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vendredi 31 juillet 2015

L'évolution du management à l'ère numérique

Cisco
Quand John Chambers laisse à Chuck Robbins la place de PDG de Cisco qu'il occupait depuis 20 ans, il ne se contente pas de vouloir profiter d'une retraite bien méritée. Il réagit également à la « digitalisation » du monde, dont il estime avec son successeur que ce dernier saura mieux appréhender les impacts sur la conduite des affaires. Leur vision a certainement une portée universelle.

Le plus important effet de la révolution numérique, à prendre en compte de manière urgente, dans tous les secteurs d'activité, est, sans surprise, l'accélération des changements. Or, ses implications sur une grande organisation sont multiples et variées. En premier lieu, il devient absolument impossible au PDG d'avoir, seul, une vision suffisamment complète et précise des forces en mouvement et, dès lors, de définir une stratégie qui intègre la richesse et la complexité de l'environnement économique.

Alors, pour faire face à cette difficulté, la seule réponse possible est, plus que jamais, de capitaliser sur les perspectives différentes d'une équipe de direction pluri-disciplinaire, voire même, plus largement, de l'ensemble des talents disponibles dans l'entreprise. Malheureusement, la tâche n'est pas aussi simple qu'il y paraît au premier abord, car elle renferme une contradiction intrinsèque : elle exige simultanément de développer les collaborations et de prendre les bonnes décisions très rapidement.

Cisco Rocks

Ce paradoxe se retrouve à l'identique dans tous les projets de l'organisation moderne, quelle qu'en soit l'échelle. En effet, bien que la pratique des programmes pharaoniques soit encore (beaucoup trop) répandue, la vitesse à laquelle évolue désormais le monde impose de raisonner en unités plus petites. Pour y parvenir, il convient de confier les rênes à des équipes resserrées, combinant le juste assemblage d'expériences et de compétences avec une culture de collaboration inébranlable.

En parallèle, l'accélération engendre également un besoin de simplification. Qu'il s'agisse, comme dans le cas de Cisco, de rendre la technologie plus abordable parce qu'elle s'adresse à une clientèle de moins en moins spécialiste, ou, plus généralement, de répondre aux attentes des consommateurs selon leurs termes, il est impossible d'atteindre l'agilité qui caractérisera l'entreprise du XXIème siècle sans éradiquer les complexités d'antan (celles qui encombrent les processus, par exemple).

Rares sont les dirigeants qui perçoivent qu'ils ne sont plus les plus aptes à poursuivre le développement de leur société et qui savent passer la main à temps. John Chambers restera le visionnaire qui, à la belle époque de Cisco, recherchait les opportunités à 1 milliard de dollars. Dorénavant, si l'ambition subsiste, les moyens de la réaliser ont considérablement changé et l'organisation qui y réussira ne pourra être la même qu'il y a 10 ans. La leçon vaudrait pour bien d'autres acteurs…

jeudi 30 juillet 2015

Apple, champion des libertés individuelles ?

Apple
Sa croisade avait commencé avec le lancement d'Apple Pay, elle a pris de l'ampleur plus récemment avec la remise d'un prix de « champion de la liberté » à Tim Cook, son PDG. Mais jusqu'à quel point peut-on prendre au sérieux la prétention de la firme à la pomme de protéger les données personnelles et la vie privée de ses clients ?

Dans un discours prononcé à l'occasion du dîner de l'EPIC (« Electronic Privacy Information Center ») consacrant sa récompense, le successeur de Steve Jobs s'est déclaré – avec une certaine véhémence – en faveur du droit à la confidentialité et, surtout, contre les pratiques de la plupart des géants de la Silicon Valley (Google étant visé au premier chef), qui proposent aux consommateurs d'échanger un service (apparemment) gratuit contre l'accès à leurs informations personnelles.

Pour une entreprise dont l'hégémonie croissante sur les données les plus intimes – celles relevant de la santé, par exemple – devient préoccupante, il est évidemment critique de prendre une position claire et ferme, rassurante pour les clients. Dans le cas des paiements, une motivation supplémentaire est à l'œuvre : face à une génération émergente de solutions concurrentes gratuites ou presque, il faut bien pouvoir justifier les commissions qui restent au cœur du modèle économique d'Apple. Voilà donc, selon elle, le prix à payer pour garantir le respect de la vie privée.

Une telle stratégie a-t-elle une quelconque chance de perdurer ? Certes, on aimerait le croire, mais rien n'est moins sûr. Déjà, l'introduction d'Apple Pay en Europe – où les commissions sur les transactions par carte sont plafonnées – va sérieusement mettre à l'épreuve la résolution du constructeur, puisqu'il lui sera impossible d'espérer atteindre les niveaux de rémunération qu'il a obtenus auprès des banques américaines. Acceptera-t-il alors de voir fondre ses marges ou trouvera-t-il une autre source de revenus ?

Tim Cook récompensé par l'EPIC

De leur côté, les ingénieurs d'Apple ne sont pas inactifs en matière d'exploitation de données, quelle que soit la politique officielle de l'entreprise. Un brevet assez particulier a ainsi été accordé il y a quelques jours, dans lequel est décrit un système de publicité ciblée en fonction de la situation financière de l'utilisateur. Concrètement, avec le système envisagé, la connaissance du solde d'un compte prépayé ou d'une carte de crédit serait mise à profit pour ne promouvoir un produit qu'envers celui qui peut se l'offrir.

Naturellement, le dépôt d'un brevet (dont l'historique est, de plus, ancien : sa genèse remonte à 2008) n'est en aucune manière indicatif d'un projet en cours ou futur, mais il tend tout de même à prouver qu'Apple reste attentive aux opportunités. En l'occurrence, le lien avec sa solution de paiement peut être aisément être établi…

Dans un registre totalement différent, il pourrait également être reproché à la firme son attitude ambiguë, lorsqu'elle ferme les yeux sur les pratiques des éditeurs d'applications mobiles. En effet, tandis qu'elle se montre impitoyable sur certaines règles éditoriales (autour des contenus pour adultes, entre autres), la presse se fait régulièrement l'écho des innombrables dérives observées sur l'AppStore en matière de collecte injustifiée d'informations diverses et variées sur les utilisateurs.

À ce stade, les défenseurs des libertés individuelles peuvent légitimement se réjouir des prises de position d'Apple et de son PDG, d'autant qu'elles constituent une exception notable dans le monde numérique actuel, avide d'analyses de données en tout genre. Il ne faut cependant pas être naïf : si cette attitude représente aujourd'hui un intéressant facteur de différenciation concurrentielle, elle peut, demain, s'avérer encombrante et incapable de résister à la pression du développement commercial…

Brevet repéré grâce à Maike Strudthoff (merci !)

mercredi 29 juillet 2015

Apprendre à échouer ou apprendre à apprendre ?

The Lean Startup
D'un côté, les gourous de l'innovation martèlent régulièrement que, pour réussir, il faut savoir accepter les échecs. De l'autre, les sceptiques – à l'instar de Cathy Bessant (CIO de Bank of America) – voient surtout dans cette maxime une invitation plus ou moins directe au gaspillage. Et s'il était possible de concilier les deux points de vue ?

Dans cette perspective, il faut commencer par clarifier quelques idées fondamentales. Ainsi, dans une démarche impliquant une dimension créative, il est inévitable que toutes les initiatives ne parviennent pas à tenir leurs promesses. Être conscient de ce risque et l'assumer fait donc nécessairement partie de la vie de l'entreprise qui souhaite développer une culture d'innovation. Dans une phase de transformation, il est même salutaire d'en faire une valeur cardinale, afin de réduire les craintes des collaborateurs.

Cependant, il ne peut être question de laisser faire n'importe quoi sous prétexte d'expérimentation. Un garde-fou consiste à concevoir chaque tentative comme une occasion d'apprendre une recette de succès. Si le résultat est positif, la leçon pourra être rangée dans la catégorie des modèles à conserver et à développer. Dans le cas contraire, c'est un concept à écarter qui enrichit la connaissance. Comme disait Thomas Edison : « je n'ai pas échoué, j'ai trouvé 1 000 méthodes qui ne fonctionnent pas ».

