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dimanche 11 février 2024

Chase, la banque sans imagination

Chase
Partout, les institutions financières, encouragées par la migration de leurs clients vers les canaux « digitaux », tendent à réduire leurs réseaux physiques. Tout au plus quelques-unes promettent-elles d'éviter les fermetures hâtives pour ne pas brusquer les quelques irréductibles qui persistent à les fréquenter. Et puis il y a Chase, qui exprime son intention de poursuivre ses nouvelles installations.

La même semblait pourtant résolument sur la voie de la dématérialisation quand elle annonçait, il y a un peu plus d'un an, l'abandon de ses activités de location de coffre-fort, une des dernières qui restent impossibles à décliner sous forme virtuelle, à distance. Il faut croire qu'il ne s'agissait que d'une anecdote, destinée à se débarrasser d'une composante lourde et coûteuse du métier de banquier, dans une vision imperturbablement centrée sur les interactions de proximité, en face à face.

Celle-ci, en revanche, n'entre clairement pas dans le champ d'une péripétie marginale. Selon la communication officielle, Chase prévoit en effet d'investir plusieurs milliards de dollars au cours des trois années à venir pour l'ouverture de 500 agences supplémentaires (s'ajoutant aux 650 déjà réalisées depuis 2018), la rénovation de 1 700 autres au sein de son parc existant (pour un total de 3 000 sur la période de 2021 à 2027) et le recrutement de 3 500 personnes en charge de leur fonctionnement.

À travers une priorité accordée au développement de sa présence dans les communautés aujourd'hui mal desservies, en particulier dans les zones rurales et autres marchés à concentration d'individus aux revenus faibles, l'établissement vise apparemment une stratégie d'expansion de sa clientèle. Et la méthode retenue correspond à sa conviction inébranlable que les consommateurs continuent à demander de disposer d'un point de vente de proximité pour leurs besoins financiers.

Cependant, quand Chase évoque à l'appui de son argumentaire, les 900 000 visites quotidiennes dans ses locaux (un chiffre qui, il est vrai, paraît impressionnant), les motifs de ces déplacements, tels qu'elle les mentionne, ont de quoi surprendre puisque, outre les consultations sur des décisions importantes, qui justifient habituellement le recours à un conseiller, il est question de dépôt d'espèces et de remise de chèques. Pour une pionnière de la dématérialisation de cet acte, la révélation est choquante !

Passons sur les considérations sociales qui animeraient la démarche, entre soutien au tissu économique des territoires et dynamisation de l'emploi local, relativement peu crédibles de la part de la banque de détail de J.P. Morgan. La réalité réside donc plus vraisemblablement dans un insatiable désir de croissance, par augmentation du nombre de clients, qui se fait nécessairement de plus en plus agressif (et dispendieux) pour surpasser les plus de 70 millions de particuliers conquis à ce jour.

Or, visiblement, les dirigeants de Chase n'imaginent pas d'autres solutions afin d'assouvir leurs envies que de reprendre la recette éculée de l'extension de l'empreinte physique. Alors que, dans le monde entier, les banques « digitales » s'emparent de parts de marché et sont seules en forte progression (pas toujours sans difficultés, certes), ils croient pouvoir remonter le cours de l'histoire et maintenir leur emprise grâce au modèle d'une autre époque, malgré une équation désespérément défavorable.

Car, en ciblant notamment les populations les plus modestes, les milliards de dollars engagés dans l'aventure, qui sont indispensables au vu de l'approche adoptée, auront bien du mal à générer la moindre rentabilité, même à long terme. Mais voilà, comme tellement de grands groupes traditionnels, J.P. Morgan ne sait pas vraiment imaginer la banque autrement que par son prisme primitif et s'obstine à ne percevoir les canaux à distance que comme un complément à l'agence, immuable et définitive.

En synthèse, l'initiative de Chase ressemble essentiellement à un caprice de riche : un projet à contre-courant, assorti d'un budget faramineux, habillé de préoccupations sociales, émerge comme une excellente idée à un moment où les résultats franchissent des records. Mais je suis prêt à parier que les plans seront discrètement abandonnés au prochain incident de parcours et que les promesses seront alors vite oubliées.

Agence Chase

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