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vendredi 30 novembre 2018

Le crédit qui valorise les comportements sains

LiveLend
En général, quand vous sollicitez un emprunt auprès de votre banque, celle-ci vous accorde des conditions correspondant à votre situation du moment. Quelle que soit la durée de l'opération, quelle que soit l'évolution de votre statut, elles ne changeront plus. Afin de réparer ce qu'elle estime être une injustice, LiveLend invente le prêt dynamique.

Depuis son origine (en 2016), la jeune pousse britannique se positionne sur le créneau en plein renouveau « digital » du crédit à la consommation, avec une double promesse, désormais classique, de réactivité et d'efficacité. Elle permet, d'une part, d'obtenir – via une souscription entièrement en ligne – une décision en quelques minutes, suivie, le cas échéant, d'un déblocage des fonds en quelques heures, et, d'autre part, de bénéficier de taux plus avantageux que ceux des banques traditionnelles aux processus lourds et coûteux, sans frais cachés, y compris en cas de retard de remboursement.

À partir du 29 novembre, LiveLend ajoute systématiquement une caractéristique inédite à cette offre de base : le taux d'intérêt, déterminé initialement en fonction de critères standards, est maintenant ré-évalué tous les 3 mois. Ainsi, si l'emprunteur améliore son score de crédit au cours de cette période, il est automatiquement réduit pour la durée restante, à hauteur de 2% pour chaque tranche de 25 points gagnés, jusqu'à un niveau minimum de 7,9% (à ce jour). La dégradation du score n'a, en revanche, pas d'impact.

Accueil LiveLend

Une telle approche est d'abord conçue pour récompenser concrètement les clients qui adoptent un comportement financier sain. Elle devient de la sorte un argument de conquête à destination des consommateurs à la recherche d'une solution. Il sera d'autant plus convaincant que les taux proposés peuvent atteindre 36,7% (contrepartie d'un accès ouvert aux personnes les moins fiables). Mais elle représente aussi une incitation à prendre soin de son score de crédit, au bénéfice de l'emprunteur… et du prêteur.

En partie grâce à cette motivation plus ou moins subconsciente, la startup estime qu'un quart de ses utilisateurs jouiront d'une réduction dès la fin du premier trimestre (et la moitié dans l'année). Elle suggère également que les plus fragiles, donc soumis aux conditions les moins favorables, devraient être les plus nombreux à profiter de la baisse des mensualités. Avec un optimisme peut-être un peu excessif, elle se voit alors comme un instrument d'amélioration du bien-être financier de ces populations.

Un crédit est une opération à long terme et il paraît logique que ses conditions évoluent dans le temps, au rythme des changements qui affectent la vie de l'emprunteur (un parallèle avec l'assurance pourrait d'ailleurs aisément être établi). Outre le surcroît d'attractivité qu'elle suscite, cette évidence laisse entrevoir une intéressante opportunité de renforcer l'engagement des clients pendant toute la durée du contrat, ce qui peut également avoir un effet sur leur propension à respecter leurs échéances.

jeudi 29 novembre 2018

Le paradoxe de l'externalisation sélective

Openbank
Tandis que la jeune filiale « 100% digitale » de Santander révèle que l'intégralité de ses applications est dorénavant hébergée sur AWS (le cloud d'Amazon), la plupart des banques européennes persistent à considérer qu'il leur est impossible d'agir de la sorte avec leur patrimoine logiciel, en particulier ses composants les plus critiques.

Pour Openbank, on ose espérer que ce choix était une évidence, même s'il est d'abord passé par une phase hybride. Quoi qu'il en soit, ayant conquis 1,3 millions de clients espagnols en moins de 18 mois et avec de sérieuses velléités d'expansion internationale, les avantages de l'offre d'Amazon, en termes de fiabilité, de flexibilité, de capacité de montée en charge, de rapidité de déploiement, de sécurité… ont certainement fait leurs preuves et justifient maintenant la bascule totale vers la plate-forme AWS.

Dans les institutions financières traditionnelles, en revanche, l'option cloud reste, au pire, écartée totalement, à l'exception de sa déclinaison privée qui lui fait perdre une grande partie de sa valeur, et, au mieux, réservée à des usages spécifiques, tels que les outils bureautiques (surtout parce que Microsoft tend à imposer sa volonté en la matière) ou certaines applications qui se prêtent à la transition (par exemple, dans l'idéal, les services web et mobiles destinés à la clientèle, par nature ouverts à l'extérieur).

Naturellement, il n'est pas envisageable dans une majorité d'établissements de migrer le système cœur (« core banking ») sur AWS, pour une simple raison d'incompatibilité technique. Mais celles qui procèdent à son remplacement ne retiennent généralement pas cette solution non plus. Et quand il s'agit de créer, de toutes pièces, un lac de données (« data lake ») pour mieux exploiter l'information disséminée dans les silos applicatifs existants, (presque) aucune ne pense au cloud. Openbank, elle, n'hésite pas.

Pourquoi une telle attitude, d'ouverture au changement, n'est-elle pas plus répandue ? La réponse se trouve, comme toujours, dans un mélange d'habitudes et de prétextes non vérifiés. Ainsi, sur ce second volet, une légende tenace continue à circuler dans les DSI bancaires, selon laquelle le régulateur interdirait l'hébergement des systèmes dans le cloud. Mais ce sont bien les traditions qui expliquent le mieux l'immobilisme, de celles qui assurent que seule une informatique interne fournit la qualité de service requise.

Peu importe que les statistiques de fonctionnement d'Amazon soient objectivement meilleures, l'impression de maîtriser son destin est plus fort que tout dans la banque. Et pourtant… c'est là qu'apparaît un paradoxe extraordinaire : s'il faut garder vraiment le contrôle sur l'informatique, pourquoi cette règle s'applique-t-elle au matériel, qu'il faut posséder, et pas au logiciel, aujourd'hui presque entièrement externalisé (soit sous forme de progiciels, soit à travers des méga-contrats de délégation de projets) ?

Les DSI se retrouvent de la sorte dans une position très étrange, qui leur donne les pleins pouvoirs sur les machines constituant les couches basses de l'infrastructure mais dans laquelle ils n'hésitent pas à confier à des tiers la création et l'exploitation de pratiquement tous leur logiciels. Ne devraient-ils pas, au contraire, afin de garantir leur autonomie et leur emprise sur l'avenir, rester maîtres des applications qui représentent l'avantage concurrentiel de la banque et laisser la gestion des infrastructures, dorénavant banalisées, à des spécialistes extrêmement performants et efficaces, tels qu'Amazon ?

Remise des clés

mercredi 28 novembre 2018

Un lab d'innovation, pour quoi faire ?

BBVA
Question récurrente, dont la réponse ne demande finalement qu'un peu de bon sens. Et pourtant, les labs d'innovation continuent à fleurir dans les grands groupes, sans rien produire de concret, dans la plupart des cas. Un court article de Christina Anderson – de BBVA Compass – donne l'occasion de rappeler quelques évidences sur ce thème.

La mode s'est répandue comme une traînée de poudre dans les sociétés qui se piquaient soudain de révolution et de transformation : les labs s'y sont développés, comme les directions de l'innovation ou les « chief digital officers »… avec les mêmes défauts. La priorité a trop souvent été placée sur le concept même, parfois à seules fins de communication, sans se poser les questions de leur utilité et de leur mission. Faut-il s'étonner que, dans ces conditions, les résultats soient peu probants ?

Le constat est universel : la première raison d'échec d'un lab d'innovation – que cet échec soit reconnu ou non – est qu'aucun objectif formel ne lui a été affecté. Passons rapidement sur l'incontournable impossibilité de mesurer un succès à partir de critères inexistants ou, à tout le moins, non consensuels. Le problème est plus profond. Il ne suffit pas que le responsable se fixe une cible pour donner du sens à son projet. Il lui faut aussi faire accepter sa vision par les autres décideurs, au service desquels il se place.

