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vendredi 30 septembre 2022

VeraScore, un score de santé financière

VeraScore
Si je m'attarde aujourd'hui sur le cas de VeraScore, ce n'est pas, comme j'en ai l'habitude avec les jeunes pousses, dans le but de vous présenter un concept original, puisque le sien existe et est fréquemment décliné depuis longtemps, mais plutôt en raison de la perspective originale qu'elle adopte pour le défendre et le promouvoir.

Visant à réduire, voire éliminer, les défauts désormais bien connus des scores de crédit traditionnels – ils sont opaques, peu fiables et biaisés, se focalisent sur un axe unique, manquent de fraîcheur… –, VeraScore commercialise, à l'instar de tant de ses consœurs, un nouveau système d'évaluation qui capitalise sur les capacités technologiques modernes pour capter et analyser en temps réel des données diverses et variées – historique des transactions bancaires (naturellement), salaires, encours d'emprunts…

Derrière cette promesse en passe de devenir banale, le premier point saillant de l'offre ressort dans son slogan : il est ici question d'un score de santé financière. Au-delà de la mode qu'elle suscite actuellement, la notion est fondamentale pour deux raisons. D'une part, elle souligne la possibilité d'une utilisation dans toutes sortes d'applications en dehors de la seule mesure de risque sur un crédit (elle pourrait par exemple être exploitée afin de procurer une assistance personnalisée dans l'univers des services publics).

Par ailleurs, elle montre très clairement son avantage décisif par rapport aux anciennes pratiques qui se contentaient de généraliser les observations du passé sur des problématiques de crédit. Face à un dispositif aussi étroit et fermé, il paraît évident qu'une compréhension intime du comportement général de l'individu avec son argent fournit une base infiniment meilleure pour la prise une décision. A minima, cette élargissement du socle de connaissance du client constitue un puissant facteur d'inclusion et d'équité.

Accueil VeraScore

Un deuxième argument mis en exergue par VeraScore, que je ne crois pas avoir été évoqué antérieurement, touche à la transparence. Non pas que ses algorithmes (d'intelligence artificielle, bien sûr) soient publics mais dans le sens d'un alignement direct et quasiment immédiat entre la note produite et les actes du quotidien. Cela signifie, en particulier, que le demandeur d'un prêt a entre les mains les moyens de corriger sa situation, et obtenir de meilleures conditions ou simplement voir son dossier accepté.

Il est vrai que certains outils de suivi du score de crédit proposent maintenant à leurs utilisateurs des conseils et des recommandations concrètes pour améliorer leur position, ce que, à l'inverse, VeraScore ne semble pas intégrer formellement à son catalogue, pour l'instant. Cependant la différence réside dans la visibilité d'un processus traitant des données brutes en comparaison de celui qui est alimenté par des voies mystérieuses, dans des délais inconnus et avec des paramètres impénétrables.

En conclusion, à travers ces petits ajustements de présentation et de sémantique apparemment anodins, la startup ne se contente pas de soigner sa spécificité dans un marché concurrentiel. Elle rappelle aussi la nécessité de changer radicalement d'état d'esprit, au moins dans le contexte du crédit pour ce qui la concerne : afin d'offrir un service de qualité, la priorité est à la connaissance des clients et celle qu'éclaire un score de crédit classique est totalement insuffisante au vu des possibilités d'aujourd'hui.

jeudi 29 septembre 2022

CaixaBank lance l'épargne retraite intégrale

CaixaBank
Plan d'épargne dédié à la retraite, portefeuille d'investissement classique, assurance décès… À ses clients qui se perdent parmi les différentes options disponibles pour la préparation et la sécurisation de leurs vieux jours, CaixaBank propose désormais, en ligne et en agence, une solution intégrée qui s'adapte précisément à leur projet.

Alors que, en quelques années, la thématique a pris une place primordiale dans l'industrie, le point de départ d'une réflexion anticipée sur la transition financière à opérer en fin de carrière est identique chez tous les fournisseurs : le consommateur est invité à imaginer ses besoins futurs, puis un moteur de simulation élabore la stratégie optimale afin de les satisfaire, en tenant compte de sa situation présente et de quelques hypothèses sur la période intermédiaire (par exemple la progression de son salaire).

Malheureusement, la plupart des outils de ce genre souffrent d'un défaut critique, en ce sens qu'ils sont conçus pour vendre un produit unique (ou issu d'une gamme unique). Qu'elles émanent d'un grand groupe historique, dont les lignes métier sont isolées les unes des autres (conduisant parfois à la création de simulateurs concurrents sous une même enseigne), ou d'un nouvel entrant, qui ne dispose que d'un catalogue restreint, les suggestions émises sont désespérément biaisées… donc peu pertinentes.

Avec « MyBox Jubilación », CaixaBank veut mettre fin à cette logique de silos, en adoptant résolument le point de vue du client et en lui offrant une perspective à 360° sur son avenir. Ainsi, si le parcours commence toujours sous le même angle, les préoccupations prises en compte s'élargissent par la suite, de manière à non seulement viser un niveau de revenus donné lors du départ à la retraite mais également à conserver en ligne de mire les autres enjeux importants de cette phase de l'existence.

CaixaBank – MyBox Jubilación

Concrètement, « MyBox Jubilación » est avant tout une plate-forme de conseil combinant trois catégories de produits distinctes : l'épargne retraite proprement dite, l'investissement direct dans des fonds et l'assurance décès. Son principe consiste de la sorte à accompagner l'utilisateur, sur son espace web ou avec l'assistance d'un conseiller de proximité, dans la recherche de l'équilibre idéal entre la protection de ses proches en cas de disparition prématurée et le montant de pension souhaité après sa cessation d'activité, entre ses exigences de liquidité et les avantages fiscaux à exploiter…

Dans sa mis en œuvre, le dispositif reprend des modèles classiques, comprenant, entre autres, la qualification initiale de la sensibilité aux risques de la personne ou la détermination de sa capacité d'épargne mensuelle. Naturellement, le pilotage de l'ensemble est rassemblé sur un tableau de bord commun, exposant une position globale (immédiate et en projection) et autorisant divers ajustements à tout moment (versements ponctuels, modification des prélèvements récurrents, retraits anticipés…).

La démarche engagée par CaixaBank est une excellente démonstration opérationnelle d'une vision centrée sur le client (et ses attentes), finalement plutôt simple à concevoir et implémenter. Elle ne constitue cependant qu'une première étape car on envisage très rapidement son extension sur l'ensemble des ambitions d'un consommateur (ou d'un ménage) : comment, par exemple, introduire dans le paysage l'achat d'une résidence et concilier son impact budgétaire avec le maintien du cap déjà fixé sur la retraite ?

mercredi 28 septembre 2022

Noble : créer un produit de crédit sans code

Noble
Les entreprises qui souhaitent offrir des crédits à leurs clients sans en faire leur cœur de métier ont de multiples outils à leur disposition pour y parvenir… mais ils restent lourds et complexes à appréhender et à assembler. Voilà pourquoi deux anciens de WeWork ont imaginé Noble et sa plate-forme de conception de produit sans code ou presque.

