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mardi 31 août 2021

La SEC s'inquiète du trading digital

SEC
Dans ce qui ressemble à une suite directe à l'alerte émise à l'encontre de Robinhood au début de l'année, la SEC américaine lance maintenant une surprenante enquête afin de déterminer les usages des technologies modernes sur les plates-formes de trading et identifier les éventuels conflits d'intérêt qu'ils seraient susceptibles d'entraîner.

La démarche donne l'impression que le régulateur prend soudain conscience – à l'occasion de l'affaire des confettis de la jeune pousse – de l'ampleur du phénomène de « digitalisation » sur l'ensemble du secteur de l'investissement des particuliers… alors qu'il est à l'œuvre et se développe depuis environ une dizaine d'années (Robinhood, par exemple, est née en 2013). Et il lui faut dorénavant tenter de comprendre ses ramifications et ses implications avant d'envisager d'imposer des contrôles.

La première étape, qui vient de démarrer, prend la forme d'une consultation publique, auprès de toutes les parties intéressées, dont, notamment, les fournisseurs et les adeptes de bourse en ligne. Elle est destinée à collecter une connaissance globale des pratiques en vigueur sur les sites, portails et autres applications de trading en matière de ce que la SEC qualifie de pratiques d'engagement digital (DEP), ainsi que recueillir les avis et opinions qu'elles suscitent – les avantages perçus comme les risques pressentis.

La présentation du concept de DEP donne une idée plus précise de l'étendue du chantier. Outre les techniques de ludification qui ont déclenché la réaction des autorités – comprenant elles-mêmes différents volets, entre concours (avec récompenses), tableaux de scores et célébration des succès –, sont également couverts les réseaux sociaux spécialisés, la réplication de stratégies, les mécanismes de notification, les suggestions et idées d'opérations, les paliers d'abonnement… et même les chatbots !

SEC – Submit your feedback flyer

Naturellement, l'ensemble de ces outils, comme d'autres plus traditionnels (publications, promotions, appels d'un banquier ou d'un courtier…), possèdent deux facettes. D'un côté, ils peuvent contribuer à familiariser les consommateurs avec l'investissement, rendu plus accessible, à les inciter à se préoccuper de leur patrimoine et de leur retraite, à surveiller leur portefeuille… À l'opposé, les excès exposent l'utilisateur à une prise de risques incompatible avec son profil et ses objectifs, jusqu'aux « dark patterns » manipulateurs, stimulant volontairement des comportements néfastes.

Sans grand surprise, l'intelligence artificielle et l'apprentissage automatique sont régulièrement cités dans l'argumentaire de la SEC et font l'objet d'une multitude de questions sur leur recours par les acteurs visés, démontrant une préoccupation spécifique. Comme toujours, c'est avant tout l'opacité des algorithmes déployés qui engendre la suspicion sur la technologie et la tentation sera grande pour le régulateur de cibler ces dernières. Ce serait une grave erreur même s'il est vrai que s'attaquer au vrai problème, qui ressort de l'intention derrière l'usage, est extraordinairement complexe.

lundi 30 août 2021

Revolut se lance dans l'avance de salaire

Revolut
Pendant que la FinTech ne jure plus (quasiment) que par les paiements fractionnés (BNPL), Revolut choisit une autre voie, moins fréquentée quoique régulièrement empruntée, pour compléter son catalogue : l'avance de salaire. Elle y voit peut-être un moyen de combiner le bien-être financier des employés avec ses objectifs de développement.

Le principe de la nouvelle offre est résolument classique et ne se distingue en rien de la concurrence. En préalable, les entreprises intéressées ouvrent à la néo-banque un accès à leur système de paye (les principales plates-formes du marché sont supportées). Dès lors, chaque collaborateur suit au jour le jour, sur un tableau de bord dédié, le montant des rémunérations qui lui sont dues à date et peut solliciter le versement anticipé d'une partie (jusqu'à la moitié) de celles-ci moyennant une commission minime.

Bien entendu, la promesse de Revolut Payday est connue : pour les bénéficiaires des avances, il s'agit d'un moyen de faire face à des urgences et autres événements imprévisibles (une réparation impérative, des frais médicaux à débourser…), en évitant les coûts prohibitifs des méthodes existantes (prêt sur salaire, carte de crédit…) et les risques de surendettement… quoique ces derniers mériteraient, comme toujours, une attention plus spécifique, ne serait-ce qu'afin de prévenir les abus toujours possibles.

Du point de vue de l'employeur, un tel service représente à la fois un avantage supplémentaire concret, susceptible d'attirer et de fidéliser les collaborateurs, et un facteur d'amélioration de leur sérénité, ce qui contribue directement à leur satisfaction et leur efficacité (de nombreuses études le confirment). En outre, la mise en œuvre n'a aucun impact sur son fonctionnement, notamment sur ses processus de traitement des salaires, puisque Revolut prend en charge l'ensemble des opérations financières.

Revolut Payday

L'initiative, déployée pour l'instant au Royaume-Uni avant une extension au reste de l'Europe, est certes remarquable par son affirmation de la préoccupation de la startup vis-à-vis du bien-être des individus dans un produit assimilable à un crédit à court terme. Mais c'est surtout sa démarche marketing, aussi brillante qu'inédite, qui mérite une mention spéciale. Car, en s'appuyant sur sa double présence auprès des entreprises et du grand public, elle peut espérer créer un phénomène de halo propice à son expansion.

En effet, d'un côté elle encourage ses clients particuliers à promouvoir Revolut Payday auprès de leur employeur, constituant de la sorte un canal de communication organique et gratuit, tandis que, de l'autre, les personnes qui se voient proposer l'accès aux avances de salaire vont pour ce faire utiliser l'application de la néo-banque, où elles seront incitées plus ou moins explicitement à ouvrir un compte et profiter de toutes ses capacités. Les conditions sont réunies pour faire émerger une campagne virale au long cours.

Voilà un excellent argument pour l'introduction de ce genre de solution dans une banque et il est probable que les acteurs exclusivement focalisés sur ce marché, surtout ceux qui ciblent les entreprises, en perçoivent rapidement les conséquences. À l'inverse, les institutions financières désireuses d'explorer de nouvelles sources de croissance (et elles sont légion !) pourraient s'inspirer de cet exemple, plutôt que de se ruer, comme le font certaines, sur le modèle du BNPL, qui commence à susciter des critiques sérieuses.

dimanche 29 août 2021

Goalry, la galerie des finances personnelles

Goalry
Depuis plusieurs années, la gestion de finances personnelles évolue (trop) lentement vers l'adoption d'une perspective à 360° des sujets relatifs à l'argent, portant, idéalement, l'ambition de contribuer au bien-être de l'individu. Aujourd'hui, la jeune pousse américaine Goalry explore une approche originale afin de progresser dans cette direction.

Le cœur de son système repose, sans surprise, sur une plate-forme d'agrégation des comptes existants, fournie par MX. Capable d'intégrer différents types de sources, celle-ci sert d'abord à évaluer un score de santé financière global, couvrant tous les aspects importants en la matière, des dépenses aux assurances en passant par l'endettement et l'épargne… ainsi que le comportement de l'utilisateur. Les informations restituées à ce niveau vont ensuite permettre de naviguer parmi les autres fonctions disponibles.

En l'occurrence, c'est au sein d'une galerie marchande virtuelle que les domaines d'intervention sont présentés, chacun étant incarné par une boutique spécialisée. Sont ainsi couverts le pilotage des factures, le suivi budgétaire et des projets, la trésorerie, le crédit, le patrimoine, les assurances, la gestion fiscale… et plus encore, puisque divers ajouts sont prévus à terme. Certains prennent la forme d'un module prêt à l'emploi, d'autres consistent plutôt en comparateurs d'offres et quelques-uns combinent les deux.

