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samedi 31 décembre 2016

Rétrospective 2016

C'est pas mon idée !
La rétrospective est une tradition incontournable de fin d'année, à laquelle il m'est difficile de déroger. Je vous propose donc de revenir sur le palmarès des 5 billets de « C'est pas mon idée ! » que vous avez le plus appréciés – si j'en crois les statistiques de consultation du blog – parmi les 363 que j'ai publiés depuis le 1er janvier dernier.

Reflet d'un éveil de tout un secteur d'activité aux transformations profondes qui affectent son environnement, les compagnies et mutuelles d'assurance sont aux avant-postes des innovations ayant retenu votre attention cette année. Figure ainsi en tête du classement Natixis Assurances et sa solution de déclenchement de la déclaration de sinistre par SMS. Il est vrai qu'elle a tout pour séduire : une idée simple à mettre en œuvre, qui facilite la vie des clients et renforce utilement la proximité dans la relation.

La deuxième entreprise sur le podium est la MAIF, qui semble engagée dans une révolution à marche forcée, et parvient à placer deux actualités dans le top 5 : l'ouverture d'un « concept store », puis le lancement d'une stratégie agressive autour de l'économie collaborative, dont elle désire se faire, en quelque sorte, le partenaire privilégié. Il s'agit probablement, pour la compagnie, d'inventer ses métiers de demain. Espérons que ses déboires récents avec Morning (ex-Payname) ne freineront pas ses ambitions…

Un autre sujet ayant marqué 2016 est le regain de vigueur du paiement via mobile, qui, après quelques années d'euphorie déçue, paraissait en sommeil. L'agitation créée par Apple Pay y est probablement pour quelque chose… À défaut d'un énième billet sur celui-ci, c'est l'arrivée chez Carrefour du porte-monnaie mobile Wa! de BNP Paribas qui vous a particulièrement intéressés. Après sa « fusion » surprise avec le très proche Fivory (porté par le Crédit Mutuel), il lui reste cependant à démontrer sa capacité à s'imposer.

Terminons ce panorama avec la « blockchain », qui remporte la palme toutes catégories de la tendance artificielle, à travers des expérimentations de moins en moins pertinentes et toujours pas d'applications en production dans les institutions financières. Mes réactions successives à ces dérives déclenchent régulièrement des polémiques mais le retour aux réalités est désormais en bonne voie. Selon toute vraisemblance, 2017 sera l'année des désillusions en la matière et, peut-être, du retour en grâce de bitcoin.

Amis lecteurs, je profite de cette occasion pour vous remercier de votre fidélité à mes billets quotidiens et je vous donne rendez-vous dès demain pour une nouvelle année d'innovation ! Dans l'intervalle, passez un excellent réveillon !

Rétrospective 2016

vendredi 30 décembre 2016

Vers une réglementation des « big data » ?

ESMA
Parce que les mégadonnées (« big data ») offrent autant d'opportunités qu'elles induisent de risques, l'ESA – qui rassemble les 3 principaux organismes européens de régulation du secteur financier, ESMA, EBA et EIOPAlance [PDF] une consultation afin de décider s'il est nécessaire de définir des règles spécifiques en vue d'encadrer leurs usages.

Les nouvelles technologies d'analyse de données et l'émergence de l'intelligence artificielle constituent désormais un thème d'exploration universel dans les institutions financières. Les bénéfices potentiels, autant pour les clients que pour leurs fournisseurs, commencent à se concrétiser, créant un effet d'emballement généralisé. En parallèle, les risques associés à ces initiatives apparaissent progressivement et sont mal maîtrisés. Pour les régulateurs, il devient donc urgent de dresser un premier état des lieux.

Avec une certaine sagesse, les autorités européennes considèrent qu'un certain nombre de textes existants sont déjà susceptibles de couvrir le sujet, par exemple en matière de protection des données personnelles, de cybersécurité, de transparence et d'information des consommateurs, de gestion des risques… En conséquence, elles ne se jettent pas immédiatement dans une course à la réglementation et préfèrent prendre le temps de la réflexion. La priorité porte d'abord sur la compréhension de l'ensemble des enjeux.

Pour remplir cette mission, les 3 organisations ont compilé un document préparatoire [PDF], qu'elles soumettent maintenant aux commentaires des parties prenantes. Dans la perspective d'établir un panorama à 360° des « big data » pour le secteur financier, ce travail à vocation à rassembler une liste exhaustive des opportunités et, surtout, des menaces à appréhender dans les usages envisagés. Quelles qu'en soient les suites, ce recueil constitue déjà une aide précieuse pour les acteurs concernés.

Du côté des bénéfices, les avantages perçus à travers les expérimentations actuelles sont dorénavant bien partagés. La personnalisation des produits et services en est un des principaux, ouvrant la voie à une meilleure adaptation de l'offre aux attentes des clients ou à des possibilités de servir une population jusque-là exclue (plus ou moins complètement) du système financier. L'impact sur les coûts est également mis en avant, que ce soit grâce aux gains d'efficacité ou par la création de nouveaux modèles économiques.

Il ne faut évidemment pas oublier les améliorations possibles dans les opérations, notamment au niveau de la lutte contre la fraude et autres activités illégales, de la cybersécurité ou même de la gestion de la conformité. La stimulation de l'innovation est enfin perçue comme un facteur important, par le renforcement des capacités à développer des processus et produits diversifiés, avec une meilleure qualité de service, mais aussi sous la forme de solutions rendant aux consommateurs le pouvoir sur leur argent.

En contrepoint, les éventuelles dérives sont tout aussi nombreuses et variées. Il en est, ainsi, des excès de la segmentation des consommateurs, si elle va jusqu'à un filtrage potentiellement générateur d'exclusion. Plus subtil, l'ultra-personnalisation des services peut également engendrer une perte totale de transparence, qui se concrétiserait par une information insuffisante, des difficultés à comparer des solutions concurrentes ou encore l'incitation à des pratiques déloyales (en mesurant, par exemple, la probabilité de défection de chaque client avant une augmentation de tarifs).

Dans un registre différent, il faut en outre se préoccuper des inévitables anomalies, erreurs et bugs qui affecteront à la fois les outils mis en place et les données collectées. En particulier, quels seront les recours des personnes dont les informations personnelles sont exploitées qui estimeraient être indûment désavantagées ? Comment juger impartialement ce type d'assertion ? Ces questions amènent ensuite à réfléchir aux risques de réputation et juridiques, puis aux problèmes de délégation de responsabilité…

Avant que les régulateurs ne s'emparent concrètement du sujet, il est évident que les interrogations soulevées par le travail de l'ESA – dont la plupart relève directement de l'éthique – doivent être prises en compte très sérieusement et dès aujourd'hui par les institutions financières. Il serait dangereux d'attendre une hypothétique réglementation pour apporter des réponses pratiques et raisonnées aux consommateurs qui ne manqueront pas de s'émouvoir de la multiplication des applications des « big data ».

Siège de l'ESMA à Paris

jeudi 29 décembre 2016

Le mobile devient le maillon faible de la sécurité

Bitcoin
Un article de Forbes relatait il y a quelques jours les circonstances d'un vol de bitcoins, via le détournement du numéro de téléphone de la victime. Cette affaire donne l'occasion de sonner l'alarme sur la confiance excessive que mettent de trop nombreux acteurs dans la sécurité des appareils mobiles et les pratiques des opérateurs.

Les faits se sont déroulés en août dernier. Jered Kenna, adepte de longue date de la crypto-devise, s'est fait dérober l'équivalent de plusieurs millions de dollars en bitcoin. Pour parvenir à leurs fins, les malfaiteurs ont employé une technique simple. Armés du numéro de téléphone mobile de leur cible, ils ont manœuvré auprès de son opérateur de télécommunication afin de faire transférer celui-ci chez un concurrent et, de la sorte, en prendre le contrôle. Dès lors, ils ont pu pirater tous les services en ligne reposant sur l'envoi d'un code par SMS pour valider une authentification.

