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dimanche 7 août 2016

Pas de bac à sable pour la FinTech française

AMF
Quelques semaines après le lancement des instances de l'AMF et de l'ACPR dédiées à la FinTech, leurs premières orientations se dessinent, entraînant avec elles quelques déceptions, telles que celle que ne manquera pas de causer la détermination affichée par Franck Guiader d'écarter l'idée d'un régime de type « bac à sable ».

C'est dans une interview pour le Journal du Net que le fraîchement nommé directeur de la division « FinTech, Innovation et Compétitivité » de l'AMF prend ainsi position, en arguant de la volonté de l'organisme de ne pas instaurer un système à deux vitesses, dans lequel certains acteurs sélectionnés par le régulateur auraient droit à un traitement de faveur et d'autres resteraient contraints par un régime commun. Il lui préfère un principe de « proportionnalité », ajustant les exigences aux risques encourus.

Ainsi énoncée, l'approche paraît évidemment être pleine de bon sens. En fait, elle est également au cœur de la méthode britannique, qui, pourtant, vient de mettre en place ce concept de « bac à sable » qui fait débat. Car le raisonnement tenu par Franck Guiader comporte malheureusement une faille béante (et son homologue londonien l'a compris avant lui) : prétendre appliquer la même réglementation aux entreprises historiques et aux nouveaux entrants supposerait que tous exercent les mêmes métiers.

Or, il n'en est rien. Déjà, aujourd'hui, les « robo-advisors » auxquels s'intéressent les experts de l'AMF ne fonctionnent pas comme les conseillers en investissement traditionnels. Mais, surtout, nul ne sait ce que nous réservent les futures stars de la FinTech et toute tentative de les soumettre pré-emptivement à une réglementation existante inadaptée constitue le plus sûr moyen de les étouffer. C'est justement à cela que doit servir le fameux « bac à sable » : permettre d'expérimenter des innovations radicales qui ne rentrent pas dans les cases actuelles.

Quand Franck Guiader cite les applications de la blockchain parmi les thèmes d'attention de l'AMF, l'exemple est particulièrement représentatif. Prétendre cadrer les usages de cet instrument (qui n'est pas qu'une technologie, faut-il le répéter ?) et établir les textes qui le régissent dès maintenant est totalement absurde, puisque personne ne sait ce qu'il en sera fait demain. Ne vaut-il pas mieux accepter cette incertitude, discuter au cas par cas avec les porteurs de projets et avancer avec eux dans une relation de proximité ?

Il n'existe aucune contradiction fondamentale entre le principe de « proportionnalité » et la mise en place d'un « bac à sable », car leurs cibles respectives ne sont pas les mêmes. Le premier est effectivement de bon sens dans les cas courants, tandis que la seconde répond à des situations non préparées. L'innovation – explicitement présente dans le nom de la nouvelle instance de régulation – ne peut se passer de cette dernière.

Aussi triste soit le constat, la direction que prend l'AMF n'a pas de quoi surprendre, car elle s'inscrit dans la droite ligne d'une culture française – supposée cartésienne, mais l'est-elle encore ? – qui croit toujours pouvoir prédire l'avenir et se prémunir a priori des risques qu'il nous promet. En pratique, cette prétention deviendra un puissant inhibiteur d'innovation. Il ne serait donc pas inutile d'adopter un soupçon du pragmatisme anglo-saxon, dont la concrétisation (le « bac à sable » anglais) reste finalement bien prudente.

En tout état de cause, ce n'est pas avec des discours aussi timorés que la France peut espérer capter un peu de l'aura londonienne après le Brexit, ni développer une innovation de renommée mondiale, deux ambitions que n'hésite pourtant pas à brandir Franck Guiader. Si le régulateur se contente d'un rôle d'accompagnement des startups dans les arcanes d'un système ancré dans le passé, il pourra se considérer bien heureux que les jeunes pousses françaises ne prennent pas leurs jambes à leur cou !

Concluons enfin sur un dernier enseignement à tirer de l'expérience de nos voisins d'outre-Manche. Le dialogue avec les entrepreneurs de la FinTech est indispensable, dès la définition des règles du jeu. Dans un sens, la révolution « digitale » concerne aussi le régulateur, ne serait-ce que dans l'impératif d'une compréhension intime des attentes de ses « clients » (qui sont autant les entreprises que les consommateurs). Je ne suis pas certain que la nouvelle division de l'AMF ait pris la mesure de cet enjeu…

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