Encore faut-il, si on veut que que ce principe soit efficace, qu'il soit structuré et formalisé, avec une rigueur scientifique. En effet, constater que, par exemple, un nouveau produit ne se vend pas autant qu'escompté ne relève pas d'une expérience utile et exploitable. Les progrès ne sont possibles qu'avec une analyse précise et factuelle des causes et de leurs effets. La notion d'apprentissage validé (« validated learning ») qui figure au cœur de l'approche « Lean Startup » propose justement un cadre pour ce faire.

Celui-ci repose avant tout sur une simple dose de bon sens, appliquée sur 4 étapes successives. Avant le lancement du projet, on spécifie un objectif et on définit les métriques qui permettront de mesurer s'il est atteint. Vient alors la mise en œuvre opérationnelle du cas de test à éprouver, à l'issue de laquelle l'évaluation des indicateurs sélectionnés confirme ou infirme l'hypothèse initiale. En choisissant un objectif unique, précis, clair, et cohérent, l'enseignement retiré aura une valeur incontestable. Il « suffira » ensuite de multiplier les petits pas pour aboutir à une solution globale.

Dans un sens, une telle discipline permet d'éviter entièrement les échecs. Au mieux, la réussite est au rendez-vous et on sait exactement pour quelle raison, ce qui la rend reproductible. Au pire, une idée a été testée et il a été démontré sans ambiguïté qu'elle n'était pas pertinente. Le bénéfice est peut-être moins direct mais tout aussi important, notamment en termes de coûts évités dans le futur. Exprimé autrement, l'apprentissage, s'il est correctement organisé, constitue aussi un résultat précieux.

Keep Learning

mardi 28 juillet 2015

La Scandinavie aura son accélérateur FinTech

Nordea
Alors que j'évoquais récemment la création imminente par ING d'un accélérateur de la FinTech en Belgique, la Scandinavie entre également dans la bataille en vue de devenir un pôle d'attraction européen du secteur : Nordea annonce en effet sa propre initiative, à Helsinki, en partenariat avec Nestholma, une structure spécialisée.

Les fondations du programme proposé sont classiques. Elles se composent d'abord d'un accompagnement intensif de 3 mois – assuré, notamment, par des responsables et autres experts de la banque – dont la vocation sera de faciliter le passage d'un concept à un produit prêt à présenter à des investisseurs. Ce dispositif est complété par un soutien financier (pouvant atteindre 100 000 euros) et un ensemble d'outils gratuits ou mis à disposition à tarif réduit (par exemple l'accès au cloud de Google).

Nordea ajoute à cette panoplie une composante supplémentaire, susceptible de faire la différence par rapport à certains accélérateurs concurrents : elle devrait fournir des accès à des exemples d'API (« interfaces de programmation applicative »), souvent indispensables pour les startups qui développent des services destinés à compléter ou enrichir des offres existantes ou qui, plus simplement, ciblent un cas d'usage spécifique et ont besoin d'un socle bancaire sur lequel elles peuvent s'appuyer.

La démarche est parfaitement cohérente avec les objectifs visés, qui privilégient la complémentarité entre les jeunes pousses accompagnées et l'institution financière, qu'elle passe par l'intégration directe de leur technologie ou par des investissements stratégiques (sans revenir sur la volonté de Nordea de découvrir et s'imprégner de nouvelles méthodes de travail, par la même occasion). C'est aussi la raison pour laquelle les entrepreneurs candidats doivent pouvoir démontrer la capacité de montée en puissance, à une échelle globale, de leur (futur) produit.

Nestholma

Cependant, la proximité recherchée induit des exigences particulières, notamment en termes de domaines d'intervention. Les invitations sont ainsi adressées en priorité aux projets concernant les paiements (et, plus précisément, l'apport de valeur avant et après la transaction), les solutions (autour de l'épargne ou d'autres supports) inspirant aux consommateurs la réalisation de leurs rêves, ou encore la création d'expériences numériques personnalisées, à travers tous les points de contact disponibles.

Le programme initial, qui démarrera à la mi-novembre, devrait accueiller entre 10 et 15 startups. En tant que tel, il ne fera donc certainement pas d'Helsinki la prochaine capitale européenne de la FinTech. Mais cette notion même de capitale – en dehors de Londres, aujourd'hui bien établie – est peut-être déjà dépassée. Chacune des initiatives, quel que soit le lieu où elle est implantée, dispose de ses avantages et défauts propres, qui la rend attrayante pour certains entrepreneurs et moins pour d'autres.

La tendance qui se dessine, en revanche, est celle d'une féroce concurrence entre les grandes banques, afin d'attirer les talents qui leur permettront de prospérer dans le siècle numérique. Or, cette rivalité – qui se jouait, jusqu'à maintenant, essentiellement sur le terrain du recrutement – implique désormais aussi des collaborations avec les nouveaux entrants. En Europe, les britanniques (Barclays, Lloyds Bank…) se sont lancées les premières, ING et Nordea leur emboîtent le pas… Qui suivra leur exemple ?

lundi 27 juillet 2015

Abra invente le cash mobile

Abra
Comme s'il s'agissait des pièces d'un puzzle, Abra assemble une pincée de Bitcoin avec une vaste collection d'idées de services « P2P » – déjà aperçues ça et là : transferts internationaux, change, paiements, GAB… – et aboutit de la sorte à une solution inédite permettant littéralement de rendre le cash aussi mobile qu'une monnaie électronique.

Dans la série des analogies, la plus appropriée consisterait peut-être à comparer Abra à un m-Pesa pour les pays développés et les smartphones. En effet, comme dans le cas du célèbre porte-monnaie mobile africain, la startup s'appuie sur un immense réseau d'agents locaux pour opérer sa magie. Mais, au lieu de compter sur les représentants d'un opérateur de télécommunication (Safaricom, au Kenya), c'est une communauté virtuelle de simples particuliers qui va remplir ce rôle, dans le monde entier.

En pratique, l'utilisateur qui installe l'application mobile proposée par Abra va, en réalité, créer un compte en Bitcoin – sans qu'il ait besoin, à aucun moment, d'en avoir conscience. Ce qu'il voit, en revanche, est la possibilité de déposer des fonds, par carte bancaire ou en espèces, qu'il va ensuite transférer instantanément – dans le quartier voisin ou à l'autre bout de la planète – à un de ses contacts, ce dernier pouvant alors récupérer l'argent envoyé, toujours en cash, dans la devise de son choix.

Accueil Abra

Dans ce schéma, les conversions entre devises fiduciaires et Bitcoin sont exécutées par les agents « P2P » du réseau Abra. Ces derniers sont des utilisateurs spécialisés, volontaires, qui auront été accrédités et formés par la jeune pousse pour gérer ces opérations. Ils peuvent (apparemment) fixer eux-mêmes leurs conditions commerciales (sous forme de commissions), qui apparaîtront dans l'application mobile avec leur localisation et leur disponibilité, à l'image d'un outil de recherche de GAB humains.

Naturellement, comme avec tous les dispositifs similaires, se pose inévitablement la question de la confiance et de la sécurité, lors des échanges d'argent liquide entre inconnus. Sans réponse décisive, la viabilité du système reste très incertaine. Toujours est-il que la démonstration par Abra d'un concept de système financier opérationnel, sans banque, et même sans aucun intermédiaire institutionnel (la startup n'étant qu'un fournisseur de technologie et n'intervenant pas dans les mouvements de fonds), est extrêmement intéressante, a minima d'un point de vue académique…

dimanche 26 juillet 2015

Le Design Thinking appliqué aux Big Data

Idée !
Investisseur au sein du fonds de capital risque Dunnhumby, Kyle Fugere partage avec les lecteurs de TechCrunch ses observations sur les recettes qui font le succès des startups des « big data ». S'inspirant des principes du « Design Thinking », il offre 3 recommandations pratiques à tous ceux qui souhaitent réussir dans ce domaine.

La première règle – évidente dans l'approche centrée sur le client qui constitue un des fondements de la discipline – consiste à identifier et connaître l'utilisateur de la solution en cours d'élaboration. Le principal danger réside dans la tentation de vouloir courir plusieurs lièvres à la fois, par exemple deux départements de l'entreprise ou différentes catégories de consommateurs. Le choix d'une cible unique est une condition essentielle d'une conception de produit qui réponde correctement à un besoin.