BBVA - Réflexions sur les labs d'innovation

La définition d'une feuille de route, détaillant à la fois les moyens à mettre en œuvre et les livrables qui serviront à établir le bilan de l'initiative, est d'autant plus critique qu'il n'existe pas de stéréotype unique pour un lab d'innovation. Chaque instance est différente, dépendant de la culture de l'entreprise, de ses priorités stratégiques, de son plan organisationnel et de ses choix du moment. Dans une certaine mesure, il n'existe pas de bon ou de mauvais modèle, pour peu que celui-ci ait été fixé et partagé.

Qu'il s'agisse de comprendre et analyser les attentes des clients, de concevoir, expérimenter et déployer de nouveaux produits et services ou même de s'approprier des technologies émergentes (sans perspective opérationnelle), toutes les options sont légitimes si elles sont effectivement validées avec l'ensemble des parties prenantes (jusqu'au plus haut niveau), si le retour sur investissement espéré est acceptable pour les dirigeants et si elles sont alignées avec les ambitions à long terme de l'entreprise.

Afin d'aider ceux qui voudraient se lancer dans l'aventure, Christina suggère 2 questions, parmi d'autres, dont la réponse peut trouver réponse dans un lab d'innovation : à quelles réalités devra faire face votre entreprise dans 5, 10 ou 20 ans et comment votre secteur changera avec l'évolution des comportements des clients ? Si personne ne se penche déjà sur ces sujets, il restera à définir les modalités de fonctionnement de la structure qui pourra accompagner l'organisation dans son adaptation aux enjeux de demain.

mardi 27 novembre 2018

Le mythe du « too big to fail »

Amazon
D'un côté, Jeff Bezos déclare, lors d'une réunion ouverte à tous les collaborateurs de son entreprise : « un jour, Amazon fera faillite ». De l'autre, Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas, affirme : « nous avons 200 ans et nous serons encore là dans 200 ans ». Au-delà de la question de fond, deux cultures tellement différentes…

La réponse qu'offre l'homme le plus riche du monde à l'employé l'interrogeant sur les enseignements qu'il retire des récentes liquidation de Sears et de quelques autres acteurs de la distribution est parfaitement candide. Il considère en effet que l'accélération des cycles d'innovation donne aux grands groupes une espérance de vie moyenne qui se mesure en décennies et non plus en siècles. Et d'ajouter que la chute, qu'il espère retarder le plus longtemps possible, surviendra quand Amazon cessera de se préoccuper de ses clients jusqu'à l'obsession, pour se focaliser sur son propre nombril.

Bien sûr, une comparaison directe entre le géant du e-commerce et une banque n'est pas sans défauts. Et je ne veux pas parler du seul fait que les effectifs d'Amazon sont plus du triple de ceux de BNP Paribas ou que sa capitalisation est 10 fois plus élevée (et presque 3 fois plus que celle de Bank of America). Les marchés sont (presque) sans rapport, les comportements de la clientèle sont incomparables, les modèles économiques n'ont rien en commun… Mais une autre différence mérite l'attention.

Ainsi, dans une pure démarche d'innovation destructrice, Amazon est née en tuant des écosystèmes existants (d'abord celui de la librairie traditionnelle avant de passer au commerce de détail en général) et cette histoire est encore fraîche et reste inscrite dans son ADN, notamment à travers son patron. Rien de tel dans les banques, qui, outre que leur genèse est trop lointaine pour laisser des traces, ont émergé sous leur forme actuelle à partir d'un nouveau besoin (la révolution industrielle) et n'ont donc rien remplacé.

Jeff Bezos

Fort de son expérience directe personnelle, Jeff Bezos sait – et n'oublie pas – que tous les empires sont fragiles : il « suffit » d'un trublion que personne ne prend au sérieux pour les ébranler, les faire vaciller, voire les conduire à l'effondrement. Le sens de son intervention est justement de partager cette conscience intime de la précarité de toute entreprise avec l'ensemble des effectifs d'Amazon, de manière à en faire un pilier de la culture interne, toujours présent dans les esprits pour orienter la stratégie.

Il ne s'agit certainement pas de se résigner à disparaître dans 10 ou 20 ans, mais de comprendre que pour continuer à prospérer, il faut à tout prix éviter de sombrer dans l'autosatisfaction et l'arrogance du géant inébranlable, et, au contraire, continuer à défendre ses valeurs fondamentales (d'où la référence à l'obsession du client). Or il me semble que l'attitude des banques est parfois l'exacte opposée de celle d'Amazon, aussi bien du point de vue de leur profonde conviction d'être indéboulonnables et éternelles que de leur centrage sur elles-mêmes, en dépit des discours sur l'importance du client.

Les grandes institutions financières qui cherchent si souvent à s'inspirer des modèles des startups pourraient aussi prendre exemple sur les mastodontes technologiques qui sont génétiquement un peu plus proches d'elles. Ici, la leçon que donne Jeff Bezos est très simple : quand les dirigeants s'engagent (sincèrement) dans une transformation radicale de leur organisation, il doivent insuffler un sens de l'urgence et une exigence d'action parmi les collaborateurs et non leur faire croire que l'avenir est déjà tracé.

Actualité Amazon repérée grâce à Fabien Denais (merci !)

lundi 26 novembre 2018

Argent intelligent et idées bêtes

CommBank
Il faut croire que, parfois, seules de mauvaises raisons parviennent à déclencher des projets utiles. Et la blockchain est actuellement le plus populaire de ces catalyseurs bancals. Le lab d'innovation de l''australienne CommBank nous en fournit aujourd'hui un nouvel exemple avec son expérimentation autour de l'argent intelligent.

C'est dans le cadre du programme public d'assurance invalidité (NDIS) que la banque a réalisé son test. Il s'agit de fournir une application mobile aux bénéficiaires, leur permettant de régler leur dépenses éligibles avec un « token » spécialement créé pour cet usage, plutôt que d'avoir à avancer les fonds et attendre leur remboursement. Grâce à un « smart contract » attaché à cette monnaie virtuelle, les budgets disponibles sont automatiquement réservés au règlement des frais auxquels ils sont affectés.

À partir de cette démonstration, CommBank imagine de multiples déclinaisons possibles de ce concept d'argent programmable : indemnisation des sinistres dans l'assurance, gestion de l'argent de poche des enfants, contrôle des comptes des associations caritatives… ou, plus prosaïquement, suivi d'un régime nutritif… Dans tous les cas, la capacité à pré-déterminer pour quel type d'achat l'argent distribué peut être utilisé, plus ou moins strictement, représente un moyen de simplifier les mécanismes existants.

Le concept est incontestablement intéressant. Mais pourquoi faudrait-il une blockchain pour le mettre en œuvre ? Pour profiter de la formidable opportunité qu'offrent les fameux « smart contracts » ? Pourtant, il ne s'agit que de composants logiciels tout à fait banals… L'idée de programmer l'argent de poche n'a ainsi pas attendu la dernière technologie à la mode pour être mise à la disposition des parents, comme le montre le cas de la carte Visa de PktMny (désormais nommée GoHenry) en 2012 !

Il reste à espérer que la lucidité finisse par reprendre le dessus dans les banques qui, comme CommBank, cherchent désespérément toutes les occasions de briller avec leurs applications de la blockchain. Que cette dernière serve de prétexte à lancer des projets qui, à défaut, ne suscitent aucun intérêt et ne sont jamais financés (notamment dans des domaines sociaux) peut constituer une justification légitime d'y recourir.

Cependant, une fois les expérimentations réalisées et leurs conclusions rendues, il serait tellement rassurant de voir que certaines d'entre elles aboutissent à des déploiements effectifs, en production, et que, afin que cette phase d'industrialisation se transforme en succès, elle se rabatte sur des technologies parfaitement mûres et (presque ?) toujours plus efficaces. Ce serait là un moyen de faire de la blockchain un véritable facteur d'innovation dans la banque, au-delà de son statut présent de mythe inutile.

Argent Intelligent

dimanche 25 novembre 2018

Faut-il une DSP2 de l'assurance ?

Friendsurance
L'initiative émane de Sebastian Langrehr, responsable des partenariats bancaires de Friendsurance, et Oliver Lauer, en charge des plates-formes pour AXA (Allemagne) : instaurer un standard d'assurance ouverte, à l'instar de celui que la directive européenne DSP2 essaie de créer dans les paiements. Mais comment faire, concrètement ?