Entre les grandes banques qui préfèrent généralement élaborer elles-mêmes chaque composant de leur catalogue, en intégrant si nécessaire des briques fournies par des tiers, et les acteurs, notamment hors secteur financier, qui se contentent d'adopter des services clés en main pour enrichir leur proposition de valeur, les fondateurs de la jeune pousse estiment qu'il existe des structures, par exemple dans la FinTech, qui rêvent de déployer des solutions aussi flexibles que les premiers avec la simplicité des seconds.

Afin de répondre aux besoins spécifiques de ce segment de marché, Noble distribue un socle logiciel dédié à la création de parcours personnalisés de crédit, laissant l'entière liberté de définir chacune de ses caractéristiques, supportant de multiples catégories différentes – cartes de crédit ou à débit différé, ligne de crédit, paiement fractionné, avance de trésorerie… à l'intention des particuliers ou des professionnels – et autorisant une mise en œuvre rapide, accessible même à des utilisateurs non informaticiens.

La recette repose essentiellement sur une palette de modules pré-câblés, assortis de leurs licences déjà négociées, surtout pour les étapes critiques de connaissance du client et de contrôle d'éligibilité ou de solvabilité. La connexion avec les agences de notation (telles que Dun & Bradstreet ou Experian) ou, pour ceux qui préfèrent concocter leurs propres algorithmes de filtrage, avec les agrégateurs de données bancaires (Plaid), les outils comptables (Quickbooks) et autres devient ainsi réalisable en un tournemain.

Noble – Build complex credit solutions

En aval, Noble met entre les mains des équipes en charge du crédit un environnement graphique au sein duquel elles vont pouvoir organiser visuellement et sans écrire la moindre ligne de code les étapes des processus décisionnels et opérationnels à leur guise, en appliquant les paramètres qu'elles ont choisis, en décidant quelles parties automatiser et dans quelles circonstances une vérification humaine est nécessaire…

Quand vient le moment d'introduire le nouveau produit (en marque blanche) dans l'offre globale de l'entreprise cliente, un jeu d'API complet expose l'ensemble des fonctions requises, y compris les notifications d'événements, qu'il suffit alors aux développeurs (oui, à ce stade, ils sont indispensables) d'invoquer pour finaliser une expérience fluide et sans couture de la totalité du parcours de crédit, de l'initiation de la demande jusqu'au remboursement de la dernière échéance et la clôture finale de l'opération.

Dans une large mesure, ce que bâtit Noble est un moteur de gestion de processus spécialisé, sorte de version adaptée à un domaine d'activité précis des solutions de « BPM » génériques du marché. Si la cible identifiée par la startup est réellement pertinente, il serait surprenant que leurs éditeurs ne se penchent pas sur l'opportunité et commencent à commercialiser des options complémentaires offrant des services similaires. Leur généralisation pourrait alors accélérer le déploiement de produits…

mardi 27 septembre 2022

Le hors-piste de la banque en temps réel

KeyBank
Après des années de réticences, les institutions financières commencent enfin à comprendre qu'elles ne peuvent passer outre les attentes de réactivité, voire d'immédiateté, de leurs clients. KeyBank, par exemple, franchit à son tour le pas du crédit à la consommation « en temps réel ». Mais les priorités sont-elles toujours bien sélectionnées ?

Pour la banque américaine, la rénovation de ses principaux systèmes informatiques (avec l'éditeur Oracle) lui fournit une occasion idéale de déployer des processus entièrement transactionnels en substitution à ses anciens (classiques) traitements différés (les fameux « batches » qui régularisent – en général – chaque nuit les opérations du jour). Elle peut ainsi offrir à ses clients une ouverture de compte en quelques minutes et, dorénavant, un prêt personnel instantané, de la demande au versement des fonds.

Le choix de ces deux parcours pour initier la transition vers le « temps réel » est représentatif du secteur et peut facilement s'expliquer. En premier lieu, ils font tous deux partie des facteurs de différenciation majeurs que mettent en avant les nouveaux entrants de la FinTech… et ils trouvent un écho indiscutable auprès de leurs utilisateurs. Par ailleurs, l'entrée en relation est particulièrement critique, parce qu'elle est le siège de la première impression, qu'il faut donc absolument élever au meilleur niveau.

Malheureusement, ce ne sont là que des épisodes rares (voire unique pour l'un d'eux) dans la vie d'un client. Certes la capacité à obtenir satisfaction sans délai dans ces moments importants est appréciable… mais elle a peu de chances de marquer les esprits durablement. Au contraire, les transactions du quotidien présentent l'opportunité de faire valoir l'avantage de l'accélération (quasiment) tous les jours. Alors pourquoi les paiements et les transferts restent-ils encore si souvent à l'écart de la tendance ?

KeyBank – Real-Time Lending

Il s'agit pourtant aussi d'une caractéristique proposée par la plupart des trublions, qui plus est plébiscitée par leurs clients : sans aborder le cas des virements interbancaires (qui progressent dans la bonne direction, au moins en Europe), l'intégration des règlements par carte au fil de l'eau constitue un puissant allié d'une gestion de budget optimale (et l'argument prend d'autant plus de poids dans la conjoncture actuelle). Que peut penser l'individu lambda de l'incohérence entre un crédit finalisé en quelques instants et des emplettes du week-end n'apparaissant sur son compte que le lundi (au mieux) ?

Naturellement, cette incongruité n'est pas innocente de la part des banques qui l'assument. Elle ne font que décliner leur stratégie focalisée sur la vente de produits, pour laquelle il est essentiel de procurer une expérience à l'état de l'art afin de rester concurrentielles. En revanche, la restitution « en temps réel » des transactions exécutées ne répond qu'à un besoin (profond) d'usage courant, sans aucune opportunité de retour sur investissement direct. Dans ces conditions, à quoi bon se préoccuper du client ?

lundi 26 septembre 2022

L'euro digital échappe aux banques

BCE
À l'issue d'une consultation de la Banque Centrale Européenne pour la réalisation de 5 prototypes d'interfaces utilisateur avec l'euro digital, une seule banque, l'espagnole CaixaBank, est retenue dans la sélection finale. Le sujet n'intéresserait-il pas (suffisamment) ses concurrentes ? Sont-elles incapables de démontrer leur capacité à innover ?

L'objectif de l'exercice proposé par la BCE consiste à évaluer la technologie sous-jacente à l'e-monnaie et sa facilité d'intégration, à travers une série d'applications opérationnelles de référence, adossées à l'infrastructure et aux interfaces mises en place par l'Eurosystème (le « back-end »). Incidemment, les réalisations livrées dans ce cadre n'ont en conséquence pas vocation à être réutilisées ultérieurement, que ce soit pour des expérimentations complémentaires ou pour un (éventuel) déploiement public.