Par exemple, l'espace Cashry délivre, à partir des données des comptes connectés, partagées par tous les composants, des outils de surveillance des liquidités et de leur évolution, accompagnés de mécanismes d'alerte, ou encore des capacités d'assistance au désendettement. En parallèle, il propose également l'accès à une sélection de prêts à court terme, en cas de besoin. Et, comme sur toutes les thématiques, il est possible de fixer des objectifs à atteindre, pour stimuler les efforts et la persévérance.

Accueil Goalry

Au-delà de cette palette de services opérationnels, la galerie comporte deux étages supplémentaires. L'un est consacré à l'éducation financière, dont, incidemment, les contenus sont aussi largement présents, en contexte, dans les boutiques du niveau précédent. S'y trouvent rassemblés, du côté de la bibliothèque, plus de 2 000 articles issus de 11 blogs, rédigés par des experts aux compétences variées, et, du côté du cinéma, quelques 400 vidéos, dont un programme d'initiation à l'autonomie en 30 jours.

Enfin, le rez-de-chaussée est consacré à la communauté. Son objectif est de favoriser les échanges entre membres et plus particulièrement les rapprochements entre ceux qui suivent des parcours similaires, de manière à développer une stimulation collective autour des buts qu'ils se donnent. À l'avenir, des professionnels seront en outre invités à participer aux conversations et enrichir de la sorte l'expérience sociale.

Bien plus qu'une simple solution de gestion des finances personnelles, Goalry esquisse une certaine vision de la banque de demain. Assise sur une analyse et une compréhension profonde des habitudes et des désirs du consommateur, elle place entre ses mains l'ensemble des outils grâce auxquels il va pouvoir facilement, de préférence avec l'aide d'un conseiller (virtuel), reprendre le contrôle de son argent au quotidien, s'affranchir de ses inquiétudes, réaliser ses rêves. En un mot, améliorer son bien-être.

samedi 28 août 2021

Une assurance pour les services infonuagiques

Element
L'activité des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs dépend de plus en plus de leur informatique, dont une part croissante est hébergée dans le « nuage ». Afin de protéger leurs revenus en cas de défaillance, de nouveaux produits d'assurance émergent, qui profitent eux-mêmes des technologies pour renforcer leur efficacité.

Nous découvrions il y a quelques mois les efforts de Google en la matière, focalisés sur ses propres offres infonuagiques et réservés initialement à ses clients les plus importants. Voici aujourd'hui une solution concoctée conjointement par deux jeunes pousses, Element (européenne, qui porte le risque) et Parametrix (américaine, qui détient l'expertise de surveillance des services en ligne), destinée à toutes les organisations allemandes (dans un premier temps) utilisant le cloud sous une forme ou une autre.

En effet, la couverture proposée est applicable aussi bien aux plates-formes d'infrastructure (Amazon Web Services, Google Cloud, Microsoft Azure…) qu'à une vaste palette d'applications en ligne, parmi les plus populaires, dans les domaines du e-commerce (Shopify, BigCommerce), des paiements (PayPal, Stripe), de la gestion de la relation client (Salesforce, Hubspot) et même des outils réseau (Cloudflare, Fastly), tout autant critiques pour la continuité des opérations dans l'économie moderne.

Element & Parametrix

Avec son approche paramétrique, le produit se veut simple et transparent. Durant le processus de souscription, le client fixe le niveau d'indemnisation qu'il souhaite recevoir par heure d'indisponibilité des services qu'il exploite, pour compenser, par exemple, ses pertes d'exploitation ou les garanties qu'il offre à ses utilisateurs. Une fois le contrat actif, les sondes (totalement non intrusives) de Parametrix détectent les dysfonctionnements, qui déclenchent le versement automatique des dédommagements convenus.

Alors que l'infonuagique constitue désormais une composante vitale dans les systèmes d'information de nombreuses organisations et qu'une assurance adaptée semble appelée à devenir rapidement indispensable, cette initiative est présentée comme une première en Europe. Elle présente en outre l'avantage de reposer sur un socle robuste de suivi des performances du web qui autorise le traitement des sinistres avec une réactivité inégalable et en minimisant les coûts administratifs. Le seul bémol à exprimer concerne son caractère propriétaire, susceptible de prêter le flanc à un soupçon d'opacité.

En synthèse, le marché du cloud représente une immense opportunité pour le secteur de l'assurance, qui se prête particulièrement bien à un modèle paramétrique. Les acteurs traditionnels, qui paraissent un peu à la peine sur les deux volets principaux d'une telle solution – son objet technologique et sa capacité d'automatisation –, laisseront-ils donc les nouveaux entrants s'en emparer sans réagir ? D'une certaine manière, derrière ces grandes tendances incontournables et universelles, c'est leur avenir qui se joue…

vendredi 27 août 2021

Les bizarreries d'organisation chez ING

ING
Depuis le début de l'année, ING fait sensiblement évoluer son organisation, notamment en actant l'entrée de son responsable informatique au comité de direction. En revanche, les opérations, auxquelles il était précédemment rattaché et qui changent de tête le mois prochain, conservent toujours la transformation dans leur giron…

La séparation des rôles engagée et la montée en grade de Ron van Kemenade sont parfaitement logiques et des mouvements similaires sont mis en œuvre dans d'autres institutions financières, dont, par exemple, BNP Paribas. La « digitalisation » du secteur, accélérée par la pandémie, entraînant la prise de conscience de l'importance stratégique des technologies pour les métiers et leur avenir, celui ou celle qui en a la charge a désormais sa place au plus haut niveau de décision de l'entreprise.

Mais qu'en est-il donc de la transformation ? Chacun sait que le sujet est extrêmement délicat dans toutes les grandes enseignes et que rares sont celles qui peuvent légitimement considérer en avoir fait le tour aujourd'hui. Au vu de son abandon récent d'un vaste chantier de modernisation, il paraît difficile de croire qu'ING fasse partie de ces dernières. Elle donne pourtant l'étrange impression, à travers son positionnement, de reléguer ces enjeux dans une arrière-cour et de minorer la priorité qu'elle lui accorde.

C'est, en quelque sorte, un double injure qui est ainsi infligée à ceux qui perçoivent l'impératif critique de remanier profondément la banque. D'une part, il ne dispose pas d'une voix dédiée au sein des instances dirigeantes. D'autre part, et c'est plus grave, le patron des opérations, dont la mission consiste à veiller au quotidien au fonctionnement et à l'optimisation des activités, est particulièrement mal placé pour simultanément porter les ambitions de révolution plus ou moins radicales maintenant nécessaires.

ING – Marnix van Stiphout

On pourrait arguer qu'il est possible pour un seul homme de combiner deux casquettes. Malheureusement, celles dont il s'agit ici tendent à trop s'opposer pour envisager un équilibre : Marnix van Stiphout, le nouveau COO, penche clairement, par goût et par son parcours, vers les opérations (comme le reflète l'entretien publié en contrepoint de sa nomination, dans lequel la transformation n'est jamais abordée) et il est facile d'imaginer que cette prédilection culturelle se répercutera sur son action et ses orientations.

Dans une certaine mesure, ING prend peut-être les problèmes organisationnels à l'envers. En effet, à partir du moment où la banque moderne, en transition vers un modèle centré sur les technologies, justifie incontestablement le poids accru du directeur informatique dans sa gouvernance, le programme de rénovation qui doit lui permettre d'atteindre ce statut constitue un préalable évident. À ce titre, il mériterait autant de visibilité et de prééminence, même si celles-ci ont vocation à n'être que temporaires.

jeudi 26 août 2021

Wizbii trouve des aides pour les étudiants

Wizbii
Il y a deux ans, je me penchais sur le service « Benefits Finder » de CommBank, accompagnant ses clients dans l'identification et l'obtention des aides auxquelles ils sont éligibles. L'actualité m'avait alors échappé mais une jeune pousse française a déployé depuis fort longtemps (en 2017 !) un concept similaire, à l'intention des étudiants, devenu d'autant plus important à l'occasion de la crise sanitaire.