Si la démarche semble parfaitement naturelle de la part d'une startup de l'InsurTech telle que Friendsurance, l'argument principal que développe Sebastian d'obtenir un accès simplifié aux informations des contrats des assurés, afin, entre autres, d'en faciliter les changements, est justement ce qui paralyse les compagnies traditionnelles. Comme les banques avant elles, elles sont, de toute évidence, extrêmement réticentes à ce qui doit favoriser la concurrence, notamment de la part de nouveaux entrants.

Dans ces conditions, il est tentant d'imaginer une solution « à la DSP2 », qui consisterait à inciter le régulateur – au niveau européen, de préférence – à prendre des mesures coercitives, sous prétexte de stimuler la concurrence et de redonner le pouvoir au consommateur sur les données qui, fondamentalement, lui appartiennent. Elle n'est pas nécessairement idéale mais, au vu des difficultés à faire converger l'industrie vers des normes volontaires (telles que BiPRO, en Allemagne), elle apparaît incontournable.

En réalité, l'exemple de la directive des services de paiement devrait peut-être inciter à la prudence, car l'approche réglementaire s'avère relativement contre-productive. En effet, face à la contrainte, les banques ont, pour la plupart, réagi négativement et ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour non seulement retarder la mise en œuvre des nouvelles exigences – sauf exception, le déploiement d'API ne commencera vraisemblablement pas avant l'échéance de septembre 2019 – mais également en limiter la portée.

Par ailleurs, les enjeux d'ouverture sont sensiblement différents entre les deux secteurs. Dans l'univers de la banque, un simple accès aux comptes et aux transactions assorti d'une possibilité d'exécuter des virements, comme requis par la DSP2, permet de satisfaire 95% des interactions courantes des clients. Dans l'assurance, en revanche, la consultation des polices n'offre que peu d'intérêt, ce sont les processus de souscription et de gestion de sinistres qui portent aujourd'hui l'essentiel de la valeur de la relation.

Même l'évolution progressive vers la prévention ne change pas ce constat : l'assurance ouverte est avant tout affaire de mise à disposition de fonctions et non d'information. Or, outre le surcroît de complexité que leur standardisation nécessiterait, il est irréaliste d'envisager de la rendre obligatoire à court terme, ne serait-ce que parce que certains processus sous-jacents sont encore largement manuels et que le temps réel est un besoin essentiel des utilisateurs potentiels des API (dont Friendsurance).

Dans l'immédiat, il serait donc plus raisonnable de miser sur la pédagogie pour convaincre les compagnies que l'ouverture de leurs services à des tiers leur offriraient des opportunités extraordinaires, notamment dans l'inéluctable mutation vers un modèle d'expérience, dans lequel le produit d'assurance s'immerge au cœur des parcours de la vie quotidienne. L'inspiration des pionniers devrait contribuer à leur éducation « digitale »… et celles qui ignorent le mouvement prendront le risque de disparaître !

Pont

samedi 24 novembre 2018

Quand l'IT bancaire devient une affaire d'état

Parlement du Royaume-Uni
Face à la multiplication des incidents informatiques dans les banques britanniques ces dernières années et au vu de l'importance croissante de leurs services en ligne dans la vie quotidienne des citoyens et des entreprises, la commission du Trésor du parlement de sa majesté lance une vaste enquête sur des dérives jugées inquiétantes…

Depuis la catastrophe subie par RBS en 2012, qui laissa les clients sans accès à leurs comptes pendant plusieurs jours, toutes les institutions financières du pays semblent être victimes de problèmes similaires de plus en plus fréquemment. Ces derniers mois Barclays, Visa, RBS (encore !) et, bien sûr, TSB – dont la migration de plate-forme a tourné au désastre – ont ainsi souffert d'interruptions de service imputées à des dysfonctionnements logiciels et leurs conséquences sont parfois dramatiques.

Or, comme le soulignent les membres du parlement, les outils informatiques des banques constituent désormais des infrastructures critiques. Quand, en outre, les agences deviennent de plus en plus rares (presque 2 sur 3 auraient fermé en 30 ans) et quand les clients sont encouragés à réaliser leurs opérations par eux-mêmes, le constat englobe aussi les applications web et mobiles mises à leur disposition. Dans ces conditions, le législateur s'empare logiquement de l'enjeu de résilience technique du secteur.

Dans un premier temps, l'enquête qu'il lance vise en priorité à comprendre la nature et les origines des pannes récurrentes observées récemment, car il ne se satisfait plus des excuses lénifiantes et soupçonnées d'insincérité formulées par les entreprises incriminées. Tous les aspects de la dégénérescence des systèmes, habituellement évoqués à demi-mot, sont mis sur la table : existence de point de vulnérabilité unique, vieillissement des logiciels, qualité de la documentation, impact de l'externalisation…

Enquête du parlement sur l'informatique des banques

En arrière-plan, la commission du Trésor laisse entrevoir sans équivoque sa volonté de s'appuyer sur les informations qu'elle collectera pour définir, si cela s'avère nécessaire, un cadre réglementaire contraignant afin d'assurer à l'avenir un niveau de disponibilité adéquat des plates-formes bancaires. Dans cette optique, elle s'interroge déjà sur la capacité et la légitimité du régulateur (notamment en termes de compétences) à concevoir et mettre en place des garde-fous et des moyens de contrôle appropriés.

À travers leur initiative, les parlementaires britanniques paraissent prendre conscience du danger imminent qui guette les institutions financières, alors que celles-ci donnent l'impression d'une certaine désinvolture vis-à-vis des signes flagrants d'une dégradation de leurs infrastructures – qui peut aussi être interprétée comme une inconscience de la gravité de la situation dans leurs directions informatiques. S'il faut attendre une réglementation pour redresser la barre, il y a de quoi être pessimiste !

À ceux qui jugeraient que les circonstances exceptionnelles des banques d'outre-Manche, avec leurs incidents à répétition, ne concernent pas les établissements français (et d'autres pays), je suggérerais de surveiller les cas d'indisponibilité de leurs services en ligne : les indices d'une baisse de qualité sont visibles… Il serait utile de se poser dans chaque organisation les questions que soulève la commission du Trésor britannique et d'y apporter des réponses avant que le phénomène ne prenne de l'ampleur.

vendredi 23 novembre 2018

BBVA teste une autre relation client-fournisseur

BBVA
Quand BBVA signait une alliance stratégique avec Cisco en 2016, il ne s'agissait que de formaliser une relation relativement classique entre un grand groupe et un fournisseur privilégié. Aujourd'hui, la collaboration entre les deux firmes s'est affermie et permet de franchir un cap inédit, avec la mise en place d'un programme d'échange de talents.

La première phase de cette initiative originale a commencé au mois de septembre dernier. Une équipe d'ingénieurs de BBVA Next Technologies – l'entité de développement logiciel qui se positionne au cœur de la transformation technologique de la banque espagnole – a alors intégré, en immersion totale, l'académie de l'expérience client (« CX Academy ») de Cisco, à Cracovie, en Pologne. Ce sera ensuite au tour de l'équipementier réseau d'envoyer un petit groupe de collaborateurs dans les rangs de BBVA.

Le premier motif invoqué pour justifier une telle opération est d'offrir aux employés des deux organisations une occasion de découvrir un autre environnement et des défis professionnels différents par rapport à ce qu'ils connaissent et vivent habituellement dans leur entreprise. Dans un contexte de tension sur le marché du travail dans le secteur des nouvelles technologies, ils estiment que ce sont des opportunités de ce genre qui peuvent faire la différence en matière d'attractivité et de fidélisation de leurs effectifs.

Actualité BBVA

Cependant, des ambitions plus vastes ressortent clairement en arrière-plan. Pour BBVA, avec sa vision de la banque comme entreprise logicielle, il paraît important, par exemple, de ne pas s'enfermer dans ses schémas de pensée traditionnels et de, au contraire, s'ouvrir sur des pratiques issues de secteurs différents, parmi lesquels l'univers des technologies est une source d'inspiration utile. Du point de vue de Cisco, un enjeu évident est de mieux comprendre les attentes de son client, en étant plus proche de lui.