Par souci d'exhaustivité, cinq cas d'usage distincts sont ciblés lors de cette phase, chacun d'eux étant attribué à un contributeur spécifique : Wordline prendra en charge les paiements déconnectés, l'EPI (pourtant bien mal en point) et Nexi se concentreront sur les terminaux en point de vente (le premier avec initiation par le payeur et le second par le marchand), Amazon se voit (logiquement ?) confier les règlements du e-commerce et, enfin, CaixaBank consacrera sa participation aux transactions entre pairs (P2P).

Malgré ses surprises, les candidats choisis ont une légitimité incontestable au sein de cette liste. Cependant, la maigre représentation des banques soulève immédiatement de multiples interrogations. Ainsi, d'emblée, elle paraît matérialiser la crainte qu'elles ont maintes fois exprimée de subir, à un degré plus ou moins prononcé, une désintermédiation de leur monopole de fait sur l'argent avec sa « digitalisation » et d'être supplantées par des acteurs (dont les GAFA !) selon elles moins dignes de confiance.

CaixaBank – Euro Digital

Mais pourquoi leurs dossiers, en supposant qu'elles fassent partie des 54 entités ayant soumis une réponse à la BCE, n'ont-ils pas séduit alors qu'elles devraient naturellement être les mieux placées ? Une hypothèse à considérer est leur difficulté chronique à exécuter des projets innovants dans des conditions (de coûts et de délais) raisonnables, ce qui les met automatiquement en position de faiblesse face à des structures agiles et réactives (ce qui peut aussi caractériser CaixaBank, dans une certaine mesure). Il faudra pourtant corriger ce défaut afin de survivre aux transformations à venir.

À moins qu'elles ne perçoivent simplement pas que l'enjeu justifie leur engagement. La perspective de mobiliser des moyens, même modestes, à la création de prototypes jetables, dans un processus de développement long, qui n'aboutira probablement pas avant plusieurs années, n'est peut-être pas jugée valorisante au regard des résultats attendus. Mais ce raisonnement oublierait tragiquement les bénéfices de l'expérience acquise dans la démarche, aussi bien du point de vue des monnaies « digitales » en général que des particularités de l'implémentation qu'envisage à terme la BCE.

dimanche 25 septembre 2022

Un incubateur pour la créativité de crise

Rise by Barclays
Quand la presse se fait régulièrement l'écho de licenciements massifs dans les startups du monde entier, Barclays décide de réorienter les priorités de son incubateur FinTech Rise Startup Academy à l'intention des victimes de la conjoncture, en espérant que la mauvaise passe qu'elles traversent se transforme en geyser de créativité et d'énergie.

Acte I – La Purge. Les perspectives économiques incertaines, entre autres, ayant entraîné une crainte, plus ou moins confirmée, d'un resserrement des financements et autres investissements dans les jeunes pousses notamment technologiques, ces dernières se sont mises à geler leurs recrutements ou réduire leurs effectifs, de manière à survivre à la période de vaches maigres qu'elles anticipent. Des milliers de personnes se retrouvent ainsi sur la touche en quelques mois et recherchent leur prochaine opportunité.

Acte II – Le Rebond. Naturellement, l'immense majorité des individus touchés ne se font aucune inquiétude pour leur avenir, leurs profils figurant parmi les plus recherchés dans un marché de l'emploi extrêmement tendu. Beaucoup d'entre eux, en particulier ceux qui n'ont pas eu le temps de goûter ou d'apprécier l'esprit startup sont recrutés par des entreprises traditionnelles. Les autres, en revanche, ont irrémédiablement attrapé le virus de l'entrepreneuriat et n'envisagent que de se lancer à leur tour dans l'aventure.

Acte III – L'Étincelle. Dans bien des cas, les projets de ces nouveaux conquérants, stimulés par le choc d'un départ forcé et parfois brutal autant que par les événements qui les ont mené à cette situation, font preuve d'une créativité hors norme, tandis que leur incident de parcours leur procure une énergie considérable. Par ailleurs, il est bien connu – et scientifiquement vérifié – que les périodes de crises sont les plus propices à l'innovation et aux ruptures majeures, desquelles émergent les nouveaux géants.

Barclays Rise Startup Academy

Acte IV – Le Coup de Pouce. Forte de ces convictions, Barclays réserve la prochaine cohorte de son incubateur, jusqu'à maintenant dédié à tous les entrepreneurs de la FinTech, à une sélection de candidats ayant subi un dégraissage dans le secteur, capables de présenter une idée radicale et résolument engagés dans sa réalisation. Le programme proposé ne change pas : en 20 semaines et 3 sprints, parsemés d'ateliers, de rencontres, de modules pédagogiques…, il s'agit d'affiner le concept, développer et tester un prototype et, enfin, préparer le plan de lancement du produit final.

Acte V – Les Retombées ? Étonnamment, la banque britannique n'évoque à aucun moment dans la présentation de sa démarche sa motivation profonde, qu'on aurait quelques difficultés à croire entièrement philanthropique. A minima, l'objectif consiste vraisemblablement à établir et conserver le contact avec les acteurs qui deviendront peut-être incontournables demain… mais on peut alors se poser la question de sa capacité à profiter de la proximité entretenue de la sorte. Quels efforts sont faits en interne pour appréhender les transformations que lui imposeront les futurs trublions qu'elle couve ?

samedi 24 septembre 2022

Faut-il abandonner le canal téléphonique ?

Westpac
Face à l'explosion incontrôlable du nombre de cas d'escroqueries par téléphone usurpant les numéros de ses services et des dommages qu'elles entraînent, l'australienne Westpac entreprend de faire bloquer les appels émanants de la majorité de ses lignes par les opérateurs du pays. Allons-nous vers la fin de ce canal de communication ?

Les malfaiteurs qui se font passer pour un collaborateur de la banque et utilisent leurs talents d'ingénierie sociale pour extorquer des sommes, parfois conséquentes, à leurs victimes nagent en pleine euphorie depuis que se sont démocratisés, à leur intention, les logiciels permettant de modifier leur numéro. En faisant afficher sur l'appareil de leur interlocuteur les coordonnées d'un correspondant légitime, ils inspirent immédiatement confiance et ont d'autant plus de facilité à convaincre de la véracité de leur discours.

Faute de solution moins radicale, Westpac demande donc désormais aux compagnies de téléphonie de bloquer les communications émises par 94 000 numéros dont elle est détentrice. Effet de bord, on peut donc considérer à quelques exceptions près, que l'institution financière ne contactera plus ses clients par ce moyen. À ce stade, Optus a mis en place le filtre demandé (dont le principe était, apparemment, déjà opérationnel pour les administrations) et les efforts se poursuivent auprès de ses consœurs.