En l'occurrence, en moins de 7 minutes, J. Kenna a perdu les accès à ses comptes de messagerie, bancaires, PayPal… et même à son compte Windows, lui aussi réinitialisé à distance. Son trésor en bitcoin, habituellement conservé hors réseau, était alors connecté pour une opération de routine et, malgré une protection par mot de passe, il a été rapidement siphonné, sans aucun espoir de retour. Le cas n'est pas isolé et le nombre d'attaques similaires est en hausse, bien que le butin ne soit pas toujours aussi élevé.

Si les délits mis en lumière actuellement concernent le bitcoin, ils ne constituent qu'une première vague, affectant naturellement en priorité des profils au potentiel particulièrement « profitable » (les célébrités de la crypto-devise, susceptibles de détenir un portefeuille bien garni, dont l'appropriation est irréversible). Il est cependant apparent que les techniques déployées ont une portée beaucoup plus large. Et plus nos smartphones seront utilisés pour gérer nos données personnelles, plus la tentation de les dérober se développera et plus les risques et leurs conséquences s'aggraveront.

Le cœur du problème n'est pas bien difficile à identifier. Dans toute chaîne de défense, le niveau global de sécurité ne peut dépasser celui de son maillon le plus faible. Or, une myriade de systèmes s'appuient désormais sur un composant qui n'a jamais été conçu comme un élément fort de sécurité : le mobile (et le SMS). Il existe ainsi un écart dramatique entre le besoin de robustesse de ce qui devient progressivement un support de notre identité et les protections mises en œuvre autour d'un outil de communication.

Comme toujours en matière de sécurité, il n'existe malheureusement pas de solution parfaite. Bien sûr, les opérateurs de téléphonie devraient prendre conscience de leur responsabilité (qui pourrait finir par leur coûter cher, incidemment) et instaurer des procédures plus rigoureuses, notamment dans leurs centres d'appel. Mais cela ne suffira probablement pas à long terme, au fur et à mesure de l'augmentation de la rentabilité des attaques. Basculer sur des technologies d'authentification biométriques ? On sait qu'elles ont aussi leurs limites… La lutte contre la cybercriminalité doit encore progresser…

Authentification par SMS

mercredi 28 décembre 2016

Bientôt l'ère des assistants virtuels

Gartner
Les indices se sont accumulés au cours de l'année écoulée et 2017 devrait en voir les premières concrétisations majeures : les applications bancaires web et mobiles sont en passe de s'effacer, au profit de toutes sortes d'assistants virtuels personnels, avec lesquels nous échangerons par messages écrits, par la voix, voire par gestes…

Le cabinet Gartner prévient : d'ici à 2019, 20% des interactions via mobile passeront par des agents conversationnels. La popularité des outils est déjà en pleine expansion. Ainsi, Amazon se vante des ventes records de sa gamme Echo en cette fin d'année. Siri (d'Apple) et Google Now sont désormais utilisés régulièrement (plus d'une fois par jour) par plus d'un tiers des consommateurs, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les dialogues par messagerie instantanée suivent la même voie, avec une multiplication des services sur Facebook Messenger ou encore l'explosion des usages en Chine.

Aujourd'hui, les capacités de ces assistants virtuels sont encore limitées – au réglage d'une alarme, la recherche d'une information en ligne, la commande d'un VTC… Demain, ils deviendront de plus en plus intelligents, permettant d'abord de réaliser des achats à distance, de payer ses factures plus ou moins automatiquement… avant de savoir gérer les petits détails de notre quotidien en toute autonomie. Pour Dan Latimore (Celent), ces prophéties se transformeront en réalité bien plus rapidement qu'on ne le croit…

Amazon Echo Dot

Les implications de cette tendance sont également beaucoup plus profondes que ne l'anticipent généralement les institutions financières. En effet, il n'est pas seulement question d'une nouvelle interface d'accès aux services en ligne. Avec l'émergence des assistants virtuels, la manière même dont les produits financiers seront appréhendés par leurs clients va évoluer : l'âge de la banque invisible, comme le nomme KPMG, va enfouir la gestion de l'argent au cœur des projets de vie de ses utilisateurs.

L'expérience (théorique) que propose le cabinet avec son agent(e) EVA (pour « assistante virtuelle éclairée ») explique : consciente de la personnalité et du contexte de son « maître », elle sait exactement quand et comment engager une conversation, au cours de laquelle elle peut aborder des sujets divers, depuis une discussion sur une stratégie d'investissement (ou, plus trivialement, un transfert d'argent dormant vers un compte mieux rémunéré) jusqu'à des conseils de santé, dont elle assumera tous les détails pratiques (par exemple la réservation et le paiement d'une séance de sport).

Derrière cette vision, le défi posé aux acteurs traditionnels est inédit, car il remet en cause un modèle de relation pluricentenaire. Les banques seront-elles en mesure de développer – et d'imposer sur le marché – ces futurs assistants personnels aux talents variés ? Seront-elle seulement capables de fournir les services (par exemple sous forme d'API) permettant de les implémenter ? Quel rôle prendront les fournisseurs des technologies sous-jacentes, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) à l'appétit insatiable ?

mardi 27 décembre 2016

Du multi-canal au « phygital », 15 ans perdus

Oeil
Depuis quelques mois, le terme « phygital » a gagné en popularité dans les services marketing pour décrire le besoin de convergence entre canal de vente physique (l'agence, dans le cas d'une banque) et médias d'interaction « digitale ». En réalité, l'apparition d'un nouveau mot ne peut masquer 15 ans d'échecs des stratégies « multi-canal ».

Il existe à peu près autant de définitions que d'adeptes du « phygital », mais son principe central consiste à imaginer une expérience client qui combine intelligemment les outils numériques, dont, en particulier, les applications web et mobiles, avec le commerce de proximité, en point de vente. Or, bien que beaucoup l'aient oublié, la vision du multi-canal qui émergeait il y a 15 ans avait exactement la même ambition. Tout comme son avatar, quelques années plus tard, rebaptisé omni-canal pour oublier les déceptions.

Que s'est-il passé entre temps ? Hélas, pas grand-chose… Les tentatives de fusion entre les différents canaux de la relation client se sont transformées en extraordinaires difficultés à, simplement, gérer la cohabitation. Au lieu de repenser une expérience fondée sur les besoins et les envies des utilisateurs de pouvoir choisir leur média de prédilection à chaque instant, en passant de l'un à l'autre de manière transparente selon le contexte, les entreprises ont adopté des approches indépendantes, en silos.

Il suffit de consulter les organigrammes des institutions financières pour comprendre la source du problème. Aujourd'hui encore, dans la plupart d'entre elles, les structures en charge du réseau d'agences, des centres d'appel et des services en ligne sont séparées et ne partagent pas d'objectifs communs. À défaut d'entité mutualisée, responsable de l'expérience utilisateur et dotée d'un réel pouvoir, il est inévitablement illusoire d'espérer offrir une continuité de parcours aux clients : qui pourrait porter les chantiers ?

Les outils de gestion de la relation client (CRM), qu'ont déployés à grands frais tous les grands groupes depuis le début du siècle, reflètent tristement cet état de fait. Conçus pour une prise en main par un conseiller, ils s'avèrent terriblement inadaptés aux canaux web et mobile. Tout au plus sont-ils capables d'en extraire quelques informations. En revanche, leur rôle d'assistance et de conseil dans les interactions en est tellement absent que d'autres solutions doivent être mises en œuvre, au détriment de la cohérence.

Bien sûr, la situation a considérablement évolué depuis les premières idées de service multi-canal, qui, en pleine bulle internet, voulaient mettre à profit l'émergence du e-commerce pour enrichir les modèles de relation existants. Désormais, l'enjeu du « phygital » prend des allures plutôt défensives, dans sa recherche des moyens de sauver le point de vente physique à l'ère où les interactions interviennent majoritairement à distance. En arrière-plan, les défis à relever restent toutefois identiques.

Plus que jamais, il est vain de rechercher la solution dans les technologies. Le seul argument capable de séduire les consommateurs est de comprendre leurs attentes et d'y apporter une réponse parfaite. Pour ce faire, c'est la notion même de canal qui doit s'effacer et laisser place à une approche basée sur des expériences. Dans cette perspective, le « phygital » n'a pas plus de sens que ses prédécesseurs. Ce qui compte est d'offrir un parcours client adapté à chaque individu et à chaque circonstance.

