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mardi 31 décembre 2019

BBVA banque de l'année 2019

BBVA
Les années se suivent et se ressemblent. Si, à la fin de 2018, son changement de président exécutif pouvait induire des inquiétudes sur la continuité de sa stratégie, BBVA a certainement levé le doute en 2019, en redoublant d'initiatives audacieuses, qui la placent résolument en tête des institutions financières prêtes pour l'ère « digitale ».

Cédant aux coutumes du 31 décembre, avant de me livrer au traditionnel bilan des 365 jours écoulés sur ce blog, j'ai voulu vérifier quel était le billet – sur les 362 que j'ai publiés – qui avait recueilli le plus de lectures. Avec une avance confortable, c'est celui consacré à l'intégration, au Mexique, des services bancaires de BBVA dans l'application Uber qui emporte la palme. Et, avec le recul, il faut bien admettre qu'il s'agit de l'événement le plus porteur d'ambition de tous ceux que j'ai eu l'occasion de traiter cette année.

Tandis que la plupart des établissements européens sont toujours empêtrés dans l'implémentation des exigences d'ouverture de la DSP2 (autre sujet qui a connu un immense succès en 2019), dont ils ne comprennent visiblement toujours pas les enjeux et les opportunités, le groupe espagnol a pris les devants en élaborant une véritable stratégie à partir des principes de l'« open banking » et de la banque plate-forme. Face à ceux qui freinent des quatre fers devant le progrès inéluctable, BBVA accélère…

Sa vision est claire et elle trouve maintenant une première concrétisation : si le modèle opérationnel historique du secteur n'est pas appelé à disparaître du jour au lendemain, une nouvelle approche est en train d'émerger, qui fait des services financiers une composante invisible des parcours de vie du quotidien, d'abord pour les conducteurs Uber et les livreurs Uber Eats, mais bientôt pour tous les consommateurs et toutes les entreprises. À terme, la banque s'effacera derrière l'expérience qu'elle facilite.

Au cœur d'une industrie désespérément tournée vers le passé, pour laquelle la transformation « digitale » consiste tout au plus à adopter des outils web et mobiles en changeant le moins possible les processus en place, BBVA est un des rares acteurs qui y voient au contraire une manière de redéfinir ses métiers, de réinventer ses modèles économiques, de s'adapter aux évolutions du monde. La (vieille) prédiction, par son ancien président Francisco González, de la disparition de la moitié des banques de la planète est plus que jamais d'actualité et les leaders de demain creusent l'écart.

BBVA + Uber

Je vous souhaite une très belle année 2020 !

lundi 30 décembre 2019

L'émission de carte à la demande selon Natixis

Xpollens
Au début, une startup américaine, Marqeta, a eu l'idée de développer le principe d'une émission de carte de paiement à la demande, pilotée par API. Cinq ans plus tard, le reste du monde commence à en percevoir le potentiel. Après l'entrée en piste de Stripe et quelques autres, c'est au tour de Natixis de dévoiler sa solution Xpollens.

Conçue en collaboration avec Visa, la nouvelle offre propose aux jeunes pousses de la FinTech désireuses d'enrichir leur catalogue, aux commerçants souhaitant déployer leur propre instrument de paiement, aux entreprises en mal de contrôle des dépenses professionnelles de leurs collaborateurs… de définir le produit qui leur convient, simplement et rapidement, avec un maximum de flexibilité, en bénéficiant du professionnalisme d'une institution financière de premier plan.

Xpollens fournit ainsi une palette de services complète, comprenant la création de cartes physiques et virtuelles, avec design personnalisé, la gestion de plafond et de budget, le suivi des dépenses en temps réel, les traitements de base (autorisation, compensation, change, lutte contre la fraude)… Sont également prévus quelques fonctions additionnelles, telles qu'une option de conciergerie, un porte-monnaie virtuel, les virements et prélèvements, les échanges P2P… qui débordent du cadre de la carte.

Avec un tel assortiment, peut-être vaut-il mieux comparer le dernier bébé de Natixis à Treezor et sa plate-forme de « banque as a service » (accessible aussi par APIs, bien entendu), désormais partie intégrante du groupe Société Générale (depuis septembre 2018). La différence serait alors, s'il faut en croire la communication officielle de Xpollens, son agilité et sa réactivité incomparables, face à un modèle relativement traditionnel, dont l'immobilisme des derniers mois était justement questionné il y a peu.

Xpollens – Let your innovations bloom

Il semblerait cependant qu'il reste du chemin à parcourir pour parvenir au niveau de flexibilité qu'on attendrait de nos jours. Par exemple, quand Marqueta promet une intégration qui ne se mesure plus en mois mais en jours, Xpollens se contente prudemment d'affirmer être en capacité de co-construire avec ses clients une solution en moins de 100 jours. Non seulement le délai annoncé paraît-il long mais, surtout, il laisse entendre qu'une approche « sur mesure » et non « à la demande » est privilégiée.

L'impression négative est renforcée par l'absence sur le site dédié des fondements d'une plate-forme moderne, à savoir une documentation des interfaces mises à disposition des développeurs et un « bac à sable » qui permettrait de les tester. Il est évidemment fort possible que l'offre soit encore en cours d'élaboration (comme celle de Visa, dont on peut supposer qu'elle en constitue l'ossature), mais, dans cette hypothèse, il serait utile de le préciser, d'autant que les premiers clients devront essuyer les plâtres.

En attendant une véritable industrialisation, qui autorise une mise en œuvre facile et quasiment instantanée, Xpollens ne pourra atteindre qu'une frange très limitée de sa cible, les entreprises qui ont effectivement besoin d'un produit à façon, méritant de consacrer des ressources conséquentes à sa fabrication. En revanche, pour celles, les plus nombreuses, dont les usages seraient plus opportunistes, il faudra impérativement un dispositif léger, aussi aisé à intégrer qu'un plan Google Maps dans une application web.

dimanche 29 décembre 2019

La banque invisible n'a pas besoin d'agence

Wealthfront
Alors que son principal concurrent, Betterment, a choisi depuis longtemps d'introduire le conseil humain au sein de sa palette de services, le robo-advisor américain Wealthfront maintient résolument le cap sur la stratégie 100% automatisée que réclame ses clients et qu'il souhaite maintenant étendre à une offre bancaire globale.

Une interview pour Bank Innovation de son cofondateur et directeur général Andy Rachleff nous donne un aperçu plus vaste des orientations de l'entreprise pour les mois à venir. Sa ligne, résumée par le titre « ce que nous ne pouvons pas automatiser, nous ne le construisons pas », est un prolongement de ses plus de dix ans d'histoire, depuis la création de son robot d'investissement jusqu'au déploiement de sa solution de planification financière, en passant par le lancement de son compte d'épargne.

Les prochaines étapes apporteront vraisemblablement une carte de débit, des capacités de paiement de factures…, et peut-être même, à terme, le crédit hypothécaire. Les ambitions sont claires : il s'agit de développer un catalogue complet qui réponde aux attentes exprimées par les adeptes de ses produits actuels. Car, et c'est la particularité de Wealthfront, ce sont ses utilisateurs (la moitié d'entre eux, pour être précis) qui déclarent qu'ils seraient prêts à en faire leur banque principale, s'ils le pouvaient.

Ce constat n'est le résultat ni d'un hasard ni d'une illusion, mais d'un choix délibéré de cibler une catégorie de population, plutôt jeune (90% des clients ont moins de 40 ans), qui réussit professionnellement et dispose donc d'une épargne significative… et qui n'a aucun désir de se rendre dans une agence pour parler d'argent, préférant recourir à une application mobile quand une interaction est nécessaire. Ce groupe comprendrait 20 millions d'individus aux États-Unis, ce qui représente un beau marché à conquérir.

Wealthfront Cash

La démarche est également cohérente avec la vision de Wealthfront de placer « l'argent en pilote automatique ». L'extension de sa gamme tend en effet vers l'idée que, un jour, le consommateur pourra laisser son fournisseur prendre en charge la totalité de ses besoins, sans aucune intervention de sa part, à partir de la réception de son salaire, pour optimiser ses réserves (pour la retraite, pour les études des enfants…), solliciter un crédit au moment opportun (pour un achat immobilier…), gérer ses dépenses quotidiennes… Pourquoi faudrait-il échanger avec un conseiller financier dans un tel monde ?

