes ne sont pas victimes d'addiction. D'autre part, l'analyse statistique des données de leurs comptes permet de vérifier une réduction significative de l'asservissement au jeu chez ceux qui recourent à l'option.

Système de blocage de Monzo

Forte de cette première expérience, la néo-banque veut désormais la prolonger, toujours dans le même esprit d'aider les utilisateurs de ses services à améliorer leur bien-être financier. Sa prochaine idée vise d'autres dépendances bien connues : tabac, alcool, nourriture… La mise en œuvre est rendue complexe par la difficulté à identifier les achats correspondants, par exemple au sein d'un panier dans un supermarché. Mais le blocage des paiements à McDonald's (ou équivalent) constituerait un bon début.

À terme, Monzo devra toutefois aussi se pencher sur une seconde dimension de l'extension qu'elle projette. La réalité est que tout le monde ne réagit pas de manière identique aux stimuli et que, en particulier, le principe retenu laisse de côté les individus hésitant à franchir le pas du blocage complet, surtout dans les nouveaux domaines envisagés. Sa stratégie d'accompagnement de ses clients à travers un changement de leurs comportements lui imposera donc rapidement de personnaliser ses solutions.

Il n'existe jamais une réponse universelle à un besoin donné. Naturellement, il est possible d'identifier celle qui convient au plus grand nombre (comme dans le cas des accros au jeu), mais il faut également prendre en compte la variété des habitudes, préférences, environnements, événements… qui font que certaines personnes réagissent plus ou moins bien à telle ou telle impulsion. Il devient alors possible (et indispensable) d'offrir des approches distinctes, susceptibles de s'adapter à chaque profil.

samedi 21 septembre 2019

De la difficulté à imaginer une autre voie…

Forrester
Que les banquiers aient des difficultés à envisager une autre vision de leurs métiers que celle qui prévaut depuis des siècles, voilà qui est fâcheux mais compréhensible. En revanche, que les analystes de Forrester, qui entendent les conseiller et les accompagner dans leurs transformations, souffrent de la même paralysie est plus inquiétant.

Selon le compte-rendu publié par FinTech Futures d'une intervention d'Alyson Clarke (qui fait donc partie du cabinet) à l'occasion de la conférence Intersect 2019, celle-ci affirme que le facteur essentiel de la fidélité des clients à leurs institutions financières est l'interaction humaine, tandis que les outils « digitaux » seraient, a contrario, les moins importants. Cette certitude lui permet de conclure que les stratégies actuelles de désinvestissement dans les réseaux d'agence sont une erreur majeure.

Si je m'arrête aujourd'hui sur ce cas particulier d'aveuglement, c'est parce que le raisonnement qui le soutient est en apparence d'une logique inébranlable, qu'il est extrêmement répandu parmi les décideurs du secteur financier… alors qu'il comporte une faille critique que tout le monde persiste à ignorer, consciemment ou non.

Ainsi, Alyson Clarke estime que le meilleur moyen de satisfaire et, par conséquent, retenir les clients consiste à renforcer les compétences et l'autonomie des conseillers, qui doivent être capables d'établir des rapports chaleureux, posséder une expertise financière sans faille, développer un sixième sens grâce auquel ils savent repérer les personnes qui ont un besoin et s'organiser pour y répondre sans délai, en alignement avec l'impatience caractéristique de notre époque. Tout cela est vrai… sauf le point d'entrée !

Personne ne contestera que les consommateurs et les entreprises attendent aujourd'hui de leur banque qu'elle comprenne leurs attentes, qu'elle soit hyper-réactive, qu'elle maîtrise les arcanes de la finance (c'est la moindre des choses, non ?)… J'ajouterais à cette panoplie la transparence et l'accessibilité. Reste alors le contact humain : pourquoi ces qualités devraient-elles être obligatoirement portées par un conseiller en chair et en os ? Une plate-forme bien conçue ne pourra-t-elle pas toujours faire mieux ?

Croire que la technologie ne pourra pas prendre l'avantage parce qu'elle ne remplit pas le critère de proximité humaine, alors qu'elle peut satisfaire tous les autres besoins avec infiniment plus d'efficacité, est un étrange raccourci de l'esprit. Prédire, comme le fait Alyson Clarke, que les jeunes clients de Monzo reviendront dans les agences traditionnelles dès que leur vie les appellera à rechercher des produits plus sophistiqués est avoir bien peu de foi dans la faculté des néo-banques de changer le monde.

L'erreur à ne pas commettre est de considérer que la « digitalisation » de la finance se réduit à l'ajout d'interfaces web ou mobiles sur les services existants. C'est d'ailleurs un défaut qu'on retrouve quand une autre équipe de Forrester compare la maturité des établissements britanniques sur la base de leurs applications mobiles, en considérant essentiellement leur richesse fonctionnelle et leur expérience client (en l'occurrence, il semble qu'il soit surtout question d'ergonomie et de facilité d'utilisation).