Phygital

lundi 26 décembre 2016

Du PFM à la banque des moments

Celent
Une dizaine d'années après sa naissance, la gestion de finances personnelles (PFM) montre désormais clairement ses limites. Pour Dan Latimore (SVP à Celent), l'avenir appartient à ce qu'il appelle les « expériences des finances personnelles » (PFE), proches de la « banque des moments » que je défends depuis quelques temps…

Les arguments qui condamnent les solutions de PFM « traditionnelles » sont largement connus. Malgré un concept intellectuellement séduisant, les consommateurs restent relativement peu réceptifs, surtout à long terme, à des services qui, sous prétexte de leur procurer une meilleure visibilité sur leur situation financière, sont fréquemment porteurs de mauvaises nouvelles. En conséquence, quels que soient les efforts déployés par les banques, les taux d'adoption plafonnent à 10 ou 12% des clients.

La solution à ce semi-échec consiste en priorité à renverser complètement le modèle d'interaction du PFM. Au lieu d'attendre de l'utilisateur qu'il fasse la démarche de consulter l'état de ses finances personnelles (pas toujours aisément accessible, incidemment), il faut opter pour une approche pro-active, proposant « un ensemble cohérent de points de contact qui vont pousser vers le client des informations et conseils appropriés, au bon moment, de manière à lui simplifier sa vie avec son argent ».

La mise en œuvre d'une telle idée repose sur 3 principes clés. En premier lieu, tout doit être automatique. Le système collecte les informations nécessaires et délivre ses recommandations sans requérir d'acte conscient de la part de l'utilisateur. Les interactions proposées doivent en outre être ultra-intuitives, comme l'est la prise en main d'un nouveau smartphone (par exemple). Enfin, l'exigence de pertinence exige une focalisation sur l'essentiel à un instant donné, sans jamais chercher à exposer toutes les données disponibles, même si c'est sous la forme de jolis camemberts…

Les moments de la finance personnelle sont, naturellement, rendus possibles par les outils modernes, en particulier mobiles. Ils pointent d'ailleurs vers une disparition progressive des applications bancaires, au profit de notifications et autres alertes « actionnables ». Mais les « expériences » pourront aussi s'infiltrer dans la relation humaine avec un conseiller (en agence ou à distance), à travers des suggestions « spontanées », voire au fil d'une navigation sur le web, dès qu'une opportunité surgit.

Alors que les banques françaises s'éveillent à l'agrégation de compte – sous la menace qu'elles perçoivent dans la nouvelle directive des services de paiement (PSD2) – il devient de plus en plus apparent qu'une autre vision du « conseil en finances personnelles » représente la seule voie possible afin de répondre aux attentes fondamentales de leurs clients. Il est vrai qu'elle représente un défi quasiment impossible à relever : contrairement au PFM d'aujourd'hui, elle requiert en effet un socle opérant en temps réel…

Moment…

dimanche 25 décembre 2016

La blockchain en pleine dérive…

Blockchain
Le déferlement d'expérimentations autour de la blockchain, dans les institutions financières du monde entier, atteint actuellement un paroxysme qui se traduit, hélas, par des dérives de plus en plus ahurissantes. Ainsi les exemples récents escamotent-ils entièrement le principal avantage du concept d'origine : sa nature distribuée.

En l'espace d'une semaine, entre le 15 et le 21 décembre 2016, pas moins de quatre annonces ont été publiées sur le même sujet. La première était à porter à l'actif d'ABN Amro et concernait un pilote, lancé en partenariat avec IBM, prenant en charge la gestion des transactions immobilières. Vinrent ensuite deux tests sur la dématérialisation des échanges d'or, l'un par Euroclear et l'autre par Goldmoney, avec la Monnaie Royale Canadienne. Enfin, BNP Paribas fermait le bal avec des virements bancaires.

Dans tous ces communiqués de presse triomphants, une caractéristique commune saute rapidement aux yeux : quand sont évoqués les bénéfices de la blockchain pour ces cas d'usage, jamais le principe d'une base de données ou d'un livre de comptes distribué (DLT) n'est cité. Pire encore, dans trois des mises en œuvre, la qualité majeure mise en avant est la rapidité de traitement ! S'il s'agissait vraiment d'un critère de choix, il existe pourtant bien d'autres solutions technologiques, éprouvées, fiables et plus véloces !

À peine moins ridicule, les autres avantages supposés de ces implémentations seraient, entre autres, la réduction des coûts – j'attends qu'on m'explique comment le fait de répliquer les traitements sur de multiples serveurs est plus économique qu'une infrastructure centralisée –, la capacité à synchroniser le règlement et la livraison (pour les transactions sur l'or) – comme si cela n'avait jamais été possible avant – et les fameux « smart contacts » qui automatisent les traitements – comme tout autre logiciel (ouf !)…

Un peu à part, ABN Amro vante d'abord la valeur d'un système facilitant les interactions entre une multitude d'acteurs (banques, notaires, acheteur, vendeur, agence immobilière, services du cadastre, fisc…). On s'y laisserait presque prendre… mais, là aussi, la question se pose : où est la nouveauté ? Les applications partagées entre différents intervenants, chacun ayant un rôle spécifique, n'ont évidemment pas attendu la naissance de la blockchain pour se répandre dans de multiples domaines.

Qu'on ne s'y trompe pas : toutes ces propriétés sont bien réelles et constituent effectivement l'essence du concept de blockchain, si, du moins, elles s'accompagnent d'un besoin intrinsèque de décentralisation (et qu'il est concrétisé). Quand le système a vocation à rester géré par une entité garante de son fonctionnement, les « vieilles » technologies sont toujours préférables, car elles sont connues, maîtrisées, peu coûteuses à exploiter (si elles sont correctement déployées), rapides, efficaces…

Malheureusement, dans une grande majorité des expérimentations récentes, l'utilisation d'une blockchain est justifiée par de mauvaises raisons. L'une des plus courantes consiste à s'attaquer à une difficulté (généralement ancienne) à faire collaborer des entreprises sur un projet commun. Le partage d'information permis par un registre distribué est alors perçu comme un moyen de la résoudre. Malheureusement, il faudrait un miracle pour qu'une technologie parvienne à rapprocher des intérêts divergents !

Hors circonstances exceptionnelles (comme avec Everledger, peut-être), il n'y a pas de baguette magique et la plupart de ces tentatives fondées sur des prémices faussées seront vouées à l'échec. Il est, bien sûr, possible de faire dialoguer les parties prenantes pendant un test (et ce peut déjà être un résultat positif pour certains écosystèmes), mais il restera extrêmement difficile d'aller plus loin. Les déploiements de solutions en production sont d'ailleurs rarissimes et la tendance n'a aucune chance de se démentir…

Dérive

samedi 24 décembre 2016

Une approche holistique du crédit

Opes Advisors
J'avais esquissé le principe, il y a 3 ans, d'une approche étendue du conseil financier dans le cadre de la souscription d'un crédit immobilier. Depuis 2008 (mais je la découvre seulement aujourd'hui), une jeune banque américaine, Opes Advisors, applique une idée similaire et démontre concrètement la valeur qu'elle apporte à ses clients…

Si le concept que j'avais proposé ici-même consistait à donner au consommateur une vue plus précise de l'impact d'un emprunt sur ses finances personnelles, au quotidien, Opes Advisors adopte une perspective beaucoup plus large, associant étroitement le projet immobilier à la gestion de patrimoine, qui, incidemment, sont ses deux seuls domaines d'intervention. Son ambition est d'offrir à ses clients un aperçu de leur situation financière à long terme, en prenant en compte autant de paramètres que possible.

Un scénario typique (fictif) est celui d'un jeune couple louant une maison dans la région de San Francisco. Leurs revenus s'élèvent à 325 000 dollars annuels. Ils disposent de 300 000 dollars de liquidités et ont déjà mis de côté 215 000 dollars pour leur retraite. Leur loyer leur coûte 5 000 dollars par mois et leurs autres dépenses représentent 90 000 dollars chaque année. À partir de ces données, le conseiller Opes Advisors estimera que, s'ils ne changent rien, leurs ressources seront épuisées à l'âge de 84 ans.

