Dans le sillage de la présentation de sa nouvelle stratégie, dont un des piliers est un investissement massif (jusqu'à 1 milliard d'euros dans les 5 ans à venir) pour sa transformation numérique, Deutsche Bank annonçait récemment sa décision d'ouvrir 3 labs d'innovation, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Tous les chiffres qui entourent l'initiative sont impressionnants. Autre exemple de gigantisme, l'objectif fixé à ces structures sera d'évaluer 500 idées de startup par an ! Pourtant, au-delà du volume et de l'effet d'annonce qu'il engendre, le projet soulève des questions sur sa valeur : la démesure est un peu la marque de fabrique des grandes organisations – surtout en matière de communication – mais elle n'est certainement pas une preuve d'efficacité. Analysons donc les détails de plus près…
La mission officielle des labs est d'améliorer les produits, les services et les processus de la banque, dans tous ses domaines d'activité. Dans une moindre mesure, ils doivent aussi contribuer au renforcement de ses capacités d'innovation, tout en approfondissant ses relations avec les écosystèmes de startups technologiques. Ainsi, tout laisse à penser que la priorité est mise sur des améliorations incrémentales et beaucoup moins sur des ruptures. Des moyens si importants sont-ils vraiment justifiés pour une telle cible ?
Dans un registre différent, chacun des 3 labs de Deutsche Bank sera piloté conjointement avec un partenaire : Microsoft à Berlin, HCL à Londres et IBM dans la Silicon Valley. La logique de ces coopérations est aisée à comprendre, entre apport d'expérience (plus ou moins avérée) dans ce genre d'exercice et probable contribution financière et logistique. Le principe même ne peut être discuté, car l'innovation est toujours plus productive quand elle mixe les perspectives. En revanche, le choix des acteurs suscite des interrogations.
Écartons d'emblée HCL, qui, en tant qu'intégrateur et spécialiste de l'outsourcing, semble particulièrement hors de son élément et attardons-nous sur les deux autres. En surface, Microsoft et IBM axent leur développement sur l'innovation et peuvent donc paraître légitimes dans cette démarche. J'y vois pourtant plusieurs risques, liés principalement à la nature de ces entreprises (et de leur activité) et à leurs stratégies, pas nécessairement alignées ou compatibles avec celles de la banque.
Car il ne faut pas perdre de vue que Microsoft et IBM sont toutes deux dans une période d'incertitude face à la transformation numérique, qui leur impose de réinventer leurs métiers pour demain. Et, comme toutes les grandes entreprises confrontées à ces défis, elles sont écartelées entre un désir d'innovation de rupture sincère et une forte tentation d'essayer d'adapter leurs « vieux » modèles à l'air du temps, moyennant un simple rhabillage marketing (cf. l'exemple des offres « big data » sur mainframe…).
Encore plus dans une collaboration avec un client historique, déjà équipé de leurs solutions, le danger est que l'innovation ne soit que cosmétique, se résumant au déploiement de nouvelles versions de produits, sans apporter de valeur additionnelle significative. En parallèle, la sensibilité purement technologique des partenaires peut faire craindre que les enjeux les plus importants pour la banque – autour de l'expérience client – ne soient rapidement perdus de vue sous une approche focalisée sur l'outillage.
Par ailleurs, si le fait de travailler avec des acteurs d'une taille équivalente à la sienne est naturellement plus « confortable » pour Deutsche Bank, il tend à être contre-productif, ne serait-ce que parce qu'il évite de bousculer les habitudes. Enfin, mais c'est un débat beaucoup plus large, le concept de lab autonome dans l'organisation peut également constituer un handicap dans le besoin de faire évoluer la culture globale (ce qui est aujourd'hui considéré comme le premier axe de progrès dans la transition numérique).