Les implications de cette décision sont considérables car elle signe, dans une certaine mesure, la mort d'un des canaux d'interaction les plus utilisés aujourd'hui. Certes, le centre de support reste toujours accessible par téléphone mais si une réponse ne peut pas être fournie sur le champ, il deviendra impossible de rappeler le demandeur depuis un numéro de confiance. Dans un autre registre, les urgences (dont les alertes à la fraude !) risquent également de devenir plus difficiles à traiter rapidement et efficacement.

Westpac – Stay Smart, Safe, and Secure

Comme avec les détournements de SMS dans les systèmes d'authentification à plusieurs facteurs, je m'étonne tout de même que personne ne questionne les pratiques en vigueur dans l'univers de la téléphonie. Après le scandale du laxisme généralisé sur les ré-attributions de lignes, ne faudrait-il pas exiger de l'industrie une protection plus sérieuse sur la présentation du numéro appelant ? En l'état, il semblerait que la sécurité soit le dernier des soucis des acteurs du secteur et qu'ils n'assument aucunement leur responsabilité dans les problèmes qu'ils contribuent à propager.

En attendant qu'ils se réveillent et apportent de véritables solutions (et non des palliatifs), les institutions financières vont probablement se défier de plus en plus de l'usage du téléphone, comme du courriel auparavant (qui mériterait lui aussi de voir ses protocoles adaptés aux menaces modernes), et se reporter sur des médias qu'elles maîtrisent de bout en bout, à tout le moins sur le plan de la sécurité, tels que les messageries, tchats et autres outils de visioconférence intégrés dans leurs applications en ligne et mobiles.

vendredi 23 septembre 2022

GoCardless contrôle les mandats à la source

GoCardless
Après les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, c'est en France que GoCardless déploie maintenant son système de contrôle des mandats de prélèvement exploitant les interfaces de banque ouverte (« open banking ») réglementaires afin de limiter, sinon éradiquer, la fraude sur ses solutions de paiement via le compte bancaire.

Pour les commerçants qui, pour toutes sortes de raison, choisissent un mode de règlement par prélèvement, la fraude constitue un risque majeur, surtout quand plus de la moitié d'entre eux persistent à livrer leurs produits et services avant toute vérification des données financières transmises de manière à réduire au maximum les frictions décourageantes lors de l'entrée en relation (tel est le cas notamment dans la plupart des modèles d'abonnement ou bien, dans une certaine mesure, avec les essais gratuits).

Afin de combler l'absence, à ce jour, de toute solution à ce problème critique, GoCardless propose donc aux adeptes de sa plate-forme de mettre en place un module de validation, qui se veut aussi fluide et transparent que possible pour leurs clients, au sein de leurs parcours d'encaissement habituels. Grâce à cet ajout, ils pourront se protéger contre les menaces les plus courantes auxquelles ils sont régulièrement confrontés, tels que l'usurpation d'identité ou la fourniture de fausses informations bancaires.

GoCardless - Contrôle des Mandats

En pratique, le processus se déroule en trois étapes. Tout d'abord, le payeur remplit un mandat classique, dans lequel il indique les coordonnées de son compte. Il est ensuite invité à établir une connexion (sécurisée) avec sa banque, par l'intermédiaire des interfaces standards de banque ouverte, puis à confirmer directement, en ligne, la création du mandat préparé précédemment. Une fois l'action réalisée, le marchand est notifié de la bonne fin de l'opération et a ainsi la certitude de l'honnêteté de l'acheteur.

Outre un nouvel exemple relativement original d'utilisation des APIs instituées par la DSP2, la démarche de GoCardless apporte un sérieux argument en faveur du prélèvement en lui conférant un surcroît de garantie contre les malversations, difficile à répliquer avec d'autres modes de règlement (en particulier la carte). Les consommateurs pourraient eux-mêmes être sensibles à une approche qui expose moins leurs instruments de paiement et, en conséquence, leur argent. Cela suffira-t-il toutefois à leur en faire accepter l'impact, modéré mais néanmoins sensible, sur leur expérience ?

jeudi 22 septembre 2022

L'opportunité de la crise du pouvoir d'achat

Forrester
Dans un excellent (comme toujours) billet, Aurélie L'Hostis (Forrester) invite les institutions financières à réfléchir aux moyens d'aider leurs clients à surmonter les difficultés engendrées par la hausse généralisée du coût de la vie. Je propose, pour ma part, d'exploiter cette opportunité unique pour engager la transition vers un nouveau modèle de banque.

Partout dans le monde, l'inquiétude s'installe parmi les consommateurs face à la montée des prix et bien que, dans de nombreux cas, leurs comportements n'aient pas encore radicalement changé, les mois qui viennent et les tensions prévisibles sur les factures d'énergie risquent de créer une rupture majeure. De toute évidence, le secteur financier occupe une position privilégiée pour surveiller et, surtout, atténuer le choc à venir. Pourtant, à ce jour, son implication se limite souvent à la modération tarifaire.

Outre la pression réglementaire croissante, notamment au Royaume-Uni, Aurélie souligne l'impératif de prendre en compte l'évolution de la conjoncture et son impact sur chaque client afin de maintenir la relation de confiance. Elle évoque, par exemple, l'exigence d'empathie et la reconnaissance des vulnérabilités, la mise en place de solutions adaptées, la formation des collaborateurs à intégrer ces nouveaux paramètres dans leurs interactions… méritant la même réactivité qu'à l'apparition de la pandémie de COVID.

De tels ajustements sont naturellement indispensables, sous peine de susciter une vague de rejet similaire à celle qu'a provoquée la crise de 2008, mais, en considérant que la situation économique des ménages peut rester durablement défavorable, je suggère de les inscrire dans une perspective plus large. Concrètement, le moment actuel, dans lequel une fraction importante (majoritaire ?) de la population vit des embarras et des angoisses identiques procure l'occasion d'entamer un retour vers le métier de conseil.

Forrester – How Should Financial Services Respond To The Cost-Of-Living Crisis?

Dans le contexte courant, la maîtrise des dépenses du quotidien constitue en effet un point de convergence parfait pour mettre un pied dans une (future) approche à 360° de la gestion intelligente et proactive des finances personnelles, sans avoir à envisager immédiatement de lancer un chantier titanesque. Il s'agit incidemment d'une démarche qu'entreprennent quelques pionniers particulièrement visionnaires, à l'instar de CommBank avec son récent module d'optimisation des achats de carburant.