Au cours de l'entretien de « découverte » (environ 45 minutes pour enregistrer toutes les données pertinentes de l'analyse), il va alors dérouler une autre hypothèse : s'ils acquièrent un appartement (d'une valeur d'1,1 millions de dollars), leur avenir est assuré jusqu'à leur centième anniversaire et ils auront accumulé un patrimoine de 8,7 millions de dollars. La banque leur propose même une application mobile qui leur permet de réaliser et ajuster leurs propres simulations, une fois leur « profil » complété.

Opes Advisors

Naturellement, toutes les projections effectuées dépendent d'une multitude de facteurs externes incontrôlables et doivent être considérées avec prudence, comme de simples extrapolations théoriques. Toujours est-il qu'il est critique pour des personnes qui se trouvent face à l'une des décisions les plus importantes et les plus engageantes de leur vie de bien appréhender les multiples conséquences de leur choix. Malheureusement, la plupart des établissements de crédit négligent cette dimension de leur métier…

Il ne devrait pourtant s'agir que du rôle « normal » d'un conseiller financier. Voilà d'ailleurs la raison pour laquelle Opes Advisors propose un service complémentaire (et plus ou moins indépendant) aux clients de ses solutions de crédit hypothécaire qui désirent également un accompagnement dans la gestion de leur patrimoine global. Dans un sens, l'acquisition d'un bien immobilier est souvent la première étape dans la constitution d'un capital et elle doit donc impérativement s'inscrire dans une telle démarche.

La recette semble fonctionner : créée en 2004 et après avoir traversé une période plutôt turbulente (!) pour l'immobilier, Opes Advisors distribue désormais 3 milliards de dollars de prêts chaque année. Les institutions qui ne jurent que par la valeur du conseil humain devraient y regarder de près. Non parce qu'un logiciel propriétaire (OpesView) est au cœur de son modèle mais parce que, contrairement à l'habitude, le type de conseil délivré par ses 150 collaborateurs apporte un bénéfice incommensurable à ses clients.

vendredi 23 décembre 2016

Chase rend le score de crédit plus transparent

Chase
Les banques américaines sont de plus en plus nombreuses à offrir à leurs clients un accès gratuit à leur score de crédit. Chase est l'une des dernières à rejoindre le mouvement et elle y ajoute une nouvelle touche de transparence, en donnant l'occasion au consommateur de mesurer concrètement l'impact de son comportement sur son évaluation.

Aux États-Unis, le score de crédit est un élément incontournable de la vie personnelle financière, notamment pour tous ceux qui désirent contracter un emprunt. Longtemps maintenu dans le secret des professionnels du secteur, notamment entre les fournisseurs et les banques, sa diffusion s'est largement démocratisée ces derniers temps, à la « faveur » des innombrables vols et autres détournements de données personnelles dont il permet de détecter l'exploitation à des fins d'usurpation d'identité.

Chase fait donc désormais partie des établissements qui proposent à tout un chacun (et non uniquement à ses clients, en l'occurrence) de consulter son score de crédit, grâce à son service « Credit Journey ». Derrière les seuls chiffres, celui-ci révèle également, explications détaillées à l'appui, les facteurs pris en compte dans la mesure : emprunts en cours, taux d'utilisation des lignes de crédit, retards de paiement signalés… Un mécanisme d'alerte, relativement classique, est en outre intégré à l'application afin d'aider l'utilisateur à repérer les fraudes potentielles sur son profil.

Toutefois, la véritable originalité de la solution se trouve dans une option de simulation, procurant un aperçu des conséquences d'un certain nombre d'événements courants – de la souscription d'une carte de crédit ou d'un prêt à l'accumulation de dépassements d'échéance de règlement, en passant par le changement de plafond sur une carte existante… – sur le score de crédit, dont une projection est alors directement restituée.

Chase Credit Journey

L'objectif est de mieux faire comprendre aux consommateurs le fonctionnement de la gestion de risques : si le principe du score de crédit leur est (normalement) familier et si les paramètres qui l'affectent leur sont suffisamment répétés pour espérer qu'ils les connaissent, rien ne vaut une démonstration empirique pour fixer les idées. Visualiser, par exemple, que le fait de régler ses factures en retard régulièrement conduira à une augmentation du taux d'intérêt (voire un refus pur et simple) d'un emprunt hypothécaire a plus de chance de frapper les esprits que les incantations génériques habituelles.

A contrario, l'absence en France d'un équivalent « officiel » aux scores de crédit (sachant que des méthodes similaires sont tout de même employées, en totale opacité) soulève la question de la sensibilisation des individus aux risques de leurs pratiques en matière de finances personnelles. Vaut-il mieux décourager (ou même interdire) les notations explicites (en laissant appliquer d'autres critères de sélection, parfois douteux) afin d'éviter de possibles dérives et abus ? Ou serait-il préférable de jouer la carte de la transparence et espérer améliorer de la sorte les comportements des principaux intéressés ?

jeudi 22 décembre 2016

Le service au client en réalité virtuelle

PNB MetLife
En Inde, comme dans d'autres régions émergentes, la collision entre l'innovation technologique galopante et le développement des services financiers conduit à des raccourcis parfois saisissants. Dernier exemple en date, quand PNB MetLife veut promouvoir l'assurance-vie auprès d'une population majoritairement jeune, elle recourt à la réalité virtuelle.

Conçue en collaboration avec le centre d'innovation singapourien de MetLife, la solution ConVRse vise à plonger l'utilisateur – une fois qu'il a chaussé les lunettes ad hoc – dans une salle virtuelle en 3D. Là, à l'instar du conseiller humain dans un point de vente physique, un assistant intelligent, baptisé Khushi, l'accueille et se tient prêt à l'accompagner dans son parcours, qu'il s'agisse de l'informer sur ses contrats ou de le renseigner sur les produits de la compagnie, en usant de contenus multimédia, tels que des animations, de manière à renforcer les messages et en faciliter la compréhension.

Dans un premier temps, le dispositif n'est déployé que dans 15 agences de PNB MetLife situées dans 10 des plus grandes villes d'Inde (Delhi, Mumbai, Hyderabad, Bengaluru, Kolkata…). Dans chacune d'elles des lunettes adaptées sont mises à disposition des clients, afin de tester le concept. La prochaine étape est cependant déjà préparée : elle verra d'abord les équipes de vente équipées (à titre de complément d'expertise ?), puis les guichets automatiques de banques partenaires pourraient être ciblés. Par ailleurs, des produits supplémentaires seront progressivement inclus dans l'expérience.

PNB MetLife ConVRse

La combinaison d'un assistant intelligent et de la réalité virtuelle est tellement futuriste qu'elle ne manque certainement pas de faire sourire (d'ironie) quelques lecteurs. Pourtant, le PDG de PNB MetLife qui l'a présenté et le président de l'autorité de régulation de l'assurance qui a suivi et guidé le projet semblent résolument convaincus de son potentiel pour apporter des services financiers – bénéfiques au développement économique du pays et à la réduction de la pauvreté – dans des régions reculées.

Effectivement, à la vitesse à laquelle évoluent les technologies, leur rêve n'est peut-être pas aussi utopique qu'il y paraît. Si les lunettes utilisées pour l'application ConVRse sont aujourd'hui trop coûteuses pour se répandre dans les campagnes indiennes, des versions basiques (par exemple les modèles en carton de Google) représentent dès maintenant un substitut acceptable pour de multiples usages. Pourquoi ne pas imaginer que la technologie devienne accessible au plus grand nombre d'ici à quelques années ?

L'enjeu est évidemment colossal pour un territoire de la dimension de l'Inde. Toutefois, les institutions financières bénéficient là-bas d'un avantage incomparable : étant en position de créer un nouveau marché, elles peuvent envisager des approches inédites, directement en phase avec l'ère « digitale » qui se dessine. La démarche serait certes beaucoup plus difficile dans nos contrées. Ne pourrait-elle pourtant pas être une source d'inspiration dans la recherche de solutions à la désaffection inexorable des agences ?

mercredi 21 décembre 2016

Nift décrypte les contrats

Nift
Parmi les reproches couramment émis à l'encontre des institutions financières, la complexité des clauses de leurs contrats figure en bonne position. À défaut de revoir entièrement leurs pratiques, deux filiales de la banque britannique RBS proposent à leurs clients une solution d'assistance au décryptage conçue par la jeune pousse Nift.