En réalité, le pari audacieux que fait Wealthfront est que son modèle robotisé est non seulement attractif dès aujourd'hui auprès d'une génération rejetant la relation bancaire traditionnelle, dont la taille suffit à son expansion, mais aussi qu'il deviendra demain une évidence, quand la technologie aura convaincu le grand public que la complexité intrinsèque des produits financiers n'est pas une fatalité et qu'il est plus raisonnable de déléguer entièrement les moyens permettant de réaliser ses projets et ses rêves.

samedi 28 décembre 2019

L'intelligence artificielle qui sait dire peut-être

BBVA
L'intelligence artificielle est fréquemment utilisée pour réaliser des prédictions sur des phénomènes futurs en fonction des observations du passé. Cependant, hors cas anecdotiques, les applications de ce genre sortent rarement des laboratoires par crainte des risques d'erreur, d'autant plus que ceux-ci ne sont généralement pas mesurés.

Le secteur financier fait justement partie des plus timorés en la matière. Non seulement une mauvaise décision peut-elle avoir des conséquences économiques considérables mais, en outre, la culture de prudence qui y règne induit un rejet quasiment instinctif de l'incertitude. Combien de fois ai-je ainsi entendu dire que la banque ne pouvait se permettre d'afficher une estimation du solde d'un compte en fin du mois, car elle avait le devoir de ne produire que des informations exactes et incontestables.

Il n'est donc pas surprenant que l'espagnole BBVA se penche ardemment sur le sujet, par l'intermédiaire de ses équipes de recherche en science des données. L'objectif visé est de ne plus se contenter des algorithmes qui fournissent un résultat unique, sans indication précise sur la probabilité qu'il soit juste, mais d'obtenir des réponses contextualisées, qui permettent, par exemple, d'explorer et analyser des hypothèses alternatives, même moins vraisemblables, et de déterminer le niveau de confiance à leur accorder.

Les modèles d'apprentissage profond (deep learning) concoctés dans l'institution ont donc la faculté de procurer à leur utilisateur une idée de la qualité de ce qu'ils restituent, ce qui aidera ce dernier à retenir la ou les prédictions formulées, assorties d'un « je ne suis pas sûr(e) » plus moins explicite, ou à les rejeter entièrement, parce qu'insuffisamment fiable pour la cible choisie, et admettre avec humilité que le système « ne sait pas ».

Une IA qui sait dire « je ne suis pas sûre »

Un exemple (trivial) proposé par BBVA est l'anticipation des dépenses mensuelles d'une personne selon son comportement des deux années précédentes. Une approche classique aboutira à un montant donné, éventuellement assorti d'une marge d'erreur. En réalité, les faits peuvent faire ressortir une distribution hétérogène avec, disons, deux autres valeurs presque aussi probables que celle qui a été isolée. Il restera alors à décider s'il faut afficher la prédiction initiale, les présenter toutes ou déclarer forfait.

Les travaux de BBVA ont, naturellement, une grande importance pour les applications de l'intelligence artificielle aux problèmes les plus complexes de la banque, ceux qui n'ont pas nécessairement une seule solution. Mais ils peuvent également trouver leur utilité dans des mises en œuvre plus banales, en introduisant une dimension d'explicabilité ou de justification des résultats produits, susceptible de redonner une impression de contrôle à ceux qui les exploitent et d'en améliorer de la sorte l'acceptation dans l'entreprise…

vendredi 27 décembre 2019

Crédit Agricole 100% humain 100% préhistorique

Crédit Agricole
Initialement, je souhaitais ouvrir ce compte d'entreprise chez Qonto… mais ce n'était hélas techniquement pas possible. Alors, je me suis tourné vers le Crédit Agricole. Vous savez, la banque qui se prétend à la fois 100% humaine et 100% digitale ? Ce slogan est tellement éloigné de la réalité qu'il faut la « pratiquer » pour le croire…

Je ne peux pas dire que je en étais vraiment étonné, mais les premiers contacts avec l'établissement ont été un choc, comme si j'étais projeté 40 ans en arrière. Pas de choix à ce stade, l'entrée en relation se fait obligatoirement en face à face. Plus exactement, 3 rendez-vous, qui m'ont fait perdre plus de 6 heures (la proximité est parfois relative) et m'ont conduit à parapher et signer 120 pages de documents, imprimés en double exemplaire (soit l'équivalent d'environ 0,7 kg de CO2 pour la seule matière première).

Un tel désagrément n'est pas un accident ni une contrainte voulue pour instaurer un contact étroit entre le client et sa nouvelle banque. La culture du papier reste présente après cette mise en bouche. Par exemple, pour ajouter un mandat de prélèvement SEPA, il faut non seulement transmettre le document fourni par le créancier mais également remplir le formulaire spécifique du Crédit Agricole, qui reprend exactement les mêmes informations. Une chance qu'il soit permis de l'envoyer par messagerie !

Oublions un instant ces détails fâcheux et passons à l'application mobile. Ce devrait logiquement être le B.A. BA de la banque « digitale », n'est-ce-pas ? Et bien pas du tout. Ne nous attardons pas sur les messages (multiples) qui encombrent l'écran à chaque ouverture sans aucun moyen de signaler qu'on les a bien pris en compte et explorons les fonctions disponibles : suivi des soldes et des transactions des différents comptes, gestion des virements, messagerie privée et une poignée d'options accessoires. C'est tout !

100% humain 100% digital

Il est donc hors de question d'espérer gérer toutes les problématiques d'argent de son entreprise depuis son téléphone. Il n'est pas prévu d'accéder à la moindre information sur le catalogue de produits, et encore moins de souscrire. Il n'est même pas envisageable de consulter les relevés d'opérations mensuels… On se sent presque extra-terrestre à rechercher ces services dans l'interface. Et si vous croyez que la sobriété est propice à la facilité d'utilisation, détrompez-vous ! Il faut 4 clics pour atteindre la dernière missive envoyée par votre conseiller (en passant par un message de service indélébile).

Le pire est encore à venir… quand il faut se rendre à la triste évidence : la banque ne prête guère attention à son logiciel mobile. Depuis mon ouverture de compte, il y a plus d'un mois et demi, il m'est ainsi impossible d'ajouter un bénéficiaire de virement ni d'activer le dispositif « Securipass » (authentification à deux facteurs via l'application). Aux dernières nouvelles (la semaine dernière), le service informatique aurait confirmé ces dysfonctionnements, que personne ne ressent la moindre urgence à corriger.

Si le Crédit Agricole n'était pas une des plus importantes institutions financières de France (voire d'Europe ?), la situation serait comique. En l'état, il faut sérieusement se demander si les responsables de sa devise croient véritablement à sa revendication « 100% digitale ». Dans l'affirmative, leur aveuglement est terrifiant. Sinon, leur message est pitoyable. Dans tous les cas, il y a de quoi être pessimiste pour son avenir. Et je ne suis pas certain que ses consœurs soient dans une position beaucoup plus favorable…

jeudi 26 décembre 2019

Vers la fin du crédit renouvelable ?

ABN AMRO
En principe, l'innovation est associée à l'idée de créer un produit, un service, un procédé, un modèle… inédit. Mais ne pourrait-elle pas être également, parfois, concrétisée par l'abandon d'un concept dépassé ? La décision d'ABN AMRO d'arrêter la distribution de crédit renouvelable (revolving) mériterait certainement une telle qualification.

Même si elle ne préfigure évidemment pas d'une disparition rapide de ce genre de financement – qui se retrouve dans les mécanismes de découvert autorisé ou encore dans les cartes de crédit –, l'annonce de la banque néerlandaise signale une incontestable évolution des pratiques et des attentes des consommateurs. Depuis le début du mois, les nouvelles souscriptions ne sont plus autorisées et ceux qui disposent d'un contrat antérieur ne pourront plus retirer de fonds dessus au-delà de 2021.