Enfin, au-delà du mixage de compétences et de culture, les partenaires veulent aussi, à travers cette démarche, créer une sorte de réseau collaboratif entre eux. Construit petit à petit à partir des liens personnels qu'établiront les participants aux échanges, il devrait contribuer à améliorer sensiblement la qualité, l'efficacité et la rapidité d'exécution dans les projets communs, voire dans les relations du quotidien. Les habitués du dialogue avec des fournisseurs stratégiques apprécieront la valeur recherchée !

Je ne saurais dire combien de fois j'ai entendu dire d'un contrat entre une entreprise (informatique, en général) et un grand groupe qu'il dépasse le strict cadre commercial et s'inscrit dans une logique de partenariat. Ce postulat fait partie des mythes sans substance dont tout le monde a oublié ce qu'ils pouvaient signifier. Avec son programme « Talent Exchange », BBVA lui redonne du sens, en explorant le potentiel de collaborations étendues, au-delà de la seule fourniture de produits et services.

jeudi 22 novembre 2018

OCBC ramène l'humain dans le conseil financier

OCBC Bank
Peut-être plus encore que leurs homologues dans le reste du monde, les banques singapouriennes subissent la désaffection de leurs agences et, en conséquence, la perte de contact humain avec leurs clients. OCBC lance une démarche originale en vue de restaurer les liens, en parfaite complémentarité avec ses efforts en matière « digitale ».

Alors que les applications mobiles deviennent rapidement le premier média d'interaction des consommateurs et des entreprises avec la banque, OCBC annonçait [PDF] au cours de l'été dernier son intention de diviser par deux les effectifs affectés à ses guichets, tout en insistant sur sa volonté de faire monter en compétences les collaborateurs concernés, de manière à développer une approche d'expertise et de conseil à valeur ajoutée dans ses agences. Le discours est connu… mais, ici, il s'accompagne d'actes.

En l'occurrence, l'établissement va proposer à tous ses clients qui se sont engagés dans une démarche active d'épargne avec sa solution « Life Goals » – soit environ 8 000 personnes depuis son lancement, en novembre 2017 – de réaliser un bilan annuel de leur situation financière, gratuitement, avec leur conseiller habituel ou avec un spécialiste. Alors que la majorité des intéressés dispose d'un patrimoine inférieur à 200 000 SGD (environ 127 000 euros), ils auront accès à un entretien digne d'une banque privée.

La plate-forme se prête bien à une telle initiative, car son modèle d'accompagnement dans la réalisation au long cours de projets de vie (préparation d'une retraite confortable ou des études supérieures d'un enfant, par exemple) mérite, pour porter pleinement ses fruits, des messages de réassurance, des explications pédagogiques et même des encouragements réguliers, plus efficaces en face à face. Ce besoin est d'autant plus crucial que les clients peuvent désormais s'inscrire seuls au programme « Life Goals », sans l'assistance d'un conseiller qui était requise il y a encore quelques semaines.

OCBC Life Goals

OCBC se livre en fait à une véritable inversion de la relation bancaire historique. Autrefois, celle-ci commençait obligatoirement dans l'agence, avec une personne en chair et en os, puis, éventuellement, se déplaçait ensuite vers les outils de libre-service, principalement pour l'exécution de transactions. Aujourd'hui, elle démarre et existe en priorité à distance. Et c'est donc à l'institution financière d'encourager son client à recourir à l'expertise de ses collaborateurs, en justifiant de l'intérêt qu'il y trouvera.

Cet exemple singapourien révèle ainsi l'extraordinaire complexité de l'indispensable mutation du concept d'agence bancaire au XXIème siècle. Il n'est en effet pas seulement question d'adapter les connaissances et les savoir-faire des conseillers (ce qui représente déjà un chantier colossal !). Il faut également positionner ces derniers en support avancé des services mis à la libre disposition des clients, et non plus en point d'entrée incontournable de tout produit. Enfin, il faut constamment prouver la valeur du dispositif.

Concrètement, dans le cas d'OCBC, le premier enjeu est de former les employés – dont ceux qui étaient auparavant exécutants d'opérations du quotidien – au conseil patrimonial. Le deuxième consiste à leur demander de réaliser leur mission à partir des informations que fournissent les clients via l'utilisation de la plate-forme « Life Goals ». Le troisième est de leur démontrer que le rendez-vous annuel proposé par la banque leur permettra d'atteindre plus rapidement leurs objectifs. Bienvenue dans le monde « digital » !

mercredi 21 novembre 2018

Ce régulateur recrute un directeur de l'innovation

FCA
Sensible depuis longtemps aux tendances émergentes de l'industrie bancaire, le régulateur britannique du secteur se distingue encore une fois en dotant son organisation d'un directeur de l'innovation, ainsi que le révèle une offre d'emploi publiée la semaine dernière. Une initiative aussi rare qu'indispensable dans l'environnement actuel.

Entre les tentatives (certes timides) des institutions financières de renouveler leurs modèles historiques, la prolifération de jeunes pousses cherchant à réinventer les pratiques ancestrales, les intrusions de plus en plus fréquentes des géants technologiques dans l'univers de la banque… et les défis inédits que crée elle-même la réglementation, toujours plus intrusive, l'innovation est incontestablement au cœur du quotidien des régulateurs du monde entier, qu'ils le veuillent ou non.

Quoi de plus logique alors que de recruter un directeur pour prendre en charge tous ces sujets, en porter les enjeux dans la définition et la mise en œuvre des exigences imposées aux acteurs du domaine et, parallèlement, accompagner la modernisation de l'organisme de tutelle ? C'est la conclusion à laquelle est arrivée naturellement la FCA (« Financial Conduct Authority ») avec ses années d'expérience dans l'accompagnement de l'innovation et les innombrables actions qu'elle a entreprises.

La tâche de l'heureux élu s'annonce passionnante, car elle devra couvrir (au moins) deux missions complémentaires. En effet, il s'agira bien à la fois de contribuer à la détection, l'analyse et la compréhension des transformations affectant le secteur financier, de manière à aligner les efforts de régulation sur les réalités du marché (présentes et futures), et de capter et exploiter l'innovation dans l'univers réglementaire (notamment via la RegTech) pour faciliter et rendre plus fiables l'application des textes et son contrôle.

Le premier de ces rôles conduira le directeur de l'innovation à poursuivre la politique accueillante instaurée de longue date par la FCA, en favorisant l'expérimentation de concepts originaux (toujours dans un cadre rigoureux, bien entendu), en restant toujours prêt à déployer de nouveaux outils dans ce but (il prendra, entre autres, la responsabilité du bac à sable ouvert depuis 2 ans et demi) et en informant et en conseillant les autres membres de l'organisme, afin qu'ils intègrent sa perspective dans leur action.

Sous sa deuxième casquette, il devra promouvoir la transformation au sein même de la FCA. Il est notamment question de mieux utiliser les données et les solutions d'analyse pour développer une approche plus rationnelle et plus efficace de ses activités, ainsi que pour éclairer et contextualiser la prise de décision. Plus largement, il lui faudra capitaliser sur les technologies en vue d'améliorer le fonctionnement des dispositifs existants, dont, en particulier, les relations avec les entreprises qui y sont assujetties.

Avec cet ajout, le régulateur britannique continue à démontrer une incomparable maturité dans sa perception de sa mission à l'ère de la finance technologique. Non seulement se rend-il compte de l'importance d'attribuer une place centrale à l'innovation dans son organisation, mais il sait également donner à son directeur le rôle qui convient, d'animateur et de coordinateur de son écosystème. Ses équivalents dans d'autres pays ne seraient pas les seules structures qui pourraient s'inspirer de son exemple…

Innovation

mardi 20 novembre 2018

Voici la première banque comportementale

Discovery
Que se passe-t-il quand une compagnie d'assurance décide d'appliquer les bonnes pratiques de son métier d'origine au lancement d'une banque ? Dans le cas de la sud-africaine Discovery, la réponse consiste à aborder l'argent de ses clients comme leur santé : en leur proposant d'adopter des comportements sains… avec récompenses à la clé !