Dans un registre assez proche, la visualisation des résultats requiert également une focalisation sur ce qui est absolument indispensable. Là encore, il est facile de se laisser fasciner par tout ce qu'il est possible de faire avec des données et les outils disponibles. Il faut, au contraire, savoir sélectionner avec une rigueur incorruptible les deux ou trois grandes priorités qui permettront aux utilisateurs d'exploiter les informations mises à leur disposition, sans nécessiter de leur part d'être des experts.

Dernier conseil, et probablement le plus difficile à mettre en œuvre : pour imaginer une solution disruptive, susceptible de changer la donne, l'attention doit porter exclusivement sur l'usage, et non sur le produit, y compris dans une comparaison avec la concurrence. Ce qui séduira le client à long terme est la capacité qui lui sera offerte de réaliser plus facilement, plus rapidement, plus efficacement ce qu'il désire accomplir, qu'il s'agisse d'un processus d'entreprise ou d'un geste de consommation quotidien.

Tandis que l'analyse de données devient une pratique (presque) courante dans les jeunes pousses comme dans les grandes organisations, la démonstration de valeur des initiatives impose progressivement une approche structurée. Aux côtés d'autres techniques, le « Design Thinking » – intégrant une obsession des besoins de l'utilisateur avec l'exploration des possibilités de la technologie et l'exigence de performance de l'entreprise – peut contribuer à faire des choix avisés.

À ce stade, on peut aussi remarquer que les préconisations de Kyle Fugere sont applicables bien au-delà du seul domaine des « big data ». Concentrer les efforts sur les usages d'une population de clients clairement identifiée, avec une palette de fonctions resserrée, dans un ensemble simple et cohérent : ne pourrait-ce pas constituer, en effet, un précepte universel de l'innovation ?

Design Thinking

samedi 25 juillet 2015

L'assurance-vie sur le GAB ? AXA l'a fait !

AXA
Souscrire une assurance-vie ou un une épargne retraite sur un automate de banque : absurde, n'est-ce-pas ? Voilà pourtant le concept qu'ont développé ensemble AXA et ICBC, en Chine. Plus surprenant encore, les consommateurs semblent conquis et les deux partenaires ont d'immenses ambitions dans un secteur en plein essor.

Les clients de celle qui est présentée comme la plus grande banque du monde peuvent donc désormais profiter d'un retrait d'argent au distributeur pour acheter un produit d'assurance, en quelques minutes, sans aucune intervention humaine. Naturellement, avant de parvenir à une solution viable, il a fallu rendre les contrats non seulement extraordinairement simples à comprendre mais aussi suffisamment attractifs pour devenir susceptible de convaincre l'utilisateur d'adhérer sur une impulsion.

Avant de s'interroger sur la possibilité de transposer une approche de ce genre dans nos contrées, il convient de remarquer que l'assurance-vie n'est apparue en Chine que très récemment. Les opportunités commerciales sont donc aujourd'hui colossales pour les acteurs qui s'aventurent sur le marché, comme le souligne, entre autres, l'objectif d'AXA d'atteindre 100 millions de clients d'ici 2030 ! Une telle ambition justifie largement d'expérimenter des méthodes de distribution inédites, plus adaptées à une population découvrant cette nouvelle classe de produits.

Alors, certes, le contexte local est très particulier et peut laisser croire que l'exemple chinois n'offre aucun enseignement pour les pays occidentaux. Il me semble que ce serait commettre là une grave erreur. En effet, ce que démontrent AXA et ICBC est au contraire universel : en partant d'une situation vierge, dans laquelle aucune habitude ne s'est déjà formée, ni chez les clients, ni dans les institutions financières, il s'avère possible de transformer une assurance-vie – généralement perçue comme un support complexe – en un produit accessible en libre service.

Les implications de ce renversement de perspective sont considérables. Ainsi, l'initiative souligne – par contraste – les dérives auxquelles cèdent nos institutions financières, qui élaborent des solutions impossibles à comprendre par un être humain normalement constitué. Elles peuvent légitimer l'existence de conseillers, dont le rôle est d'expliquer les subtilités d'un contrat (si, toutefois, ils les maîtrisent eux-mêmes), mais il est pour le moins douteux qu'elles aient une quelconque valeur ajoutée pour les clients.

Le jour où les consommateurs réussiront à se libérer de la croyance – ancrée par des décennies de relations avec des banquiers s'affichant comme les experts incontournables – que « la finance, c'est compliqué » et qu'ils auront à leur disposition des présentations de produits claires, en langage courant, la vente d'assurance-vie sur un GAB (ou sur internet) cessera d'être considérée comme une incongruité. Or, en explorant des offres alternatives, les jeunes générations sont en bonne voie de réaliser cette vision.

ICBC - AXA

vendredi 24 juillet 2015

Plaidoyer pour la banque en temps réel

Faster Payments UK
En 2015, Amazon est capable de livrer en moins d'une heure une commande passée sur son site. Pourtant, dans la plupart des cas, il faut toujours attendre plusieurs jours pour qu'un transfert d'argent entre deux comptes bancaires soit effectif ! Quelles qu'en soient les raisons, cet anachronisme ne peut durer plus longtemps.

En premier lieu, les institutions financières ont beau répéter que leurs clients ne sont pas demandeurs, les signes indicateurs du contraire s'accumulent. Une étude commanditée par le spécialiste des infrastructures de paiement ACI Worldwide vient depuis peu ajouter sa contribution au débat. Selon l'enquête menée auprès d'une population britannique qui a déjà en partie accès à un réseau « Faster Payments » (presque) temps réel, une proportion significative de consommateurs est irritée par les délais de règlement, au point de se déclarer prête à changer d'établissement pour ne plus en souffrir.

À y regarder de près, les attentes exprimées ont de quoi se révéler encore plus inquiétantes pour les banques. Il n'est pas seulement question d'exécuter des paiements en quelques minutes, il faut également que les transactions soient immédiatement intégrées dans la situation financière. Cette exigence ne peut constituer une surprise, à l'ère des services mobiles utilisés pour consulter la position des comptes plusieurs fois par jour, mais elle ajoute à la difficulté de répondre aux besoins de la clientèle.

Les consommateurs ne sont pas les seuls intéressés à un changement de paradigme. Les instances publiques qui appellent à une disparition plus ou moins rapide et plus ou moins totale des échanges en espèces risquent rapidement d'avoir leur mot à dire dans les discussions. Comment imaginer d'abandonner un moyen de paiement instantané si les substituts envisagés n'offrent pas, a minima, des qualités équivalentes ? Et, là encore, la transparence de l'information est aussi critique que la transaction elle-même.

Enfin, une motivation supplémentaire, concernant toutes les parties prenantes, est celle de la lutte contre la fraude. Il n'est certes pas simple de concevoir et mettre en œuvre des mécanismes de protection opérant au fil de l'eau mais la situation actuelle est probablement rendue intenable en raison même des délais de traitement : quand il s'écoule plusieurs jours avant qu'un transfert ne soit effectivement enregistré, c'est autant de temps pendant lequel les malversations en tout genre passent inaperçues.

Bâtir une infrastructure de paiement qui – à l'image de celle du Royaume-Uni – est capable de gérer plus de 100 millions d'opérations par mois en toute sécurité n'est pas une mince affaire. Si les banques doivent de plus procéder à la refonte de tous leurs systèmes internes, conçus pour des traitements différés, le chantier paraît pharaonique. Hélas, il devient inévitable, au fur et à mesure que les acteurs les plus agiles (tels que BBVA Compass, à travers son partenariat avec Dwolla) s'engouffrent dans la niche du temps réel, d'autant plus attractive qu'elle répond à une demande croissante.

Accueil Faster Payments UK

jeudi 23 juillet 2015

Épargner avec un assistant ludique et intelligent

USAA
Après les cagnottes hier, notre « cycle des variantes infinies » met à l'honneur – une fois encore ! – l'inévitable épargne d'impulsion. La nouveauté nous vient aujourd'hui de l'américaine USAA, avec une application mobile qui se présente d'abord comme un assistant ludique, destiné aux jeunes de la Génération Y.