Ces mesures radicales ne sont pas dues à un coup de tête, puisque ABN AMRO les justifie essentiellement par la baisse de la demande de la part de ses clients. Ce qui surprend, en revanche, est la recommandation qui les accompagne. En effet, il n'est pas question de suggérer une solution équivalente (la carte de crédit étant la première qui vient à l'esprit) et ce sont les options de prêt personnel qui sont mises en avant, y compris pour les personnes qui voudraient transférer leur contrat existant.

Fin du crédit renouvelable ABN AMRO

La transition vers un produit plus classique est en fait probablement justifiée, au moins en partie, par l'évolution des capacités « techniques » disponibles. En particulier, la possibilité de plus en plus répandue de solliciter un financement en quelques instants et d'obtenir une réponse instantanément, dans des conditions (durée et coût) transparentes, rend obsolète, d'une certaine manière, le crédit renouvelable, qui, à l'inverse, a souvent été décrié pour son fonctionnement opaque, jusqu'à favoriser le surendettement.

Certes, ce n'est qu'un petit pas dans la bonne direction, mais peut-être est-il représentatif de la faculté qu'ont les technologies de redonner aux consommateurs le contrôle sur leurs finances personnelles. Dans un monde ouvert et opérant en temps réel, les outils d'antan qui seuls permettaient – à grand frais ! – d'éviter l'attente d'un accord de prêt pour sacrifier au petit plaisir d'une dépense impulsive n'ont plus autant d'intérêt. L'initiative d'ABN AMRO est donc avant tout un signe de modernisation de ses métiers…

mercredi 25 décembre 2019

Le boom des marchands de pelles de la FinTech

FinTechOS
La ruée vers l'or californienne du milieu du XIXème siècle a offert au moins un enseignement au monde moderne : ceux qui se sont le plus enrichis alors étaient les « marchands de pelles », c'est-à-dire les fournisseurs d'équipements de prospection. À l'ère de l'expansion de la FinTech, beaucoup se rêvent dans une position similaire…

Un des plus récents entrants sur ce marché prometteur est FinTechOS, qui vient de lever 12,7 millions de livres sterling dans le but d'accompagner son développement commercial en Europe, aux États-Unis et en Asie du sud-est. Sa solution est tout à fait caractéristique des tendances du secteur, combinant une plate-forme flexible centrée sur le client (et ses données) avec une place de marché de produits complémentaires, le tout reposant sur un socle infonuagique (cloud) avec un soupçon de logiciel libre.

L'ambition de l'entreprise est d'apporter aux institutions financières traditionnelles – banques et compagnies d'assurance – la capacité de lutter à armes égales avec les N26 et les Revolut de ce monde. Ce choix n'est évidemment pas surprenant, car les startups de la FinTech ont tendance à préférer développer elles-mêmes leur patrimoine technologique (ou bien elles adoptent des services tout compris, tels que ceux que propose SolarisBank) et elles ont des moyens budgétaires souvent limités.

Accueil FinTechOS

Se pose pourtant rapidement la question de la pertinence à long terme de cette stratégie, autant pour FinTechOS que pour ses clients potentiels. Premier point d'achoppement probable, le cœur informatique existant, dont le remplacement n'est généralement pas envisagé dans les tentatives de modernisation, empêchera de profiter de l'accélération des déploiements de nouveaux modules. La conséquence de ce handicap sera le maintien dans le temps d'une hétérogénéité délétère des systèmes.

Le recours à des plates-formes de nouvelle génération dans un établissement historique se heurte souvent à la même limitation : plus facile à envisager au niveau des interactions avec les clients (où le besoin paraît également le plus urgent), il détourne l'attention de la remise en cause indispensable des fondations, que personne ne souhaite affronter en face. Alors, comme avec les chercheurs d'or, les pelles se vendront pendant un temps… jusqu'à ce que la fin (l'absence ?) du filon idéalisé devienne une évidence…

mardi 24 décembre 2019

Une idée qui ne devrait pas faire parler d'elle…

UBank
Ce n'est pas la première fois qu'une institution financière met en place un dispositif dont on se dit immédiatement qu'il devrait être généralisé sans hésiter. Mais l'option de transfert automatique conçue, déployée et vantée par UBank a ceci de particulier d'avoir été expérimentée en France au tournant du siècle… avant de partir aux oubliettes.

Le principe de la fonction USaver Ultra Sweep, qui vient d'être ajoutée à l'application mobile de l'établissement, est simple : l'utilisateur choisit deux seuils, qui, chaque jour, déterminent l'exécution de mouvements entre son compte courant et son compte d'épargne. D'un côté, le plafond correspond au montant au-dessus duquel les disponibilités sont mises de côté, tandis que, de l'autre, le plancher est le niveau minimal déclenchant une libération des réserves afin d'éviter tout risque de découvert.

La promesse sous-jacente est toujours identique, et basique. Il s'agit de garantir aux clients de la banque que leur argent est en permanence productif d'intérêts, même s'ils ne s'en occupent pas (à l'époque des tentatives du même genre chez nous, l'objectif affiché consistait à émuler un compte courant rémunéré). Le deuxième volet, directement complémentaire même s'il est moins explicite, agit, à l'inverse, comme une sécurité pour le consommateur, en puisant dans l'épargne en cas de situation dangereuse.

À des années-lumières des approches prédictives que développent de plus en plus de startups, l'idée offre une réponse triviale aux personnes qui aimeraient disposer d'un accompagnement « léger » dans la gestion de leurs finances personnelles. Elle possède en outre l'avantage d'être rassurante par son austérité même (pour les clients et pour la banque), contrairement aux algorithmes un peu opaques garantissant l'optimisation des flux. Il faudrait juste activer des virements en temps réel pour atteindre la perfection.

Pourquoi donc ce système, tellement facile à mettre en œuvre, stimulateur de fidélité, n'est-il pas déjà intégré dans toutes les solutions d'épargne à court terme ? La menace qu'il ferait peser sur les revenus engendrés par les découverts d'inattention en serait-elle la cause ? Il faudrait tout de même se pencher sérieusement sur les attentes des clients, au lieu de chercher à toujours leur pousser plus de produits et services, et un petit pas tel qu'un mécanisme d'épargne automatisée constituerait une bonne entrée en matière.

UBank - We're making everyday banking simpler, better, smarter.

lundi 23 décembre 2019

Bientôt 2020, la guerre anti-agrégateur continue

PNC Bank
En Europe, 2019 devait être l'année de l'ouverture des données bancaires, grâce à la DSP2. Il faudra attendre. Aux États-Unis, où le premier agrégateur (Yodlee) est né il y a 20 ans, la situation ne fait qu'empirer et les institutions financières persistent à bloquer les accès externes aux comptes de leurs clients. Mais la résistance s'organise.

La dernière escarmouche en date est à porter à l'actif de PNC Bank, il y a quelques semaines. Du jour au lendemain, les adeptes du porte-monnaie mobile Venmo perdent la connexion directe à leur compte, qui est jusqu'alors assurée par la plate-forme spécialisée de Plaid. Fidèle à la tradition de désinformation du secteur, la banque explique que sa manœuvre a pour objectif de préserver la sécurité des informations et de l'argent de ses clients, qui serait menacée par des tiers peu scrupuleux.

Mais le vernis craque immédiatement puisque, quand les premières plaintes d'utilisateurs émergent sur le web, ses encouragements à abandonner Venmo au profit de Zelle, la solution concurrente de l'industrie bancaire, révèlent crûment la motivation profonde de PNC. Par contraste, à aucun moment n'est envisagée la possibilité d'engager une collaboration avec les entreprises concernées afin de chercher à maîtriser les risques, résoudre les difficultés et éviter tout désagrément pour les consommateurs.

Information PNC Bank

Ce pourrait n'être qu'un épisode supplémentaire dans une guerre qui dure depuis des années. Or, quelque chose est peut-être en train de changer. En effet, en réponse à l'acte d'hostilité de leur établissement, Venmo en a invité les victimes à manifester leur mécontentement sur les réseaux sociaux. Depuis, le flot de messages ne se tarit plus, notamment sur Twitter, et a déjà un premier effet : la réponse de PNC ne fait plus mention de Zelle et se contente de messages (automatisés ?) visant à apaiser le conflit.