De la même manière que l'assurance évolue rapidement d'une logique historique d'indemnisation des risques vers un modèle de prévention, privilégiant le coaching et l'accompagnement des clients dans l'adoption de gestes quotidiens et d'habitudes leur permettant de rester en forme et en meilleure santé, la nouvelle Discovery Bank, qui ouvrira officiellement au début de l'année prochaine, se positionne d'abord sur l'objectif d'améliorer la vie du consommateur en l'assistant dans sa gestion financière.

Le volet « purement » bancaire de l'offre, 100% mobile et entièrement dématérialisée, affiche peu de surprises. Elle comprendra un compte courant et un compte d'épargne, une carte de crédit aux conditions simples et transparentes, une option de paiement instantané via le téléphone… Elle ajoute toutefois une possibilité plutôt rare d'intégrer tous les membres de la famille dans un même package, qui prend évidemment tout son sens dans son approche comportementale des finances personnelles… ou du ménage.

Sur ce plan, justement, l'assureur a fait appel à son partenaire habituel, Vitality (que nous avions découvert à travers son partenariat avec John Hancock, aux États-Unis). L'éditeur semble étrenner avec lui une nouvelle solution d'aide à la santé financière. Celle-ci reprend les mécanismes qui ont fait leurs preuves dans le suivi de la forme physique : grâce à un programme de recommandations, l'utilisateur est incité à faire plus attention à son comportement et il est récompensé au fur et à mesure de ses progrès.

Discovery Bank

Concrètement, c'est un modèle dit « 5-3-80 » qui est mis en œuvre. Il consiste à essayer de contrôler 5 attitudes – dépenses inférieures aux revenus, épargne régulière, assurance pour les imprévus, remboursement des emprunts et investissement pour le long terme – afin de maîtriser 80% des risques courants, se matérialisant sous 3 formes principales : surendettement, exposition aux accidents, revenus insuffisants à la retraite. Inutile de préciser que ce sont là les préoccupations majeures de nombreux sud-africains.

Le dispositif recèle en outre une petite originalité : plutôt que de distribuer des cadeaux ou des primes aux consommateurs qui améliorent leur position sur les 5 critères d'hygiène financière retenus, la banque préfère leur accorder des taux d'intérêt avantageux, sur leur compte d'épargne ou sur leur carte de crédit, selon les cas. Elle leur fournit de la sorte un double encouragement, en accélérant (un peu) la réduction de leur endettement ou leur objectif de constitution d'une réserve pour surmonter les coups durs.

Plusieurs décennies après le début du rapprochement entre banque et assurance, voici peut-être le premier cas de création de l'une en y injectant l'ADN de l'autre. En l'occurrence, Discovery ne manque pas de souligner que son activité repose largement, depuis toujours, sur l'analyse et la compréhension des comportements de ses clients. Sur cette fondation, elle affirme sa conviction profonde que cette expertise peut lui permettre de devenir aussi un partenaire crédible de leurs finances personnelles.

lundi 19 novembre 2018

L'IA remodèle le secteur des services financiers

Forum Économique Mondial
L'intelligence artificielle, même dans son état embryonnaire actuel, s'affirme progressivement comme le catalyseur d'une extraordinaire transformation du paysage des services financiers et de ses acteurs. Le Forum Économique Mondial l'a donc logiquement placée au centre de son exercice annuel de réflexion sur l'avenir du secteur.

Selon l'opinion collective des dizaines d'experts – issus de banques, de startups de la FinTech et d'entreprises technologiques – convoqués pour assembler cette somme sur l'impact de l'intelligence artificielle, il n'est pas seulement question d'améliorations marginales ou de changement radical des produits et services financiers, c'est au niveau des organisations elles-mêmes, de leur manière d'aborder leur métier et de la dynamique concurrentielle dans laquelle elles évoluent que la révolution se prépare.

C'est, par exemple, par l'émergence de solutions capables de piloter de manière optimale les finances personnelles des consommateurs, leur permettant de vivre mieux leur argent et de profiter de toutes les opportunités qui se présentent à eux, que l'intelligence artificielle procurera aux banques les plus performantes un nouveau terrain de différenciation et de compétitivité, susceptible de les extraire de la bataille féroce vers des prix toujours plus bas (jusqu'à la gratuité, dans tellement de domaines).

Cependant, l'IA va surtout entraîner une litanie de défis à relever, exigeant une profonde remise en cause des modèles historiques, notamment celui de l'institution essentiellement autonome, maîtrisant seule son destin : l'avenir sera aux collaborations et à la mise en commun d'une partie des fonctions opérationnelles, y compris avec les ennemis d'autrefois, dans absolument toutes les dimensions de l'activité financière.

World Economic Forum - The New Physics of Financial Services

Ainsi, dans un premier temps, l'automatisation « intelligente » dans les back-offices, autorisant des gains d'efficacité considérables, mènera rapidement à des stratégies d'externalisation. En effet, aucun établissement n'aura la capacité de couvrir l'ensemble de ses besoins avec la même qualité : tous auront donc quelques domaines d'excellence, dont ils tireront des revenus directs (sous réserve d'avoir mis en œuvre une approche d'API optimisée), tout en recourant à des tiers mieux positionnés sur les autres.

Plus profondément, la performance des systèmes à base d'intelligence artificielle étant intimement liée au volume et à la qualité des informations qui les entraînent et les alimentent, les entreprises qui apprendront au plus tôt à s'associer avec des fournisseurs externes de données prendront une avance conséquente. Dans les fonctions non concurrentielles – pensons à la cybersécurité, notamment –, les coopérations entre pairs devront également se renforcer, au bénéfice de l'équilibre financier mondial.

Mais les partenariats requis afin d'atteindre ces ambitions créeront des situations délicates, voire tendues, quand toutes les banques chercheront à s'approprier et exploiter les données provenant des mêmes sources. Une nouvelle forme de concurrence apparaîtra alors. Par ailleurs, la préciosité de l'information fera des réglementations relatives à la protection des données et des considérations éthiques les contraintes extérieures les plus sensibles et les plus critiques pour leur développement.

Enfin, c'est la structure du marché qui sera bouleversée. Avec une intelligence artificielle facilitant la recherche et la souscription des produits les plus adaptés à chaque besoin de chaque client, seuls survivraient, d'une part, le modèle d'hyper-concentration des géants de la finance, qui s'amplifierait, et, d'autre part, une prolifération d'innovateurs de niche, extrêmement agiles, prêts à capter les opportunités qui continueront à se multiplier.

Publication du Forum Économique Mondial signalée par Hicham (merci !)

dimanche 18 novembre 2018

La fin de l'innovation dans les banques ?

Forrester
Depuis quelques mois, au fil de ma recherche permanente d'exemples et de références, me gagne l'impression croissante que l'innovation est en régression sensible dans les institutions financières du monde entier. Or les prédictions de Forrester pour 2019 semblent confirmer que les priorités de leurs dirigeants ont effectivement changé…

Tandis que le souvenir et les effets de la crise de 2008 commencent à s'estomper et que le secteur a fini par rebondir, les perspectives s'assombrissent à nouveau, avec les menaces du changement climatique, de la volatilité politique, des guerres commerciales à l'échelle internationale, de la cybercriminalité… Dans son traditionnel exercice annuel d'anticipation, les analystes de Forrester en concluent que les efforts engagés ces derniers temps autour de l'expérience client vont se reporter vers le back-office.

Le cabinet d'analystes présente cette transition comme une réorientation, mais il faut être réaliste : ce qu'il décrit ici est un véritable renoncement à l'innovation. En effet, quand l'objectif principal des entreprises est de répondre à la pression sur leurs marges, dans quasiment tous leurs domaines d'activité, et quand les responsables exigent que les initiatives puissent justifier d'un retour sur investissement, l'exploration de nouvelles idées cède le pas à une recherche exclusive d'efficacité opérationnelle sans risque.