En réalité, la vraie mutation commence quand l'ensemble des exigences des consommateurs et des entreprises sont mieux prises en compte par les logiciels que par les humains. La force de l'habitude n'a pas à ce jour provoqué de bascule massive mais, au fur et à mesure des progrès du conseil automatisé, de la réactivité aux demandes, de l'émergence de possibilités inédites…, arrivera un moment où l'écart sera devenu tellement flagrant que la disparition du contact avec un banquier ne sera plus un enjeu.

Voie de garage

vendredi 20 septembre 2019

Quand l'InsurTech déborde sur la banque

SingLife
Tandis que, en France, les tentatives des compagnies d'assurance de prendre pied dans les services bancaires se délitent progressivement – la cession par la Macif de Socram Banque à Arkéa en étant le dernier épisode en date –, une jeune pousse singapourienne nous donne l'exemple d'une approche combinant intelligemment les deux univers.

SingLife, fondée en 2017 et première à obtenir une licence complète d'assureur dans le pays depuis 1970, ciblait jusqu'à maintenant le domaine de la santé, avec deux contrats pour les maladies graves et le cancer, assortis d'une troisième solution de couverture en cas de décès. Désormais, elle étend son champ d'action vers une protection générale contre les accidents de la vie, qui sera prochainement concrétisée par le lancement d'une garantie du risque de licenciement… et d'un compte d'épargne.

Ce dernier a de quoi surprendre, mais la startup justifie son introduction en estimant que les économies des consommateurs constituent, elles aussi, un facteur important de bien-être au quotidien et qu'elles méritent à ce titre d'être protégées. Joignant les actes aux discours, elle promet un rendement élevé sur les fonds déposés (2,5% sur les premiers 10 000 SGD, à ce jour), qui restent totalement disponibles. Au-delà de ces caractéristiques classiques, SingLife ajoute deux ou trois petits plus pour séduire.

En premier lieu, elle offre une carte de débit adossée directement au compte d'épargne, ce qui permet de lever toute ambiguïté quant à sa liquidité effective. Pour faire bonne mesure, la dite carte porte elle-même quelques avantages, tels que l'absence de frais sur les transactions réalisées à l'étranger. En outre, l'ensemble est entièrement gratuit, la seule contrainte étant le dépôt minimal (de 500 SGD) exigé à l'ouverture.

Carte SingLife

Cependant, le plus intéressant dans la démarche est ailleurs. Il réside en effet dans les réponses que SingLife apporte – quoique sous une forme expérimentale, à ce stade – à la grande question que se posent, de manière plus ou moins insistante, beaucoup de ses consœurs : comment convaincre des utilisateurs que l'intégration de produits bancaires au cœur de l'assurance leur profite ? De plus, la jeune pousse explore simultanément la possibilité de nouvelles synergies susceptibles de stimuler son activité principale.

Une application mobile combinant les fonctions aujourd'hui standards d'une carte de paiement – notification instantanée des dépenses, suivi du solde, des transactions et des intérêts perçus au jour le jour… – et une gestion à 360° des garanties souscrites constitue un des principaux éléments de cette stratégie. D'une part, elle matérialise l'idée que l'épargne fait partie de la protection individuelle et, d'autre part, elle encourage le maintien d'une relation régulière avec l'assureur (le défi numéro 1 du secteur).

Enfin, l'inclusion automatique d'une couverture décès (gratuite) à l'ouverture du compte d'épargne – certes pour un montant modeste (5% du total des dépôts) – est une autre manière, habile, de renforcer le lien entre les deux mondes, avec une dimension promotionnelle attractive et une incitation subtile à se pencher sur les bénéfices de cette assurance, souvent mal connue et entourée d'une mauvaise image. Le client pourrait être ainsi amené à compléter le montant de sa garantie, voire souscrire d'autres produits.

Le résultat de l'initiative de SingLife est un délicat assemblage de concepts éprouvés et d'idées originales, qui, si aucun d'eux n'est en mesure, seul, de réduire la difficulté pour les assureurs de valoriser leurs incursions dans la banque, peuvent, ensemble, catalyser le vieux rêve d'un mariage avantageux pour toutes les parties prenantes.

jeudi 19 septembre 2019

Le Crédit Agricole innove pour les entrepreneurs

Crédit Agricole
Longtemps négligés par les institutions financières, les entrepreneurs commencent à voir leurs besoins mieux pris en compte. Bien sûr, ce sont des startups (Qonto, Shine…, en France) qui ont détecté l'opportunité les premières. Mais, depuis peu, elles sont rejointes par quelques établissements traditionnels, à l'instar du Crédit Agricole.