Rien ne confirme à ce stade que la réaction des internautes conduira la banque à revoir sa position. Pourtant, elle doit actuellement ressentir une pression inaccoutumée, qui devrait l'inciter à s'interroger sur sa stratégie. Car elle se trouve vraisemblablement à un point de bascule décisif entre sa culture historique, de règne sans partage sur les données de ses clients, et l'exigence de ces derniers de reprendre le pouvoir sur leur destin, avec les outils qu'ils choisissent et non ceux qui leurs sont imposés.

Selon toute probabilité, PNC commet en outre une erreur majeure en imaginant être en capacité d'interdire aux consommateurs d'utiliser les solutions qu'ils préfèrent. Aujourd'hui, le marché est suffisamment riche pour offrir une multitude d'options de contournement aux obstacles dressés artificiellement par leur fournisseur habituel. Est-il raisonnable, de la part d'une banque, d'inciter de la sorte ses clients à explorer la concurrence naissante, sous le prétexte fallacieux de les protéger des dangers de la banque ouverte ?

dimanche 22 décembre 2019

Fabric, planificateur financier pour la famille

Fabric
Vos années de jeunesse insouciante sont derrière vous, vous avez fondé une famille et vous commencez à vous inquiéter de son avenir, en particulier s'il vous arrivait quelque chose, vers qui vous tournez vous pour répondre à vos questions ? Votre banquier ? Votre assureur ? Un notaire ? L'application de Fabric est peut-être la meilleure réponse.

Bien sûr, les solutions sont accessibles à qui sait les chercher, parmi les institutions financières ou à travers une gamme de plus en plus large d'outils web et mobiles, tous prêts à répondre aux besoins d'assurance décès, de préparation de testaments et autres démarches indispensables pour faire face au pire, s'il devait survenir. Malheureusement, chaque individu doit essayer de comprendre seul les options qui s'offrent à lui et se prendre par la main pour activer celles qui lui paraissent nécessaires dans sa situation.

Voilà donc exactement le genre de difficultés que les fondateurs de Fabric, deux anciens de la néo-banque Simple, veulent résorber (pour les consommateurs américains). Leur objectif est de fournir aux parents une plate-forme qui les accompagne concrètement et sans complication dans toutes les actions à entreprendre pour envisager les aléas du lendemain avec sérénité, qu'elles impliquent ou non des produits financiers.

En pratique, son application invite d'abord l'utilisateur à partager quelques informations sur sa famille, à partir desquelles des services pertinents vont lui être proposés. Parmi ceux-ci figure, de manière proéminente, l'assurance décès (conçue avec une compagnie partenaire) qui est, depuis ses débuts, au cœur du modèle économique de la jeune pousse. Première particularité notable, la gestion du ou des bénéficiaires est mise au premier plan du contrat avec, entre autres, la possibilité de leur envoyer la police.

Accueil Fabric

Plus généralement, toutes les parties prenantes de la sauvegarde de la famille peuvent être désignées (légalement, le cas échéant) et coordonnées au sein du logiciel : tuteurs et représentants, conseillers financiers, avocats… Il est également prévu de pouvoir consigner les différents comptes détenus (livrets, cartes de crédit, portefeuilles…) pour faciliter leur transmission, si nécessaire. Enfin, une fonction gratuite de création de testament (y compris sa validation avec les témoins) complète le panorama.

En synthèse, Fabric procure une nouvelle illustration de l'orientation que devrait prendre à terme l'ensemble du secteur financier : enfin remis à leur place naturelle de moyen au service de projets, ils deviennent une composante plus ou moins invisible d'un moment de vie, qui seul compte. En l'occurrence, la protection de la famille est une préoccupation commune à une fraction importante de la population, qui mérite à ce titre d'être (enfin !) abordée avec une approche de conseil personnalisé à 360°, plutôt que d'être laissée à une myriade d'acteurs qui n'en possèdent chacun qu'une vision partielle.

samedi 21 décembre 2019

Étranges critiques envers le crowdlending…

EDHEC
Depuis les promesses de ses origines, il y a une quinzaine d'années, la finance participative a beaucoup évolué, s'assagissant progressivement, jusqu'à devenir une composante acceptée du paysage, mais généralement cantonnée à une niche relativement étroite. Pourquoi certains observateurs s'acharnent-ils alors à vouloir la discréditer ?

Les dernières attaques proviennent d'un professeur de finance de l'EDHEC, Gianfranco Gianfrate, apparemment familier du sujet (il a plusieurs publications à son actif), et elles semblent rencontrer un certain écho dans le milieu. Elles concernent plus spécifiquement les plates-formes de crédit « de pair à pair » (P2P), entre particuliers ou à destination des entreprises, qui exposeraient donc les prêteurs à des risques inconsidérés, susceptibles de justifier une intervention musclée de la part des régulateurs.

Tout en reconnaissant les bénéfices du crowdlending, notamment en termes de maîtrise des coûts d'intermédiation, de diversification des portefeuilles d'investissement, d'élargissement de l'assiette de financements disponibles, voire d'inclusion pour des emprunteurs marginalisés, l'auteur s'inquiète de son développement rapide alors qu'il estime que le concept manque de mécanismes intrinsèques garantissant son auto-contrôle et que, par ailleurs, sa résilience n'a pas encore été testée en cas de crise.

Concrètement, G. Gianfrate accuse les acteurs de la finance participative de ne pas exercer une extrême rigueur dans la sélection des dossiers proposés sur leurs sites ou sur les conditions des prêts accordés, sous prétexte que, d'une part, la demande et l'offre sont toutes deux tellement fortes qu'ils font tout pour y répondre, sans discernement, et, d'autre part, et surtout, ils n'ont aucune incitation à la prudence puisque, en tant qu'intermédiaires, ils ne portent pas d'engagement sur les opérations conclues.

Les promesses et périls du crowdlending

Le raisonnement est aussi absurde que déconnecté de la réalité du marché. Ainsi, par exemple, les critères de sélection des demandeurs sont progressivement devenus de plus en plus stricts, au point d'être désormais quasiment identiques à ceux des banques. Une des raisons de ce resserrement dans les politiques est l'entrée dans le jeu d'institutionnels, qui viennent combler un déficit chronique d'apporteurs de fonds et dont les exigences de gestion du risque ne laissent évidemment aucune place à l'amateurisme (comme l'a justement appris Lending Club, cité en épouvantail dans l'article).

Ridicule également cette idée que l'organisme qui met en relation des prêteurs et des emprunteurs – à l'instar d'un courtier… – ne porterait aucune responsabilité dans les transactions qu'il rend possibles ! Comme dans tout métier de commerce et d'autant plus quand l'objet en est l'argent, la confiance est la clé d'un modèle viable et durable. Les plates-formes sont contraintes de démontrer continuellement la valeur et la sécurité des campagnes qu'elles partagent si elles veulent attirer des participants !

Naturellement, en contrepartie d'un rendement plus ou moins élevé, le financement direct d'entreprises ou de particuliers sera toujours plus hasardeux qu'un livret d'épargne à taux fixe (et dépôt garanti). Il est aussi certain qu'il existe des acteurs à éviter dans la finance participative, comme dans tous les domaines, et que la jeunesse du secteur ne facilite pas le tri. Mais il faut arrêter de chercher des problèmes là où ils n'existent pas : le crowdlending n'a aucune raison d'être traité comme un mouton noir par essence.

vendredi 20 décembre 2019

TD veut analyser l'humeur de ses clients

TD Bank
D'un côté, les banques traditionnelles continuent à défendre la valeur de la relation de proximité dans leurs métiers. De l'autre, elles déploient toujours plus de technologies de personnalisation pour maintenir le contact avec leurs clients à distance. Outre son incohérence latente, cette position ambigüe s'articule autour d'une frontière absurde.

Après de longues années d'hésitation et de dédain, les institutions financières commencent désormais à admettre qu'elles doivent impérativement prendre en compte la situation, le contexte et les préférences de chaque individu pour lui apporter un service ajusté à son besoin spécifique. Elle sont probablement poussées dans cette direction par quelques études qui démontrent que les consommateurs exigent une telle personnalisation et qu'ils sont parfois prêts à changer de fournisseur pour l'obtenir.