Un peu à l'écart du secteur financier et de la FinTech, Wizbii n'est pas tout à fait une inconnue car elle a, par le passé, séduit le Crédit Agricole (dans une collaboration encore très active à ce jour) avec sa plate-forme pour les jeunes. Si elle focalisait initialement ses efforts sur les offres d'emploi, elle a toujours porté une vision multi-fonctionnelle qui s'est concrétisée par, entre autres, l'ajout d'une offre de couverture santé et, sujet qui nous intéresse aujourd'hui, une première incursion dans le domaine de l'argent.

Sur Wizbii Money, l'utilisateur est invité à remplir un questionnaire rapide sur sa situation (cela ne prend pas plus de 5 minutes) et il obtient en retour, gratuitement, une simulation des montants auxquels ils peut prétendre parmi les quelques 400 dispositifs d'assistance aux étudiants recensés, à l'échelle nationale, régionale ou locale. S'il est convaincu par les perspectives annoncées, il peut ensuite demander à la startup d'entreprendre les démarches de revendication pour son compte, moyennant une rétribution modeste (30 euros par dossier déposé, remboursés en cas d'échec).

L'ambition de Wizbii avec cette solution est de simplifier la vie de ses clients. D'une part, en effectuant, en amont, une surveillance des options existantes, de manière à assurer une recherche exhaustive des aides accessibles pour chaque individu. D'autre part, en centralisant les processus de demande, pour lesquels les mêmes informations, justificatifs et autres documents sont exigés, dans des formats différents et selon des modalités variables (en ligne, par courriel…), et qu'il suffit donc de transmettre une seule fois.

Wizbii Money

L'exemple australien, dont les résultats prouvent à la fois la valeur de telles initiatives et l'appétence qu'elles suscitent chez les consommateurs, incite à questionner le positionnement d'une banque sur ce terrain. Il est possible que, grâce aux données qu'elles détient sur ses clients, elle soit en mesure de réduire légèrement la friction de l'expérience mais la réciproque est probablement vraie aussi pour des étudiants qui sont déjà inscrits sur la plate-forme de Wizbii, pour l'un ou l'autre de ses services.

En réalité, le seul critère pertinent relève de l'envie de l'institution d'investir un domaine adjacent à son cœur de métier. Dans le cas de CommBank, l'outil constitue certainement un facteur de satisfaction et, au moins indirectement, de fidélisation de ses clients qui lui garantit une progression de revenus. L'approche de Wizbii centrée sur une population précise, parmi les plus attractives, est encore plus séduisante. Alors que s'achève la saison habituelle des primes aux bacheliers, un partenariat avec la jeune pousse représenterait un moyen percutant de renouveler les campagnes marketing éculées…

mercredi 25 août 2021

Les API aussi méritent un suivi analytique

Moesif
Bien qu'elles soient encore souvent relativement embryonnaires, les places de marché d'API commencent à se développer dans les institutions financières. L'heure est donc probablement venue de mettre en place, comme sur les autres canaux de distribution, les outils de suivi et d'analyse du trafic indispensables à un pilotage efficace et intégré.

Depuis longtemps, les gestionnaires sérieux de services en ligne et mobiles disposent de solutions sophistiquées, telles que WebTrends ou Google Analytics, afin de surveiller en temps réel leur fonctionnement et leurs performances, d'identifier leurs faiblesses et leurs points d'attraction, de mesurer la valeur d'une campagne publicitaire ou de comparer les comportements sur deux variantes d'une même page… Mais qu'en est-il pour les API, qui représentent désormais une nouvelle méthode populaire d'interaction ?

Au mieux, la passerelle technique mise en place pour exposer les interfaces comprend un tableau de bord proposant quelques statistiques importantes. Au pire, seuls des indicateurs opérationnels sont disponibles, suffisant tout au plus à l'envoi d'alertes en cas d'incident. Entre les deux, les responsables construisent leur propre système, en se limitant aux besoins essentiels car leur budget est limité. Dans tous les cas, on reste très loin des capacités des approches industrielles destinées aux médias web et mobile.

La jeune pousse californienne Moesif se fixe pour objectif de combler ces lacunes, avec une plate-forme facile à connecter aux principaux logiciels du marché (sans impact sur leurs traitements normaux), extrêmement riche et personnalisable, conçue pour embrasser toutes les dimensions du sujet : les aspects techniques aussi bien que marketing, le point de vue du fournisseur comme celui du client. Toutes les parties prenantes ont ainsi les moyens d'assurer leurs missions dans les meilleures conditions.

Moesif Metrics

Naturellement, les informations restituées sont spécifiquement adaptées au contexte des API. Aux côtés des détections d'anomalies, par exemple, les dépassements de quota font également l'objet d'une attention particulière, jusqu'à l'envoi de notifications au client concerné. Des analyses approfondies, prenant en compte les conditions et les paramètres des appels enregistrés, permettent d'émettre des prédictions sur les risques d'attrition, la qualité du processus d'enrôlement, l'allongement des temps de réponse…

La finance enfouie étant appelée à prendre une place prépondérante parmi les modes de commercialisation du secteur, le suivi des usages, qui a pris une ampleur considérable dans l'arsenal des entreprises « digitales », va nécessairement devoir s'adapter. Afin d'optimiser les expériences et maintenir la compétitivité, il faudra notamment apprendre à sonder simultanément les activités des partenaires adoptant les services et des clients finaux, en extrayant le maximum d'information à partir des échanges bruts réalisés.

mardi 24 août 2021

Ces banques qui croient aux solutions magiques

Standard Chartered
Alors que leur transformation « digitale » prend une dimension critique, nombre de banques prennent finalement conscience du handicap que constitue leur cœur de système informatique historique. Hélas, certaines, telles que la filiale coréenne de Standard Chartered, croient pouvoir évacuer le problème grâce à une approche superficielle.

La même promesse, totalement vaine, continue donc de séduire, depuis au moins 20 ans : il « suffirait » de déployer le produit magique de tel ou tel éditeur (ici il s'agit d'OpenLegacy) pour transmuter, à moindre frais et sans impact majeur sur l'existant, les vieilles applications monolithiques en services applicatifs unitaires, dorénavant exposés sous la forme d'API, adaptés aux architectures modernes. Et, depuis aussi longtemps, il faut brandir sans cesse les mêmes arguments afin d'abattre les illusions.

En effet, fondamentalement, plaquer des interfaces conformes à l'état de l'art contemporain sur des composants datant généralement de 30 ou 40 ans ne permet pas et ne permettra jamais de rajeunir ces derniers ni d'éliminer leurs défauts intrinsèques, liés à leur âge canonique. L'opération alchimique dont rêvent les DSI embarrassés par le fardeau de l'héritage (« legacy ») n'existe simplement pas et ceux qui prétendent le contraire omettent soigneusement de considérer les difficultés dans leur ensemble.

Ainsi, l'idée qu'il serait possible de convertir un logiciel des années 80 en une batterie de fonctions élémentaires composables à volonté (pour, par exemple, intégration dans une application mobile destinée aux clients) se heurte-t-elle à une série d'obstacles plus insurmontables les uns que les autres. Le premier est structurel : la conception d'origine, pour des usages figés, en agence et dans les back-offices, ne fournit pas la modularité nécessaire et doit être dangereusement dénaturée pour, a minima, la simuler.