D'innombrables idées, parfois triviales, « digitales » ou à déployer via les conseillers, ne demandent qu'à s'exprimer dans les circonstances que nous connaissons : extraire de l'analyse des transactions les tendances requérant une recommandation de modération, alerter sur les dangers d'un endettement en progression (et offrir des alternatives), initier une réflexion sur une possible réorientation (temporaire) de l'épargne (pour l'isolation du logement ?), mettre en avant les aides disponibles (quand elles sont pertinentes)…

Après des années d'évangélisation, le principe de restaurer le conseil au cœur des activités commence doucement à pénétrer les esprits des dirigeants d'institutions financières. Malheureusement, un projet de cette dimension paraît si ambitieux que, faute de savoir par où l'attaquer et de pouvoir garantir un retour sur investissement, il reste dans les cartons. La possibilité de profiter d'un phénomène spécifique tel que la reprise de l'inflation pour identifier un premier projet abordable (et utile) vaut d'être saisie !

mercredi 21 septembre 2022

Le régulateur britannique exige la centricité client

FCA
Désormais, leurs clients ne sont plus les seuls à avoir l'impression que leur banque est surtout focalisée sur ses produits et ne se préoccupe guère d'eux, de leurs attentes et de leur situation : le régulateur britannique en a aussi pris conscience et imposera bientôt à l'industrie un corpus de « devoirs vis-à-vis des consommateurs » en réponse.

Bien que la démarche se révèle critique dans la période actuelle de perte de pouvoir d'achat, qui en accélère probablement la mise en œuvre, elle s'inscrit dans un contexte plus ancien de forte croissance des plaintes à l'encontre des pratiques en vigueur, laissant entrevoir une déconnexion inquiétante entre services fournis et besoins réels. Tandis que toutes les entreprises se vantent de placer le client au cœur de leur stratégie, il semblerait qu'il reste un long chemin à parcourir pour en faire une réalité.

La FCA a publié son texte au cours de l'été, après une séquence classique de consultation publique qui, sans surprise, a généré de très nombreux commentaires. Son principe directeur consiste à exiger des institutions financières qu'elles agissent toujours de manière à « engendrer des résultats positifs pour leur clientèle grand public », immédiatement assorti d'une clause de caractère raisonnable : tous les risques ne peuvent être éliminés, mais il faut en limiter au maximum les conditions de survenue.

La notion de résultat invoquée se décline sur les quatre domaines principaux de la relation : la conception des produits et services, le prix et la valeur, la compréhension par le consommateur et le support. Ce sont donc quasiment tous les compartiments des organisations qui vont devoir porter toute leur attention sur le client, première obligation formulée (explicitement) par la nouvelle réglementation. Et cette véritable révolution (pour certains établissements) est à mettre en œuvre au plus tard le 31 juillet 2023 !

FCA New Consumer Duty

Bien sûr, le principe résumé ainsi paraît extrêmement générique et impossible à implémenter concrètement. Le document complet [PDF] comporte donc 120 pages de précisions et de recommandations opérationnelles afin de faciliter son déploiement. Sa lecture est fascinante – et chaudement recommandée, même à ceux qui ne constituent pas sa cible, notamment en dehors du Royaume-Uni – car il énumère les bases de ce que devrait naturellement incarner une institution financière décente au XXIème siècle.

Distribuer des produits qui correspondent aux besoins du client, l'aident à atteindre ses objectifs et ne lui causent pas de préjudice. Ne pas exploiter sa méconnaissance, sa vulnérabilité ou ses biais. Continuellement apprendre de son comportement, de ses demandes, de ses réalisations. L'accompagner, après la vente, vers ses cibles. S'assurer que la communication est suffisamment intelligible pour qu'il puisse prendre des décisions éclairées. Élever ses intérêts au centre de la culture d'entreprise…

Ce ne sont que des évidences… qui sont pourtant loin d'être généralisées dans le secteur. Ce constat est d'ailleurs, selon toute vraisemblance, à l'origine de l'initiative de la FCA. On peut toutefois s'interroger sur la validité et la viabilité de son approche en la matière : quelles que soient les précautions prises et aussi spécifiques soient les règles exprimées, la « centricité client » est éminemment subjective et il sera toujours complexe de vérifier son application réelle et effective. Mieux vaudrait un engagement volontaire !

mardi 20 septembre 2022

AXA éclaire les risques climatiques

AXA
Voilà une opportunité du changement climatique pour l'assurance que les spécialistes de McKinsey n'avait pas immédiatement identifiée ! Avec Altitude, la branche dédiée au sujet du groupe AXA capitalise sur les données collectées et analysées via ses métiers historiques pour proposer un outil de pilotage des risques aux gestionnaires de fonds.

En fait, l'idée coule de source. Au vu des impacts de plus en plus lourds de la crise écologique, la mise en place d'une garantie pour les entreprises exige désormais d'évaluer et quantifier de manière extensive et précise les différents critères qui conditionnent leur exposition aux sinistres environnementaux de toutes sortes. Or, naturellement, ces informations peuvent être utiles à de nombreux opérateurs en dehors du secteur de l'assurance, pourquoi donc ne pas les mettre à leur disposition ?

Telle est exactement la mission que se donne Altitude, à l'attention d'une première cible de clientèle que sont les investisseurs, plus spécifiquement dans les domaines des infrastructures et des sociétés non cotées. La promesse qui leur est faite est de leur procurer, avant ou pendant les phases de vérification amont (« due diligence »), une vision claire de la position des organisations dans lesquelles ils envisagent de prendre une participation par rapport aux enjeux climatiques, dans toutes leurs dimensions.

Altitude by AXA Climate

Concrètement, la solution prend la forme d'un portail en ligne, permettant à l'utilisateur de comprendre les risques associés à un actif en quelques minutes. Il lui suffit de décrire, au fil d'un formulaire, la catégorie d'activité exercée (plus de 150 sont couvertes à ce jour) ainsi que quelques caractéristiques financières (chiffre d'affaires…) puis de préciser les types de structure à étudier (parmi 50 listées, par exemple un centre de production informatique) et leur localisation afin d'obtenir un panorama complet de sa situation.

Instantanément, le logiciel présente une synthèse des principales menaces à prendre en compte, qu'elles soient d'ordre physique et matériel, relatives à la biodiversité ou induites par la transition écologique (notamment les évolutions réglementaires), classées par niveau de criticité. Chacune est également expliquée en détails – sur les éléments susceptibles d'être affectés et leurs conséquences concrètes, y compris à travers des projections sur plusieurs scénarios – et assortie de suggestions d'optimisation.

Initialement engagée dans une démarche d'adaptation de l'assurance traditionnelle aux contraintes du réchauffement, AXA Climate, née en 2019, prend maintenant un virage vers la création de nouveaux modèles de développement qui, en autorisant la réutilisation de ses investissements, offre une intéressante perspective sur l'équation économique possible d'une politique éco-responsable. Au-delà des gérants de fonds retenus ici, vraisemblablement parce qu'ils constituent une clientèle pré-existante, des solutions similaires pourraient séduire une multitude d'autres entreprises et administrations.

lundi 19 septembre 2022

Le bien-être financier a le vent en poupe

Finovate
Bien que l'événement ait baissé en qualité, les séquences de démonstrations de Finovate, notamment sur son édition d'automne, à New York, offrent fréquemment l'opportunité d'identifier les tendances importantes à la croisée de la finance et des technologies, même quand on se contente comme moi de suivre les festivités à distance.