Le choix de cette population n'est pas anodin : que ce soit en raison de leurs revenus plus modestes ou de leur éducation financière incomplète, les « digital natives » n'ont pas le réflexe du bas de laine (statistiquement, le taux d'épargne des moins de 35 ans est négatif, aux États-Unis). Afin de les aider à développer de bonnes habitudes, USAA a donc choisi de focaliser ses efforts sur la sensibilisation, tout en introduisant une dose de plaisir dans l'expérience, qui devrait favoriser un engagement durable.

Uniquement proposée sous la forme d'une application mobile, la solution « Savings Coach » combine un assistant virtuel et un peu d'intelligence artificielle en vue de remplir son rôle. Surveillant les dépenses quotidiennes de son utilisateur, elle est ainsi capable de lui offrir – spontanément ou sur demande – des conseils personnalisés. Il pourra s'agir, par exemple, d'une petite explication sur l'utilité de mettre de l'argent de côté ou, plus concrètement, de la suggestion de renoncer à un café le matin, dont le prix sera alors automatiquement versé sur un compte d'épargne.

Savings Coach

La facilité de prise en main et d'utilisation est optimisée à travers la mise en œuvre de la technologie de Nuance (et son agente virtuelle spécialisée « Nina »), qui devient décidément un standard dans les services d'USAA. Grâce à celle-ci, le mobinaute peut interagir très simplement, en langage naturel, par écrit ou via une interface vocale. Pour le côté ludique, peut-être le moins convaincant de l'ensemble, sont activés des mécanismes classiques de récompenses – à base de badges et de points – conquises au fur et à mesure de l'accomplissement des objectifs assignés.

La recette semble bien fonctionner : à l'occasion d'une phase d'expérimentation initiale de 4 mois, auprès de 800 consommateurs âgés de 18 à 24 ans, l'application a déjà permis d'accumuler (collectivement) plus de 100 000 dollars d'économies. Les commentaires qui accompagnent ces premiers pas sont tout aussi encourageants, les participants faisant preuve d'un enthousiasme certain vis-à-vis de l'idée de rendre l'acte d'épargne amusant. Incidemment, pour USAA, le bénéfice n'est peut-être pas tant d'augmenter les dépôts que de renforcer la fidélité de sa clientèle jeune.

Cependant, ce n'est peut-être pas là l'ambition principale de l'établissement. Le déploiement de l'assistant virtuel de Nuance dans un contexte relativement anodin et plutôt attractif représente en effet une excellente opportunité de chercher à affiner ses capacités d'intelligence artificielle, par l'intermédiaire d'une exploitation toujours plus poussée des données de transactions. Et l'enjeu serait alors surtout pour USAA de développer son expertise en la matière, en limitant les risques de retombées médiatiques négatives. Et si ce n'est pas le cas, l'idée peut tout de même mériter d'être explorée…

mercredi 22 juillet 2015

KiTTi, variations autour d'une cagnotte

KiTTi
Leetchi a prouvé, en France, que la gestion en ligne de cagnottes de groupe pouvait être utile. Étonnamment, aussi simple que soit le concept de base, il s'avère qu'il peut encore être enrichi. Par exemple, Santander en propose depuis peu une variante aux avantages notables, avec sa nouvelle application mobile KiTTi.

Au premier abord, pourtant, rien de très nouveau avec ce service. Après inscription, le créateur de la cagnotte (ou « Kitty » pour les britanniques) précise son objet, son échéance et son montant cible. Il ne lui reste plus qu'à inviter les autres participants à venir s'enregistrer et à verser leur contribution, via une interface de paiement en ligne classique. Lorsque la somme désirée est atteinte, les choses deviennent plus intéressantes, puisque une carte prépayée est envoyée au propriétaire du KiTTi.

Alors que, dans la plupart des systèmes existants, les fonds recueillis peuvent uniquement être dépensés en ligne (auprès de partenaires choisis, notamment) ou, au mieux, virés sur un compte bancaire, cette carte KiTTi permet d'utiliser la cagnotte constituée beaucoup plus librement, en une seule fois ou pour régler des dépenses multiples, sur des sites de e-commerce comme dans des boutiques physiques, voire sur un automate, pour retirer des espèces. Le système est donc aussi flexible que les collectes en cash, mais infiniment plus simple à organiser.

Page d'accueil KiTTi

Comme il se doit en 2015, la gestion de KiTTi est entièrement pilotée par l'application mobile. Pour les « propriétaires , cette dernière permet la création des cagnottes et le suivi des contributions, ainsi que le contrôle de l'utilisation de la carte associée (en temps réel). Les « invités , de leur côté, peuvent rejoindre une opération existante et verser leur écot, puis garder un œil sur les apports des autres participants, ou encore surveiller les transferts d'argent vers la carte (mais pas les dépenses réalisées avec celle-ci).

Grâce à ses particularités, KiTTi est en mesure de prendre en charge une multitude de cas d'usages différents, au-delà de l'organisation de pots de départ ou de l'achat de cadeau collectif. Voyage entre amis, événements réguliers (la soirée pizza du vendredi ?), gestion des dépenses d'un club… sont autant d'occasion de profiter d'une solution de partage des frais simple à utiliser et efficace. Et, avec ses faux-airs de plate-forme participative, elle pourrait même être adoptée pour financer des projets personnels.

Si le service est proposé par Santander, il est ouvert à tous les consommateurs britanniques, qu'ils soient déjà clients ou non. Avec son tarif particulièrement attractif (pour l'essentiel, seuls les dépôts de fonds sur les cagnottes sont soumis à une commission fixe de 35 pence, sans compter les frais habituels sur les retraits en GAB), il devrait séduire un large public, rejoignant de la sorte le giron de la banque par la petite porte, avec d'immenses opportunités de rebond commercial qu'il ne restera qu'à exploiter…

Information repérée grâce à C. Veller (merci !)

mardi 21 juillet 2015

Les réseaux sociaux fourmillent d'idées

CCG Catalyst
Quand les entreprises envisagent d'utiliser les « traces » que laissent les consommateurs sur Internet, en particulier sur les réseaux sociaux, leur objectif est généralement d'améliorer la connaissance de leurs clients, individuellement ou collectivement. Il existe pourtant d'autres options, peut-être moins risquées à mettre en œuvre…

Illustration parfaite des approches habituelles, un article récent du cabinet de conseil CCG Catalyst offre un panorama relativement exhaustif des opportunités procurées par l'activité des internautes. Son argument est de développer l'écoute des médias sociaux afin d'y détecter les besoins des consommateurs et de mieux y répondre, de manière pro-active. Grâce aux outils spécialisés disponibles aujourd'hui, il est possible de connaître leurs centres d'intérêt, l'objet de leurs discussions… et de leur proposer, par exemple, des promotions adaptées à leurs préoccupations du moment.

Hélas, le concept est difficile à concrétiser car il suppose à la fois une capacité d'analyse pointue et une mise en contexte qui requiert à son tour une vision unifiée du client, à travers les traditionnels silos organisationnels de l'entreprise. Et puis, se pose très rapidement la question – d'ordre réglementaire – de la protection de la vie privée et celle – d'ordre personnel – de l'acceptation par l'individu de voir ses données les plus intimes exploitées à des fins commerciales. Le simple fait de demander le compte Facebook d'un contact – au même titre que son adresse mail – reste loin d'être admis.

Alors, en attendant de résoudre ces difficultés, pourquoi ne pas profiter de la masse d'information disponible dans les conversations publiques pour rechercher des pistes d'innovation ? Dans ce cas, point de risque d'envahir l'espace privé, puisque une exploration totalement anonyme des contenus suffit à cette application. Une fois ce problème potentiel éliminé, il est vrai que la mise en pratique n'est pas pour autant triviale. En effet, il serait naïf de croire que les bonnes idées sont clairement exprimées sur les réseaux sociaux et qu'il suffit de les intercepter pour créer les « hits » de demain.