La canadienne TD fait partie de celles qui s'engagent résolument dans cette direction, comme le relate un article de la revue American Banker, et elle y consacre des moyens importants. Elle exprime ainsi son intention d'intégrer l'humeur – l'anxiété, la colère, la joie… telles qu'elles sont détectées dans les interactions avec les assistants vocaux, les centres d'appel, les « chatbots » ou même les applications web et mobiles – parmi sa panoplie de critère qui lui permettront d'adapter ses conversations avec chacun.

Afin de décliner sa vision, la banque déploie une vaste batterie de d'outils, dont le cœur est un réservoir de données, distinct de son « data lake » classique car focalisé sur des usages en temps réel. En effet, l'ultra-personnalisation envisagée impose de réagir rapidement à l'apparition de conditions favorables à une action. En particulier, la compréhension de l'état émotionnel de l'utilisateur doit servir immédiatement à valider l'opportunité d'engager un échange ou à le reporter à un moment plus propice.

Humeur

Le principe paraît convaincant et entrouvre une porte extraordinaire sur les possibilités de combler le vide béant de conseil laissé par la désaffection massive des agences bancaires et la réduction du rôle de leurs employés à la vente de solutions : il « suffirait » que les algorithmes parviennent à interpréter correctement les circonstances du client, jusqu'à savoir apporter la recommandation utile au bon moment, pour que ses attentes soient pleinement satisfaites. Hélas telle n'est apparemment pas la stratégie de TD.

Car la présentation du dispositif et les exemples cités pointent dans une seule direction : les efforts engagés sont avant tout destinés… au marketing ! L'objectif n'est donc pas de chercher à mieux accompagner le consommateur dans sa vie avec son argent, mais de l'encourager à recourir plus fréquemment aux services de sa banque et à souscrire toujours plus de produits. Plutôt que de viser une réorientation salutaire de ses métiers, TD prolonge sa dérive au risque de susciter un rejet par ses méthodes intrusives.

La demande de personnalisation de leurs clients ne doit pas aveugler les institutions financières. Ce qui se cache derrière n'est certainement pas le désir d'être bombardés par des offres mieux ciblées (manipulatrices ?) mais bien l'envie de bénéficier d'une assistance dans les complexités de leur vie quotidienne. Ce n'est pas le département marketing qui devrait s'emparer du sujet mais les professionnels de la relation client…

jeudi 19 décembre 2019

Retrouver l'esprit communautaire de l'assurance

Branch
Bien qu'il soit souvent oublié, voire ignoré, le principe fondamental de l'assurance est la mutualisation des risques. Or un de ses pires ennemis est la fraude, qui, par exemple, coûte collectivement 40 milliards de dollars par an aux américains, selon le FBI, soit plusieurs centaines de dollars de primes supplémentaires dans chaque famille.

Face à un fléau d'une telle ampleur, la jeune pousse Branch, qui s'est jusqu'à maintenant fait un nom avec la vente combinée de couvertures automobile et habitation à coût avantageux, veut croire qu'une solution triviale, assise sur une vraie sensibilité communautaire, lui permettra de limiter son exposition. Qu'on en juge : elle propose désormais à ses assurés une réduction sur le prix de leur police à partir du moment où ils trouvent un autre client acceptant de se porter garant de leur comportement honnête.

En pratique, dès la souscription de son contrat, le nouvel arrivant peut, depuis l'application mobile de la startup, synchroniser ses contacts et identifier ceux qui ont déjà une assurance auprès de Branch. Il ne reste plus qu'à leur envoyer une demande de caution (morale), d'un geste. Pour chaque personne qui l'accepte (d'un clic également), le bénéficiaire obtient alors un rabais de 1% sur le montant de sa prime, pour un total maximal de 5% (les niveaux exacts varient selon les états et leur réglementation).

Branch

Au premier abord, l'idée de lutter contre la fraude de la sorte peut paraître légèrement absurde, sans autre implication du garant que de donner son accord (ils serait tentant d'ajouter, par exemple, un signalement en cas d'abus ?). Après tout, rien n'empêche les individus malintentionnés de solliciter un soutien de leur entourage (ou même de se constituer en groupe !) puisque le geste n'a aucune autre conséquence.

Pourtant, il est possible que la simple pression sociale qu'exerce la mise en relation de clients qui se connaissent (bien), aussi indirecte et superficielle semble-t-elle, suffise pour affecter un tant soit peu les usages et inciter à modérer efficacement quelques dérives. Le simple fait de savoir qu'un proche a partagé avec un tiers sa confiance envers l'assuré contraint subtilement ce dernier à faire plus attention à une fraude qui est souvent perçue comme un « crime sans victime » (c'est la compagnie qui paye !).

En tout état de cause, l'expérience que mène ainsi Branch (plutôt facile à répliquer, au demeurant) est extrêmement intéressante à suivre. Si la perte de vue du mode de fonctionnement mutualiste de l'assurance est réellement responsable (au moins d'une partie) de la fraude, une solution consisterait en effet à ré-insuffler une approche communautaire dans ses fondations, de manière à rétablir une perception plus juste.

mardi 17 décembre 2019

Apprendre à valoriser l'expérience client

Forrester
À l'instar de bien d'autres disciplines non directement productives, les efforts autour de l'expérience client sont souvent confrontés à la difficulté de justifier leur retour sur investissement. Harley Manning (Forrester) propose une approche rationnelle, sur des cas spécifiques simples, qui devrait a minima permettre de lever les doutes des débuts.

Fréquemment confondu avec les sujets d'ergonomie ou de design (en particulier quand ils concernent les interfaces graphiques des applications web et mobiles), le concept d'expérience utilisateur reste, à ce jour et quoi qu'elles en disent, à peine effleuré par les entreprises, du secteur financier ou d'ailleurs. Or, pour introduire une vraie démarche en la matière, les responsables qui ont conscience du besoin sont confrontés à l'exigence de leurs supérieurs de prouver la valeur économique de ce qu'ils proposent.

Naturellement, l'exercice, aussi légitime soit-il, s'avère extrêmement compliqué. Alors, à défaut de savoir l'appréhender de manière convaincante, les spécialistes se contentent d'intervenir sur les domaines superficiels où leur apport est reconnu, historiquement, sans avoir l'opportunité de s'attaquer aux questions de fond qui bénéficieraient le plus de leur expertise. Il serait donc utile de disposer d'un moyen, facile à mettre en œuvre, de sortir de ce cercle vicieux et inscrire l'expérience utilisateur dans les habitudes (la culture).

Voilà exactement ce que propose Harley Manning, et sa méthode est probablement applicable (presque) partout. Sa première recommandation consiste à se rapprocher des centres d'appel, afin d'y rechercher les causes principales des sollicitations des clients. Normalement, les logiciels déployés rendent cette exploration triviale. Nous avons donc là une source évidente, généralement négligée, notamment par les équipes de design, de dysfonctionnements à résoudre… et des coûts qu'ils engendrent directement.

Parmi ces problèmes identifiés, bon nombre ressortent de la compétence des équipes dédiées à l'expérience client. Le seul écueil à surmonter, qui ne devrait pas les effrayer car il fait partie de leur quotidien, sera de remonter à l'origine réelle de chaque défaillance considérée (par exemple par la technique des 5 pourquoi), afin d'élaborer une solution efficace. Illustration : des plaintes répétées concernant des factures erronées qui sont finalement attribuées à une présentation ambiguë de ses éléments.

Avec de tels cas, l'équation financière est relativement aisée à établir : d'un côté, on fixe un objectif réaliste de réduction du nombre de demandes au support (qui est convertible en euros économisés, en appliquant les métriques existantes du centre d'appel), de l'autre, on additionne les coûts des changements envisagés (y compris les adaptations informatiques, si nécessaire). Le solde représente un modèle de rentabilité clair et transparent et sa validation à la fin du projet devient un facteur de confiance.

Car, bien entendu, l'approche n'est pas nécessairement une fin en soi : il existe une multitude d'autres circonstances que la résolution des problèmes dans lesquelles les pratiques d'optimisation de l'expérience client méritent d'être déployées. En revanche, la démonstration quantitative de la valeur dégagée dans ces initiatives aidera à rendre plus crédibles celles dont le retour sur investissement est plus complexe ou incertain.