Peut-être Deutsche Bank a-t-elle bien appréhendé l'ensemble de ces risques. Il est tout de même extrêmement ambitieux de sa part de lancer simultanément 3 initiatives de grande ampleur sans en avoir préalablement éprouvé son modèle. Mouvement de panique ou simple opération de communication qui restera sans suite ? En tous cas, je ne recommanderais pas une telle stratégie à une banque en mal d'innovation…
Tous les chiffres qui entourent l'initiative sont impressionnants. Autre exemple de gigantisme, l'objectif fixé à ces structures sera d'évaluer 500 idées de startup par an ! Pourtant, au-delà du volume et de l'effet d'annonce qu'il engendre, le projet soulève des questions sur sa valeur : la démesure est un peu la marque de fabrique des grandes organisations – surtout en matière de communication – mais elle n'est certainement pas une preuve d'efficacité. Analysons donc les détails de plus près…
La mission officielle des labs est d'améliorer les produits, les services et les processus de la banque, dans tous ses domaines d'activité. Dans une moindre mesure, ils doivent aussi contribuer au renforcement de ses capacités d'innovation, tout en approfondissant ses relations avec les écosystèmes de startups technologiques. Ainsi, tout laisse à penser que la priorité est mise sur des améliorations incrémentales et beaucoup moins sur des ruptures. Des moyens si importants sont-ils vraiment justifiés pour une telle cible ?
Dans un registre différent, chacun des 3 labs de Deutsche Bank sera piloté conjointement avec un partenaire : Microsoft à Berlin, HCL à Londres et IBM dans la Silicon Valley. La logique de ces coopérations est aisée à comprendre, entre apport d'expérience (plus ou moins avérée) dans ce genre d'exercice et probable contribution financière et logistique. Le principe même ne peut être discuté, car l'innovation est toujours plus productive quand elle mixe les perspectives. En revanche, le choix des acteurs suscite des interrogations.
Écartons d'emblée HCL, qui, en tant qu'intégrateur et spécialiste de l'outsourcing, semble particulièrement hors de son élément et attardons-nous sur les deux autres. En surface, Microsoft et IBM axent leur développement sur l'innovation et peuvent donc paraître légitimes dans cette démarche. J'y vois pourtant plusieurs risques, liés principalement à la nature de ces entreprises (et de leur activité) et à leurs stratégies, pas nécessairement alignées ou compatibles avec celles de la banque.
Car il ne faut pas perdre de vue que Microsoft et IBM sont toutes deux dans une période d'incertitude face à la transformation numérique, qui leur impose de réinventer leurs métiers pour demain. Et, comme toutes les grandes entreprises confrontées à ces défis, elles sont écartelées entre un désir d'innovation de rupture sincère et une forte tentation d'essayer d'adapter leurs « vieux » modèles à l'air du temps, moyennant un simple rhabillage marketing (cf. l'exemple des offres « big data » sur mainframe…).
Encore plus dans une collaboration avec un client historique, déjà équipé de leurs solutions, le danger est que l'innovation ne soit que cosmétique, se résumant au déploiement de nouvelles versions de produits, sans apporter de valeur additionnelle significative. En parallèle, la sensibilité purement technologique des partenaires peut faire craindre que les enjeux les plus importants pour la banque – autour de l'expérience client – ne soient rapidement perdus de vue sous une approche focalisée sur l'outillage.
Par ailleurs, si le fait de travailler avec des acteurs d'une taille équivalente à la sienne est naturellement plus « confortable » pour Deutsche Bank, il tend à être contre-productif, ne serait-ce que parce qu'il évite de bousculer les habitudes. Enfin, mais c'est un débat beaucoup plus large, le concept de lab autonome dans l'organisation peut également constituer un handicap dans le besoin de faire évoluer la culture globale (ce qui est aujourd'hui considéré comme le premier axe de progrès dans la transition numérique).
Peut-être Deutsche Bank a-t-elle bien appréhendé l'ensemble de ces risques. Il est tout de même extrêmement ambitieux de sa part de lancer simultanément 3 initiatives de grande ampleur sans en avoir préalablement éprouvé son modèle. Mouvement de panique ou simple opération de communication qui restera sans suite ? En tous cas, je ne recommanderais pas une telle stratégie à une banque en mal d'innovation…
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