OpenLegacy + Standard Chartered Korea

Ensuite, surgit l'inévitable question de la temporalité. La banque d'autrefois opérait et opère toujours dans un mode asynchrone, par l'intermédiaire de traitements quotidiens par lots. Or que vaudrait, en 2021, une entreprise prétendument « digitale » incapable de fonctionner à 100% en temps réel ? Là encore, la seule solution envisageable consistera en artifices techniques, introduisant un décalage entre la perception des utilisateurs et la situation reflétée dans les systèmes, ce qui n'est évidemment pas sans risques.

Autre sujet d'inquiétude sensible : la performance. Les usages numériques ont radicalement changé en quelques décennies et les anciens composants n'ont jamais été prévus pour supporter les niveaux de sollicitation aujourd'hui habituels, engendrés par exemple par les accès directs des clients. Quand bien même ils pourraient s'accommoder de la charge, le surcroît de puissance informatique requis entraînerait des coûts inacceptables, d'autant qu'il porte sur des infrastructures onéreuses (« mainframes »).

Je passerai rapidement sur les enjeux de sécurité soulevés par une ouverture, certes réduite mais factuelle, d'une partie normalement « enfouie » du système d'information. Au bout du compte, il faut revenir à la raison : les outils de pseudo-modernisation du cœur bancaire ne doivent être adoptés qu'avec la plus grande prudence, pour des besoins tactiques et précisément circonscrits. Quant à la vraie transformation « digitale », elle ne pourra pas faire l'économie d'une remise à plat complète des fondations.

lundi 23 août 2021

CommBank crée une carte BNPL

CommBank
Décidément, le boom du paiement fractionné (« Buy Now Pay Later » ou BNPL) inspire les institutions financières du monde entier. Après, entre autres, son introduction sous forme d'option sur une carte de crédit classique, l'australienne CommBank choisit, pour sa part, d'en faire un instrument à part entière, utilisable dans tous les commerces.

Sa nouvelle solution StepPay est donc une carte de paiement, directement liée à un compte courant détenu dans la banque et fournie exclusivement en version dématérialisée, à intégrer dans l'application mobile de l'établissement ou dans un porte-monnaie virtuel (Apple Pay, Google Pay…). Elle est acceptée dans l'ensemble du réseau Mastercard (en ligne et physique, du moins pour les boutiques équipées de terminaux sans contact), sans configuration ni frais spécifiques pour les marchands.

Elle présente pourtant la particularité de diviser toutes les transactions de plus de 100 dollars en quatre échéances, à régler toutes les deux semaines, sans aucun coût pour le porteur (pas d'intérêts, pas de commissions, une pénalité de 10 dollars étant toutefois infligée en cas de défaut de remboursement). Elle peut également servir pour les petites dépenses du quotidien : les opérations d'un montant inférieur au seuil de crédit sont alors directement imputées sur le compte associé, comme une carte de débit standard.

L'offre est proposée uniquement aux clients existants, sous réserve d'éligibilité (notamment un revenu régulier), et elle est assortie d'une limite relativement basse de 1 000 dollars de dette cumulée. Ces caractéristiques laissent imaginer que StepPay est conçu dans une logique défensive : plus qu'un produit doté d'un modèle économique propre, il s'agit d'un service additionnel (réminiscent des cartes à débit différé françaises) destiné à fidéliser les personnes tentées par les solutions BNPL du marché.

CommBank StepPay

La démarche de CommBank n'en est pas moins convaincante. Si elle n'apporte pas autant de flexibilité que les outils autorisant l'activation a posteriori, sa plate-forme est probablement calibrée afin de répondre par défaut aux besoins d'une majorité d'utilisateurs potentiels de BNPL. Ceux-là pourront l'adopter les yeux fermés, sans jamais avoir à jongler entre différentes options, en profitant au passage de son intégration au cœur des fonctions de pilotage de budget de leur application bancaire habituelle.

Dans un registre différent, il faut également s'arrêter sur la décision de CommBank de ne distribuer StepPay que dans une déclinaison mobile, sans la moindre intention (à ce stade) d'ajouter un support en plastique à sa palette. Il s'agit vraisemblablement d'une première pour un instrument à vocation universelle dans une grande enseigne, justifiée peut-être par un impératif de maîtrise des coûts, et qui reflète sans doute sa confiance dans la généralisation du paiement via smartphone (certes déjà bien avancée en Australie) et pointe vers la disparition éventuelle, à terme, de la carte physique…

dimanche 22 août 2021

Un défi mondial pour la finance ouverte

Global Open Finance Challenge
Si les banques du monde entier s'accoutument peu à peu, notamment sous la pression réglementaire, à l'idée de partager les données de leurs clients, elles ont encore souvent des difficultés à appréhender les opportunités de la finance ouverte au sens large. Quatre d'entre elles s'associent donc afin d'identifier ensemble quelques pistes concrètes.

En l'occurrence, CIBC (Canada), Itaú (Brésil), NAB (Australie) et NatWest (Royaume-Uni), auxquelles se joint Amazon pour l'infrastructure technique, lancent conjointement une compétition virtuelle entre août et novembre. Les entreprises de la FinTech, les startups de tous domaines, les acteurs du numérique, les universités, les amateurs d'innovation… sont invités à soumettre leurs propositions, par équipes de 1 à 6 personnes, et tenter de la sorte d'intégrer le programme d'incubation personnalisé réservé à 4 lauréats.

Le défi inaugural du Global Open Finance Challenge (qui laisse donc imaginer une possible récurrence) est centré sur 3 thèmes relativement génériques : l'optimisation de l'expérience client dans la banque, pour les entreprises et/ou les particuliers, le développement d'accès plus pratiques et plus pertinents aux services financiers et l'assistance à la prise de décisions responsables et écologiques. Naturellement, les participants devront élaborer des solutions exploitant les facultés de la finance ouverte.

Dans cette perspective, les institutions organisatrices mettront à leur disposition, sur l'infonuagique d'Amazon, un bac à sable comportant un vaste jeu d'API et sur lequel ils devront bâtir un prototype opérationnel. Les interfaces exposées couvrent de nombreux domaines : informations sur toutes sortes de comptes (soldes et transactions), sur les cartes de paiement, sur les clients… ainsi que diverses fonctions de paiement (y compris périodiques et fractionnés), de souscription et quelques simulations de crédit.

Join the Global Open Finance Challenge

Bien qu'ils soient plus ou moins passés de mode, les hackathons et autres concours du genre restent une excellente méthode d'innovation. Celle-ci est d'autant mieux adaptée à l'objectif visé par les 4 banques qu'il s'agit principalement de combler une carence de créativité de leur part, dans un contexte de changement radical d'approche (ouverte) de leurs métiers, évidemment difficile à aborder par ceux qui vivent au cœur des anciennes pratiques. L'apport d'un œil externe, candide et sans a priori, est essentiel.

Le choix de transcender les frontières dans sa mise en œuvre – exemple quasiment unique dans le secteur (seule BNP Paribas l'a expérimenté, je crois, grâce à a sa propre dimension internationale) – ajoute à la valeur potentielle de l'initiative. En effet, les différences de culture, de traditions, d'habitudes… entre les pays et les établissements représentés constituent autant d'opportunités de stimuler la propagation, la combinaison et la déclinaison de concepts novateurs. À l'inverse, la démarche commune est également une reconnaissance de la mondialisation du phénomène de la finance ouverte.

samedi 21 août 2021

DBS institutionnalise la rente viagère

DBS
L'invention de produits réellement nouveaux est plutôt rare dans le secteur financier, plus coutumier du recyclage, notamment « digital », de recettes anciennes. Aussi l'assemblage original qui constitue le « Home Equity Income Loan » (EIL) de DBS afin d'élaborer une sorte de rente viagère basée sur la propriété immobilière mérite-t-il de s'y attarder.