Frustration…

lundi 16 décembre 2019

Une révolution pour la supervision réglementaire

Banque de Lituanie
La supervision réglementaire constitue une contrainte incontournable du secteur financier et son rôle de protection et de sécurisation ne peut être remis en cause. En revanche, les pratiques en vigueur méritent certainement d'être réactualisées à l'ère de la donnée toute-puissante. C'est le chantier auquel s'attaque aujourd'hui la Banque de Lituanie.

La conformité est un sujet permanent de plainte de la part des banques et ses exigences de reporting font partie de ses composantes les plus décriées, ne serait-ce que parce que la pression est toujours plus intense autant en matière de richesse d'information à transmettre que de fréquence et de réactivité attendues. Mais la situation n'est guère plus favorable du côté du régulateur, qui doit s'accommoder de l'hétérogénéité des réponses à ses sollicitations, chaque organisation déclarante exhibant ses particularités.

Face à ces défauts parfaitement identifiés, la banque centrale lituanienne veut donc envisager une autre méthode, qui soit à la fois plus facile à mettre en œuvre et plus propice à la cohérence de sa mission. Pour ce faire, elle imagine de demander aux établissements qu'elle contrôle de lui donner directement accès aux données brutes qu'ils produisent, via des APIs qu'elle aura définies, sur un portail qu'elle met à leur disposition, de manière à lui permettre de générer elle-même les rapports nécessaires.

Les avantages de l'approche sautent immédiatement aux yeux. Du point de vue des entreprises surveillées, il n'est plus nécessaire de consacrer de précieuses ressources à concevoir et maintenir les innombrables traitements destinés à répondre aux attentes (changeantes) des autorités. Il suffit (presque) d'une simple extraction des bases de données pour satisfaire tous les besoins. Le régulateur, quant à lui, s'assure de la mise en œuvre des règles qu'il impose, puisqu'il se charge d'en évaluer l'application à sa convenance, et obtient, idéalement, la faculté d'effectuer un suivi en quasi temps réel.

Banque de Lituanie - RegTech

Il devient alors même possible – et c'est aussi une piste que désire explorer la Banque de Lituanie – de réaliser des analyses non prévues initialement, par exemple dans le but d'évaluer des risques de marché non couverts par les textes à un moment donné (mais qui seraient en réflexion). De telles possibilités pourraient cependant susciter des réticences chez les acteurs concernés : ils n'apprécieront certainement pas que les données qu'ils fournissent soient exploitées pour leur ajouter des contraintes.

Et ce n'est pas le seul handicap de l'initiative. Le plus problématique pourrait être la difficulté pour les institutions financières à établir la relation entre une exigence spécifique, la restitution qu'en font les algorithmes de la banque centrale et la cause réelle des écarts qui seraient constatés. Au moins, dans le mode de fonctionnement actuel, et malgré ses défauts, la maîtrise de bout en bout des rapports élaborés permet de disposer des moyens nécessaires pour retrouver les racines du moindre résultat y figurant.

Dans un premier temps, la Lituanie n'envisage qu'une expérimentation, avec trois entreprises, dans l'univers des paiements, dont l'objectif sera de valider la viabilité du concept. Elle devra également s'attacher à lever les obstacles potentiels, en considérant que ceux-ci pourront être plus ou moins sensibles selon le domaine considéré.

dimanche 15 décembre 2019

Yes Scale, de l'accélérateur à la place de marché

Yes Bank
Après quelques mois de construction, aboutissant aujourd'hui à la création d'une place de marché, l'initiative Yes Scale de l'indienne Yes Bank se positionne à la rencontre de trois préoccupations communes à bon nombre d'institutions financières : l'ouverture des services par API, l'accélération de startups et la diversification de l'activité.

Le point de départ, en 2018, consistait à mettre en place une structure d'accueil généraliste pour les jeunes pousses proposant des produits destinés aux entreprises de toute taille, dans les domaines de la chaîne d'approvisionnement et de la logistique, de l'agriculture, de l'urbanisme et de la ville intelligente, des sciences de la vie, de la santé et de l'éducation. Rapidement, l'effort a évolué vers une plate-forme de co-innovation via la mise en relation entre les participants et les clients professionnels de la banque.

Un pas supplémentaire vient d'être franchi avec le déploiement d'une place de marché dont la vocation est d'ouvrir à toutes les startups, accompagnées ou non, le marché des quelques 20 000 entreprises possédant des comptes auprès de Yes Bank. Ces dernières ont ainsi accès à un catalogue comportant déjà plus de 100 solutions, toujours dans les mêmes catégories, parmi lesquelles elles sélectionnent celles qui les intéressent, les ajoutent à leur panier et les utilisent avec un minimum de complications.

Un point commun aux multiples produits distribués sur Yes Scale est leur intégration de services bancaires (là où ils sont pertinents). Les APIs mises à disposition par Yes Bank qui rendent possible une telle combinaison trouvent de la sorte un débouché naturel, tout en procurant un avantage exclusif aux clients de l'établissement : les interactions avec leurs comptes (paiements ou autres) sont prises en charge automatiquement, sans nécessiter la moindre intervention ou configuration spécifique de leur part.

Yes Scale

L'institution décrit quelques exemples de solutions commercialisées sur sa place de marché. CampusConnect, notamment, est un outil intelligent de gestion des frais de scolarité embarquant un module de facturation directement connecté à des capacités de règlement, en ligne et hors ligne. Dans le domaine de la santé, plusieurs plates-formes ciblent les besoins des hôpitaux, centres de soins, laboratoires d'analyse…, en assumant le suivi transparent de tous les flux financiers, côté patients et côté fournisseurs.

En synthèse, Yes Scale est une magnifique démonstration de la manière dont la banque ouverte (« open banking ») est simultanément un catalyseur de conception de nouveaux modèles d'affaires et une composante essentielle de l'avenir du secteur.

Une fois acceptée l'idée de l'immersion (invisible) des services financiers au cœur de la vie quotidienne de l'entreprise (et il en serait de même dans les parcours du consommateur), il ne reste qu'à en faciliter la mise en œuvre – en l'occurrence par le développement d'un jeu d'API adapté et un accompagnement dans son exploitation – afin de dégager un avantage concurrentiel majeur… qui peut même se concrétiser par l'adoption d'un métier secondaire de distributeur de logiciels aux entreprises.

samedi 14 décembre 2019

Une idée bête… tellement utile

Starling Bank
La transition des modes de consommation vers des modèles par abonnement génère de nouveaux besoins, plus ou moins explicites, qui entraînent à leur tour l'émergence de solutions destinées à redonner à chacun le contrôle sur ses dépenses « automatisées ». Starling est, me semble-t-il, la première banque à se pencher sur la question.

Le phénomène touche progressivement tous les secteurs : après le divertissement (musique, cinéma, télévision, livres, jeux…) et les logiciels, les moyens de transport, les produits de beauté et d'hygiène, les vêtements, les repas… se tournent maintenant vers le concept (pas toujours avec succès, il est vrai). Bientôt, tous les achats du quotidien seront disponibles sous forme de souscriptions, venant s'ajouter à celles auxquelles nous nous sommes habitués depuis longtemps, pour l'énergie, la téléphonie…

Pour les fournisseurs, le principe est doublement bénéfique, puisque, d'une part, il garantit les revenus de l'entreprise dans la durée et, d'autre part, il renforce mécaniquement la récurrence et la fidélité des clients. Côté consommateur, l'avantage mis en avant est, en résumé, un accès permanent, simple et sans friction, à des produits ou services d'usage courant. Mais, bien sûr, cette transparence expose à un risque d'oubli ou de négligence qui conduit facilement à maintenir des abonnements peu ou pas utilisés.

Suivi des abonnements dans l'app de Starling Bank

Face au danger, Starling Bank a donc décidé de mettre en lumière cette partie de plus en plus importante du budget de ses clients. Point de complication inutile pour cela : son application mobile comporte dorénavant un onglet supplémentaire (dans sa section consacrée aux paiements) où sont listés tous les règlements réguliers identifiés, qu'il s'agisse de mandats de prélèvement, de factures en attente ou de souscriptions diverses et variées, détectées par une petite analyse de l'historique des transactions.