D'emblée, le premier constat à tirer de l'aréopage d'entreprises invitées à se présenter lors de ces sessions est leur orientation massive vers la commercialisation d'offres logicielles destinées aux institutions financières. Confirmant une transition engagée depuis plusieurs années, le phénomène atteint des proportions inédites, puisqu'une poignée, à peine, des participants imaginent un modèle d'affaire basé sur la distribution directe de leurs solutions à des utilisateurs finaux, individuels ou professionnels.

Deuxième observation, tout aussi peu réjouissante pour l'innovation, les efforts semblent se concentrer désormais majoritairement sur deux grands domaines, dans lesquels la créativité ne s'exprime plus guère. L'un touche à la notion de « plate-forme digitale », c'est-à-dire, en pratique (et dans la plupart des cas), à un simple socle d'interface graphique qui doit permettre aux banques de déployer une expérience client optimisée sur leurs services en ligne et leurs applications mobiles. Nécessaire mais pas renversant !

L'autre surfe sur l'intelligence artificielle, dont, incidemment, il faudrait parfois vérifier jusqu'à quel point elle n'est pas uniquement citée à des fins marketing, dans le but de procurer une cure de jouvence à la gestion des identités, la connaissance des clients, la sécurité, la lutte contre la fraude, la maîtrise des risques, la conformité réglementaire… Là encore, les fournisseurs se ruent vers les thématiques qui préoccupent et inquiètent particulièrement leurs cibles privilégiées. Mais qu'apportent-ils de (vraiment) neuf ?

Finovate Fall Live Demos

Dans ce paysage un peu terne, le rayon de soleil est amené par l'insensible progression du concept de bien-être financier. Certes, son irruption répétée sur la scène est en grande partie conjoncturelle et, de toute évidence, quelques intervenants, dont plusieurs de ceux qui vantent justement leur « plate-forme digitale », mettent le sujet en exergue sans l'avoir véritablement travaillé et encore moins mis en œuvre. Mais d'autres, plus sérieux (et, il est vrai, moins nombreux), contribuent à en propager la valeur.

Après l'échec des modules gestion de finances personnelles focalisés sur le suivi et l'analyse historique de la situation, des acteurs tels que Debbie (un des rares opérant en B2C et récompensé par un prix du public), EqualFuture (à l'intention des PME) ou Upswot, même quand ils n'abordent qu'un segment étroit de l'équation, jouent un rôle critique en partageant leur vision de l'évolution du PFM vers le conseil proactif et personnalisé, sans efforts, qui manquait cruellement dans les générations précédentes.

Le moment où les institutions financières s'empareront des enjeux de santé et de bien-être au cœur de leur stratégie, notamment en se recentrant sur leur client et ses besoins, son contexte, ses inquiétudes, ses interrogations…, reste sans doute lointain. Cependant, la multiplication de jeunes pousses s'y consacrant et la reconnaissance que leur accorde leur invitation à Finovate constituent un signe encourageant pour son développement et la prise de conscience du potentiel qu'il représente pour l'avenir du secteur.

dimanche 18 septembre 2022

Les opportunités climatiques pour l'assurance

McKinsey
Si le changement climatique est généralement perçu d'abord comme une menace pour les métiers historiques de l'assurance, McKinsey nous rappelle dans un récent article qu'il représente aussi une source d'opportunités, pour peu que les compagnies anticipent les mutations à venir et se préparent activement à investir de nouveaux territoires.

La première piste à explorer concerne naturellement l'ensemble des technologies qui seront déployées dans les prochaines années et décennies dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre, en particulier via les méthodes de « décarbonation » dans les industries les plus émettrices, pour lesquelles il s'agira d'un enjeu vital. Les estimations évoquent des dépenses annuelles de l'ordre de 800 milliards de dollars d'ici à 2030, qui correspondraient à 10 à 15 milliards de primes supplémentaires.

Au-delà des mises en œuvre de la production d'énergies renouvelables (solaire, éolienne, hydrogène…) et des équipements et aménagements complémentaires (batteries, bornes de recharge électrique…) qui les accompagnent, les dispositifs immatériels d'incitation, tels que les bourses de compensation volontaire et leurs supports (par exemple les projets de reforestation), offrent une immense potentiel de développement de nouveaux produits d'assurance (ou de reconversion et de réajustement des produits existants).

Bien sûr, les consultants de McKinsey oublient, à ce niveau, de mentionner qu'une partie des réserves de valeur qu'ils vantent se substitueront à des solutions antérieures sur le déclin. La progression des options de génération verte d'énergie, en particulier, se fera aux dépens des centrales classiques et de la couverture de l'ensemble de leurs écosystèmes, dont tous les aspects sont connus et maîtrisés depuis belle lurette. Le bilan de l'équation sera cependant positif pendant la (longue) période de transition.

McKinsey – Capturing the climate opportunity in insurance

Ensuite, la multiplication des phénomènes météorologiques « anormaux », qui met en danger la possibilité même de délivrer des solutions viables, ouvre pourtant de nouveaux horizons, notamment grâce aux approches paramétriques. En effet, des secteurs de plus en plus nombreux, y compris ceux qui naissent autour de la lutte contre le réchauffement, sont sensibles à ces risques et auront besoin de services de toutes sortes (pensez aux pertes de revenus sur une centrale solaire en cas de passage nuageux…).

Enfin, surtout, ces transformations structurelles procurent une extraordinaire occasion de faire porter les efforts en amont, dans la protection, la prévention et la résilience. Les acteurs de l'assurance occupent certainement une place idéale pour aider (en collaboration avec des entreprises spécialisées) leurs clients à identifier et quantifier les risques climatiques auxquels ils sont exposés, puis leur conseiller, voire leur proposer, des mesures de remédiation personnalisées en marge de la souscription d'un contrat.

De toute évidence, les orientations suggérées par McKinsey, critiques pour l'avenir des compagnies, ne seront pas aisées à adopter. Elles requièrent souvent de prendre pied dans des domaines à peu près inconnus, où les modèles actuariels sont quasi inexistants, où les données disponibles sont rares… où, en somme, tout reste à faire. La première étape, urgente, consiste donc à engager des partenariats avec ceux qui détiennent ou sont en position de capter cette ressource indispensable, dont les investisseurs.

samedi 17 septembre 2022

L'avenir de la banque digitale selon Gartner

Gartner
À l'occasion du lancement, en Australie, de sa saison 2022 de symposiums IT, le cabinet Gartner partage sa vision des tendances technologiques essentielles pour le secteur bancaire et met en exergue celles qui devraient arriver rapidement à maturité… dans un étonnant élan d'optimisme que les réalités du terrain risquent de contrarier.