Signe des temps, le vieillissement de la population, à Singapour comme dans bien d'autres régions du monde, encourage les banques à faire preuve de créativité, de manière à proposer des solutions innovantes aux séniors. Il faut admettre que, jusqu'à maintenant, ces derniers sont un peu oubliés sur une bonne partie du marché. Il représentent pourtant un segment a priori attractif, ne serait-ce que parce qu'ils sont plus susceptibles de posséder un patrimoine… dont l'essentiel (60% en moyenne pour les propriétaires de plus de 50 ans) est matérialisé par la résidence principale.

À la croisée de ce constat, combiné avec le désir fréquemment exprimé par ces personnes de vivre le plus longtemps possible à leur domicile et dans un environnement familier, et des difficultés à maintenir un niveau de revenu convenable après leur départ en retraite, ou, plus généralement, à optimiser la planification financière de leurs vieux jours, DBS a donc exploré les moyens de répondre à ces exigences potentiellement contradictoires, en limitant les risques associés, pour elle comme pour les bénéficiaires.

Le résultat est DBS EIL. Il s'agit d'abord d'un emprunt hypothécaire ouvert à tous les individus et couples retraités âgés de 65 à 79 ans, propriétaires de leur logement (libéré de tout crédit et autre engagement, en outre), sur une durée de 30 ans au maximum (ou l'atteinte de la limite des 95 ans), remboursable à échéance, pour le capital et les intérêts. Le montant levé de la sorte est ensuite investi dans le système d'assurance-retraite nationale CPF LIFE, qui leur garantit une rémunération mensuelle fixe à vie.

DBS Home Equity Income Loan

D'un point de vue opérationnel, le dispositif fonctionne ainsi presque comme une vente en viager (occupé) à la différence majeure que le bien n'est pas automatiquement transmis à un acheteur. Bien sûr, à l'échéance du prêt, soit par son arrivée à maturité soit en raison du décès du ou des contractants, la banque pourra solder la transaction en forçant une liquidation. Néanmoins, le traitement « normal » passera en principe par un remboursement classique, comme, d'ailleurs, dans le cas d'une cession prématurée.

Déployé initialement sous forme de pilote, DBS EIL doit effectivement faire ses preuves auprès des consommateurs, dans sa capacité à séduire, avec une approche relativement complexe à expliquer et qui soulèvera probablement questions et inquiétudes, en particulier sur ce qui survient au terme de l'emprunt. Toujours est-il que la montée en puissance des retraités dans de nombreuses économies développées impose de lancer des expérimentations de ce genre afin de rester en phase avec le monde d'aujourd'hui.

vendredi 20 août 2021

Nerve, une néo-banque pour les musiciens

Nerve
Selon sa présentation officielle, Nerve est la première application bancaire pour les musiciens (américains). Une énième offre de niche, pensez-vous, en vous interrogeant sur les particularités de cette population qui mériteraient un tel traitement dédié ? Elle aborde pourtant son sujet dans une perspective élargie qui n'est pas dénuée d'intérêt.

Sur le seul plan des services financiers qu'elle proposera initialement, lors de son lancement le 15 septembre prochain, Nerve parvient, sans être révolutionnaire, à insérer quelques originalités remarquables. Par exemple, combien connaissez-vous de néo-banques qui incluent d'emblée un compte courant et un compte d'épargne (assorti d'une fonction d'arrondi automatique) ? Et le calcul des taxes, avec la préparation des déclarations associées ? Ou bien avez-vous souvent rencontré (aux États-Unis) des applications de startups du secteur disponibles en anglais et en espagnol ?

Naturellement, la jeune pousse sait qu'elle s'adresse à une des nombreuses catégories d'utilisateurs qui désirent avant tout se faciliter la relation avec leur argent. Son parcours de souscription est donc réduit à sa plus simple expression (autant que la réglementation le permet), sans paperasserie, et évitant notamment les complications administratives relatives aux noms de groupes. L'interface de son application mobile se veut en outre immédiatement familière avec des réminiscences graphiques d'éléments musicaux.

Accueil Nerve

Mais la banque ne suffit pas dans la vie, surtout des artistes. Alors, Nerve ajoute à sa palette un ensemble de capacités complémentaires, toujours dans une logique d'utilité pratique et de commodité de gestion pour sa cible. Elle permet ainsi à ses clients de centraliser leurs connexions aux plates-formes de diffusion et autres réseaux sociaux (Spotify, SoundCloud, YouTube, TikTok, Facebook…) de manière à piloter leurs redevances et à suivre l'évolution de leur communauté sur un tableau de bord universel.

Dans un registre totalement différent, la solution autorise également la création de réseaux privés professionnels, dans lesquels chacun peut enregistrer les autres musiciens avec lesquels il/elle collabore, ses correspondants dans l'industrie, ses partenaires et techniciens habituels… afin d'accélérer les éventuels paiements dus et attendus (les transferts sont instantanés et gratuits entre clients de la startup) ou, pourquoi pas, engager des promotions communes, voire partager des idées…

Ce ne sont là que quelques échantillons d'une approche en construction, les fondateurs de Nerve promettant de continuer à ajouter tout ce qu'un artiste aimerait avoir à portée de la main en permanence pour gérer son activité et libérer du temps afin de se consacrer à sa passion. En réalité, ce n'est pas vraiment une banque qu'ils bâtissent mais une véritable plate-forme de services, dont les outils financiers ne sont qu'une composante… et leur propre site de streaming, actuellement en version beta, en est une autre.

jeudi 19 août 2021

Facebook ouvre le métavers à l'entreprise

Oculus
Quand Facebook investit dans la réalité virtuelle et les métavers, jusqu'à envisager d'y jouer son avenir, on imagine d'abord une extension de son réseau social et des applications ludiques. C'est pourtant une solution de collaboration professionnelle qui nous fournit aujourd'hui la démonstration du formidable potentiel de sa technologie.

Si Oculus, la filiale spécialisée de Facebook, a engagé les premiers travaux en la matière il y a deux ans, donc avant le début de la pandémie, la crise sanitaire a évidemment donné un nouvel élan au projet. En effet, la perception qui prévaut désormais est que, indépendamment des possibilités réelles de retour un jour à la vie normale de bureau, le travail à distance restera la norme pour une grande partie des employés. Or les moyens d'interactions virtuelles disponibles actuellement ne sont pas totalement satisfaisants.

La plate-forme Horizon Workrooms est ainsi exploitée depuis plus de 6 mois par les salariés de l'entreprise en butte aux défauts et contingences des outils traditionnels de visioconférence lorsqu'ils sont contraints de rester à leur domicile. Le sentiment d'isolement, les difficultés à participer efficacement aux réunions ou à contribuer activement aux ateliers, la fatigue des échanges en ligne… sont des symptômes que nous avons tous rencontrés au cours des mois écoulés et qui nuisent à notre performance.

Afin de lutter contre ces effets, Workrooms ne se contente pas uniquement de reproduire, sous une forme plus ou moins stylisée, les artefacts des échanges du monde physique dans un univers virtuel en 3 dimensions. Certes, les participants à une assemblée sont représentés par des avatars aux allures de personnages de dessin animé, mais de nombreuses capacités originales enrichissent l'expérience utilisateur, et la rendent probablement apte à mieux stimuler des comportements collaboratifs optimaux.

Oculus Horizon Workrooms

En premier lieu, pour commencer par les caractéristiques élémentaires, les personnages sont expressifs, afin de leur procurer une touche d'humanité, et animés, notamment au niveau de la bouche quand ils prennent la parole, de manière à les identifier visuellement, par l'intermédiaire d'un mécanisme naturel. En complément, toujours dans la même perspective, le son est spatialisé : l'auditeur entend chaque voix comme si elle provenait de la direction du locuteur, selon sa position relative dans la salle virtuelle.