Au-delà de l'aspect anecdotique de l'ajout, la néo-banque britannique nous offre ici une vision rationalisée de ce que devrait être la gestion de finances personnelles (PFM). Alors que la plupart des outils du genre persistent à présenter une répartition sans intérêt des opérations passées par catégorie et par période, Starling Bank préfère placer la priorité sur ce qui est réellement susceptible d'aider son client à prendre conscience de son comportement et des dérives qu'il peut révéler, jusqu'à, le cas échéant, le faire évoluer.

vendredi 13 décembre 2019

Comment Google s'immisce dans le quotidien

Google
À l'approche des fêtes de fin d'année, Google rappelle aux propriétaires de téléphones équipés de son système Android quelques usages de son application Lens adaptés à cette période du calendrier. Voilà une excellente occasion de se pencher sur les enjeux de l'expérience utilisateur et ses impacts inéluctables sur le secteur financier.

Prenez l'exemple du restaurant où vous célébrerez les vacances à venir avec vos collègues ou vos amis. Vous ne savez pas que choisir ? Pointez la caméra de votre appareil vers le menu et obtenez instantanément des photos et recommandations sur les plats disponibles (et, si nécessaire, une traduction des textes). Quand arrive l'addition, un simple cliché va permettre de calculer le montant du pourboire (nous sommes aux États-Unis !) et la saisie du nombre de convives effectue la division en un geste.

Cette dernière étape illustre parfaitement la délicate frontière à respecter pour optimiser la satisfaction. Car il pourrait être tentant de vouloir déduire automatiquement le nombre de parts en analysant les détails de la note présentée. Mais la multitude de configurations possibles risque de rendre trop souvent le résultat approximatif. Il est alors préférable d'éviter une petite irritation occasionnelle susceptible de nuire à la perception de facilité globale et laisser le mobinaute fournir lui-même l'information requise.

Un autre scénario propose de rechercher un article (un cadeau ?) à partir d'une photo prise dans la rue, dans une boutique, sur une affiche… Vous apercevez une paire de chaussures qui vous intéresse ? L'application la retrouve (ou un produit similaire), vous indique les prix et vous emmène directement sur la boutique en ligne ou vous pouvez l'acheter. Dans le domaine vestimentaire, votre smartphone vous offrira même des suggestions de composition, en accordant différents éléments au style identifié.

Partage d'addition avec Google Lens

À chaque fois, le parcours du consommateur se prolonge à travers un paiement (et, potentiellement, un financement). Pour l'instant, Google n'intègre pas ce volet dans son dispositif (ou, à tout le moins, ne le généralise pas). Mais la direction à venir ne fait aucun doute : la fluidité de l'expérience, de bout en bout, imposera d'inclure la prise en charge des flux d'argent, sous une forme aussi transparente que possible, jusqu'à l'invisibilité.

Ces orientations ne préjugent en rien, faut-il le rappeler, de tentatives à venir du géant technologique de prendre pied dans la banque. Il n'est en effet aucunement nécessaire de s'embarrasser des complexités du secteur pour réaliser une telle vision. En revanche, les conséquences pour les acteurs en place n'en seront pas moins sensibles, car il perdront inévitablement en visibilité derrière ce nouveau genre d'intermédiation.

Il leur faudra pourtant s'habituer à cette évolution, inévitable, et la meilleure stratégie à adopter consisterait à prendre les devants. Il serait temps d'envisager dès maintenant comment le commerce de détail se transformera dans les prochaines années – pas uniquement chez Google –, d'imaginer les services financiers appropriés et de déterminer la position qui sera réservée aux institutions financières dans ce monde de demain.

jeudi 12 décembre 2019

Une identité numérique signée Mastercard

Mastercard
Les problèmes de gestion d'identité ne font que s'aggraver, entre la prolifération de services en ligne reposant sur des procédures de vérification archaïques et la multiplication des incidents de sécurité exposant des données personnelles. Les banques, un temps intéressées, se sont détournées du sujet depuis plusieurs années.

Le principe était pourtant de bon sens : les obligations réglementaires leur imposant de s'assurer de l'identité de leurs clients, il ne fallait guère d'imagination pour envisager de fournir à des tiers un service dérivé permettant de vérifier si un individu est qui il affirme être. Hélas, les hésitations à s'engager dans un métier nouveau (et potentiellement risqué pour leur image), les difficultés techniques, les incertitudes sur la législation de la protection des données… ont probablement découragé les velléités.

Après quelques tentatives émanant de startups (difficilement viables car confrontées à un double défi de confiance et de massification), Mastercard s'empare maintenant du concept et, bien qu'elle s'inscrive donc toujours dans l'univers financier, ce sont des raisons très différentes qui inspirent cette initiative. En l'occurrence, c'est plutôt la position d'intermédiaire entre les consommateurs, les établissements maîtrisant leur identité et les commerçants requérant des informations certifiées qui justifie l'intrusion.

En pratique, la solution « ID » se conforme aux standards du genre. Le cœur en est une application mobile sécurisée (grâce, notamment, aux capacités biométriques des téléphones modernes) qui seule conserve les données de l'utilisateur. Le cas échéant, celles-ci sont confirmées et validées « officiellement » par des tiers de confiance participants (institutions financières, organismes publics…). Enfin, elles sont partagées avec les acteurs qui en demandent l'accès sous le strict contrôle de leur propriétaire.

Mastercard ID

Pour illustrer son usage (dans le commence en ligne mais il pourrait être décliné en face à face), Mastercard donne l'exemple d'une réservation d'appartement de type AirBnB. Quand le client recourt à « ID » pour finaliser l'opération, il est routé vers l'application de gestion d'identité, qu'il ouvre par reconnaissance faciale ou de l'empreinte digitale. Là, il valide les éléments d'information qu'il accepte de transmettre à la plate-forme (nom, adresse, téléphone…), cette dernière obtenant alors la garantie de leur qualité.

L'idée était présentée en mars dernier, elle est désormais mise en œuvre, à titre expérimental, par deux entreprises en Australie (la poste australienne et une université). Cependant, le moment de vérité interviendra plus tard, quand la capacité à généraliser l'adoption sera démontrée. À défaut, « ID » ne sera qu'une option supplémentaire dans une panoplie qui en comporte déjà beaucoup trop… Peut-être la situation particulière de Mastercard (et son intérêt à développer les relations de confiance entre les marchands et leurs clients) lui permettra-t-elle de réussir là où tant d'autres ont échoué avant elle.

mercredi 11 décembre 2019

Le Crédit du Nord crée sa banque mobile

Prismea
Qui n'a pas encore sa banque 100% mobile ? Le Crédit du Nord viendra bientôt s'ajouter [PDF] à la liste des établissements traditionnels s'aventurant dans ce modèle de distribution. Mais, plutôt que d'aborder le marché (encombré) des particuliers, comme ses consœurs, Prismea visera plutôt les professionnels et les petites entreprises.

La nouvelle offre ne se contentera pas de proposer un parcours entièrement « digital », dont, par exemple, un processus de souscription prenant la forme d'une conversation avec un chatbot et promettant une entrée en relation en moins de 10 minutes. Elle ne se limitera pas, non plus, à son catalogue de produits réduit au strict minimum, puisque comprenant un compte courant et une à quatre cartes de paiement (réelles et virtuelles), selon la formule retenue (pour un prix de 9 à 75 euros par mois, tout de même !).

Au-delà de ce socle essentiel, il est également – surtout – question d'accompagner l'utilisateur, au quotidien, dans sa vie d'entrepreneur, à travers, notamment, des fonctions extra-bancaires de suivi d'activité et de prédiction à long terme de la trésorerie. Ces capacités d'analyse – qui reposent (évidemment) sur des technologies d'intelligence artificielle – permettront en outre, nous assure-t-on, de lui prodiguer des recommandations personnalisées destinées à l'aider à anticiper ses besoins et à piloter sa croissance.

