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lundi 18 septembre 2017

Frugalité n'est pas frivolité

Innovation
Depuis quelques années, notamment après la publication du livre de Navi Radjou en 2013, le concept d'innovation frugale fait florès dans les grandes entreprises. Malheureusement, et alors même qu'il évolue au fil des ans, il continue à être systématiquement détourné au profit des mauvaises habitudes historiques de ces organisations.

Les interprétations peuvent varier mais, selon moi, le principe de frugalité appliqué à l'innovation consiste à imaginer, concevoir et développer des produits simples et sans fioritures, tirant parti des ressources existantes et répondant précisément à un besoin réel parfaitement identifié. Il n'est rien d'extraordinaire à cette idée : elle décrit, par exemple, la manière dont fonctionnent les startups, par la force des choses et l'exigence qui pèse sur elles de créer une solution opérationnelle avec des moyens modestes.

Naturellement, un des ressorts de cette approche est la perspective de minimiser les coûts de l'innovation. Caractéristique qui a inévitablement provoqué la première dérive de son appropriation par les grands groupes. Plutôt que de se focaliser sur l'efficacité, leurs dirigeants ont seulement entendu un message économique : les nouveaux gourous leurs expliquaient qu'ils pouvaient innover au rabais, sans investir. Quelle aubaine ! Sans grande surprise, leurs initiatives n'ont guère produit de résultats…

Quelques années plus tard, avec la prise de conscience de l'importance d'innover pour survivre dans un monde qui change, les priorités ont changé. Désormais, les budgets affluent et réduisent la contrainte de créer avec des bouts de ficelle. Dans certains cas, les excès s'inversent totalement et il arrive d'entendre que la frugalité est la qualité qui permet de lancer une multitude de projets peu coûteux et de valider directement sur le marché ceux qui trouvent une clientèle et méritent d'être industrialisés.

En soi, la méthode, qui se rapproche de « lean startup » et son MVP (produit minimum viable), n'est pas critiquable. Mais quand l'action prend le pas sur la réflexion, que l'exécution est lancée sans analyse préalable des besoins des futurs clients, du contexte et de l'environnement, le danger est immense de n'aboutir qu'à des échecs et de gaspiller les ressources engagées ou, a minima, de perdre un temps précieux à rechercher la « bonne » direction à prendre. Il s'agit d'une nouvelle forme du « syndrome du riche ».

À l'instar des chantiers pharaoniques – fréquents dans les grandes organisations – disposant de moyens presque infinis, qui en raison même de cette abondance, n'en finissent jamais, parce qu'il reste toujours une fonction à ajouter, un détail à modifier, une demande supplémentaire à prendre en compte…, le surcroît d'attention et, conséquemment, de budgets accordés à l'innovation conduit inéluctablement à une perte de concentration et d'efficacité qui est à l'exact opposé de l'objectif poursuivi.

Autrement dit, la croyance qu'il suffit de lancer un nombre suffisant d'expérimentations à bas coût pour identifier la nouvelle solution qui va effectivement rencontrer un public, et le succès, est promise à de cruelles désillusions. Des décennies de déconvenues, dans tous les secteurs, devraient pourtant avoir été absorbées et digérées, et aider les entreprises à éviter de répéter les mêmes erreurs, encore et encore !

A contrario, que faut-il garder de la notion de frugalité ? Ce sont toujours les mêmes grands principes : l'obsession de résoudre un besoin avéré (qu'il faut donc d'abord connaître et valider), l'accent mis sur l'efficacité et la simplicité du produit proposé, en rapport direct avec ce besoin, la recherche des moyens disponibles permettant d'accélérer le développement (les produits de partenaires potentiels, l'étude des initiatives similaires, les résultats d'expérimentation passées…). Ainsi, à défaut de garantir qu'elle ne coûte rien, le rendement de l'innovation sera à tout le moins optimisé.

Bouts de ficelle

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