Il est vrai que le positionnement des « chatbots » parmi les catégories de solutions proches du « plateau de productivité », donc quasiment prêtes à l'industrialisation, n'est pas particulièrement surprenant, d'autant plus que les analystes soulignent la grande diversité de contextes dans lesquels ils sont exploités, avec des niveaux de complexité variables, bien que les implémentations les plus fréquentes interviennent dans les départements de support, en interne et en externe, ou de ressources humaines.

Présentés comme une des principales sources de projets mettant en œuvre l'intelligence artificielle, celle-ci concerne avant tout le traitement du langage. Leur contribution à la transformation des relations entre humain et machine a le vent en poupe, notamment dans les applications mobiles, où l'approche imposant à l'utilisateur d'apprendre l'interface laisse place au « chatbot » qui s'adapte à son interlocuteur. Enfin, leur progression est favorisée par une programmation de plus en plus accessible aux non informaticiens.

Dans un registre plus technique, Gartner place dans la même zone de son échelle, à court terme, l'adoption de l'infonuagique public, ce qui me laisse plutôt perplexe. Les arguments invoqués de flexibilité et d'efficacité sont indiscutables et l'impact potentiel sur les coûts d'infrastructure devrait être un puissant facteur de séduction. Pourtant, les réticences persistantes, motivées entre autres par des craintes pour la sécurité, ne laissent guère entrevoir d'évolution majeure au-delà de l'usage marginal actuel.

Gartner Hype Cycle for Digital Banking Transformation, 2022

Puis vient le concept de « banque en services » (« BaaS »). Celui-ci occupe très justement le sommet du « pic des attentes excessives » : omniprésent dans les plans stratégiques, il répond à une double préoccupation de recherche de relais de croissance dans des marchés saturés (où, de surcroît, une nouvelle concurrence émerge) et de rebond sur les opportunités offertes par l'ouverture des données, jusqu'à maintenant abordée (presque) exclusivement par l'angle de la contrainte réglementaire.

Dans une brutale accélération vers la généralisation, Gartner affirme que 30% des institutions financières (de taille respectable) engageront des initiatives en la matière d'ici à la fin de 2024… tout en estimant que la moitié d'entre elles ne parviendront pas à en tirer les revenus supplémentaires espérés. En l'occurrence, l'obsession des responsables pour l'identification des modèles d'affaires possibles et la quantification du retour sur investissement associé me semble hélas plus propice à la temporisation.

En effet, l'emballement universel qui entoure le sujet masque mal l'impréparation des banques à un chantier d'une ampleur considérable. Il ne peut « simplement » être question de proposer les services existants sous forme d'API, ce qui, incidemment, entraîne déjà souvent des difficultés insondables. Il faut également comprendre à qui ces offres s'adressent, mettre en place des dispositifs contractuels inédits, créer des parcours client spécifiques… en un mot, concevoir et déployer un métier totalement nouveau.

Imaginer que l'ensemble de ces transformations surviendra sous deux ans paraît d'autant plus illusoire que, outre l'inertie et la prudence traditionnelles du secteur, d'autres impératifs mobilisent les énergies, dont certains (la rénovation des cœurs de système, par exemple) constituent un préalable indispensable. Dans l'intervalle, il faut s'attendre à une accumulation d'échecs… dont la conséquence sera de décourager les acteurs moins audacieux et de retarder encore la transition vers la banque vraiment « digitale ».

vendredi 16 septembre 2022

Kafene, entre paiement fractionné et location

Kafene
Dans une période de l'histoire où le paiement fractionné commence à susciter des interrogations, où la tendance est à la contraction du crédit et où le pouvoir d'achat des consommateurs s'effrite, Kafene voit une excellente opportunité de développer son approche hybride, inspirée par le leasing, pour laquelle elle vient de lever 18 millions de dollars.

Dans son principe, le produit correspond à une location avec option d'achat relativement classique, déclinée pour les dépenses d'équipement courant (électroménager, mobilier, pneus…). Lorsque le client retient l'option à la caisse d'un commerce partenaire de la jeune pousse (américaine), il s'engage à verser un loyer mensuel pendant une année, à l'issue de laquelle il prend automatiquement pleine possession du bien considéré.

S'il s'en tient à ces conditions, l'acquéreur aura tout de même payé deux fois et demie le prix initial. Mais il ne s'agit pas du mode de fonctionnement optimal envisagé. Car le contrat de location se veut extrêmement souple et, notamment, dans le cas d'un remboursement anticipé, des remises sont accordées. À l'extrême, si la totalité de la somme due est versée dans les 90 jours après l'opération, seule une commission fixe (modeste) est appliquée, reproduisant les caractéristiques habituelles du BNPL.

Par ailleurs, une clause de restitution peut être mise en œuvre à tout moment par les personnes qui, par exemple, se rendent compte de l'inutilité de leur emplette ou n'ont plus les moyens de faire face à leurs échéances. Selon les responsables de Kafene, de l'ordre de 10 à 20% de ses utilisateurs seulement entrent dans ce schéma, l'immense majorité finissant donc par s'approprier l'objet financé, le plus souvent dans le délai de 3 mois.

Kafene – Lease the Products You Love

Si le modèle retenu ne comporte pas les risques associés traditionnellement à un prêt, la startup n'en conduit pas moins un contrôle d'éligibilité à l'entrée en relation. Sans surprise, celui-ci repose principalement sur une connexion aux comptes bancaires et l'analyse des transactions passées. Et bien que le score de crédit ne soit ni consulté ni impacté lors du recours au service, le règlement ponctuel des loyers est transmis aux agences de notation afin d'aider les personnes concernées à établir leur réputation.

Face aux inquiétudes soulevées par le boom du paiement différé, l'approche de Kafene représente une alternative moins toxique, sans toutefois éliminer totalement l'éventualité de dérives dans les budgets des ménages. Un autre aspect potentiellement gênant est le traitement des retours de produits, pour lesquels la solution de facilité est la mise au rebut, la revente n'étant pas toujours possible. Espérons qu'une réflexion sur les enjeux environnementaux soit menée pour mieux appréhender le cycle de vie.

En conclusion, le concept imaginé par Kafene offre une piste d'évolution intéressante, et particulièrement bienvenue par les temps qui courent, pour dépasser les limitations du BNPL, avec, surtout, la soupape de sécurité que constitue sa faculté intrinsèque de désengagement à la demande. En revanche, outre sa lourdeur logistique (déléguée), il présente quelques défauts structurels qui nécessiteraient encore un peu de travail.

jeudi 15 septembre 2022

Citizens diversifie son offre aux étudiants

Citizens Financial Group
Apparemment, la dernière tendance dans le secteur bancaire consiste désormais à s'aventurer dans des domaines adjacents. On connaît déjà diverses tentatives de création de « super-apps », plus ou moins convaincantes, mais des initiatives mieux ciblées paraissent plus prometteuses, telles que celle de Citizens à l'intention des étudiants.