Depuis longtemps, les banques et les compagnies d'assurance ont la réputation – non usurpée – de savoir proposer des contrats d'une longueur et d'une complexité dignes d'un livre des records (sans même évoquer leur tendance à minimiser la taille des caractères des parties les plus contraignantes). Conséquence directe, une immense majorité de clients (particuliers comme professionnels) ne les lisent pas lors de leur signature, bien que ce geste engage l'acceptation pleine et entière de tous leurs termes.

Cet état de fait est parfaitement connu de ceux qui en sont responsables. Hélas, parce qu'ils considèrent peut-être que le problème ne mérite pas d'être traité ou – excuse aussi classique que fallacieuse – que les contraintes juridico-réglementaires interdisent toute évolution, les progrès en matière de lisibilité se font toujours attendre. Il serait pourtant utile de confronter cette position à la réalité quotidienne, qui se concrétise, par exemple, à travers les innombrables litiges qu'entraînent les malentendus sur des formulations obscures ou des clauses noyées dans un océan de verbiage abscons.

Nift, your personal guide to contracts

En réponse, grâce à une petite dose d'« intelligence artificielle », complétée par une équipe d'experts (humains), la solution de Nift propose aux destinataires des contrats un guide interactif en ligne destiné à accompagner et faciliter leur lecture. Celui-ci leur fournira ainsi les définitions des mots et expressions spécialisés, des explications additionnelles sur les passages particulièrement ardus et, dans la mesure du possible, des exemples concrets d'applications (par exemple à travers des mises en situation).

La plate-forme de la jeune pousse propose des services complémentaires aux entreprises. Outre sa capacité de gestion et de conservation des contrats signés, elle est notamment en mesure, via l'analyse de l'utilisation effective de ses outils, de déterminer les taux de lecture des clauses des documents échangés et d'estimer leur niveau de compréhension par les utilisateurs. Les statistiques produites permettent alors d'identifier les points de risque présents dans les contrats et les axes d'amélioration possibles.

Les premiers clients de NatWest et de Lombard (entre autres adeptes, dans différents secteurs) ayant eu l'opportunité de tester l'outil expriment largement leur satisfaction et laissent entendre qu'ils s'approprient mieux les termes des contrats qu'ils signent. Face à la multiplication des nouveaux acteurs faisant de la transparence un de leurs atouts majeurs, les contrats hermétiques ne sont plus acceptables. A minima, si leur ré-écriture n'est pas envisageable à court terme, la meilleure solution est bien d'offrir un « décodeur »… qui ne peut toujours être un conseiller, lui-même souvent dépassé.

mardi 20 décembre 2016

Mighty, pour choisir sa banque autrement

Mighty
À une ère où une part croissante des consommateurs – en particulier parmi les jeunes générations – privilégient les marques socialement responsables et/ou soucieuses de l'environnement, pourquoi le choix d'une banque ne pourrait-il se faire qu'à partir de critères de commodité ou de prix ? Bientôt, Mighty proposera une autre approche…

Quelle que soit la démarche retenue, il faut se rendre à l'évidence : les seules informations disponibles à l'heure de l'ouverture d'un compte dans un nouvel établissement sont la localisation des agences (si nécessaire), la qualité des services en ligne et des applications mobiles, les grilles de tarifs et les recommandations des amis ou de la famille. Pire, dans le cas des comparateurs courants, il ne subsiste généralement qu'un seul étalon pour réaliser la sélection : le prix des principaux produits.

Il serait facile de croire que ce sont là les seuls paramètres qui intéressent les personnes en quête de leur future banque. Or, entre la défiance qu'a connu le secteur financier avec la crise de 2008 et la tendance collective des jeunes (premiers concernés) à se préoccuper de l'impact sociétal de leurs actions et de leurs choix, il se pourrait que ce type de critère devienne un élément de différenciation concurrentielle au même titre que les autres, notamment quand toutes les offres commencent à se ressembler.

We are Mighty

C'est, en tous cas, le pari que fait Mighty. Actuellement en test avec les informations de 2 petites banques américaines, la solution de la startup vise à déterminer, à partir des rapports financiers trimestriels, d'enquêtes auprès de clients et d'autres recherches diverses, la destination des fonds déposés par leurs clients : servent-ils à financer des entreprises locales ou ciblent-ils des régions défavorisées, encouragent-ils le développement de nouveaux secteurs d'activité ou vont-ils à des industries polluantes…?

Le résultat pourrait être un comparateur d'un nouveau genre, permettant aux consommateurs de sélectionner une institution financière en fonction de leurs préférences personnelles, en matière d'engagement économique ou d'impact sur leur communauté, par exemple. Pour les banques intégrées dans la plate-forme, l'ambition est de capitaliser sur leurs politiques de financement responsable afin de faire valoir leur différence et, de la sorte, conquérir une clientèle souvent mal informée de leurs initiatives.

L'idée peut paraître dérisoire face aux mastodontes de la finance et à leurs puissants moyens de communication. Pourtant, l'existence de modèles alternatifs (tels que ceux de La Nef ou du Crédit Coopératif, en France) démontre déjà quotidiennement que la transparence sur l'activité de la banque compte pour une certaine catégorie de clientèle. Leur mise en avant ne pourra qu'amplifier le phénomène…

lundi 19 décembre 2016

Un scénario pour l'attaque sur Tesco Bank

Tesco Bank
Depuis la spectaculaire cyber-attaque du mois dernier sur Tesco Bank et en l'absence d'information officielle, les pièces du puzzle commencent progressivement à s'assembler et semblent pointer vers un scénario sophistiqué, révélateur à la fois de l'inventivité des escrocs et de l'incapacité des institutions financières à anticiper tous les risques.

S'il n'est donc pas certain que les faits se soient exactement déroulés de la manière dont ils sont décrits ici, les hypothèses retenues correspondent toutes à une réalité et rendent totalement vraisemblable le montage proposé. En préalable, un certain nombre de conditions – connues des cybercriminels – doivent être réunies : une banque émettant des cartes à numéros séquentiels, une prolifération de sites de commerce en ligne et un réseau de paiement (Visa) dont les protections comportent un « petit » défaut.

Le jour prévu, l'attaque est lancée : grâce à un logiciel simple, les malfaiteurs coordonnent des tentatives de transactions sur quelques centaines (ou milliers) de plates-formes de e-commerce. Il s'agit de tester en « force brute », pour chaque numéro de carte, les combinaisons des 60 dates d'expiration et 1 000 codes CVV possibles, jusqu'à trouver celle qui fonctionne. Des chercheurs ont démontré que, en distribuant les recherches sur de multiples sites, il ne fallait que quelques secondes pour obtenir un résultat.

En supposant que cette méthode a été employée dans le cas de Tesco Bank, 2,5 millions de livres ont pu être détournées avant que le raid soit détecté et stoppé. Pourquoi ? D'abord, l'utilisation de numéros de carte séquentiels a permis d'accélérer l'attaque. Ensuite, les pages de paiement acceptent souvent plus d'une dizaine de tentatives avant de « soupçonner » une fraude (une centaine d'entre elles permettent ainsi de tester tous les codes CVV sur une carte). Enfin, contrairement à Mastercard, Visa n'avait pas prévu de limitation globale du nombre de demandes d'autorisation, qu'elle centralise pourtant…

Passons sur la réaction incompréhensible de Visa (affirmant que ses moyens de protection sont suffisants, alors que leurs carences sont évidentes). L'entreprise ne paraît donc pas encline à instaurer une mesure conservatoire immédiate (espérons que ce ne soit qu'une posture). Quelles autres solutions pourraient être mises en œuvre ? Malheureusement, rien de très efficace à court terme. La mise en place de contrôles au niveau des plates-formes de e-commerce ne fera, au mieux, que ralentir les criminels.

Même la tendance actuelle à la généralisation de la « tokenisation » (qui évite de faire circuler des informations de paiement réutilisables sur les réseaux) – illustrée récemment par un accord d'interopérabilité entre Mastercard et Visa – ne pourra avoir un impact sensible avant longtemps. En effet, tant que les commerçants ne seront pas contraints de l'adopter (ce qui n'est apparemment pas une option), il subsistera des cibles faciles pour les fraudeurs, mettant en défaut les nouveaux mécanismes de sécurité.

