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jeudi 29 décembre 2022

L'étrange analyse de la banque par McKinsey

McKinsey Insights
Sa critique par Guillaume Almeras (Score Advisor) a attiré mon attention sur la revue annuelle de la banque que publiait McKinsey au début du mois. Je ne peux résister à l'envie de remettre le couvert, tant le célèbre cabinet de conseil semble parfois s'égarer, au point de soulever quelques sérieux doutes sur la valeur de ses analyses en général.

La première partie du rapport, sur laquelle je souhaite m'attarder ici, traite principalement de la performance du secteur et tente d'apporter des explications aux observations réalisées. En l'occurrence, les constats bruts sont difficilement contestables, entre des niveaux de rentabilité insuffisants dans les établissements traditionnels, particulièrement marqués parmi les européens, et une valorisation moyenne en net retrait par rapport à celle des autres industries, assortis d'importants écarts selon différents critères.

Sans plus de surprise, les facteurs susceptibles de justifier cette situation ressemblent même à un rappel d'une série d'évidences. En dépit de la remontée des taux d'intérêt, qui restaure une marge de manœuvre bienvenue dans les modèles économiques historiques, les tensions créées par l'invasion russe en Ukraine, les menaces sur Taiwan, sans oublier les suites de la pandémie, sur les chaînes d'approvisionnement, sur l'emploi, sur l'inflation, sur la croissance… contribuent à maintenir une atmosphère pessimiste.

En revanche, l'approfondissement de ce point de vue synthétique laisse tragiquement à désirer, notamment quand, derrière les statistiques globales, les experts de McKinsey explorent les points forts et points faibles des uns et des autres. Exemple caricatural, est-il utile de souligner que les clients aisés produisent un revenu bien supérieur à celui des classes moyennes, dont le pouvoir d'achat est en baisse, et de conclure qu'un moyen d'améliorer les résultats consiste à focaliser l'attention sur ces populations ?

Un autre sujet de contention majeure, qu'aborde aussi Guillaume, est ce raisonnement qui voudrait prouver que la spécialisation est plus payante que l'approche universelle des grands groupes généralistes… et qui comporte tant d'erreurs qu'il donne le tournis.

McKinsey’s Global Banking Annual Review

La proportion grandissante des acteurs mono-métier (qui atteindrait 50%) dans la valorisation totale du secteur ? Prétendre que l'indicateur retenu est pertinent pour défendre la supériorité d'un modèle est pour le moins incongru : c'est oublier que le cours d'un titre est fondamentalement un pari sur l'avenir. Or, d'un côté, les banques suivent une voie toute tracée, sans perspective de rupture, alors que les nouveaux entrants, représentant une large part des spécialistes, promettent un avenir radieux…

La polarisation exclusive sur un domaine hautement profitable comme clé de la performance ? Encore une porte ouverte enfoncée par les consultants, en apparence, mais les illustrations fournies à l'appui de la réflexion exposent immédiatement ses limitations : la gestion des dépôts est essentiellement un levier pour d'autres activités, les paiements constituent un marché de masse à faible rendement et hyper-concurrentiel, le crédit à la consommation est extrêmement sensible aux conditions externes…

En outre, divers aléas, connus (conjoncture économique, innovation technologique, réglementation) ou plus inédits (pandémie, crise climatique…) mettent à mal la viabilité à long terme de ces spécialistes, comme le montre depuis quelques mois la morosité qui entoure les trublions du paiement fractionné, dont un des leaders, Klarna, espère justement trouver son salut dans la diversification. Et cette capacité à rebondir hors de son périmètre est précisément ce qui détermine sa valorisation, pas son succès initial.

Enfin, il faudrait peut-être éveiller McKinsey à la tendance universelle vers ce débordement sur des territoires extra-bancaires, qu'il s'agisse de banques désireuses de s'emparer des parcours clients de l'acquisition immobilière ou de disrupteurs attirés par le concept de « super app ». Ces orientations visent à éviter les pièges existants, en offrant une opportunité de forte expansion à celles qui stagnent et en procurant un relais potentiel de revenus à ceux qui ont mis tous leurs œufs dans le même panier.

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