Un énième cycle d'optimisation marginale des processus et systèmes existants est donc probablement en préparation, laissant aussi de côté, encore une fois, les indispensables rénovations en profondeur des cœurs technologiques (qui seraient pourtant un préalable essentiel à une innovation libérée) au profit de la mise en place de quelques solutions superficielles (les outils de RPA – Robotic Process Automation – vont certainement avoir le vent en poupe), n'adressant rien des enjeux qui, eux, ne changent pas.

Prédictions 2019 de Forrester

Tout se passe comme si les banques et compagnies d'assurance estimaient que les investissements qu'elles ont consenti jusqu'à maintenant pour essayer de réaligner leurs offres sur les besoins réels de leurs clients étaient suffisants (ou avaient atteint leur cible ?) et qu'il était désormais temps de revenir aux choses sérieuses : la maîtrise des coûts. Ce serait une tragique erreur, car la transformation « digitale », côté expérience utilisateur, est loin d'être achevée (s'il est même imaginable qu'elle puisse avoir une fin).

Il est vrai que la concurrence extérieure – celle de la FinTech ou des géants du web – se fait moins inquiétante. Les autres prédictions de Forrester concernent d'ailleurs ce volet de l'innovation. D'une part, il y a, au moins aux États-Unis (mais des parallèles sont possibles ailleurs), ce constat de l'échec relatif des plates-formes d'investissement automatique face aux services équivalents déployés par les ténors du domaine (Schwab, Vanguard…). D'autre part, la domination, acceptée, d'une poignée d'acteurs disruptifs sur certains métiers, tels que les paiements, n'est plus perçue comme un traumatisme.

Sous prétexte de pragmatisme dans leur transformation, de nombreuses institutions financières sont en train de prendre une direction dangereuse pour leur avenir, car elles reviennent à leur vieux démons narcissiques, en oubliant que, dans le monde moderne, le client doit toujours être au centre des préoccupations, inconditionnellement. Aux côtés des startups qui survivront, celles, rares, qui ne s'égarent pas de la sorte développeront rapidement leur avantage concurrentiel et précipiteront la restructuration du marché.

samedi 17 novembre 2018

Nouvelles du front dans la lutte contre la fraude

eBay
À l'approche du pic d'achats des fêtes de fin d'année, en ligne et en boutique, les stratégies de lutte contre la fraude reviennent au centre des préoccupations dans les entreprises concernées, qu'il s'agisse d'en améliorer l'efficacité, par exemple chez eBay ou BBVA, ou de se mettre à niveau, comme chez Revolut, en pleine crise de croissance.

Bien que quelques-unes, telles que Monzo, tirent leur épingle du jeu, la plupart des néo-banques ont tendance à privilégier leur développement par rapport à la mise en place de procédures robustes de protection contre le blanchiment et autres malversations (au prix d'un impact parfois sensible sur leurs résultats). Mais quand le régulateur intervient, elle n'ont d'autre choix que de réagir, ce qui a conduit Revolut à mettre en place deux outils dédiés à ces problématiques. Ceux-ci semblent toutefois plutôt classiques.

À l'autre bout du spectre de la sophistication, on trouve quelques acteurs qui consacrent des ressources non négligeables à renforcer leurs capacités de sécurisation, afin de mieux répondre aux enjeux contradictoires auxquels il font face. En effet, il leur faut sans cesse progresser, dans leurs pratiques et leur arsenal, afin de maintenir les niveaux de fraude au plus bas, dans un contexte de professionnalisation de la cybercriminalité, tout en limitant au maximum les impacts négatifs pour leurs utilisateurs.

Concrètement, une des principales plaies des moyens de défense communément adoptés dans les plates-formes de paiement est le « faux positif », à savoir le signalement – et le blocage – d'une transaction qui, en réalité, est valide. Ces cas, qui, selon certaines sources, représenteraient jusqu'à 80% des détections d'anomalies des systèmes existants, induisant évidemment une insatisfaction majeure de la part des consommateurs et la perte de chiffres d'affaires pour les commerçants et les banques.

Heureusement, les technologies émergentes d'analyse des données, d'apprentissage automatique et, prochainement, d'intelligence artificielle permettent d'envisager des améliorations significatives, simultanément sur les fronts de la détection des attaques et de l'expérience client. Les démarches actuelles, généralement expérimentales (voire même du domaine de la recherche académique), abordent la problématique par des angles très différents, comme l'illustrent justement celles d'eBay et de BBVA.

Article MIT News

Pour cette dernière, qui collabore sur le sujet avec le MIT, l'idée est de rendre les algorithmes de filtrage des opérations plus précis et plus efficaces – en réduisant de moitié le nombre de faux positifs sur son échantillon de référence – grâce à l'utilisation d'informations beaucoup plus riches. Outre la poignée de paramètres usuels – montant, commerçant, jour et heure… –, l'introduction de plus de 200 points de données (localisation, terminal de paiement, type de dépense…) permet d'affiner les calculs.

Dans le cas d'eBay, l'article [PDF] publié par deux responsables invite à renverser les modèles traditionnels. Selon eux, les fraudes avérées dans les jeux de données disponibles étant insuffisamment représentatives, statistiquement (moins de 500 sur ses près de 300 000 transactions de référence, et 122 000 sur 900 millions dans l'étude du MIT !), et, de plus, les criminels ajustant régulièrement leurs techniques, l'entraînement des outils d'apprentissage automatique est nécessairement approximatif.

Ils suggèrent donc, résultats à l'appui, de modéliser les comportements légitimes et de comparer les transactions à ceux-ci pour en valider l'exécution, au lieu d'essayer de rejeter celles qui ressemblent plus ou moins à des fraudes. Là aussi, ils profitent de la multiplication des données exploitables pour renforcer la qualité de leurs algorithmes, tout en imaginant des méthodes de classification aussi simples que possible afin de pouvoir les mettre en œuvre en temps réel dans une application d'e-commerce.

S'il est rassurant de constater que les avancées technologiques favorisent la conception de nouvelles stratégies défensives face à des cybermenaces omniprésentes, il subsiste une désagréable impression que seules des initiatives ponctuelles voient le jour, émanant d'une minorité d'organisations particulièrement mûres sur le plan « digital ».

vendredi 16 novembre 2018

10 000 pas quotidiens pour une Apple Watch

UnitedHealthcare
Les capacités toujours plus puissantes de la montre d'Apple en matière de suivi d'activité et autres paramètres physiques de son utilisateur attirent décidément les acteurs de l'assurance santé. UnitedHealthcare, l'un des plus importants d'entre eux aux États-Unis, avec 50 millions d'assurés, va jusqu'à en subventionner totalement l'acquisition.

Le nouveau programme « Motion » de la compagnie emploie en effet les grands moyens afin d'inciter les collaborateurs des entreprises adhérentes à ses solutions collectives à pratiquer plus d'exercice. Après une simple activation dans son tableau de bord par le gestionnaire du contrat, chaque employé qui le désire peut demander à recevoir gratuitement une montre d'une valeur d'environ 300 dollars. S'il respecte régulièrement les conseils qui lui sont prodigués, elle sera définitivement à lui au bout de 6 mois.

Sans grande surprise, car il s'agit de l'activité physique la plus simple et la plus universelle, convenant à tout le monde, c'est la marche à pied que l'assureur cherche à promouvoir. Il ne se contente cependant pas d'encourager à effectuer plus de 10 000 pas quotidiens (le standard en la matière) : il invite également à la régularité (en valorisant des séquences de 500 pas en 7 minutes, espacées de plus d'une heure) et à l'intensité (en offrant une récompense spécifique pour un parcours de 3 000 pas en 30 minutes).

En pratique, l'atteinte de ces différents objectifs rapportera jusqu'à 4 dollars par jour aux utilisateurs, pour une prime maximale de 450 dollars sur une période de 6 mois, réservée aux plus assidus. Celle-ci servira notamment à rembourser la montre fournie, mais elle peut aussi être versée directement aux bénéficiaires qui posséderaient déjà une Apple Watch et qui ont donc aussi la faculté de s'inscrire librement au programme.