En l'occurrence, avec le lancement de sa plate-forme JeSuisEntrepreneur.fr, la banque verte choisit une cible très spécifique, puisqu'elle porte sur des services non financiers et sur la seule phase de création d'activité, celle-ci étant éminemment stratégique dans une logique de présence et de reconnaissance, en amont d'une possible entrée en relation commerciale. L'objectif visé est donc d'accompagner les premiers pas d'une nouvelle société, avec quelques outils classiques et d'autres plus originaux.

L'utilisateur pourra, par exemple, préparer son plan d'affaires complet, sur la base duquel il lui sera ensuite possible de déterminer automatiquement les financements à prévoir. Une comparaison de ses projections avec les comptes d'autres acteurs opérant dans le même secteur que lui – élaborée à partir d'un référentiel d'un demi-million de liasses fiscales d'entreprises françaises – fournit en outre un puissant moyen de contrôle des hypothèses retenues et contribuera à éviter maints oublis et incohérences.

Il bénéficiera d'explications (relativement standards) sur les différents statuts juridiques et les critères à intégrer afin de sélectionner le plus approprié. Grâce à un partenariat avec le spécialiste Captain Contrat, les démarches administratives de constitution de la structure pourront également être prises en charge (mais il s'agit alors d'une option payante, tandis que tout le reste est gratuit). D'autre part, une section présente l'ensemble des aides et subventions accessibles en fonction des caractéristiques du projet.

Accueil JeSuisEntrepreneur.fr

Plus intéressant, l'artisan ou le commerçant – qui, s'il faut en croire les listes de choix à l'inscription sont, en réalité, les seules professions visées (ce qui mériterait d'être explicité) – découvrira un assistant logiciel lui permettant de rechercher sur une carte géographique son lieu d'implantation idéal, en fonction des prix de l'immobilier et de l'environnement concurrentiel existant. Enfin, à tout moment, un conseiller (du réseau bancaire, apparemment) peut être contacté pour répondre aux questions des visiteurs.

Si la plate-forme JeSuisEntrepreneur.fr représente une étape convaincante dans la transition vers une approche personnalisée des attentes d'une catégorie de clients (particulièrement mal servie aujourd'hui, qui plus est), elle ne constitue qu'un début bien timide au regard de ce qui serait vraiment nécessaire. Ainsi, la vie quotidienne de l'entreprise, après sa création, mériterait aussi un sérieux coup de pouce, notamment sur la mise en adéquation de l'offre avec les circonstances spécifiques rencontrées.

Mon petit doigt me signale que BNP Paribas serait sur le point de dévoiler officiellement une solution proche de celle du Crédit Agricole. Elle devrait toutefois aborder le sujet sous un angle suffisamment différent pour justifier une future comparaison (et créer de l'émulation). Dans l'intervalle, ne perdons pas de vue que ces nouveaux dispositifs ont certainement vocation à progresser. Il reste donc à espérer qu'ils s'enrichissent rapidement, au fil des réactions et des demandes de leurs premiers utilisateurs…

mercredi 18 septembre 2019

Non, un besoin ne se résume pas un produit !

Citizens Bank
En apparence, voici une banque qui se lance dans une grande transformation au cours de laquelle elle tente d'imprimer une nouvelle perspective sur ses métiers, en plaçant le client au centre de ses préoccupations. Hélas, comme il arrive souvent, même en 2019, les vieilles habitudes reprennent le dessus… et rien ne change réellement.

Dans son principe, la démarche de l'américaine Citizens Bank, baptisée « Made Ready » et appuyée par une importante campagne de communication, est parfaitement alignée avec les tendances actuelles du secteur. Elle émane du constat universel de la diversité des situations des consommateurs, dans leur vie personnelle et professionnelle, et de la prise de conscience que la banque doit impérativement s'adapter aux circonstances de chaque individu pour remplir sa mission dans les meilleures conditions.

Forte de cette conviction, l'institution financière affirme qu'elle apporte une solution optimisée, en s'efforçant d'établir l'indispensable lien entre les objectifs visés et les actions à entreprendre. Idéalement, et concrètement, il s'agirait donc d'accompagner chaque client dans la réalisation de son potentiel, depuis la découverte et la compréhension de ses ambitions jusqu'à la sélection et la mise en place des produits et services qui permettront de lui offrir une expérience simple, pratique et ultra-personnalisée.

La présentation est impeccable et la vision d'avenir qu'elle porte est incontestablement juste… mais comment Citizens Bank traduit-elle sa promesse dans les faits ? Même si on peut admettre que les évolutions requises pour atteindre une telle cible sont impossibles à exécuter d'un claquement de doigts, le pire est probablement à craindre, à en croire la restitution qui en est faite, pour l'instant, sur sa page d'accueil.

