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lundi 20 mai 2024

La carte Visa de demain

Visa
Comme d'autres enseignes historiques, Visa voit ses métiers changer radicalement – quoique sans véritable révolution – au fil des années et de la « digitalisation » du monde. Dans une tentative de se remettre au goût du jour, elle vient de publier une série d'annonces… étrange mélange de conservatisme et de reprises de vieilles idées.

Présentées comme une ré-invention de la carte, ces différentes initiatives laissent une impression mitigée, entre manque d'originalité et, tout de même, rattrapage indispensable de l'état de l'art. Il est par exemple question des paiements via le compte bancaire, stimulés par la vague de la banque ouverte et portés, en Europe, par l'acquisition de Tink. Voilà le seul exemple de transformation en profondeur pour le cœur d'activité de Visa, évidemment dictée par une menace existentielle.

Autre nouveauté, « Flexible Credential » offre aux émetteurs, pour l'instant uniquement en Asie et bientôt aux États-Unis, la possibilité d'une affectation dynamique des dépenses effectuées sur un support au choix du consommateur, de débit, de crédit, de règlement fractionné (BNPL), voire de fidélité (ou équivalent), via une interface intégrée à leurs applications mobiles. Le concept a émergé il y a très longtemps et Curve l'a converti en succès depuis près d'une décennie. Il était temps d'y penser !

De son côté, la solution « Payment Passkey Service » vise à simplifier et sécuriser les transactions en ligne grâce à la validation instantanée par un moyen biométrique (empreinte digitale ou reconnaissance faciale), sans transmission de données sensibles. Si vous croyez à une copie du fonctionnement d'Apple Pay ou de Google Pay, vous avez raison. Et sa déclinaison par Visa paraît artificielle puisqu'elle nécessite obligatoirement le recours aux capacités des appareils qui ne sont pas sous son contrôle.

Visa Future

Il reste enfin la généralisation du « tap », c'est-à-dire le recours au geste de présentation de la carte sans contact à proximité d'un terminal afin d'exécuter une opération. Désormais ancrée dans les habitudes pour les paiements, Visa veut en faire un modèle pour toutes sortes d'interactions de la vie courante : les échanges d'argent entre proches, l'ajout d'une carte dans un porte-monnaie virtuel, l'authentification et la fourniture d'information (de livraison, par exemple) sur les sites d'e-commerce…

Le principe semble séduisant a priori… mais quelle est sa valeur dans un contexte de dématérialisation accélérée ? Naturellement, l'entreprise essaie là de sauver son instrument historique en imaginant des cas d'usage complémentaires, mais cette démarche est contradictoire avec ses velléités de mutation « digitale », y compris, notamment, la validation biométrique décrite précédemment, et, surtout, ne correspond, selon toute vraisemblance, à aucune attente des consommateurs.

À travers ses projets, Visa illustre en fait le paradoxe classique de l'innovation dans les grands groupes, résultat d'une double erreur mortifère : d'une part, la lenteur à adopter de nouveaux concepts, facteurs de disruption, qui fait manquer les opportunités créant les leaders de demain et, d'autre part, l'incorrigible désir de continuer à capitaliser sur les produits existants (et leurs technologies sous-jacentes), en pensant que leur popularité suffit à assurer leur pérennité et la fidélité de leurs utilisateurs.

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