Sans même aborder la difficulté que constituerait l'identification des suggestions utiles dans le « bruit » ambiant, il faut surtout considérer que les solutions disruptives viennent rarement des utilisateurs. En revanche, ce que permettent – avec une certaine facilité – les commentaires publiés sur Facebook, les billets de blogs, les messages émis sur Twitter…, c'est de connaître les points de douleur que rencontrent les consommateurs dans leur vie quotidienne : les lacunes qu'ils reprochent à leurs fournisseurs, les petites frustrations qu'ils haïssent, les défauts qu'ils ne supportent pas…

L'écoute passive de ces messages (visibles, entre autres, dans les flux d'échanges du support et de ceux des concurrents) pourra donner naissance à de petites et grandes innovations. En partant d'une recherche profonde des causes d'une insatisfaction exprimée, puis après avoir vérifié son étendue et, donc, l'opportunité qu'elle représente, il ne restera plus qu'à lui trouver une solution originale. Naturellement, il ne s'agit pas là d'une potion magique pour organisation en mal de créativité, mais cette technique peut aisément devenir un complément utile aux méthodes existantes…

Réseau social

lundi 20 juillet 2015

L'avenir de la banque mobile est (presque) là

ICICI
Il faut parfois un peu (beaucoup ?) d'imagination pour discerner l'avenir à travers les nouveautés que produisent régulièrement les institutions financières. Il y a quelques jours, au détour d'un communiqué de presse de l'indienne ICICI Bank, l'apparition de la formule magique « intégration avec Google Now » a ainsi déclenché chez moi une vision…

Certes, au premier abord, il peut sembler exagéré de s'enflammer pour ce petit détail perdu au milieu de l'annonce évoquant l'ajout d'une marée de fonctions supplémentaires à l'application mobile de la banque. Après tout, il n'est question que d'émettre des alertes – sur les échéances d'une carte de crédit ou l'arrivée à maturité d'un dépôt à terme – sous la forme de cartes Google Now. Mince avantage par rapport aux mécanismes de notification existants, au demeurant fort bien conçus dans le système Android.

Il faut cependant se remettre en tête ce que représente cet outil un peu caché dans la panoplie du géant de Mountain View : présenté comme un assistant personnel intelligent, il a vocation à répondre aux besoins de son utilisateur avant même que celui-ci ne les exprime. Prévision du temps de trajet jusqu'au bureau en fonction des conditions de circulation, présentation de la carte d'embarquement à l'arrivée à l'aéroport, rappel de l'heure d'un spectacle réservé quelques jours plus tôt… le tout sans aucune configuration explicite, voilà quelques-uns des exploits que permet Google Now.

Application iMobile

Initialement réservé aux seuls contenus de Google, le service s'est ouvert aux applications tierces au début de l'année. Depuis, parmi la centaine de pionniers qui se sont lancés, ICICI Bank est la seule banque recensée (ou, à tout le moins, une des seules). Difficile, dans ses conditions, de lui reprocher la timidité de ses efforts. De plus, si elle est fidèle à ses habitudes, il ne s'agit probablement que d'un galop d'essai qui pourrait se transformer rapidement en une initiative plus sérieuse, en cas de succès.

Et à quoi peut-on rêver derrière ces premiers pas ? Rien moins que la banque personnalisée contextuelle, promise depuis longtemps et qui tarde à se concrétiser… La suggestion de rencontrer un conseiller au passage à proximité de l'agence alors qu'un découvert menace, une invitation à simuler un crédit immobilier quand les recherches dans les petites annonces se font insistantes, une proposition d'assurance voyage juste avant l'embarquement pour un paradis tropical… Les cas d'usage ne manquent pas, tous rendus possibles (ou presque) grâce à Google Now !

Alors qu'ICICI affiche fièrement avoir désormais intégré plus de 100 services différents au sein de sa solution mobile, l'accès transparent et immédiat aux fonctions utiles à chaque instant devient un enjeu majeur. Il n'est donc finalement pas surprenant qu'elle engage une première expérimentation autour des capacités de Google Now maintenant car, à défaut d'assistance, le client sera bientôt perdu dans un labyrinthe inextricable. La banque pro-active au bout des doigts sera alors la seule solution envisageable, si, toutefois, elle n'est pas trop envahissante au goût des consommateurs…

dimanche 19 juillet 2015

Pour ou contre les labs d'innovation ?

Lab d'innovation
La question est presque universelle dans les grands groupes qui se voient condamnés à innover et cherchent fébrilement les meilleurs moyens d'y parvenir : un « lab d'innovation » est-il la solution ? Un article de Mary Wisniewski pour la revue American Banker propose une première réponse, qu'il me semble utile de compléter.

Le développement des « labs » est aujourd'hui une tendance impossible à ignorer dans les institutions financières car, a minima, ces installations sont souvent conçues pour capter l'imagination des visiteurs, comme le souligne, par exemple, le panorama de 7 d'entre eux que nous offrait récemment The Financial Brand. Mais, au-delà de l'effet de communication – vers l'extérieur ou à destination des collaborateurs – quel rôle peuvent-ils réellement jouer dans les stratégies d'innovation ?

Selon leurs défenseurs, ces espaces de créativité sont indispensables lorsqu'il s'agit d'ouvrir les esprits et de penser différemment, en dehors des vieilles habitudes de l'entreprise. Pour leurs détracteurs, au contraire, l'idée même d'isoler l'innovation dans un lieu dédié est une aberration puisque elle devrait être diffusée dans toutes les pores de l'organisation. Il y a aussi les observateurs extérieurs, qui estiment que ces efforts sont vains car les ruptures arriveront par les nouveaux entrants.

Les arguments des uns et des autres sont compréhensibles. D'un côté, comment envisager l'innovation dans un environnement où la priorité est mise sur la résolution des situations d'urgence (le lot commun des directions informatiques, entre autres) ? En face, comment les collaborateurs perçoivent-ils le déploiement d'un « lab » dans la Silicon Valley (pour prendre un cas extrême mais relativement courant), sinon comme un message totalement contre-productif affirmant que l'innovation n'est pas de leur ressort ?

BBVA Innovation Center

En réalité, il est possible de mettre tout le monde d'accord, en considérant avec un minimum de rigueur la véritable finalité d'une telle initiative et la démarche à adopter pour l'atteindre. En effet, comme avec toute autre méthode d'innovation, il ne faut jamais se contenter d'une approche limitée à une brique autonome – dont, notamment, celle qui consiste à mettre en place un simple espace d'exposition technologique – mais bien inscrire le projet dans une politique globale et cohérente.

Une fois intégré dans une vision d'ensemble, le « lab » peut en effet apporter une valeur palpable, sans s'exposer automatiquement à tous les risques qu'y voient leurs opposants. Ainsi, si l'ambition est de développer une culture d'innovation dans l'organisation, il doit devenir un lieu de rencontre et d'échanges, ouvert à tous les collaborateurs, susceptible – grâce à une gouvernance optimisée – de les accueillir pour leur permettre de développer une idée, idéalement en dehors de toute contrainte opérationnelle.

Au-delà, naturellement, il conviendra de définir le fonctionnement de la « chaîne » d'innovation dans laquelle s'intègre le « lab » : comment sont sélectionnés les projets qui y entrent, dans quelles conditions ils se déroulent (délais, jalons de contrôle, instances de pilotage…), quelles suites peuvent leur être données, comment ils s'articulent avec les autres initiatives de l'entreprise… Ces modalités seront impérativement accessibles à tous, la transparence étant indispensable pour instaurer la confiance.

En amont, la définition d'une stratégie claire donnera les moyens de convaincre les décideurs de l'utilité de la démarche. En aval, elle fournira également les indicateurs permettant de mesurer ses résultats et valider sa performance. Sans elle, le « lab » deviendra un lieu perdu, rejoignant la litanie d'actions – petites ou grandes et plus ou moins coûteuses – menées pour suivre les modes et inéluctablement vouées à l'échec…

samedi 18 juillet 2015

ING crée le premier accélérateur FinTech belge

ING
Derrière la suprématie incontestable de Londres, la bataille pour prendre la place de capitale de la FinTech en Europe continentale est probablement en train de se lancer. Tandis que Berlin et Paris sont souvent citées comme prétendantes au titre, ING crée la surprise en préparant la création d'un accélérateur dédié en Belgique.

Encore en mode pilote pour l'instant, le FinTech Village n'ouvrira officiellement ses portes qu'au quatrième trimestre. Sa vocation principale sera alors d'accueillir des startups en phase de conception initiale de leur produit ou cherchant à étendre leur champ d'action au continent. Aux heureuses élues, il offrira tous les services habituels de ce genre d'organisation : hébergement, accompagnement et mentorat, accès à des investisseurs, assistance dans les domaines réglementaires et fiscaux, plate-forme de test…

Le sérieux de la démarche – qui présage favorablement de l'arrivée prochaine du nouveau responsable de la FinTech chez ING – ne laisse aucun doute. Elle a ainsi été élaborée en collaboration avec plusieurs partenaires, aux qualités et aux compétences complémentaires : Swift Innotribe (le bras d'innovation du réseau de messagerie bancaire international), la cabinet de conseil Deloitte, quelques structures d'investissement (Belcube, Smartfin, Eggsplore) et le réseau de support Startups.be.