Citizens Bank – Made Ready

D'emblée, il est clair que, si changement il y a dans la manière dont la banque appréhende ses métiers, il n'est résolument pas question de révolution. Ainsi, la première accroche visuelle reste, sans équivoque, une liste de choix… de produits (comptes courants et cartes de crédit, crédit personnel et immobilier, planification de la retraite, prêt et refinancement à destination des étudiants, investissement). Centrée sur le client ? La marque semble plutôt focalisée sur ses propres thèmes d'intérêt.

Plus grave encore, quand apparaît le concept « Made Ready » (juste après cette première partie, il est vrai), on comprend que toute l'opération se résume à un ré-habillage cosmétique. En effet, derrière le titre évoquant un besoin (prêt pour la prochaine étape, prête à réaliser un rêve, prêts à envoyer de l'argent rapidement…), de nouveau, Citizens Bank rebondit immédiatement sur un produit, sans même prendre la peine d'enrober sa suggestion dans un récit susceptible de créer l'empathie chez le visiteur.

Naturellement, il est difficile pour une institution financière de se débarrasser de modèles pluri-centenaires et, littéralement, d'inverser son approche historique de son activité. Cependant, quand elle commence à percevoir la nécessité d'adopter une posture différente, il faudrait qu'elle prenne la précaution, au préalable, d'oublier ses anciennes pratiques et qu'elle se force à repartir d'une feuille blanche. S'il est une seule leçon que l'industrie peut retirer de l'épanouissement de la FinTech, c'est bien celle-là.

mardi 17 septembre 2019

Avec l'IA, les banques marchent sur des œufs

Banque TD
Alors qu'elle n'en est aujourd'hui qu'à ses balbutiements, l'intelligence artificielle est déjà omniprésente – sinon dans nos vies, du moins dans les médias – tantôt diabolisée, tantôt parée de toutes les vertus. Les banques qui réfléchissent à ses applications sont donc sous pression pour tenter de concilier innovation et confiance des clients.

Quand TD interroge les consommateurs canadiens, le conflit latent ressort immédiatement. D'un côté, une immense majorité (72%) d'entre eux est à l'aise avec l'idée que l'IA soit employée par les entreprises afin de leur offrir des services plus performants, plus personnalisés. De l'autre, ils sont à peu près aussi nombreux à exprimer des inquiétudes, sur l'impact de ces technologies sur la société, sur leur capacité à en comprendre les risques et sur les implications de l'utilisation de leurs données privées.

Face à cette ambivalence inextricable, les institutions financières se trouvent fort embarrassées, à juste titre quand elles craignent d'éroder la confiance de leurs clients si ces derniers perçoivent négativement leurs initiatives (comme il est arrivé à plusieurs reprises depuis quelques années avec l'exploitation des informations des comptes), mais aussi de manière excessive lorsque ces réticences conduisent à une paralysie quasiment totale et au renoncement à saisir les opportunités qui se présentent.

Sous prétexte qu'elles ne peuvent en aucun cas mettre en danger la relation étroite qu'elles entretiennent avec leurs clients, ce qui leur interdit de se comporter comme des startups ou des géants technologiques – inconséquents, peut-on lire entre les lignes – n'hésitant jamais à repousser les frontières toujours plus loin, quitte à revenir en arrière lorsque leurs utilisateurs ne les suivent plus, elles ont en effet tendance à se pétrifier. C'est pourquoi TD veut comprendre les peurs, puis trouver les solutions possibles.

TD - IA Responsable et Services Financiers

La première préoccupation des consommateurs vis-à-vis de l'intelligence artificielle étant la menace qu'elle représente sur leur libre-arbitre (et celui de leur banque), leur exigence prioritaire est, sans surprise, la transparence absolue. Ils demandent donc seulement à savoir (et pouvoir décider) quand, comment et à quelles fins leurs données personnelles sont exploitées, mais également de pouvoir à tout moment se faire expliquer le résultat d'un algorithme ou, plus largement, la motivation d'une décision automatisée.

Le second axe de réassurance à aborder impérativement concerne les biais des modèles mis en œuvre, contre lesquels il ne suffira pas de démontrer qu'ils peuvent être identifiés et rectifiés a posteriori. Leurs victimes potentielles veulent qu'ils soient éliminés en amont. Dans le registre des discriminations, par exemple, cela impliquerait d'introduire plus de diversité, autant dans les échantillons de données utilisés que parmi les concepteurs des applications de l'IA (et leur hiérarchie, jusqu'au sommet).