Plus impressionnant, sans adopter une véritable approche de réalité mixte, Workrooms propose aux intervenants d'inclure au cœur de l'espace « digital », pour leur usage privé, une partie de leur environnement matériel – la surface de leur bureau pour prendre des notes, l'écran de leur micro-ordinateur (également partageable avec l'auditoire) et son clavier – pour renforcer la sensation d'immersion. Par ailleurs, un mode tableau blanc en temps réel permet à chacun de dessiner, exposer et agencer divers contenus.

L'application, en version beta à ce stade, est mise librement (et gratuitement) à la disposition des propriétaires de casque Oculus Quest 2, indispensable pour profiter de tout son potentiel. Afin de faciliter les déploiements et les tests, les réunions sont cependant accessibles aussi aux personnes non équipées, qui apparaissent alors comme les participants d'une visioconférence classique sur un écran virtuel.

En synthèse, la solution de Facebook n'est vraisemblablement pas la réponse ultime aux sévères limitations rencontrées avec les technologies mises en œuvre à ce jour, mais, dans le contexte présent de généralisation durable de la collaboration à distance, elle mérite l'attention et, certainement, une évaluation sur le terrain. Après des années de tâtonnement, les métavers trouveront peut-être une utilité en dehors du jeu vidéo…

mercredi 18 août 2021

Une carte de crédit pour la santé et le bien-être

Walgreens
Quand ils ne ciblent pas la consommation en général, les programmes de récompense accompagnant les cartes de crédit sont généralement focalisés sur les voyages, les loisirs et/ou les sorties. Mais, pour la chaîne de pharmacie américaine Walgreens, la priorité est logiquement la santé et le bien-être et elle débouche sur un produit original.

La nouvelle offre se décline en deux variantes. La première est privative : moyennant un processus de qualification simplifié, finalisé en moins de 80 secondes, elle permet de régler à crédit les achats dans les boutiques – physiques et virtuelles – de l'enseigne, assortis de primes de fidélité de 5% ou 10%. La seconde, réservée aux personnes qui franchissent les filtres classiques, est une carte de crédit générique, utilisable dans tous les commerces du réseau Mastercard, avec un dispositif de cashback étendu.

Ce dernier propose donc, outre une restitution minimale de 1% sur toutes les transactions enregistrées, un traitement préférentiel, à hauteur de 3%, sur les dépenses d'alimentation, de santé et assimilées (déterminées selon le code de catégorie de marchand). Par ailleurs, des bonus sont attribués pour la réalisation d'objectifs personnels de maintien en forme. Dans tous les cas, les divers gains accumulés ne sont utilisables qu'en déduction de paiements effectués auprès de Walgreens ou de ses affiliés.

myWalgreens Credit Card

Naturellement, la promesse d'une « carte de crédit qui vous paye pour conserver la santé » est un peu abusive, dans la mesure où les avantages sont concédés sur des achats, de médicaments et autres articles de parapharmacie, qui n'ont pas toujours, en soi, un impact positif sur l'individu. Cependant, le double principe de l'immixtion d'un acteur d'un domaine étranger dans les services financiers et de son adaptation des modèles de fonctionnement habituels à son propre contexte mérite l'attention.

Historiquement implantée dans l'univers du voyage (via les compagnies aériennes, notamment), l'approche montre ainsi son applicabilité à toutes sortes d'activités, jusqu'aux plus communes, grâce au développement généralisé de solutions faciles à intégrer et à configurer (et la carte de crédit n'est pas seule concernée). En parallèle, Walgreens touche à une corde sensible avec sa tentative de mise en avant du bien-être (presque autant en vogue que les préoccupations environnementales), dont il devient ainsi tentant de la prolonger et l'enrichir pour en faire un objectif opérationnel sérieux.

mardi 17 août 2021

Hapi prépare l'avenir des enfants

Hapi
La promesse fondamentale des robo-advisors d'apporter un conseil personnalisé en appui à la réalisation des grand objectifs d'une existence n'a jamais été véritablement concrétisée par les plates-formes généralistes. Alors Hapi, au Royaume-Uni, propose désormais aux parents une solution dédiée exclusivement à l'avenir de leurs enfants.

Naturellement, tous les fournisseurs – établissements traditionnels compris, d'ailleurs – incluent cette option dans leurs parcours d'entrée en relation, sous la forme de projets tels que le financement des futures études du nouveau-né ou l'entrée dans la vie active de son aîné adolescent. Mais, au-delà de cette caractérisation, rien d'autre n'est prévu pour aligner effectivement le produit sélectionné avec l'ambition qui lui est associée. Il ne reste bientôt qu'à suivre la performance d'un portefeuille de valeurs standard.

À l'inverse, en spécialisant son offre sur une cible unique, Hapi peut se permettre d'introduire quelques fonctions adaptées au contexte. Tout commence dès la création du compte, au nom de l'enfant, les parents étant considérés comme ses mandataires. La définition du programme d'investissement est ensuite soigneusement calibrée et autorise déjà le choix de supports distinctifs (dont certains comportant des avantages fiscaux). Puis un plan de versements est élaboré, classiquement, afin d'atteindre le but fixé.

Outre la surveillance des progrès accomplis, Hapi laisse la possibilité d'ajuster autant que nécessaire les paramètres du projet, notamment pour prendre en compte les changements externes au fil du temps (une augmentation soudaine des frais de scolarité ?). Plus original, les proches peuvent aussi contribuer au fond, sans aucune contrainte de montant, par l'intermédiaire d'un simple lien web, et accompagner leur écot, s'ils le souhaitent, d'un message et de photos à découvrir lors de la liquidation.

Hapi

Cerise sur le gâteau, la jeune pousse adopte une approche thématique, largement focalisée sur le développement durable, grâce à laquelle les investisseurs ont l'opportunité d'orienter leurs apports vers les domaines économiques qu'il veulent privilégier pour l'avenir de leur progéniture : énergie verte, accès à l'eau, innovation dans la santé… La particularité peut paraître anecdotique, mais, alors que la demande des consommateurs en la matière croît fortement, elle marque une différence concurrentielle notable.

Le positionnement de Hapi a le mérite périphérique de se prêter idéalement à une intégration dans les moments de vie importants des ménages (naissances en tête), ce qui lui procure un point d'entrée facile. En revanche, je ne peux m'empêcher de mettre en question l'étroitesse de son modèle qui, d'une part, invite à disperser les investissements selon leur perspective et, d'autre part, limite son marché potentiel. Logiquement, la même démarche personnalisée devrait être appliquée à toutes les typologies de projets, de préférence par un acteur unique à la portée plus ou moins universelle.

lundi 16 août 2021

Breeze digitalise l'assurance incapacité de travail

Breeze
Vous souhaitez innover dans le secteur de l'assurance ? Prenez un produit existant, mal connu et relativement peu répandu, puis concevez un processus de souscription en ligne, simple et instantané. Voilà précisément la démarche que décline Breeze, aux États-Unis, autour de l'incapacité de travail. Mais est-elle suffisante pour s'imposer ?

Comme tant d'autres, ce type de police n'a guère évolué depuis des années, entre conditions d'adhésion génériques, sans adaptation spécifique aux différentes catégories de clientèle et encore moins aux particularités de chaque individu, et parcours à base de formulaires imprimés et de délais de traitement incompressibles. Et, en amont, l'obstacle habituel – comment convaincre de l'utilité d'une assurance supplémentaire ? – abordé à travers des explications complexes et un jargon professionnel incompréhensible.