UnitedHealthcare Motion

UnitedHealthcare ne se lance pas dans une telle aventure à l'aveuglette : avant de distribuer gratuitement les montres à ses assurés, elle a mesuré concrètement les effets d'un programme de récompenses auprès des adeptes pré-existants d'appareils de suivi de la forme physique : la participation est très élevée – 45% des personnes éligibles s'enrôlent, dont près de 6 sur 10 restent actives plus de 6 mois – et l'engagement est réel – les inscrits marchent deux fois plus que la moyenne des américains.

En arrière-plan, les bénéfices sur les coûts de santé supportés par l'assureur doivent certainement évoluer dans des proportions suffisantes pour justifier l'investissement qu'il consent. Dans une forme de preuve, sa nouvelle initiative vise à tenter de convaincre un maximum d'individus de rejoindre le programme, en rendant son adhésion aussi indolore que possible. Que la perspective d'obtenir une Apple Watch gratuite constitue une motivation (impulsive) supplémentaire ne fait qu'ajouter à l'habileté de la démarche…

jeudi 15 novembre 2018

Impak et sa monnaie virtuelle à impact positif

Impak
La vogue des monnaies virtuelles – à base de blockchain ou non – a stimulé une multitude d'initiatives destinées à promouvoir les économies locales (à l'instar de la livre de Liverpool ou de l'Eusko du Pays Basque). Plus rares sont celles qui adressent des enjeux sectoriels, tel que ceux qui touchent à la responsabilité sociale et environnementale.

La jeune pousse québécoise Impak fait donc partie des exceptions, avec sa démarche entièrement consacrée à favoriser et développer une consommation à impact positif, qu'elle importe actuellement en France après un premier déploiement à Montréal et Toronto, au Canada. Et du fait de son ambition, il n'est pas question pour elle de se contenter de mettre sur le marché une nouvelle cryptomonnaie : elle bâtit un véritable écosystème qui doit garantir que ses objectifs sont respectés, dans la durée.

Ses objectifs, justement, quels sont-ils ? Dans une économie qui cherche exclusivement à exploiter toujours plus des ressources, naturelles et humaines, pourtant limitées, la prise de conscience de la nécessité d'une autre approche a besoin d'acteurs engagés concrètement. Alors, Impak se positionne comme un intermédiaire qui évalue l'impact sociétal et environnemental des entreprises et valorise celles dont le bilan est positif auprès de la communauté de consommateurs rassemblée autour de sa monnaie.

En pratique, la startup adopte ainsi d'abord un premier rôle de qualification des « bons élèves » de l'économie d'impact, dans différents domaines. Grâce à un processus qu'elle à conçu à partir de standards internationaux (les 17 objectifs du développement durable des Nations Unies et les principes de l'Impact Management Project), elle valide les candidatures qui lui sont soumises en privilégiant les acteurs produisant des solutions directes aux problèmes, mais sans mépriser ceux qui veulent limiter leurs effets négatifs.

Accueil Impak

Face à ces entreprises, Impak alignera l'armée d'acheteurs potentiels qu'elle aura convaincu de rejoindre le mouvement. Son argument principal pour les séduire sera un porte-monnaie électronique, à venir prochainement, qui offrira un annuaire des affiliés et, surtout, pourra être utilisé pour régler les achats réalisés auprès des commerces retenus – soit en devise nationale (dollar ou euro, selon le pays), soit en Impak Coin, sa propre cryptodevise – et qui récompensera ces dépenses responsables.

Le dispositif comporte enfin un dernier volet, important car il devrait constituer le socle futur du modèle économique d'Impak. En l'occurrence, les grands groupes seront également sollicités : en alignement avec les préoccupations de développement durable qui animent les plus avancés d'entre eux, une plate-forme d'achats responsables leur permettra d'accéder rapidement, simplement et à moindre frais (mais pas gratuitement) au catalogue des fournisseurs développé initialement pour les consommateurs.

Je ne peux manquer d'exprimer mon scepticisme quant au recours à une blockchain pour gérer une monnaie virtuelle qui, de l'aveu même de ses concepteurs, est soumise à une gouvernance centralisée, couvrant jusqu'à son cours officiel, qui a vocation à suivre l'évolution de l'économie d'impact. En dehors de cette réserve de détail, il reste un magnifique projet de création et d'animation d'une communauté multi-partite engagée pour la planète, fédérée intelligemment autour d'un porte-monnaie mobile.

mercredi 14 novembre 2018

Starling Bank s'offre un réseau d'agences

Starling Bank
Même au paradis des néo-banques (le Royaume-Uni), il n'est pas pratique de réaliser certaines opérations à distance, en particulier les dépôts et retraits d'espèces. Qu'à cela ne tienne, des partenaires sont prêts à prendre en charge ces transactions pour leur compte et faire ainsi tomber un ancien privilège des établissements traditionnels.

Ces derniers temps, plusieurs acteurs (Monese, Tide et, tout récemment, Monzo) se sont tournés vers PayPoint – qui proposait initialement une solution de paiement des achats en ligne dans 28 000 commerces de proximité répartis sur l'ensemble du territoire – pour permettre à leurs clients d'effectuer des dépôts de cash dans les mêmes boutiques. Pour sa part, Starling Bank a choisi de mettre à contribution la Poste britannique afin d'offrir un service encore plus complet, aux consommateurs et aux entreprises.

En effet, tous ses clients peuvent dorénavant se rendre dans un des 11 500 bureaux de poste du pays et verser des espèces sur leur compte, sans limitation de montant (le retrait est également autorisé, mais l'avantage par rapport aux automates est alors moins clair). Naturellement, ce sont surtout les professionnels, et en premier lieu les commerçants, qui apprécieront cette nouvelle possibilité. En fait, selon toute vraisemblance, elle lève probablement un frein majeur d'adoption pour un certain nombre d'entre eux.

Starling Bank - Cash Deposit

À travers cette initiative, comme dans tout ce qu'elle fait, Starling Bank ne vise pas simplement à se placer au niveau de la concurrence, mais bien à la surpasser. En l'occurrence, quand les banques historiques sont engagées dans un mouvement de fermeture d'agences, elle apporte à ses clients une proximité depuis longtemps oubliée (99,7% de la population dispose d'un bureau de poste à moins de 5 km de son domicile) et une disponibilité sur des horaires étendus (jusqu'à 10 heures du soir, parfois).

Bien sûr, la startup n'est pas la seule à profiter de la délégation d'opérations financières au réseau postal de Sa Majesté (NatWest en est utilisatrice, par exemple). Mais contrairement aux grandes enseignes qui tentent de faire accepter à leurs clients le service minimum qui y est mis à leur disposition en substitution au canal qui était jusqu'alors au cœur de leur relation bancaire, elle positionne cette option comme seul moyen de réaliser des transactions « présentielles », sans aucune autre ambition, et en continuant à mettre en avant la qualité de son modèle 100% mobile.

Après une première phase d'expansion auprès d'une niche d'utilisateurs acquis par principe à la cause de la FinTech, les néo-banques britanniques sont désormais entrées dans une logique de massification. Elle les oblige à séduire les consommateurs et les entreprises qui, bien que souvent insatisfaits de leur établissement existant, hésitent à faire confiance à un nouvel entrant. Alors, pour faciliter la décision, elles attaquent un à un les petits défauts et lacunes qu'elles ont encore et les tournent à leur avantage…

mardi 13 novembre 2018

Bruno déploie l'épargne automatique en France

Assistant Bruno
Lancée au début de l'année, la plate-forme d'épargne automatique Bruno, première du genre en France (me semble-t-il), franchit une étape de son développement en offrant, en partenariat avec Carrefour Banque, un livret rémunéré qui devrait inciter toujours plus ses utilisateurs à mettre de l'argent de côté régulièrement, presque sans y penser.

Conçu pour s'intégrer dans la vie quotidienne des jeunes adultes, Bruno est incarné exclusivement sous la forme d'un assistant virtuel (intelligent) installé dans Facebook Messenger. Là, il va commencer par demander à son interlocuteur de connecter ses comptes bancaires (grâce à une collaboration avec Budget Insight), ce qui lui permet de surveiller en permanence l'état de ses finances personnelles… et de lui suggérer un montant optimal à mettre en réserve, chaque semaine, sur son livret.