Ces deux grands principes résument les enjeux éthiques que les institutions financières ont à adresser avant de s'aventurer sérieusement dans l'intelligence artificielle (ou, plus vraisemblablement, l'apprentissage automatique). Mais, une fois cette certitude établie, pas question de se lamenter sans fin sur les difficultés : il faut maintenant transformer les idées en actes et instaurer les mécanismes concrets qui assureront la transparence et l'éradication des biais. Sinon, le train de l'innovation passera sans s'arrêter.

lundi 16 septembre 2019

CommBank aide ses clients à réclamer leur dû

CommBank
Décidément, après un long passage à vide, l'australienne CommBank revient depuis quelques mois à grands pas au sommet de l'innovation, qu'elle occupait autrefois. Sa dernière réalisation en date est un service totalement inédit (à ma connaissance), qui ressort pourtant comme une évidence éclatante quand on en découvre le mécanisme.

Le « Benefits Finder », désormais intégré à l'application de la banque, propose à ses clients de procéder à une analyse de l'historique de leurs transactions afin de déterminer, grâce à des algorithmes à base d'apprentissage automatique, leur éligibilité à divers avantages, qui peuvent aller d'un remboursement des frais d'immatriculation automobile (à la suite d'un changement de mode de calcul) jusqu'aux aides pour les activités extra-scolaires des enfants, en passant par des subventions aux économies d'énergie.

Pas moins de 250 sources possibles sont actuellement recensées par l'outil, cumulant une bonne partie des quelques 10 milliards de dollars que les consommateurs perdraient globalement chaque année, selon une estimation de CommBank, soit par méconnaissance des dispositifs, soit par flemme de réaliser les démarches nécessaires à leur obtention. En mettant les opportunités en avant, accompagnées d'indications pratiques et de quelques encouragements, l'institution espère changer la donne.

CommBank - Aussies missing out on $10 billion in unclaimed benefits each year

De telles recommandations sont indiscutablement bienvenues… mais laissent tout de même une légère impression d'inachevé. À l'instar des solutions, de plus en plus nombreuses, qui promettent de chasser les dépenses indues ou de négocier les frais bancaires, en prenant en charge l'ensemble des démarches, pourquoi celle-ci ne lance-t-elle pas elle-même les procédures qu'elle suggère (après confirmation par le consommateur de son accord) ? Voilà qui rendrait le concept beaucoup plus efficace.

En l'état, l'initiative de CommBank constitue tout de même une magnifique démonstration à la fois du potentiel considérable que recèlent les données bancaires (s'il en était encore besoin), à travers un cas d'usage original, et, surtout, de la faculté pour une institution financière d'adopter un véritable rôle de partenaire du client pour toutes ses questions et problématiques liées à l'argent, en relation ou non avec les produits qu'elle commercialise. Quand, en plus, cette posture conduit à des économies ou des gains directs pour l'intéressé, on se prend à rêver qu'un autre modèle de banque est envisageable…

dimanche 15 septembre 2019

L'autre attaque des GAFA sur la finance

Toutes les institutions financières – et même les banques centrales, depuis l'annonce de Libra – s'inquiètent de la concurrence que commencent à exercer les géants du web sur leurs métiers. Mais un autre genre de menace, déjà à l'œuvre, est susceptible de provoquer à moyen terme une crise majeure pour l'ensemble du secteur.

Le terrain sur lequel s'est engagé cette bataille vitale est celui des ressources humaines et les forces en présence y paraissent de plus en plus déséquilibrées. D'un côté, les grandes entreprises de la technologie maintiennent un appétit inextinguible pour des spécialistes de tous les domaines de l'informatique, surtout les plus en pointe. De l'autre côté, les groupes financiers cherchent à monter en puissance au fur et à mesure de leur prise de conscience que le logiciel constitue le cœur de leur activité.

Afin de combler leurs besoins quasiment infinis, les premières adoptent des démarches agressives, depuis les recrutements occasionnels des meilleurs éléments issus des banques jusqu'à l'installation de bureaux satellites au plus près des centres névralgiques de la finance. Facebook prévoit par exemple de doubler ses effectifs dans ses locaux de New York au cours des 3 à 5 prochaines années – dont plus de la moitié seront des ingénieurs – et une bonne partie d'entre eux viendront certainement de Wall Street.

De leur côté, les banques sont, elles aussi, dans une phase d'expansion et elles cherchent à renforcer leurs équipes informatiques à marche forcée. Non seulement ont-elles toujours besoin de personnes capables de prendre en charge les systèmes qui assurent le fonctionnement de leurs opérations « habituelles », mais elles veulent en outre saisir les opportunités (réelles ou supposées) des dernières technologies en vogue, telles que la science des données, l'intelligence artificielle, la blockchain…


Avec l'arrivée des GAFA dans leur jardin, leurs difficultés à remplir les postes ouverts vont se multiplier, décuplées par la nécessité de remplacer les collaborateurs qui répondront à l'appel de ces sirènes. L'enjeu est évidemment phénoménal quand on considère l'état actuel de l'industrie financière traditionnelle : le retard pris dans sa transformation numérique ne pourrait que s'aggraver si les personnes nécessaires à son exécution font défaut, peut-être jusqu'à un niveau d'obsolescence impossible à rattraper.