En attendant une vraie transformation des paiements capable d'interdire toute attaque, à la source (ce qui reste une illusion, pour l'instant), il existe tout de même des techniques – notamment dans le domaine de l'analyse de données, sans même parler d'intelligence artificielle – susceptibles d'éviter des scénarios du type de celui qui a frappé Tesco Bank. Il y a urgence à agir car, bientôt, les consommateurs ne toléreront plus ce qui leur apparaîtra comme des négligences manifestes de la part des institutions financières.

Équilibre

dimanche 18 décembre 2016

ING ferme ses cafés

ING
Certains s'imaginaient que l'ouverture de deux « ING Direct Cafés » – à Paris, en 2005, puis à Lyon, en 2012 – confirmait l'impérieuse nécessité pour une banque de proposer un espace d'échange physique à ses clients, à défaut d'un véritable réseau d'agences. Si cette idée a eu un jour une quelconque validité, elle n'est plus d'actualité aujourd'hui.

En effet, au détour de l'annonce d'une réorganisation, ING révélait récemment son intention de fermer les deux lieux d'accueil dont elle dispose dans l'hexagone. Sans surprise, la raison invoquée pour justifier cette décision est une baisse de fréquentation importante au cours de ces dernières années. Il en est donc pour l'établissement en ligne comme des autres : les consommateurs ressentent de moins en moins le besoin de rencontrer un conseiller, même dans un endroit convivial, en centre-ville.

Le communiqué laisse d'ailleurs transparaître une transformation plus profonde, puisque le centre d'appel existant va également être affecté. S'il n'est pas question de le faire disparaître entièrement, il a vocation à être « transféré » de Reims à Paris, à proximité immédiate des équipes digitale et marketing, afin de renforcer son niveau d'expertise. Il ne faut pas énormément d'imagination pour comprendre que le recours à un conseiller par téléphone se trouve aussi en baisse, au profit des outils en ligne ou mobiles.

ING Café de Lyon

Bien sûr, outre qu'il est plus facile de fermer deux points de ventes que plusieurs centaines, il est logique que le phénomène de désaffection touche particulièrement une banque en ligne, ses clients étant naturellement plus enclins à à traiter leurs opérations à distance. Toujours est-il que la logique de réassurance qui prévalait à la naissance des « ING Direct Cafés » perd probablement de sa valeur, au fur et à mesure du développement de la confiance des consommateurs vis-à-vis des acteurs du web.

Pour les banques qui explorent de nouveaux modèles de relation, de manière à éviter une réduction brutale de leur présence physique, la démarche d'ING porte un autre message crucial. L'adoption d'une approche décalée ne suffira pas à la survie de l'agence, à long terme. L'illusion qu'entretiennent certaines institutions (notamment aux États-Unis) qu'elles feront revenir leurs clients dans leurs locaux, uniquement en y intégrant de nouvelles activités, s'effondre vite face à une réalité incontournable : une fois passée la curiosité initiale, tout le monde préfère prendre son café dans un vrai café…

samedi 17 décembre 2016

Insto, le paiement P2P à tempérament

Insto
Certes, il ne manque pas, de nos jours, de solutions de paiement de « pair à pair » (P2P) web et mobiles. Il subsiste pourtant toujours des situations dans lesquelles aucune d'elles ne répond parfaitement au besoin. Une startup américano-taïwanaise, Insto, veut résoudre un de ces cas spécifiques, en automatisant les transactions récurrentes.

Au premier abord, le concept pourra sembler banal. Il est proposé nativement, par exemple, par Stripe, la plate-forme de traitement que la jeune pousse a retenue pour gérer ses opérations. L'intégrer dans une application n'est toutefois pas si courant, surtout avec une telle simplicité : le « vendeur », qu'il s'agisse d'un particulier ou d'un professionnel, n'a qu'à proposer un plan de paiement périodique à son « acheteur ». Une fois celui-ci accepté, les versements sont réalisés sans aucune intervention manuelle.

Encore plus original, l'entreprise ajoute à ce socle de base une option supplémentaire, qui va permettre aux utilisateurs de bénéficier d'un véritable moyen de paiement à tempérament, avec la même facilité de mise en œuvre. Outre la possibilité de répartir le montant à régler sur 1 à 12 mois, Insto+ offre en effet une garantie, à hauteur de 3 000 dollars. Il en coûtera, en sus des frais de transactions de Stripe, une commission comprise entre 0,99% et 6,99% de la somme échangée, selon la durée du « prêt ».

Accueil Insto

Grâce à sa versatilité, la solution concoctée par Insto peut ainsi trouver un écho dans de nombreux domaines, depuis les ventes entre particuliers d'objets onéreux jusqu'aux paiements de services à la personne (cours particuliers, ménages…), dans le prolongement des usages observés sur les échanges P2P (dont les montants sont souvent plus élevés qu'on ne l'imagine). Un article de Bank Innovation rapporte d'ailleurs que les premiers résultats obtenus lors de la phase de beta test confirment l'intérêt des consommateurs, avec des transactions s'étageant entre 300 et plus de 40 000 dollars…

Le plus étonnant dans le dispositif reste, bien sûr, l'idée de profiter de l'accessibilité des opérations récurrentes qu'il offre pour en faire, explicitement, une alternative à un prêt à la consommation. Incidemment, ce positionnement présente un défi singulier au régulateur, puisque les conditions sont soigneusement ajustées de manière à éviter une assimilation directe à un crédit (notamment par l'application de frais fixes et non d'un taux d'intérêt ou par la relation contractuelle entre les parties). La capacité d'entrepreneurs audacieux à renverser les codes du secteur financier est décidément sans limites…

vendredi 16 décembre 2016

Budget Insight intègre les virements dans le PFM

Budget Insight
L'agrégation de comptes est décidément le sujet brûlant de cette fin d'année, promettant de belles batailles avant l'entrée en vigueur de la nouvelle directive européenne des services de paiement (« PSD2 »). Dernier épisode en date, la jeune pousse française Budget Insight proposera sous peu de réaliser des virements depuis sa plate-forme.

La gestion de finances personnelles (PFM) limitée à la consultation, sans aucune possibilité d'action, n'était donc qu'un premier aperçu des ambitions de la startup ! Les applications mobiles et les API (« interfaces de programmation applicative ») qu'elle met à la disposition de ses plus de 50 partenaires pourront offrir à leurs utilisateurs – à partir du premier trimestre 2017 – la capacité de gérer tous leurs transferts d'argent dans une même solution, quel que soit le compte sur lequel il souhaitent les réaliser.

Depuis le rééquilibrage de solde entre différents établissements jusqu'au versement en vue d'un investissement, pour les particuliers, et du paiement automatisé des salaires au règlement des factures, pour les professionnels, les utilisateurs retrouveront toutes ces possibilités (et bien d'autres) au bout des doigts, dans l'environnement qui leur fournit déjà une perspective à 360° de leurs comptes bancaires et de leur patrimoine (250 institutions financières connectées), ainsi que de leurs factures (250 fournisseurs intégrés).

Virement dans l'app mobile Budget

Tandis que le concept de « banque plate-forme » que je défends (avec d'autres) depuis quelques temps suscite encore (parfois) une certaine incrédulité, force est de constater que ses briques constitutives commencent à se mettre en place. D'un côté, on voit aujourd'hui Budget Insight développer les services qui motoriseront ces futurs intermédiaires hybrides. De l'autre, un acteur comme WeSave montre concrètement comment ces interfaces sont exploitées de manière à optimiser l'expérience client.

En conséquence, la menace sous-jacente ne peut plus être ignorée : quand les consommateurs et les entreprises auront pris l'habitude d'utiliser les services d'une telle plate-forme pour consolider et faciliter leur vie financière, les banques traditionnelles seront privées de la plupart des opportunités d'interaction avec leurs clients, dont elles ne connaîtront bientôt plus grand chose de leurs habitudes, préférences, besoins… Soit elles se résoudront alors à être des « usines » de produits (dont il faudra cultiver l'excellence), soit elles doivent envisager de devenir elles-mêmes agrégatrices de services.

jeudi 15 décembre 2016

WeSave vise le conseil patrimonial

WeSave
Pendant que les grandes banques découvrent l'agrégation de comptes, les jeunes pousses de la FinTech sont déjà en train de prendre une révolution d'avance. Le « robo-advisor » WeSave annonce ainsi le lancement imminent de WeLearn, une plate-forme de conseil pédagogique bâtie autour d'une vue à 360° du patrimoine du client.

