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lundi 27 mai 2019

Vers des agences bancaires multi-marques ?

Parlement du Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, la transition à marche forcée vers la banque « digitale » soulève de graves questions de société. Or quand la commission parlementaire du Trésor s'efforce de les traiter, elle tend malheureusement à démontrer combien il est difficile d'appréhender tous les paramètres du monde qui change autour de nous.

Une fois encore, c'est le rythme accéléré de fermeture des agences, notamment dans les territoires ruraux, qui suscite l'inquiétude des politiques. Tout en étant conscients de la baisse de fréquentation massive qu'a engendrée l'adoption des applications web et mobiles, ils craignent que les populations les plus fragiles, personnes âgées et à faibles revenus en tête, soient laissées sur le bord de la route, sans accès à des services financiers à proximité de leur domicile, dans le format qui leur convient le mieux.

En outre, les incidents majeurs qui affectent régulièrement les systèmes informatiques des grandes banques du pays apportent de l'eau au moulin des alarmistes. Bien que l'argument soit plutôt bancal, car le fonctionnement des points de vente repose sur les mêmes composants technologiques que les autres canaux et est donc soumis aux mêmes risques de panne, une justification émergente pour le maintien de réseaux physiques est d'offrir une solution de secours en cas d'indisponibilité des outils en ligne.

Afin de tenter de concilier les exigences contradictoires des consommateurs et des institutions financières, les parlementaires suggèrent donc la création d'« agences partagées », dans lesquelles les marques concurrentes mettraient en commun leurs ressources et leurs moyens pour servir les clients dans les zones désaffectées. Selon ses auteurs (peut-être inspirés par le cas de Starling Bank), le concept permettrait même à des nouveaux entrants de déployer une implantation locale à moindre coût !

Ceux qui suivent l'actualité du secteur outre-Manche imagineront peut-être que l'offre de délégation de service à la Poste de sa Majesté correspond justement à cette proposition. Pas du tout. En effet, ce mécanisme ne satisfait pas la commission, qui le juge trop peu connu des consommateurs, inadapté aux besoins car pris en charge par des personnes qui ne sont pas des spécialistes bancaires et non viable économiquement, son coût véritable étant finalement assumé par les contribuables.

Au bout du compte, l'idée de mutualisation envisagée par les politiques est une aberration plus ou moins totale, qui ne répond pas aux enjeux, ni des clients, ni des banques. Certes, la possibilité d'exécuter des opérations simples dans un bureau de proximité multi-enseignes peut combler une frange d'utilisateurs. Mais dès qu'il s'agira de sujets plus complexes, requérant un conseil personnalisé, le dispositif sera inopérant… précisément quand le recours à un interlocuteur humain est le plus important !

En réalité, plutôt que de vouloir à tout prix préserver un modèle (pré)historique, c'est une autre manière de concevoir la relation qu'il faudrait inventer pour réduire les risques d'exclusion à l'ère « digitale ». En la matière, les institutions – politiques et financières, toutes ayant naturellement un rôle à jouer dans les plans d'action à définir – seraient avisés de se pencher en priorité sur la culture et l'inclusion numériques des citoyens, qui, incidemment, seraient tout aussi utiles pour l'accès aux services publics…

Enfin, la crise émerge actuellement au Royaume-Uni, où la mutation est certainement plus brutale qu'ailleurs. Il ne faudrait pourtant pas en déduire que nos régions seront épargnées : les fermetures d'agences se font plus lentement (pour l'instant) mais leurs conséquences seront les mêmes. Nul (politique ou banquier) ne pourra éviter une réflexion stratégique sur l'inévitable dématérialisation de la banque et l'accompagnement de tous les clients dans le changement de paradigme qu'elle induit.

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