Les acteurs historiques vont donc devoir redoubler d'efforts pour affronter la concurrence à l'embauche et il ne pourra s'agir seulement de faire monter les enchères sur les salaires (ils ne sont pas certains de gagner à ce jeu) ou de faire miroiter des avantages superficiels. Là encore, la pression s'accroît pour insuffler un vrai changement dans la culture d'entreprise, afin qu'elle réponde aux attentes profondes des employés, et pour abandonner les technologies et pratiques antédiluviennes, qui tuent leur motivation.

Un dernier mot destiné aux banquiers qui imagineraient que les tourments de Wall Street ne les concernent guère : surveillez les nouvelles installations des GAFA dans les grandes capitales mondiales – notamment leurs laboratoires d'intelligence artificielle – et demandez-vous si vous êtes en mesure d'offrir les mêmes atouts que celles-ci aux candidats que vous rencontrez… Enfin, si vous avez l'impression que votre capacité de recrutement n'est pas entamée, pensez-vous avoir trouvé les stars dont vous avez besoin ou ne vous seriez-vous pas contenté de seconds-couteaux ?

samedi 14 septembre 2019

TransferWise, l'extrémiste de la transparence

TransferWise
Aux dernières nouvelles (déjà anciennes), TransferWise gérait 4 milliards de livres sterling de transferts par mois, pour le compte de plus de 5 millions de clients, et était (légèrement) profitable. Ce succès a été entièrement construit sur des valeurs de transparence, dont la concrétisation franchit maintenant une étape supplémentaire.

Née d'une frustration personnelle d'un de ses co-fondateurs vis-à-vis de la manière dont sa banque (HSBC) communiquait sur ses frais de change (en « oubliant » de mentionner la marge appliquée au taux officiel), la jeune pousse a fait de cette fourberie du secteur son principal avantage concurrentiel, devant même sa promesse d'offrir le service le moins cher du marché, et a donc systématiquement adopté une approche offensive de présentation toujours claire et ostensible des coûts réels des transactions.

En particulier, l'utilisateur qui entame une opération dans l'application mobile de TransferWise est notifié du montant exact des frais encourus, immédiatement après la sélection des devises impliquées et la saisie du montant à envoyer. Or, dorénavant, une option additionnelle (uniquement sur la version Android, pour l'instant, mais bientôt aussi sur iOS) lui donne en outre accès à une répartition détaillée de la somme correspondante, entre les différentes charges de l'entreprise (pour son fonctionnement, son développement, le service client…), sa marge et le change proprement dit.

Transparence selon TransferWise

En pratique, au-delà de la position de principe qu'il réaffirme, il n'est pas certain que cet ajout apparaisse comme un grand progrès dans l'esprit des adeptes de la marque, la plupart ne possédant pas les références nécessaires pour juger de la pertinence des chiffres révélés. En revanche, il représente un formidable pied de nez aux institutions financières historiques qui commencent à être tentées de donner un peu plus de visibilité à leurs tarifications, car, en l'état, elles ne peuvent absolument pas lutter sur ce terrain.

D'une certaine manière, la startup introduit de la sorte une nouvelle perspective dans sa bataille pour la transparence. Si initialement son seul objectif était d'inspirer la confiance indispensable à la conquête de ses premiers clients, en soulignant l'opacité des acteurs traditionnels en comparaison de sa propre attitude, il s'agit désormais de renforcer le sentiment plus profond que son efficacité opérationnelle inégalée est un facteur de viabilité sur le long terme, au bénéfice des utilisateurs de ses services.

Face aux trublions de la FinTech, l'industrie financière est prompte à réagir, parfois désespérément, par des baisses de prix, avec le secret espoir que de tels ajustements suffiront à écarter la menace des nouveaux entrants et leurs produits gratuits (ou presque) qui, pense-t-elle, ne pourront le rester éternellement. Avec son initiative, TransferWise lui montre – ainsi qu'à ses clients, indirectement – qu'elle fait fausse route et que ses modèles économique et technologique sont structurellement voués à disparaître.

vendredi 13 septembre 2019

Les outils de gestion de budget ne servent à rien

Varo
Je l'affirme depuis longtemps : les plates-formes de gestion de finances personnelles qui se contentent de présenter une synthèse – aussi esthétique soit-elle – des mouvements d'argent passés n'intéressent pas la majorité des consommateurs. Il semblerait maintenant que les outils d'épargne par projet ne leur soient guère plus utiles.

La décision de la néo-banque californienne Varo de retirer un service de ce genre de son application mobile est, à ma connaissance, inédite. Au contraire, après la vague des startups spécialisées, ce sont désormais les établissements traditionnels qui commencent à introduire le principe au sein de leurs offres. Après tout, qui oserait douter que la faculté de décrire son rêve et d'y associer une cagnotte, accompagnée d'incitations à l'alimenter, ne peut que séduire quiconque éprouve des difficultés à épargner ?