Dès à présent, l'équipe de mentors mise en place – dont il est promis qu'elle sera très proche des jeunes pousses – confirme également l'engagement des concepteurs du projet. Aux côtés de quelques entrepreneurs (des co-fondateurs d'Ogone et Tunz, entre autres) et de représentants de ses partenaires, ING aligne un impressionnant aréopage de responsables et collaborateurs issus de tous ses métiers, de l'informatique à l'innovation, en passant par le marketing, la banque de détail, l'assurance, l'épargne et l'investissement, les services aux entreprises…

ING FinTech Village

Cette liste de personnalités et la palette de services déployée pour séduire les jeunes pousses ne sont pas les seuls arguments en faveur du FinTech Village. Sa localisation à Bruxelles, notamment, constitue un atout essentiel, de par sa proximité avec les institutions européennes (et leurs régulateurs) et sa position centrale, à moins de deux heures de Londres, Paris, Francfort, Luxembourg, Amsterdam… Voilà en effet, un pied à terre attractif pour qui veut attaquer la finance européenne dans son ensemble !

En conséquence, cet accélérateur belge représente une menace pour Paris, bien plus que toutes les initiatives londoniennes qui se tournent plus volontiers vers le marché local britannique ou les États-Unis que vers le continent. La tentation sera grande, pour les entrepreneurs français de la FinTech, d'aller chercher refuge en Belgique afin d'y faire émerger leurs ambitions. Et il ne faudra pas s'en étonner, puisqu'il n'existe aucun programme équivalent dans l'hexagone, en dépit de l'ébullition que connaît le secteur.

Bien sûr, il ne faut pas oublier l'incubateur lancé par Truffle Capital le mois dernier. Mais avec son objectif d'accueillir tout au plus 5 ou 6 startups et, surtout, son absence d'ancrage dans l'univers de la finance (notamment en termes d'accompagnement), il ne pourra guère lutter contre les moyens déployés par une banque. En réalité, il manque cruellement aujourd'hui une structure d'accompagnement de la FinTech, capable de rivaliser avec les autres grandes capitales et permettant aux entrepreneurs français de défendre – à armes égales – leurs qualités dans la compétition mondiale.

Avec la prise de conscience actuelle de l'importance d'innover, en particulier en collaborant avec des partenaires extérieurs, les grandes banques françaises – individuellement ou, idéalement, à plusieurs – devraient s'éveiller à l'opportunité d'amorcer une telle entreprise. Le pôle de compétitivité Finance Innovation aurait pu être le vecteur idéal pour ce faire mais, puisqu'il ne semble pas décidé à saisir sa chance (après une première tentative avortée), il devient urgent de pallier à sa déficience.

vendredi 17 juillet 2015

Invstr, un autre réseau social pour investisseurs

invstr
Au premier abord, la promesse affichée par investr peut aisément passer pour une énième déclinaison du désormais classique réseau social spécialisé à destination des investisseurs. La nouvelle version de sa plate-forme a pourtant quelques arguments originaux à faire valoir, entre information financière de pointe et ludification…

Certes, les basiques sont bien là, avec un service qui stimule les connexions et le partage d'opinions, de conseils et autres recommandations entre membres. Il est même possible – vraisemblablement dans le but de développer l'audience de manière virale – d'étendre les échanges sur les plates-formes généralistes, Twitter et Facebook. Mais les conversations sur les marchés ne sont pas censées constituer l'essentiel de cet espace communautaire, puisque sa vocation est avant tout ludique.

Le cœur du système repose en effet sur une mécanique de prédiction, servant de prétexte à une multitude d'activités possibles. Applicable à toutes sortes de valeurs (indices, actions, devises, matières premières…), elle permet à l'utilisateur de lancer des défis à ses amis, de suivre sa performance individuelle ou de la comparer à celle de la « foule » des autres participants… Peut-être vous dites-vous qu'il n'y a rien là de très nouveau ? En réalité, si, parce que ces jeux ne sont eux-mêmes qu'un prétexte !

Car, et nous arrivons (enfin) au véritable sens de sa proposition de valeur, le réseau social invstr met à la disposition de ses membres toutes les sources d'information dont ils peuvent avoir besoin pour émettre des prédictions éclairées. Et ce sont naturellement les mêmes que celles qui sont utilisées régulièrement par tout investisseur qui se respecte : cotations de millions de valeurs sur 45 marchés différents, articles, commentaires, rapports de recherche et analyses sélectionnés dans l'actualité financière…

invstr sur mobile

En inversant la perspective, invstr est donc d'abord une plate-forme d'accès centralisé à des données de qualité, pour investisseurs de tous niveaux : sa « mission » consiste à offrir des outils de professionnels aux débutants, à des conditions abordables (a priori, seuls certains flux en temps réel sont payants). À cela, la startup ajoute simplement quelques fonctions complémentaires destinées à renforcer l'engagement de ses participants, tout en produisant une information exclusive – par « crowdsourcing ».

Naturellement, il reste également à noter – mais une fois identifiée sa cible d'utilisateurs, ce ne sera plus une surprise – que la solution est disponible exclusivement sous la forme d'une application mobile. Par ailleurs, sa logique de réseau social est poussée à l'extrême, tous les flux d'informations, les données de marché, les discussions, les prédictions… étant présentées sous la forme d'un fil d'activité (ou timeline) qui sera immédiatement familier aux générations sevrées de Facebook et Twitter…

Comme dans le cas de l'initiative annoncée il y a peu par Alibaba, l'ambition des fondateurs d'invstr est de porter la disruption parmi les fournisseurs de données financières, Bloomberg en tête. Sa stratégie est d'ailleurs assez proche de celle du chinois, dans sa volonté de rendre l'information plus accessible. Elle y introduit cependant une touche très particulière en alignant l'expérience utilisateur sur les standards des médias sociaux les plus populaires, de manière à rendre l'entrée dans le monde de l'investissement encore plus facile (et moins intimidante).

jeudi 16 juillet 2015

App locale pour banque globale

Your Community US Bank
À l'ère numérique, affirmer la proximité avec ses clients n'a plus exactement le même sens qu'autrefois, notamment pour une institution financière. Alors, avec le lancement de sa nouvelle application « Your Commmunity », U.S. Bank – une des plus importantes banques américaines – veut prouver qu'elle peut aussi être un partenaire local.

Le service est actuellement dans une phase expérimentale précoce, puisque, hormis quelques fonctions génériques de moindre intérêt, il est pour l'instant réservé aux seuls résidents et visiteurs d'un quartier de San José, en Californie. À ceux-là, il propose un ensemble complet de ressources et d'informations utiles sur leur communauté, comprenant, entre autres, actualités locales, annonces d'événements en tout genre (festivals, spectacles, animations familiales, activités culturelles…) et promotions dans les boutiques des environs.

Son application permet ainsi à U.S. Bank d'installer une passerelle particulièrement judicieuse entre ses clients particuliers et professionnels, tout en jouant sur la fibre locale qui tend à manquer cruellement dans une relation traditionnelle avec un établissement global. Au-delà du profit direct qu'elle peut tirer de la diffusion des offres marketing qu'elle gère pour les marchands (et qui justifie certainement son engagement), elle apporte une valeur réelle à ces derniers, tout autant qu'aux utilisateurs directs du logiciel.

My Community sur iPhone

La banque américaine offre ainsi un très bel exemple de la manière dont la relation de proximité peut être réinventée dans un monde où le virtuel devient dominant et dans lequel la banque « physique » a de plus en plus de mal à trouver sa place. Elle ne fait, pour cela, que prendre en compte la réalité des usages mobiles : aujourd'hui, rien n'est plus intime pour le consommateur que son smartphone, qui représente de la sorte un support idéal de communication personnelle, et locale, si nécessaire.