Le principe est pourtant trivial et séduisant : qui ne voudrait protéger ses revenus en cas d'accident ou de maladie grave interdisant ou limitant la possibilité de travailler normalement ? Mais l'humain est, par nature, un éternel optimiste qui ne peut imaginer la survenue d'une catastrophe et ne perçoit donc pas l'intérêt de payer pour ce privilège. Hormis les cas plus ou moins obligatoires (en France, l'assurance emprunteur) ou les avantages procurés par certains employeurs, les souscriptions sont donc rares.

En réponse à ces freins classiques, la plate-forme de Breeze veut faciliter l'accès de tous – notamment les freelances qui ne détiennent souvent aucune garantie – à un produit qui est d'autant plus important que les statistiques démontrent qu'un mois sans revenus suffit dans de nombreux cas à perturber durablement l'équilibre financier du foyer. Pour ce faire, elle offre une expérience utilisateur extrêmement dépouillée, capable de suggérer une couverture en 5 minutes et quelques questions personnelles et de finaliser la contractualisation en à peine plus longtemps (plus une éventuelle visite médicale).

Breeze – Your income matters

Le progrès par rapport au fonctionnement des assureurs traditionnels est incontestable et contribuera probablement à convertir les visiteurs du site de Breeze. En revanche, je reste perplexe sur le volet qui me semble le plus sensible, à savoir la défense de la promesse de valeur. En effet, à l'exception d'une présentation assez banale des avantages de la garantie, certes dans des termes de tous les jours et assortis de chiffres clés, je ne vois pas de tentative sérieuse de surmonter les réticences instinctives à l'anticipation.

Il faut reconnaître que ce défi est évidemment beaucoup plus difficile à relever que la seule « digitalisation » des opérations, y compris (voire encore plus) pour une startup. Une piste qui mériterait d'être explorée consisterait à capitaliser sur des moments de vie cruciaux (nouvel emploi ou mission, emprunt immobilier…) afin de sensibiliser (subtilement) la personne au caractère éphémère de sa situation et aux moyens d'éviter les accrocs ou d'en modérer les impacts. Une telle approche devrait logiquement s'appuyer sur un modèle transparent d'intégration (l'immersion de l'assurance au cœur des activités du quotidien), qui trouve ainsi une justification supplémentaire.

dimanche 15 août 2021

Un pas de plus vers la programmation naturelle

OpenAI
Depuis les débuts de l'informatique et au fil des générations, les outils de développement logiciel ont évolué vers la simplification. Aujourd'hui, nous disposons de plates-formes dites « low-code » autorisant un assemblage visuel de composants et, dans un autre registre, de solutions de dictée destinées à renforcer la productivité. Et demain ?

En pratique, la tâche des programmeurs n'a pas fondamentalement changé en un demi-siècle : elle consiste à traduire les étapes élémentaires d'un comportement désiré dans un langage spécialisé, interprétable par la machine. Ce dernier est certes devenu plus riche et plus facile à apprendre au cours du temps, jusqu'à devenir parfois purement graphique (au moins pour des projets basiques), mais ce travail de conversion reste aussi essentiel que lourd et rébarbatif… et il requiert une expertise relativement rare.

Le rêve qu'entretiennent tous les professionnels (et leurs responsables) est de pouvoir un jour automatiser cette fonction. Quiconque aurait besoin d'une application pourrait la construire en expliquant, pas à pas, les opérations à réaliser, dans des termes de tous les jours, un robot intelligent se chargeant ensuite de transformer cette description générique en la série d'instructions techniques qui la matérialiserait pour un ordinateur. Or voilà exactement la promesse du système OpenAI Codex dévoilé il y a quelques jours.

Reposant sur la fameuse librairie GPT-3, qui, à partir d'un entraînement sur des téraoctets de textes en tout genre, est capable d'inférer l'intention d'un énoncé en langage naturel (en anglais, principalement), il s'appuie d'autre part sur l'analyse de milliards de lignes de code disponibles sur le web dans le but d'exécuter sa mission, à savoir comprendre une directive et rédiger les formules correspondantes dans l'un des langages informatiques supportés (Python en priorité, mais aussi JavaScript, Perl, PHP, Swift…).

OpenAI Codex

Les quelques exemples accompagnant l'annonce d'OpenAI Codex – un jeu vidéo trivial, un classique « Hello World ! », un modèle de science de données… – paraissent élémentaires mais ils donnent une idée précise et inspirante du potentiel d'un tel dispositif. Soudain, l'apprentissage d'un jargon ésotérique n'est plus un pré-requis avant d'envisager de créer le moindre bout de logiciel et tout un chacun, moyennant une capacité d'ordonnancer logiquement un concept, devient un développeur en puissance.

Le service n'est, pour l'instant, accessible qu'en beta privée (gratuite), sous la forme d'une API, et il a vraisemblablement besoin d'être encore affiné et complété afin d'aboutir à une solution véritablement opérationnelle. En outre, son principe de fonctionnement soulève diverses interrogations qu'il faudra adresser avant une éventuelle adoption à grande échelle, entre autres en termes de propriété intellectuelle (en effet, le robot codeur est surtout un plagiaire industriel) et, selon toute probabilité, de sécurité.

L'automatisation de la production de code n'est donc peut-être pas pour tout de suite, mais elle augure de mutations radicales dans nos sociétés dominées par le logiciel, car elle pourrait contribuer à faire croître de manière exponentielle la capacité de développement collective. Par ailleurs, elle est également susceptible de renverser la notion habituelle de service applicatif : pourquoi ne pas imaginer une nouvelle approche d'assistant personnel, capable de programmer à la volée la fonction requise à un instant « t », dans tous les moments de la vie, en réponse à un simple ordre vocal ?

samedi 14 août 2021

Une autre forme d'investissement à impact

Tulipshare
Quand les instruments d'investissement grand public qui se présentent comme socialement responsables ne le sont, au mieux, que superficiellement et passivement, quelle solution reste-t-il à ceux qui veulent faire la différence avec leur portefeuille ? La jeune pousse britannique Tulipshare a une approche originale de la question.

Un particulier préoccupé d'environnement ou d'équité qui souhaite placer ses économies, a toujours l'opportunité d'acquérir directement des actions d'entreprises, soigneusement filtrées selon les critères de son choix, ou des parts de fonds dits ISR, qui, en principe, effectuent cette sélection pour son compte. Mais, dans ce cas, l'engagement reste symbolique, de l'ordre de la bonne conscience, puisque l'argent ainsi investi sur les marchés ne contribue jamais à des efforts concrets en faveur des causes défendues.

A contrario, l'option proposée par Tulipshare consiste à utiliser son épargne de manière à exercer une influence tangible sur les politiques des sociétés, plutôt que d'espérer que le seul fait de ne pas posséder d'intérêts dans les grands pollueurs et autres exploiteurs d'enfants de la planète (par exemple) finira un jour, par effet de volume, par affecter le cours de leurs titres progressivement délaissés et, peut-être, les inciter à faire évoluer leurs pratiques. Or il « suffit » pour cela de mettre à profit le pouvoir associé aux parts détenues, via un modèle qu'on pourrait qualifier d'activisme populaire.

Accueil Tulipshare

En l'occurrence, le droit de vote attribué aux porteurs peut servir à orienter les décisions stratégiques. La plate-forme de Tulipshare offre donc aux consommateurs la possibilité d'acheter des titres de sociétés cotées (éventuellement par fraction), comme un service de trading classique, mais elle accompagne ces transactions d'une promesse de lutter, par délégation, en faveur de telle ou telle transformation responsable, qui, bien entendu, est d'autant plus réaliste qu'un plus grand nombre de personnes y adhèrent.