L'objectif du Crédit du Nord est donc de faire de Prismea bien plus qu'un simple compte, avec sa classique palette de produits financiers, et de fournir un véritable assistant professionnel ou, comme l'affirme la campagne sur Twitter, un DAF (Directeur Administratif et Financier) attentif et toujours présent. Le concept rejoint de la sorte une tendance actuellement en hausse, qui devrait rencontrer un écho positif chez tous les professionnels qui se sentent débordés par le fardeau de la gestion d'entreprise.

Accueil Prismea

Si la vision est tout à fait convaincante, sa concrétisation m'inspire hélas quelques doutes. En particulier, les illustrations dans lesquelles on ne voit, sous le titre pompeux d'analyses, que des comparaisons, par mois ou par année, d'une synthèse des entrées et sorties d'argent (même quand elles intègrent des données de comptes externes, grâce à l'agrégateur embarqué) laissent imaginer que les clients risquent de rester sur leur faim… Espérons que le futur DAF virtuel possédera plus de compétences…

Autre sujet d'inquiétude majeur, l'évocation d'une solution innovante de crédit instantané, qui serait le complément idéal aux estimations prévisionnelles de trésorerie… mais qui ne sera pas disponible avant la fin 2020 ! S'il faut s'attendre à de tels délais, en années, avant d'obtenir une solution suffisamment complète pour être réellement utile, il y a de quoi être pessimiste. Dans l'intervalle, le Crédit du Nord vante l'accès possible à son propre catalogue… mais, dans ce cas, à quoi bon passer par sa filiale mobile ?

Ces limitations sont, en fait, une illustration supplémentaire de l'impact des lourdeurs internes des banques historiques sur le développement de nouveaux modèles. En effet, Prismea a beau être présentée comme un projet d'intrapreneuriat (issu de l'Internal Startup Call de Société Générale) et être bâtie sur des infrastructures indépendantes (dont les services de paiement de Treezor), le cadre existant s'avère trop rigide pour procurer la latitude nécessaire à la création d'une vraie startup, compétitive.

mardi 10 décembre 2019

Tinkoff lance une « super app » intelligente

Tinkoff
Décidément, les « super apps » mobiles inspirées par les exemples chinois suscitent des vocations parmi les banques du monde entier ! Après Banco Inter au Brésil, c'est maintenant au tour de la russe Tinkoff de présenter sa déclinaison du concept, dans le prolongement plus ou moins naturel de ses efforts de diversification récents.

Le principe est attractif pour des entreprises qui captent déjà une bonne partie des usages mobiles avec leurs solutions de gestion de comptes : à l'instar de la messagerie WeChat, ne pourraient-elles pas capitaliser sur leur audience dans le but d'intégrer des services complémentaires, y compris hors de leur champ de compétences habituel ? Le raisonnement est particulièrement pertinent pour Tinkoff, au vu de ses précédentes incursions dans les domaines du voyage, des spectacles, de la restauration…

Grâce à cette palette d'offres, la « super app », qui n'est pourtant actuellement qu'en expérimentation auprès de quelques testeurs, donne une impression de richesse conséquente. Outre les outils financiers de la marque (couvrant la banque du quotidien, celle réservée aux enfants et celle des professionnels, l'investissement, les moyens de paiement, l'assurance…) et ses propres boutiques de m-commerce, la plate-forme accueille même deux partenaires additionnels, dans les rubriques santé et beauté.

Tinkoff invite tous les acteurs de l'économie mobile – depuis les fleuristes jusqu'aux sociétés de nettoyage – à rejoindre ces pionniers. Pour ce faire, ils disposent d'un jeu d'APIs avec lesquelles il créent des « mini apps », prêtes à déployer sur l'AppStore interne qui leur est dédié et qui leur donne immédiatement accès aux 10 millions de clients que compte la banque à ce jour. Ces interfaces fournissent, entre autres, des capacités de gestion de fidélité et de promotions, de paiement en plusieurs fois…

Super-app Tinkoff

La proposition s'accompagne d'autres avantages exclusifs pour les participants à la place de marché. Les utilisateurs ont notamment la possibilité d'interagir avec les applications intégrées par l'intermédiaire d'Oleg, l'assistant virtuel pluridisciplinaire de Tinkoff, sans développement supplémentaire. Il suffit alors d'interpeller l'outil et d'énoncer – vocalement – les instructions à suivre afin de, par exemple, effectuer une commande de repas, la régler et collecter le remboursement (cashback) associé.

Plus ambitieux encore, la banque promet une expérience personnalisée, reposant sur les facultés d'intelligence artificielle qu'elle a développées avec son super-calculateur Kolmogorov. Il s'agirait non seulement d'apporter des recommandations avisées aux clients sur leur gestion de l'argent (un rappel de facture à payer comme un conseil en investissement) mais également de leur suggérer des services non financiers appropriés en fonction du moment, de la localisation, des préférences, du contexte individuels…

Il y a longtemps que Tinkoff ne se contente plus d'être une « simple » banque mais son expansion prend désormais une direction intrigante, puisque son objectif apparent est de s'imposer comme une plate-forme mobile universelle pilotée par ses agents intelligents. Il n'est donc plus question uniquement d'établir, sur le modèle chinois, le socle incontournable du m-commerce russe mais plutôt de définir un compagnon de tous les instants, capables de guider le consommateur dans tous les aspects de sa vie.

lundi 9 décembre 2019

By Miles simplifie l'assurance au kilomètre

By Miles.
Si le principe de l'assurance au comportement paraît avoir des difficultés à s'imposer en Europe, peut-être en raison de réticences à se sentir espionné, les primes ajustées au kilométrage restent populaires. La startup britannique By Miles profite maintenant de la connectivité des voitures modernes pour en faciliter l'adoption… et préparer l'avenir ?

À ce jour, de nombreuses compagnies proposent des conditions avantageuses aux « petits rouleurs », mais elles sont soumises à diverses contraintes. Dans certains cas, il s'agit d'une réduction forfaitaire attribuée à ceux qui ne dépassent pas un certain seuil de distance parcourue dans l'année. Sinon, pour ceux qui veulent un tarif adapté précisément à leur pratique, il leur faut installer un accessoire de surveillance dans leur véhicule. Et, dans tous les cas, les risques de fraude limitent les bénéfices accordés.

Avec la solution de By Miles, l'assurance payée au kilomètre (au mile, plus exactement) devient aussi simple que le contrat fixe traditionnel… pour peu que le client possède un véhicule de nouvelle génération – en l'occurrence, une Tesla. En effet, il suffit alors d'autoriser la jeune pousse à accéder aux données collectées par le constructeur. Dès lors, elle peut suivre les trajets empruntés et restituer en temps réel, à travers son application mobile, l'évolution du coût de la couverture pour le mois en cours.

By Miles. pour Tesla

Le concept esquisse certainement l'avenir de l'assurance. Hélas, il est aujourd'hui réservé à une minorité, non seulement parce qu'il n'est envisageable qu'avec une automobile connectée mais également parce qu'il requiert que les informations recueillies soient aisément accessibles. Or, quand By Miles le déploie uniquement pour la marque Tesla, l'avance technologique qui lui sert de justification ne peut masquer qu'il fait partie des rares constructeurs partageant les données de leurs usagers (avec leur accord).

Naturellement, le calcul du kilométrage n'est pas le seul avantage offert par les capacités embarquées. La startup intègre ainsi une option d'assistance à la localisation du véhicule en cas de vol, utile autant pour le propriétaire que pour ses propres besoins lors de la déclaration de sinistre. Par ailleurs, elle ne fait pas de secret de l'intérêt qu'il y aura à analyser l'impact des modes de conduite autonome sur les risques et, par conséquent, sur l'opportunité de mieux adapter les modèles actuariels à cette innovation.

Pour conclure, précisons que, en arrière-plan, le fournisseur du produit distribué par By Miles n'est autre que La Parisienne, avec son approche d'« assurance as a service » (et à la demande). Étant donc de la sorte la véritable responsable des perspectives futures évoquées, celle-ci se place dans une excellente position en vue d'appréhender les inévitables transformations du secteur induites par les changements profonds affectant l'univers de l'automobile, maintenant et, encore plus, dans les années à venir.