Comme toutes les solutions d'agrégation actuelles, WeLearn commence par demander à l'internaute d'autoriser l'accès à l'ensemble de ses comptes – épargne, assurance vie, titres… – afin de consolider sa situation financière globale et de la lui présenter de manière immédiatement intelligible. Mais là n'est pas la finalité de l'exercice. À partir de ces données, une analyse détaillée va en effet lui apporter une transparence inédite sur la composition de son patrimoine, qui pourra déboucher sur un conseil personnalisé.

En pratique, l'outil délivre en quelques instants un diagnostic sur 3 axes complémentaires – la performance, le risque et les frais – pour les portefeuilles détenus, en intégrant un aspect dynamique et en montrant les variations de l'évaluation dans le temps (selon l'historique disponible). En un clic, l'utilisateur qui souhaite en savoir plus pourra accéder à une description plus complète, précisant, sous une forme simple, claire et illustrée, les différents critères pris en compte pour produire le rapport de synthèse.

Une fois ces informations acquises, il est temps de passer à une étape de conseil pro-actif (optionnelle). Celle-ci consiste à suggérer un certain nombre d'optimisations visant à réduire les éventuelles limitations identifiées, qu'il s'agisse de rendements insuffisants, de volatilité excessive, de commissions élevées… Les recommandations émises pourront orienter vers une gestion conseillée ou déléguée, pour laquelle, bien entendu, WeSave proposera sa propre solution, à travers un contact immédiat avec un de ses experts.

WeLearn

Les premiers balbutiements du « robo-advisor » – limités à une gamme de contrats d'assurance-vie standardisés, répartis sur une dizaine de profils de risque – vont donc désormais laisser place à une deuxième génération, beaucoup plus intéressante. Car, dans cette nouvelle approche, il est bien question de conseil personnalisé en gestion de patrimoine : la situation, les préférences et les projets du client sont pris en compte, avec son épargne existante, de manière à lui offrir la solution qui lui conviendra le mieux.

L'ambition devient plus clairement de créer une alternative aux solutions traditionnelles, en mixant le meilleur des technologies (par exemple pour l'analyse automatique du profil d'investisseur) avec une relation humaine. Pour cette raison, le service accueillera d'abord, à partir du début 2017, les clients de WeSave ayant un encours supérieur à 100 000 euros, la généralisation progressive à tous les internautes (qu'ils soient clients ou non) étant prévue tout le long de l'année prochaine.

La période est particulièrement propice à une évolution du rapport de force dans la gestion de l'épargne. D'une part, le niveau historiquement bas des taux d'intérêt conduit les consommateurs à rechercher des placements plus rentables que les produits standards que leur proposent leurs banques, pour lesquels ils ont cependant un fort besoin d'éducation. D'autre part, la hausse généralisée des frais va accroître les insatisfactions et les conduire à exiger de plus en plus de transparence sur les services et leurs coûts. WeLearn peut constituer une réponse parfaite à ces attentes émergentes.

Transparence : je fais partie (bénévolement) de l'« advisory board » de WeSave.

mercredi 14 décembre 2016

Un crédit hypothécaire dans une néo-banque

Atom Bank
La multiplication des néo-banques en Grande-Bretagne nous a habitués à une offre réduite à un moyen de paiement et, pour celles qui ont obtenu une « vraie » licence bancaire, un compte courant. Il ne faut pourtant pas croire qu'elles en resteront là. En voici déjà une première qui se lance [PDF] dans le crédit hypothécaire : Atom Bank…

Même s'il paraît plutôt ambitieux, le choix de ce marché n'est pas réellement étonnant. En effet, il s'agit de l'un des plus archaïques du secteur financier, avec des conditions obscures, des processus manuels, encombrés de formulaires imprimés, des délais de traitement interminables, sans la moindre information sur l'avancement d'un dossier… Tout ce qu'il faut pour transformer l'achat du logement de ses rêves en un cauchemar. Il est évidemment tentant pour un nouvel entrant de vouloir le réformer !

Face à ces défauts endémiques, la réponse d'Atom Bank, fidèle à la « tradition » de la FinTech, va évidemment mettre l'accent sur la réactivité, la transparence et les coûts. Le déploiement d'une infrastructure automatisée, à laquelle le client à intégralement accès depuis son smartphone, lui permet de traiter les différentes étapes d'une demande de crédit au fil de l'eau, sans temps d'attente indu, et de fournir des informations sur son état en temps réel, le tout pour un prix également optimisé et sans surprise.

Il convient néanmoins de souligner une petite incongruité dans l'approche de la startup. Ainsi, dans un premier temps, les emprunteurs devront apparemment passer par un intermédiaire spécialisé (indépendant) pour soumettre leur dossier. Pourquoi cette entorse à sa philosophie 100% mobile ? Il semblerait que la néo-banque ne soit pas en mesure, actuellement, de fournir le conseil nécessaire via son application. Obstacle réglementaire ou implémentation toujours en cours ? Les raisons profondes ne sont pas explicitées.

Digital Mortgages by Atom Bank

Que l'on pense (comme les banquiers traditionnels) que le crédit hypothécaire (ou immobilier) soit trop sérieux pour être géré en ligne ou que l'on soit convaincu (comme moi) qu'il deviendra majoritairement « digital », à terme, la réalité est que l'expérience proposée aux clients aujourd'hui est exécrable. Quelques établissements ont bien commencé à la dématérialiser (notamment le Crédit Mutuel Arkéa, en France) mais la majorité des souscriptions de crédit reste un parcours du combattant.

Il ne faudra donc pas s'étonner si des trublions, méprisés par leurs aînées sous prétexte qu'ils n'offrent pas de relation humaine, se mettent à conquérir des clients qui souhaitent simplement obtenir une information claire et sans ambiguïté, une réponse rapide et un suivi rapproché de leur demande… à un prix raisonnable. Ce n'est probablement pas par hasard qu'Atom Bank choisit le prêt hypothécaire pour son deuxième produit (après les comptes d'épargne) : elle peut y marquer sa différence, bien mieux qu'avec un compte courant ou une carte bancaire (qui viendront très rapidement, toutefois).

mardi 13 décembre 2016

Société Générale partage ses bureaux

Société Générale
La tendance semble se confirmer : face à la désaffection croissante de leurs agences, les grands groupes bancaires explorent les possibilités de partager leurs locaux avec des travailleurs nomades. Dans le sillage des Banques Populaires le mois dernier, voici une nouvelle initiative, au format légèrement différent, lancée par Société Générale.

Depuis le début du mois, quelques-unes de ses agences du sud-ouest de la France ont ainsi mis plusieurs bureaux et salles de réunion à disposition des adeptes de la plate-forme spécialisée base10. Les conditions d'utilisation en sont simples et transparentes, entièrement portées par une application web et mobile. Le responsable des lieux établit le planning des disponibilités des espaces qu'il souhaite partager. Dès lors, toute personne, cliente ou non de la banque, peut enregistrer une réservation, par demi-journée.

La solution mise en œuvre (qui constitue également le socle technique du dispositif déployé, sous leur marque, par les Banques Populaires) offre toutes les options d'usage, avec une recherche par localisation et par date, complétée d'un filtrage en fonction des équipements installés (tableau blanc, vidéo-projecteur…), voire de l'environnement (accès handicapé, climatisation, parking…). La location est facturée, 15 euros pour un bureau et 2 euros par place pour une salle de réunion (pour une demi-journée).

Voilà donc la grande différence entre les deux banques. Là où la pionnière choisit de créer un privilège gratuit exclusivement réservé à ses sociétaires, Société Générale préfère adopter un modèle commercial. Précisons toutefois immédiatement que son objectif n'est pas de tirer un bénéfice direct de la location : les montants perçus seront reversés à une association. L'avantage principal pour les utilisateurs est que les agences sont intégrées dans le catalogue de base10, avec les locaux de ses autres partenaires.