Parmi les principales campagnes déployées initialement figurent des noms prestigieux tels que Coca Cola, avec l'ambition de lui faire adopter massivement le plastique recyclé pour ses emballages, Apple, dont les restrictions sur la réparation de ses appareils sont en ligne de mire, ou encore Amazon, visée pour ses conditions de travail. Pour chacune, plusieurs centaines d'individus se sont déjà mobilisés, à travers leur portefeuille, amplifiant automatiquement l'impact des exigences mises en commun de la sorte.

Outre sa dimension proactive, la démarche de Tulipshare se distingue de l'investissement responsable habituel en ce qu'il n'est plus ici question d'apporter un soutien, plus ou moins opérationnel, aux « bons élèves » mais bien de prendre des mesures dans le but d'encourager les acteurs moins impliqués à changer d'attitude. Certes, la startup devra convaincre beaucoup de clients avant d'atteindre la taille critique qui lui permettra de se faire entendre, mais, en attendant, elle aura a minima un rôle utile de sensibilisation…

vendredi 13 août 2021

L'avantage des cryptomonnaies s'effrite

PolyNetwork
Ce qui était, lors du lancement du bitcoin en 2009, une expérimentation libertaire fascinante s'est aujourd'hui transformé en une industrie gigantesque, créant d'innombrables licornes et manipulant des fortunes considérables. Hélas, cette évolution des cryptomonnaies s'accomplit au détriment de leurs principes essentiels et donc de leur mérite…

Vous croyez encore à la promesse fondatrice du mouvement, celle d'un instrument financier « digital » décentralisé, débarrassé de tout contrôle monopolistique et de toute exigence d'un tiers de confiance ? Revenez sur terre : si l'émission des bitcoins, ethers et autres monnaies virtuelles reste effectivement distribuée et donc échappe (un peu) à un pouvoir autocratique, tout le reste de leur gestion est désormais entièrement piloté par un écosystème qui n'est pas sans rappeler celui de la banque traditionnelle.

En 2021, en dehors de quelques irréductibles technophiles qui assument leur passion sous une forme artisanale, l'immense majorité des transactions courantes est exécutée sur les plates-formes spécialisées et via les porte-monnaie propriétaires d'une poignée de startups géantes. D'autres entreprises fournissent les services complémentaires – crédit, épargne, trading sur dérivés… – et s'arrogent une exclusivité de fait sur les contrats intelligents correspondants, dont l'autonomie est ainsi devenue purement symbolique.

À l'occasion d'une énième affaire de piratage ayant défrayé la chronique au cours des derniers jours, cette tendance semble aboutir à une situation évocatrice du Far West des pionniers américains, qui nous donne au passage une idée assez précise de ce qui adviendra ensuite. En l'occurrence, le scandale Poly Network et son détournement record de l'équivalent de 600 millions de dollars, démontre maintenant l'impératif d'introduire un autre genre de puissance régalienne… en matière de réglementation et de police.

Accueil PolyNetwork

Comme toujours, c'est l'exploitation d'une faille logicielle dans les protocoles informatiques de la plate-forme d'interopérabilité entre cryptodevises qui a rendu le casse possible. Il s'agit d'un exemple de plus du danger de confier à un intermédiaire le soin d'exécuter des opérations sensibles avec l'argent des autres. Et, naturellement, la prise de conscience de ces risques, quand ils deviennent trop importants (en termes de montants, notamment), impose de mettre en place des mécanismes de surveillance et d'agrément.

Deuxième acte du drame (avant qu'il ne tourne à la farce avec la restitution partielle des fonds), les « seigneurs » des cryptomonnaies se sont auto-investis d'une mission de répression. Contrairement au cas historique de The DAO, qui, au moins, s'est conclu par une décision consensuelle, des intervenants individuels (quelques sites majeurs de change, en particulier) décident ici unilatéralement de verrouiller les sommes dérobées. Voilà un précédent inquiétant, même si les circonstances ne sont guère polémiques.

Depuis les débuts du bitcoin, chacun sait que les régulateurs se pencheront sur les cryptomonnaies dès qu'elles atteindront une taille critique. Entre les prémices du texte européen sur la lutte contre le blanchiment et les velléités américaines de taxer les échanges, ce moment paraît proche. Mais un autre enjeu apparaît avec l'émergence d'un véritable système bancaire parallèle, qui doit obéir aux mêmes règles que l'ancien. Or, derrières ces mouvements, la finance décentralisée est en train de disparaître.

jeudi 12 août 2021

Citi crée une place de marché de crédit

Citi
Voilà une initiative résolument audacieuse et absolument inédite dans l'univers de la finance : la géante américaine Citi présente « Bridge », une plate-forme 100% en ligne, totalement indépendante de ses propres activités de crédit, sur laquelle les PME peuvent solliciter un prêt auprès d'une sélection de petites banques locales partenaires.

En effet, contrairement à quelques (rares) aventures antérieures sur ce genre de terrain, il n'est pas question ici de proposer aux seuls clients dont la demande de financement n'aurait pas été (entièrement) satisfaite une solution de repli, qui, généralement, passe alors par des fournisseurs alternatifs, notamment de « crowdfunding ». Non, ce que Citi lance aujourd'hui est un nouveau service « digital », concurrent de son offre traditionnelle et soutenu par un modèle d'affaires spécifique, à plusieurs facettes, apparemment.

Bridge est ainsi conçue comme une véritable place de marché. Après avoir vérifié que son entreprise remplissait les conditions minimales d'éligibilité (qui sont celles d'une banque classique : au moins 1 ou 2 ans d'existence, des résultats robustes et stables…), le responsable est invité à préciser quelques informations sur son activité, un aperçu de son profil financier (sans transmission de justificatifs, à ce stade) et une description de son besoin, dont le montant peut aller de 100 000 à 10 millions de dollars.

Une fois le dossier – unique et standardisé – constitué, il est automatiquement soumis aux 18 établissements enregistrés sur Bridge à ce jour (Citi affirme en ajouter régulièrement), comme dans une procédure d'appel d'offres. L'entrepreneur n'a plus qu'à faire son choix parmi les réponses obtenues et le reste des démarches – incorporant, le cas échéant, les transferts d'information et de documents supplémentaires nécessaires – se poursuit sur le site, avec un suivi permanent des progrès de l'opération.

Bridge built by Citi

Au-delà d'exprimer son désir de soutenir les écosystèmes locaux, composés des petites entreprises et des milliers d'institutions financières dispersées sur le territoire américain, Citi n'explique pas vraiment ce qui la motive à mettre en œuvre une telle plate-forme. Il est tout de même possible d'imaginer quelques justifications probables et la première d'entre elles est une conviction forte et hardie que, en tant qu'actrice de portée internationale, elle n'est pas en mesure de couvrir toutes les attentes, y compris de ses clients.

Dès lors que cette limite est admise, il paraît raisonnable de non seulement aider les entreprises délaissées de la sorte à combler la carence suscitée mais encore d'en faire une ligne métier à part entière. En l'occurrence, cette dernière peut certes profiter d'une approche de courtage rémunérée, toutefois le véritable angle d'attaque de Citi consiste à mettre à la disposition des petites structures souvent mal équipées un service en ligne prêt à l'emploi, pour leur prospection commerciale et leur gestion des crédits.

Initialement déployée sous forme d'un pilote, centré sur quelques états du sud-est et des Rocheuses, Bridge représente donc avant tout une tentative originale de la banque de commercialiser ses compétences technologiques, en faisant en outre miroiter aux institutions intéressées un accès potentiel à sa clientèle. Il s'agit donc bien pour elle de développer un nouveau marché, en capitalisant simultanément sur ses deux forces principales, financières et informatiques, ce qui la rend d'autant plus convaincante.