C'est pourtant ce que nous dit Varo à travers son choix de remplacer sa fonction de création et suivi de projets (et son tableau de bord multi-comptes, incidemment) par des promotions personnalisées. Et même si les esprits chagrins qui insinuent que le changement est motivé par des considérations économiques (via commissions) n'ont peut-être pas entièrement tort, l'explication officielle selon laquelle son option d'épargne ciblée était fort peu exploitée est certainement fondée et mérite d'être explorée.

En réalité, ces dispositifs suivent probablement un cycle d'adoption similaire à celui qui caractérise la plupart des utilisateurs de PFM : dans un premier temps, l'attrait de la nouveauté, la qualité des interfaces, la motivation à améliorer son comportement financier… stimulent l'intérêt et génèrent un engouement indéniable. Malheureusement, au bout de quelques mois, la passivité de la solution et/ou sa monotonie – quand elle tente de provoquer des interactions – conduisent à la lassitude et à l'abandon.

Varo – This is no-fee banking

Pour l'exprimer différemment, toutes ces tentatives visant à encourager les consommateurs à changer leur attitude vis-à-vis de l'argent s'appuient sur un levier initial de conquête – la promesse de valeur – extrêmement puissant et universel… mais elles intègrent très rarement les composantes nécessaires pour entretenir dans la durée l'engagement du client indispensable à une gestion de finances personnelles efficace, qu'il s'agisse d'atteindre un objectif, de préparer l'avenir, de maîtriser son endettement…

Dans le cas de Varo, le retour en arrière se définit plutôt comme un nouveau point de départ dans la recherche de ce que ses utilisateurs attendent véritablement. D'une part, la minorité d'adeptes de son ancien tableau de bord retrouvera les mêmes informations à un autre endroit, moins central, de l'application. D'autre part, l'assistance à l'épargne se focalisera plus sur les gestes concrets à accomplir (et les mécanismes qui en favorisent l'exécution) afin de mettre de l'argent de côté, quelle qu'en soit la finalité.

Les services financiers ont cette particularité de reposer sur une relation obligatoirement de long terme. En conséquence, sauf à compter sur une contrainte sans grande valeur intrinsèque (par exemple posséder un compte pour percevoir son salaire ou une carte pour régler ses achats), les solutions proposées doivent impérativement comporter une forte dimension de durabilité dans leur approche, qui fera que les clients continueront à percevoir les bénéfices obtenus au-delà de l'excitation de la première heure.

jeudi 12 septembre 2019

L'étrange scoring à 2 vitesses de Franfinance

Société Générale
Quand Franfinance, la filiale de crédit à la consommation de Société Générale, annonce qu'elle met en œuvre une nouvelle approche de scoring des emprunteurs, elle donne l'impression de revenir au niveau des leaders en la matière. Hélas, en la plaçant en seconde ligne, dans une sorte d'hésitation incompréhensible, elle rate totalement le coche.

Introduit au début de l'été dans sa plate-forme de souscription, le service est incontestablement à l'état de l'art des méthodes alternatives d'évaluation du risque de défaut basées sur l'exploitation de données tierces. Ainsi, après avoir invité le demandeur à connecter son compte bancaire principal et ses comptes associés, par l'intermédiaire de l'agrégateur de Boursorama (issu de l'acquisition de Fiduceo), une analyse des transactions enregistrées permet de déterminer son éligibilité au prêt sollicité.

Mais pourquoi diable Franfiance fait de cet outil de simplification de l'expérience utilisateur une option de secours, proposée uniquement en cas de rejet d'un dossier déposé via le processus standard, alors que tant d'acteurs ont déjà démontré l'efficacité des techniques retenues ? Imaginez un instant le parcours (du combattant) à suivre : il faut remplir le formulaire classique, transmettre les pièces justificatives associées, attendre la réponse et, si elle est négative, reprendre les démarches avec la connexion bancaire…

Naturellement, on peut comprendre la préoccupation de l'établissement d'ouvrir ses produits aux personnes exclues du système traditionnel. En revanche, il est inconcevable d'espérer atteindre cet objectif dans des conditions optimales en sacrifiant la fluidité de l'expérience. Tel qu'il est implémenté aujourd'hui, le parcours comprend tellement de frictions qu'il à toutes les chances de décourager les candidats au meilleur potentiel et de ne laisser passer qu'une poignée de demandeurs désespérés, sans grande valeur.