Partage de bureaux Société Générale

Du point de vue de la banque, l'opération n'est pas uniquement guidée par la philanthropie et le désir de mieux occuper ses bureaux vides. Afin de créer un lien entre ses utilisateurs, le protocole de bonne conduite établi par base10 « impose » en effet une introduction formelle entre le locataire et le référent chargé de l'accueillir dans ses murs, avec échange de cartes de visite et présentation réciproque, en 5 minutes. Même sans abus ou pression particulière, ces contacts sont autant d'opportunités professionnelles…

À travers cette initiative (et d'autres à venir ?), l'ambition ultime de Société Générale serait de ré-inventer la place de l'agence bancaire dans le paysage urbain, d'abord en la détachant de son image de coffre-fort, fermé et peu accueillant, puis en lui donnant un nouveau rôle de proximité. L'idée est séduisante. Il restera cependant à déterminer comment elle s'articulera concrètement avec le métier de l'institution et à vérifier si elle peut réellement constituer la base d'un nouveau modèle (viable) de réseau, à long terme. Pour ma part, je reste convaincu que ce type de solution ne peut être que temporaire…

lundi 12 décembre 2016

La réalité virtuelle aide à analyser les données

Fidelity Labs
Au fur et à mesure de son arrivée à maturité, la réalité virtuelle intéresse de plus en plus les institutions financières. Fidelity était l'une des premières à présenter un prototype, en 2014. Elle prolonge aujourd'hui ses expérimentations, avec une solution proposant aux employeurs de suivre les plans d'épargne retraite de leurs salariés.

La cible change mais l'approche retenue reste sensiblement la même. Comme dans son environnement StockCity, qui était à l'époque plutôt destinée aux investisseurs souhaitant mieux visualiser leur portefeuille et la situation des marchés, la nouvelle application développée par les Fidelity Labs cherche ainsi à transposer un sujet relativement abstrait dans un environnement d'apparence familière, de manière à faciliter l'interprétation et la compréhension par les clients des informations mises à leur disposition.

Après les valeurs de bourse illustrées sous la forme d'immeubles, aux dimensions proportionnelles à la quantité détenue et aux cours (entre autres), ce sont, cette fois, les produits d'épargne retraite que les entreprises mettent à disposition de leurs employés qui sont concernés. Afin de simplifier la lecture et l'analyse des statistiques correspondantes, le responsable se voit immergé dans un amphithéâtre virtuel, dans lequel chacun des collaborateurs occupe un siège, donnant instantanément une vue concrète des informations (par exemple, les taux d'adoption ou les niveaux d'épargne).

Expérimentation de réalité virtuelle Fidelity

En quelques gestes intuitifs (captés par des manettes spéciales), l'utilisateur peut changer d'axe d'exploration (par âge, par ancienneté…) ou plonger dans les détails de telle ou telle donnée exposée. Le principe – qui semble d'ailleurs inspirer la majorité des pionniers de la réalité virtuelle dans un contexte financier – est donc de libérer l'accès à un univers d'information riche et complexe, sous une forme ludique et aisée à appréhender, rendant possible des utilisations plus sophistiquées que les outils traditionnels.

Bien que les aventures de Fidelity restent, pour l'instant, d'ordre purement expérimental, au sein de sa structure dédiée à l'innovation, il n'en est pas moins clair que les réflexions progressent sur les usages réels à venir. Ce n'est pas un hasard, notamment, si ses applications s'adressent successivement à des clients individuels puis à des professionnels en entreprise : à ce stade, toutes les opportunités méritent d'être étudiées, surtout en l'absence de vision claire sur les futurs adeptes de la technologie.

En tout état de cause, il fait peu de doute que la réalité virtuelle finira par s'imposer, sous une forme ou une autre. Comme toujours dans des circonstances similaires, les institutions financières qui se seront préparées à son émergence – qui pourrait être fulgurante, à la faveur d'une démocratisation des solutions techniques qui la supportent – seront les mieux placées pour profiter de l'engouement qui s'ensuivra. Au-delà, la durabilité de la mode est, bien sûr, incertaine et relève du pari sur l'avenir…

dimanche 11 décembre 2016

Les deux visages de la confiance

Confiance - Licence CC-BY 2.0 - Joe The Goat Farmer
Les grandes mutations du monde transforment les relations entre les consommateurs et les entreprises. En particulier, la demande pour des produits et services personnalisés exige un niveau de confiance inédit. Le défi est considérable pour les institutions financières qui se croient en terrain conquis et négligent d'affronter une nouvelle réalité.

Pour comprendre l'enjeu, il suffit d'observer quelques initiatives récentes parmi les grandes banques et compagnies d'assurance. Dans les premières, ce sont, par exemple, les tentatives d'analyser les données de transactions financières pour offrir des promotions ajustées aux habitudes des clients. Dans les secondes, une des tendances du moment consiste à proposer des avantages aux automobilistes qui acceptent une surveillance de leur comportement de conduite. À chaque fois, les résultats obtenus sont, au mieux, mitigés. Au pire, les oppositions prennent une ampleur disproportionnée.

Les acteurs concernés sont généralement désemparés par ce qu'il perçoivent comme une sorte d'injustice. Après tout, au fil des enquêtes d'opinion, ils continuent à bénéficier d'un taux de confiance élevé de la part du grand public. Dans ces conditions, pourquoi existe-t-il un tel phénomène de rejet, inspiré par un profond instinct de méfiance, notamment lorsqu'ils veulent utiliser les données dont ils disposent afin de mieux adapter leurs solutions aux besoins et au contexte de chaque client, comme il le demande ?

La raison de cette apparente contradiction est pourtant claire : la confiance a deux visages. L'un est celui du cœur de métier, pour lequel les consommateurs n'ont pas d'inquiétude quant à la protection de leur argent ou la prise en charge de leurs sinistres. En revanche, si on leur pose la question « pensez-vous que votre banquier / assureur agit toujours dans votre intérêt ? », les réponses seront rarement positives. Or, sans cette conviction d'être placés au centre des préoccupations des institutions financières, leurs clients ne se départiront jamais d'une défiance systématique devant l'innovation.

Ainsi, quelles que soient les intentions réelles de l'entreprise, qu'elle affirme noir sur blanc que les données bancaires du client ne sont pas transmises à des tiers ou que les informations de conduite de l'automobiliste ne sont exploitées que pour l'inciter à acquérir de meilleures habitudes, les personnes auxquelles elle s'adresse ne la croiront pas et, en parfait alignement avec l'image qu'elles s'en font, imagineront des objectifs cachés (mercantiles, la plupart du temps) dans la nouvelle proposition qui leur est faite.

Il serait malvenu de reprocher aux consommateurs leur incrédulité, alors que, historiquement, la banque et l'assurance ont toujours plus mis l'accent sur leurs produits que sur les besoins des clients, jusqu'à l'excès (comme le rappelle, de manière anecdotique mais révélatrice, le scandale des millions de comptes ouverts par les conseillers de Wells Fargo à l'insu de leurs clients). Il faudra donc que les institutions financières fassent évoluer leur image si elles veulent développer de nouvelles activités.

Dans ce registre, la comparaison avec les acteurs émergents est riche d'enseignements. Les géants du web sont parvenus, dès leur naissance, à faire admettre implicitement aux utilisateurs de leurs services (gratuits) que leur intérêt mérite des concessions de leur part. Les startups de la FinTech, du moins les plus convaincantes d'entre elles, fondent entièrement leur modèle sur l'idée qu'elles œuvrent toujours au bénéfice de leurs clients et c'est bien sur cet aspect de la confiance qu'elles misent leur avenir.

Pour les institutions financières traditionnelles, la difficulté sera de faire oublier leur passé, avant d'espérer répliquer ces succès. Pour ce faire, il ne suffira pas de chercher à rassurer les utilisateurs de leurs solutions innovantes avec de belles promesses. Le changement d'approche devra au préalable s'infiltrer dans l'ensemble de la relation, en repartant des fondamentaux de la commercialisation des produits, de manière à redonner foi en leur capacité à remplir leur mission originelle, au service du client…

Confiance