Le trait de génie – pour y mettre un peu d'emphase – d'U.S. Bank avec « Your Community » est de s'effacer derrière la mise en contact des consommateurs et des commerçants qu'elle stimule. Non seulement cela lui permet-il d'affirmer la sincérité de sa démarche – au profit (presque) exclusif de sa clientèle – mais, surtout, elle peut aussi en profiter pour faire accepter l'idée qu'elle constitue un intermédiaire utile et, à terme, indispensable dans la vie quotidienne, même lorsqu'elle reste invisible…

mercredi 15 juillet 2015

Betterment simplifie encore l'investissement

Betterment
Petite recette de disruption : prenez une solution d'épargne automatique, un outil d'investissement intelligent, mixez vigoureusement. Vous obtenez un service qui va placer à tout moment vos fonds disponibles, sans que vous ayez jamais à vous en préoccuper. Voilà (à peu près) ce que propose désormais Betterment à tous ses clients.

Baptisée SmartDeposit, la nouvelle option mise en œuvre par la startup – décidément hyperactive – peut sembler bien modeste, en vérité. En effet, elle permet simplement à l'utilisateur de connecter son compte courant à la plate-forme et de lui associer des règles de transfert programmé (notamment le solde minimal à conserver). Dès lors, l'excédent de trésorerie qui sommeille à la banque va régulièrement être prélevé et investi dans son portefeuille personnalisé, automatiquement et en toute sécurité.

Pour l'investisseur, cela représente en quelque sorte l'apogée de la promesse originelle de Betterment, qui est de faire fructifier ses économies avec confiance et sans effort. Difficile ici de faire plus transparent, après la configuration initiale ! En même temps, pour la jeune pousse, la motivation est claire : il s'agit de pousser ses presque 100 000 clients à faire croître leur portefeuille en les incitant à lui confier une part toujours plus importante de leur patrimoine et, ainsi, développer son volume d'activité et ses revenus.

Wake up your money!

En comparaison des applications d'épargne automatique que je citais en introduction (je pense, par exemple, à celle de Digit), Betterment nous laisse finalement un peu sur notre faim (je sais que j'exagère, mais tout de même !). Plutôt que de laisser l'utilisateur définir lui-même les règles de gestion de ses dépôts, pourquoi ne pas suggérer un mode automatique, adapté à son comportement habituel (identifié à travers ses comptes) et établi en fonction de ses objectifs (précisés lors de la constitution de son portefeuille) ? Optimisation et simplicité atteindraient alors vraiment les sommets !

En synthèse, si SmartDeposit est, pour l'instant, une petite avancée grâce à laquelle Betterment aligne son offre sur les standards des institutions financières (en matière d'accès aux comptes), elle pourrait également représenter, à terme, une opportunité supplémentaire de différenciation, au bénéfice de ses clients et de l'optimisation de leur stratégie d'investissement. Dans cette hypothèse, contrôlant à la fois leur portefeuille et leurs liquidités, toujours au plus juste grâce à une analyse de données de pointe, la startup deviendrait alors doublement menaçante pour les acteurs historiques…

mardi 14 juillet 2015

La MAIF investit dans le numérique

MAIF
L'économie collaborative fait aujourd'hui l'objet de toutes les attentions, venant rappeler un peu de leurs origines aux organisations mutualistes traditionnelles. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que ces dernières cherchent à s'inviter dans la tendance. La création [PDF] de MAIF Avenir est l'une des dernières initiatives en la matière.

Conçue comme un véhicule d'investissement en gestion directe, cette filiale à 100% du groupe niortais sera dotée d'une enveloppe de 125 millions d'euros sur 4 ans, démontrant tout le sérieux de l'entreprise pour son géniteur. Elle représente la suite logique des premiers partenariats conclus avec Koolikar (location de voiture entre particuliers), Blablacar (covoiturage) ou encore GuestToGuest (échange de maisons et d'appartements). La stratégie annoncée par son directeur s'affirme donc sans détour : l'internet du partage et le mutualisme doivent avancer main dans la main.

L'enjeu pour la MAIF est d'autant plus important qu'elle mise sur cet engagement auprès des entrepreneurs pour accélérer sa propre transformation numérique. Ainsi, outre ses objectifs de participer à la création de nouveaux services pour ses sociétaires et d'atteindre les communautés d'utilisateurs qu'ils savent rassembler, elle manifeste également son ambition de mieux comprendre l'univers « digital », d'apprendre à devenir plus agile et de développer ses capacités d'innovation au contact des startups.

MAIF

Un tel programme peut sembler pertinent pour une vieille dame de 80 ans, ayant accumulé quelques lourdeurs administratives et « techniques ». Il ne sera pourtant pas particulièrement aisé à mettre en œuvre avec une structure d'investissement, aussi riche soit-elle. Le risque de ce type d'approche est en effet de maintenir le vent du changement à l'écart du cœur de l'organisation et de ses collaborateurs, alors que ceux-ci doivent être les premiers concernés, de manière à instaurer la culture d'innovation désirée.

Alors, pour réussir, il faudra un peu plus que les millions promis – qui représentent, de toutes manières, une bonne nouvelle pour les jeunes pousses qui en profiteront – mais la cible n'est pas impossible à atteindre. Il faudra « simplement » veiller à ce que les investissements de MAIF Avenir s'accompagnent de collaborations étroites, mêlant intimement les métiers historiques de l'assureur et les innovations des startups, jusqu'à faire naître des concepts inédits dans lesquels chacun se reconnaîtra.

À suivre ?

lundi 13 juillet 2015

Les centres d'appel aussi se transforment

Téléphone
Il n'y a pas si longtemps, quand le seul moyen d'interagir à distance avec un conseiller était le téléphone, la vie était simple dans les centres d'appel. Désormais, une multitude d'options de contact différentes sont disponibles et doivent progressivement être prises en compte, pour répondre aux exigences de clients dont les habitudes évoluent.

L'une des plus anciennes additions à la panoplie des télé-conseillers a été la visiophonie, qui, sans avoir jamais provoqué un raz-de-marée dans les banques, tend à se développer régulièrement, soit dans les GABs de nouvelle génération, soit dans les services en ligne, voire dans les applications mobiles. Extension naturelle de la téléphonie traditionnelle, la vidéo permet d'améliorer la qualité des conversations, en donnant une place à la communication non verbale, tellement importante dans la vie quotidienne.

Paradoxalement à l'ère de l'image omniprésente, l'écrit revient également en force, à travers, par exemple, les services de tchat qui, pour les clients comme pour leurs interlocuteurs, présentent l'immense avantage de ne pas monopoliser l'attention et de permettre des échanges asynchrones. Plus basique, le SMS, extrêmement populaire parmi toutes les classes d'âge, est aujourd'hui rarement proposé comme un canal de dialogue à part entière, mais son usage pourrait facilement se généraliser.

Bien sûr, les réseaux sociaux sont aussi devenus une composante importante des relations avec la clientèle. Pour les consommateurs qui passent une partie importante de leur vie sur Facebook ou Twitter, contacter sa banque depuis ces plates-formes devient une évidence à laquelle il faut impérativement savoir répondre. Et, tandis que cette réalité n'est pas encore appréhendée concrètement par nombre d'acteurs, la vague suivante – celle des nouveaux outils de messagerie mobile – est déjà lancée, comme l'illustre, entre autres, le test de la polonaise mBank avec l'application WhatsApp.

Les enjeux de ces mutations sont immenses pour les centres d'appel, car il s'agit d'offrir aux consommateurs les méthodes de communication correspondant à leurs habitudes et à leurs préférences – fréquemment changeantes, de surcroît. Face à cette nécessité, le défi sera de remplacer les télé-opérateurs d'antan, interchangeables à la demande, par des spécialistes (dans une certaine mesure), chaque mode d'expression requérant des aptitudes et des qualités différentes, selon que la conversation est orale ou écrite, privée ou publique, ou encore en fonction des « codes » de telle ou telle plate-forme…

Centre d'appel

dimanche 12 juillet 2015

Alipay devient un super porte-monnaie mobile

Alipay
Ne l'appelez plus « wallet » : pour ses concepteurs, la nouvelle application mobile Alipay de la filiale financière du géant chinois Alibaba veut être une solution universelle, utilisable pour tous les paiements de la vie courante, dans le monde réel et virtuel. Pour ce faire, elle ajoute une multitude d'options à sa batterie de services existants.