Classiquement, l'objectif n'est pas tant de faire montre de prouesses prédictives sur la gestion budgétaire des consommateurs (quoique…) que de les accoutumer à penser à leurs économies, qu'ils aient du mal à maîtriser leurs dépenses ou, plus simplement, qu'ils n'aient pas le réflexe de bloquer une partie de leur argent pour un projet futur. En s'immisçant spontanément dans leur vie une fois par semaine, pour les inviter à épargner 5 à 80 euros (la moyenne s'élevant à 120 euros par mois), ils n'ont plus d'excuse.

En pratique, la mise en place d'un compte rémunéré, réclamée par les adeptes actuels de la solution et prévue de longue date par l'équipe de la jeune pousse, tient de la même logique d'accompagnement psychologique. En effet, le taux accordé, de 1% (sur les 10 000 premiers euros) ne représente pas un avantage financier extraordinaire, mais il constitue une subtile incitation supplémentaire à accepter les recommandations de l'assistant virtuel et à ne pas toucher prématurément aux économies accumulées.

Bruno sur iPhone

La recette semble fonctionner : en quelques mois, les premiers clients de Bruno (uniquement acquis par le bouche-à-oreille ?) ont réussi à amasser plus d'un million d'euros d'économies sur leurs comptes. Il faut dire que l'assistant sait aussi s'adapter à leurs contraintes : il propose notamment 3 modes différents, plus ou moins agressifs par rapport à la prévision de capacité d'épargne idéale calculée par les algorithmes à partir de l'historique de transactions et du comportement personnel qu'il révèle.

L'aventure de Bruno ne fait que commencer. Une de ses prochaines grandes étapes consistera à introduire la possibilité d'investir les sommes disponibles dans des produits financiers élaborés, plutôt que de les laisser sur un livret à taux fixe, de manière à, d'une part, dynamiser les rendements et aider les utilisateurs à atteindre leurs objectifs plus rapidement et, d'autre part, à éduquer les jeunes consommateurs à la gestion avancée de leur argent, en les accompagnant dans une approche facile à appréhender.

Le concept d'épargne automatique existe depuis des années (on se souviendra de Digit, en particulier) et il est heureux qu'il se développe aussi en France. Il me semble toutefois extrêmement surprenant que les banques, qui sont pourtant les mieux placées pour le distribuer auprès de leurs clients, ne s'en soient pas encore emparé massivement. Heureusement, donc, que des startups sont là pour pallier à leur timidité…

lundi 12 novembre 2018

Le design à la DSI ? Bon courage !

Forrester
Les grands cabinets d'analystes ont parfois de curieuses idées… Ainsi de cette suggestion de Forrester aux DSI de prendre l'initiative des approches par le design si leurs alter ego des métiers ne s'en chargent pas dans leur entreprise. Quelles que soient les justifications d'une telle recommandation, il est une certitude : elle est inapplicable.

Certes, il est incontestable que le design est une discipline essentielle pour toute société qui cherche à aligner son offre sur les besoins réels de ses clients. Et, quand Forrester englobe dans sa définition les approches systémique (via une vision d'ensemble des fonctions) et intégrationnelle (sous l'angle des relations entre composants), il est même envisageable que le DSI se retrouve en première ligne sur celles-ci, en particulier dans les structures dont l'activité est portée essentiellement par l'informatique.

En revanche, imaginer qu'il puisse devenir le vecteur de déploiement – ne serait-ce que temporairement (le temps que la culture du design s'installe dans toute l'organisation) – d'un processus de développement de nouveaux produits et services reposant sur l'établissement d'une connexion étroite entre les cibles visées, les objectifs stratégiques de l'entreprise et l'expérience client paraît être d'une désarmante naïveté. En effet, le DSI est probablement le moins bien placé pour réussir une telle greffe.

Le premier obstacle est d'ordre historique : dans les grands groupes, au moins, les équipes en charge des projets informatiques ont souvent pris la désastreuse habitude de considérer que leur client est le donneur d'ordre interne (c'est-à-dire un responsable du métier concerné), au point que le futur utilisateur final, surtout quand il s'agit du « vrai » client, est largement ignoré, parfois jusqu'à la caricature. Changer cette manière d'aborder les problèmes représente un défi que le DSI aura des difficultés à affronter seul…

En second lieu, il souffrira aussi d'un inévitable défaut de légitimité s'il veut s'approprier une démarche de design, car celle-ci impose une proximité avec le client incompatible avec son positionnement existant. Outre qu'il n'a pas les accès nécessaires et qu'il lui est donc plus ou moins impossible de capter les besoins à la source, si les autres responsables de l'entreprise n'ont pas eux-mêmes adopté de tels principes, il est certain qu'ils ne les comprendront – et ne les apprécieront – pas de sa part.

L'analyste de Forrester ne manque pas de citer des exemples d'organisations ayant instauré une approche de design dans leurs départements techniques (dont USAA, dans le secteur financier) et il faut reconnaître que cette « pénétration » contribue à leur succès. Mais elle est alors le résultat d'un indispensable mouvement de propagation. Et si un DSI se trouve en peine d'introduire la discipline dans son entreprise, il aura tout intérêt à chercher d'abord à convaincre ses collègues du comité de direction de s'y intéresser… et en profiter pour défendre le rapprochement entre métier et informatique.

Design

dimanche 11 novembre 2018

Younited simplifie le crédit avec Linxo

Younited Credit
Si l'ouverture de la banque promise par la deuxième directive des services de paiement (DSP2) n'a pas encore véritablement vu le jour, ses applications commencent tout de même à émerger. Younited Credit profite [PDF] ainsi de l'accès direct aux comptes de ses clients pour faciliter et accélérer le traitement de leurs demandes de financement.

Le cas d'usage des données bancaires mis en œuvre ici devient un classique du genre. En fin de parcours de sollicitation de son prêt, l'utilisateur doit transmettre un certain nombre de justificatifs, généralement une copie de son dernier relevé d'opérations, un RIB et un bulletin de salaire. Désormais, une autre option s'offre à lui : se connecter à son établissement principal (celui sur lequel sont domiciliés ses revenus) et laisser le partenaire de Younited Credit, Linxo, capturer les informations nécessaires.

Pour les emprunteurs, l'avantage est non seulement de simplifier leurs démarches – leur évitant d'avoir à rechercher et envoyer les documents requis – mais également d'accélérer la procédure et de la rendre plus fiable, ce qui permet à la jeune pousse de leur fournir une réponse en quelques heures, voire quelques minutes. Les consommateurs paraissent être réceptifs à ces bénéfices : déployé depuis le début de l'année, le dispositif est maintenant utilisé pour 35% des demandes de crédit déposées en France et 75% en Espagne, et ces taux sont en progression constante.

Envoi des justificatifs pour une demande de crédit

Mais Younited Credit tire elle-même parti de cet ajout pour améliorer radicalement son efficacité opérationnelle. En effet, la capture de l'historique bancaire de ses clients (elle s'appuie en moyenne sur 3 mois de transactions) lui donne, outre l'assurance d'une information objective, des moyens supplémentaires, automatisés, de vérifier la crédibilité de ses emprunteurs. Elle renforce ainsi sa compétitivité, y compris face aux établissements qui, traditionnellement, peuvent proposer des conditions particulièrement favorables à leurs clients existants, dont ils maîtrisent parfaitement le risque de défaut.

C'est une concrétisation des ambitions initiales de la DSP2 que Younited Credit esquisse donc à travers cette initiative, en démontrant comment la « libération » des données financières favorise la concurrence, au service du plus grand nombre. Il est probable que, pour leur part, les acteurs en place y trouvent surtout matière à se plaindre, en se voyant contraints de partager ce qu'ils considèrent (à tort) comme leur propriété. Ils auraient, au contraire, tout intérêt à s'inspirer des nouveaux entrants et utiliser, eux aussi, le trésor dont ils ont la garde pour apporter plus de valeur à leurs clients.