Franfinance réinvente l'octroi de crédit

Selon toute vraisemblance, c'est le syndrome du lâcher-prise qui conduit Franfinance à cette solution bancale : désireuse de profiter d'une innovation prometteuse, elle ne parvient pas à prendre la décision de la substituer à son dispositif historique, qui a fait ses preuves et suffit dans la majorité des cas. L'entreprise se retrouve de la sorte avec un monstre hybride qui va probablement aboutir à un échec retentissant… et la conclusion fausse que les consommateurs ne sont pas prêts à partager leurs données.

En réalité, il n'est même pas question d'abandonner l'ancien modèle de notation. Il « suffirait », pour limiter les désagréments, de donner le choix à l'utilisateur, dès l'entrée en relation, de la méthode la plus appropriée selon sa situation, en toute transparence. Les individus pouvant justifier d'un emploi à plein temps, par exemple, seraient dirigés vers la version classique tandis que les travailleurs indépendants, incapables de produire un bulletin de salaire, se verraient plutôt préconiser la nouvelle version.

En conclusion, je suis extrêmement triste de voir une institution financière se lancer dans un projet réellement innovant (même si les pionniers du domaine ont des années d'avance), le mener à bien en temps record (6 mois selon la communication officielle), réussir à le hisser jusqu'en production… et, pour finir, saboter complètement son déploiement, au risque de tuer non seulement une idée valide et pertinente mais aussi, plus largement, toute velléité d'expérimentation future dans le reste de l'organisation.

mercredi 11 septembre 2019

Quand la banque mobile innove vraiment

CommBank
Depuis que le smartphone moderne existe, les institutions financières se sont évertuées à créer des applications utiles pour leurs clients. Hélas, dans la plupart des cas, elles se sont contentées de transposer leurs fonctions existantes sur un petit écran. Aujourd'hui, CommBank montre comment il est aussi possible d'inventer une vraie banque mobile.

Observez les services proposés par votre établissement préféré sur votre téléphone : qu'il s'agisse d'une enseigne historique ou d'une startup, vous allez retrouver la consultation de vos comptes, la faculté d'exécuter des virements, de souscrire des produits, de recevoir quelques alertes…, toutes options qui, à bien y regarder, sont les mêmes que celles offertes depuis des siècles sous une forme ou une autre. Certes, leur disponibilité à portée de la main en toute circonstance est un progrès majeur… mais il devrait être imaginable de mieux capitaliser sur les caractéristiques uniques du mobile, non ?

Voilà justement la direction qu'essaie – encore timidement – de prendre CommBank et dont la dernière incarnation est un module de recommandation personnalisée à l'arrivée des remboursements d'impôts. Le principe est simple. Une fois par an, l'administration restitue aux contribuables l'excédent de leurs versements (via prélèvement à la source) par rapport à leur déclaration de revenus. Quand la manne tombe, beaucoup de bénéficiaires sont tentés de se faire plaisir, sans trop réfléchir.

Désormais, ceux qui sont équipés de l'application mobile de l'australienne auront une opportunité de s'interroger sur leurs priorités. Selon leur situation individuelle, le coach intelligent intégré va en effet leur suggérer la meilleure utilisation possible des fonds recouvrés dès qu'ils sont portés au crédit de leur compte. Par exemple, pour quelqu'un qui a un solde courant de plusieurs milliers de dollars sur sa carte de crédit, il pourrait s'agir d'affecter le montant remboursé par le service des impôts à la réduction de sa dette.

CommBank – Better for You

De toute évidence, l'approche est relativement triviale (selon le niveau de sophistication des algorithmes) mais elle ne peut être envisagée que sur smartphone, où la convergence de plusieurs facteurs est indispensable pour la concrétiser : automatisation, temps réel et personnalisation. L'arrivée quasi-simultanée des versements pour des millions de consommateurs, notamment, interdit d'envisager que des conseillers bancaires remplissent un tel rôle, tandis que la réactivité est la clé pour que les recommandations aient une chance d'être prises en compte avant qu'il ne soit trop tard.

Le cas d'usage est donc encore plus pertinent que celui, très proche, qui consiste à anticiper l'arrivée à échéance d'un compte à terme : plutôt que de seulement rappeler au détenteur qu'il va bientôt pouvoir disposer de son pécule (et des intérêts accumulés), l'application de CommBank profite de l'occasion pour proposer quelques options qui ont du sens dans son contexte et l'aide à s'y préparer (ce qui, incidemment, représente également pour la banque une opportunité de rebond commercial).

La route sera encore longue mais ces avancées pointent clairement vers l'avenir des services financiers, qui non seulement réinvente la notion de conseil, afin de rendre accessible à tout un chacun, grâce à l'automatisation, l'accompagnement individualisé jusqu'alors réservé aux plus nantis, mais en outre devient capable d'une efficacité inédite, dans la qualité des recommandations, dans le choix du moment (souvent en amont du besoin), dans la facilité de mise en œuvre… C'est cela, la banque « digitale ».