La plus importante des évolutions apportées à cette version entièrement rénovée concerne les achats dans les commerces de proximité. Non seulement les transactions sont-elles simplifiées, dans les quelques 130 000 restaurants et boutiques diverses – dont KFC, Carrefour, Walmart et quelques autres grands noms – acceptant les paiements Alipay, mais elles s'accompagnent désormais de capacités additionnelles, telles que l'accès à des coupons de réduction et autres offres promotionnelles.

Dans un registre totalement différent, ce sont les opérations entre particuliers qui font également leur entrée dans l'application. L'onglet « amis » permet ainsi, en quelques clics, d'envoyer de l'argent à un contact, de lui rappeler un remboursement ou encore de lui adresser une « enveloppe rouge », ces cadeaux traditionnels chinois réservés aux grandes occasions. De plus, ces fonctions sont prétexte à intégrer un outil de messagerie, permettant notamment au consommateur de partager ses achats avec ses relations.

Alipay sur iPhone

La caractéristique commune à toutes les initiatives d'Alipay apparaît clairement à travers ces nouveautés : si le paiement en constitue toujours le pivot central, il est systématiquement entouré de mécanismes complémentaires, destinés à favoriser son adoption. Qu'il s'agisse de capter les clients avec des programmes marketing, de séduire les commerçants avec un annuaire et ses options de géolocalisation ou de transformer les achats en pratique sociale, l'objectif est de faire du porte-monnaie mobile le support d'une expérience globale, qui dépasse le seul acte d'échange d'argent.

Quitte à faire pâlir de jalousie ses alter egos occidentaux, Alipay ne fait finalement que reprendre là des idées déjà esquissées et souvent mises en œuvre – individuellement – sous d'autres cieux. Si le chinois parvient à réussir là où beaucoup échouent (80% de ses 400 millions d'utilisateurs sont actifs sur mobile), c'est, certes, parce que son marché local est très particulier. Mais d'autres raisons entrent en ligne de compte, dont, en particulier, sa vision panoramique des paiements, couvrant l'ensemble des besoins du consommateur (mondial) du XXIème siècle.

vendredi 10 juillet 2015

La carte sans contact ne sert pas qu'à payer

Lloyds Banking Group
Aujourd'hui, les cartes bancaires sont de plus en plus fréquemment équipées d'une interface NFC. Si cette tendance ne s'accompagne pas nécessairement d'une transition massive vers le paiement sans contact, elle permet a minima d'envisager de nouvelles applications, telles que celle expérimentée depuis peu par Lloyds Bank.

En l'occurrence, c'est le vieux rêve d'utiliser la carte comme moyen d'authentification sur les services à distance qui connaît désormais une nouvelle jeunesse. Différence essentielle, alors que, à l'époque des premières tentatives (peu concluantes), il fallait installer un lecteur dédié pour concrétiser cette vision, la présence de puces NFC dans la plupart des téléphones mobiles modernes permet maintenant de s'affranchir de tout composant externe, rendant enfin l'expérience utilisateur beaucoup plus acceptable.

D'un point de vue pratique, c'est la phase d'activation de l'accès à la banque mobile que Lloyds Bank a d'abord simplifiée grâce à la technologie sans contact (lors des interactions ultérieures, la sécurité est renforcée par la reconnaissance de l'appareil). Ainsi, après téléchargement et installation de l'application, l'utilisateur n'a qu'à approcher sa carte de paiement de son smartphone pour confirmer son identité. En comparaison de la procédure en vigueur précédemment, à base d'appel téléphonique (automatisé) de validation, la nouvelle méthode rend l'opération considérablement plus efficace.

À ce stade, la nouvelle méthode d'enregistrement n'a été testée que par 125 utilisateurs pilotes. Presque tous ont, sans surprise, largement apprécié sa fiabilité, sa rapidité et sa simplicité. Forte de ces résultats, et avant même que la généralisation ne soit évoquée, Lloyds Bank imagine déjà une déclinaison du principe dans d'autres contextes où un surcroît de sécurité peut s'avérer utile, dont, par exemple, la validation des transferts d'argent (ou, peut-être, l'ajout de bénéficiaires de virements).

Authentification avec la carte sans contact

Dans cette hypothèse, il restera à voir si les utilisateurs sont prêts à accepter d'avoir à sortir leur carte pour valider des transactions sensibles, au-delà de l'activation initiale. Toujours est-il que la proposition de Lloyds Bank est particulièrement pertinente car il s'agit d'une des premières solutions d'authentification à 2 facteurs adaptées à un usage sur smartphone – et utilisables sans contraintes rédhibitoires. Or, la progression des attaques sur la banque mobile rend urgent le besoin de réponses appropriées.

L'idée n'est pas révolutionnaire et elle ne résoudra certainement pas tous les problèmes de fraude. Elle a au moins pour elle d'être relativement simple à mettre en œuvre au regard de ses qualités. Elle mérite donc largement d'être expérimentée, ne serait-ce que pour compléter un arsenal qui doit devenir éternellement plus riche et plus diversifié afin de rester efficace face à la sophistication croissante des cybercriminels. Car il n'existe malheureusement pas (encore ?) de protection miracle.

jeudi 9 juillet 2015

Des autos, des services financiers et du partage

Ford
L'économie du partage est là et elle transforme les comportements des consommateurs. En face, les entreprises qui y sont confrontées s'apprêtent à connaître de profondes mutations auxquelles elle doivent s'adapter rapidement. Dans le secteur automobile, Ford choisit une voie originale – autour du financement – afin de profiter de cette tendance.

Le constructeur a en effet récemment conclu deux partenariats, avec Getaround, dans 6 villes des États-Unis, et easyCar Club, dans l'agglomération de Londres. Aux termes de ces accords, les deux entreprises – leaders, dans leurs pays respectifs, de la location de véhicules entre particuliers (« P2P ») – seront largement mises en avant auprès des clients de Ford, de manière à inciter ces derniers à louer leur voiture à leurs pairs et, ainsi, gagner un peu d'argent (pour référence, le « loueur » Getaround régulier gagne en moyenne 600 dollars par mois, environ).

Là où la démarche devient plus intéressante, c'est que la cible privilégiée pour l'opération est celle des bénéficiaires d'un financement de la part de la filiale de crédit du constructeur. De là à percevoir une stratégie visant à garantir le remboursement de l'emprunt contracté grâce aux ressorts du partage, il n'y a qu'un pas. Et, d'un petit saut supplémentaire, il est aisé d'imaginer les déclinaisons possibles de cette idée, jusqu'à un modèle dans lequel Ford deviendrait lui-même opérateur d'une plate-forme de location, répartissant les mensualités entre les utilisateurs réels du véhicule…

Partenariat Getaround - Ford

Pour l'instant, il s'agit plutôt d'une simple expérimentation. Les quelques 14 000 clients américains concernés vont aider le constructeur à qualifier leur appétence globale pour la location P2P, identifier les modèles de voiture les plus populaires sur ce marché, mesurer l'impact financier de cette activité… À partir de ces informations, il est facile d'envisager une première application pratique, qui consisterait à réduire les garanties exigées lors des demandes de crédit, soit pour permettre à des personnes a priori non éligibles d'y accéder, soit pour offrir des conditions plus avantageuses.

Les opportunités sont doubles. De toute évidence, il y a d'abord, pour Ford, l'enjeu de vendre plus d'automobiles dans un contexte de faible croissance, qui pourrait même se transformer en récession – justement à cause de l'économie de partage et ses répercussions sur l'envie et/ou le besoin de posséder son véhicule parmi les jeunes générations. D'autre part, sur le plan financier, les possibilités d'augmentation des montants des crédits accordés et de captation d'une population jusqu'à maintenant considérée comme trop risquée ne sont pas négligeables non plus.

Comme les autres manifestations de la révolution numérique en cours, les impacts des nouvelles solutions de location P2P déploient leurs ramifications dans une multitude de domaines connexes, et il devient de plus en plus urgent de les prendre en compte. Le secteur financier, en particulier, est probablement plus concerné qu'il n'y paraît. Pour prolonger la réflexion, l'exemple de Ford dans l'automobile pourrait certainement donner des idées aussi dans l'immobilier, en restant sur un modèle proche…