Le financement des études supérieures est (de longue date) une problématique tellement critique aux États-Unis que l'idée qu'une banque s'en empare est immédiatement légitime. De nombreuses institutions et autres trublions se penchent d'ailleurs sur le volet aval du sujet, à savoir la gestion de la dette contractée durant la scolarité. Cette fois, il s'agit cependant d'aborder les questions en amont, dans une démarche originale d'accompagnement proactif, dans laquelle toutes les parties trouvent leur compte.

C'est par l'intermédiaire d'une acquisition que Citizens développe sa nouvelle proposition. College Raptor, qui, à l'issue de la transaction, opérera comme une filiale, dispose d'une palette de services extensive, couvrant tous les besoins relatifs à la réussite d'un cursus universitaire, depuis la constitution d'une épargne avant d'y entrer jusqu'aux options de crédit, en passant par le conseil en orientation, la comparaison des établissements (sur les critères académiques et financiers), la recherche de bourses…

De toute évidence, les opportunités de synergie avec les métiers de la banque sont immenses. La plus visible réside, naturellement, du côté des prêts étudiants, dont Citizens est un spécialiste reconnu (ce qui explique probablement ses velléités d'extension de son périmètre de compétences). Mais la dimension de l'épargne est également importante à considérer tout comme la gestion budgétaire des aides éventuellement perçues, voire, plus généralement, l'assistance au pilotage des finances personnelles.

College Raptor – Find your Future

Au-delà de l'accélération commerciale que peut engendrer la plate-forme de College Raptor sur ces gammes de solutions, un autre enjeu majeur justifie pleinement son intégration. Elle représente un extraordinaire point d'entrée pour une population à fort potentiel sur le long terme, au moment où elle engage sa première relation « sérieuse » (c'est-à-dire qui ne se limite pas à des outils de paiement) avec une institution financière. Même sans modèle économique, elle forme donc un puissant produit d'appel.

Parmi les multiples expérimentations de banques hors de leur pré carré, celle de Citizens se distingue par sa pertinence indiscutable, autant du point de vue des utilisateurs ciblés (pour qui les préoccupations d'argent sont cruciales sinon prioritaires) que pour sa propre stratégie et par son choix de prendre pied sur le terrain via l'achat d'un acteur installé (fondé en 2012). Il lui reste maintenant à mener à bien l'absorption et l'incorporation dans ses processus existants afin de réaliser les bénéfices attendus.

mercredi 14 septembre 2022

CommBank s'attaque à la facture d'essence

CommBank
En cette période de flambée des prix universelle, les consommateurs explorent les moyens de faire des économies, en particulier sur leurs dépenses de carburant. Afin de leur faciliter la vie, l'australienne CommBank intègre maintenant au cœur de son application mobile un module intelligent de recherche du meilleur prix à la pompe.

Même si les tensions sur le cours du pétrole se dissipent légèrement, le remplissage du réservoir de la voiture reste une des principales lignes du budget de la plupart des ménages, dont la modération représente donc un enjeu essentiel. Les tarifs pratiqués évoluant fortement selon les détaillants et, souvent, d'un jour à l'autre, il n'est guère surprenant que les comparateurs, qui permettent de trouver rapidement la meilleure offre au moment de faire le plein, figurent parmi les outils préférés des automobilistes.

Mais que vient faire une banque dans ce domaine, vous demandez-vous ? L'idée de CommBank consiste simplement à capitaliser sur sa connaissance des comportements de ses clients, acquise à travers leurs relevés de transactions, dans le but de leur fournir les recommandations souhaitées spontanément, lorsque le niveau de la jauge commence à baisser et qu'un arrêt à la station-service va s'imposer sous peu. L'objectif est à la fois de réduire leur stress et de les aider à optimiser au maximum leurs frais.

Concrètement, les algorithmes mis en œuvre, à base d'intelligence artificielle nous dit-on, analysent l'historique des factures d'essence (généralement réglées par carte) et apprennent de la sorte à prédire les périodes propices au prochain ravitaillement. L'application prend alors l'initiative de signaler non seulement la nécessité imminente de passer à la pompe mais aussi, grâce à une connexion aux APIs déployées par les autorités locales, les options les plus avantageuses sur le parcours de l'utilisateur.

CommBank Fuel Finder

Après une première expérimentation, appréciée, avec quelques cobayes, la solution est aujourd'hui généralisée auprès d'environ 250 000 résidents de la Nouvelle-Galles du Sud (dont sa capitale, Sydney), en attendant une éventuelle extension à l'ensemble du pays. La promesse qui l'accompagne est de contribuer à faire vraiment baisser, sans efforts et sans douleur, leurs coûts de carburant, qui, en moyenne, s'élèvent à plus de 5 000 dollars annuels par ménage équipé de deux véhicules, en hausse de 7% sur un an.

Au fil du temps et de multiples initiatives originales, CommBank tend à démontrer une préoccupation sincère et convaincante pour le bien-être financier de ses clients. Elle fait ainsi partie des rares acteurs du secteur développant une approche sérieuse de conseil contextuel de proximité, à travers laquelle elle fait fréquemment abstraction de toute velléité commerciale. Peut-être lui manque-t-il encore une perspective consolidée de ses services mais elle représente déjà clairement un modèle pour l'avenir de la banque.

mardi 13 septembre 2022

Manager.one simplifie l'acompte de salaire

Manager.one
En quelques années a émergé une nouvelle catégorie de FinTech consacrée à l'avance sur salaire, que la conjoncture actuelle met au premier plan, grâce à sa faculté de soulager les difficultés de trésorerie des consommateurs. Mais il existe d'autres options, plus classiques et plus simples, dont celle qu'offre désormais manager.one.

Les solutions que développent de nombreuses startups un peu partout dans le monde possèdent de multiples avantages, par exemple en terme de flexibilité et d'autonomie, mais parce qu'elles reposent sur un principe fondamental de financement, elles ont un coût non négligeable, supporté soit par les employeurs soit par les bénéficiaires. A contrario, l'acompte de salaire dont il est question ici est un versement anticipé des émoluments dus pour un travail déjà accompli… et constitue un droit légal.

En pratique, manager.one se contente donc d'éliminer les complications de gestion qu'implique la mise en œuvre de ce dispositif historique. Dans le droit fil de son système d'analyse intelligente des bulletins de paye (pour exécution des virements associés), son application propose d'activer la facilité sur chaque salarié enregistré comme destinataire de virement et, dès lors, une alerte invite le responsable à émettre les paiements partiels (calculés automatiquement, sur la base des traitements de la période précédente) entre le 14 et le 21 de chaque mois, le montant en étant bien sûr retenu à l'échéance normale.

Deux mécanismes différents sont fournis sous la même ombrelle. Le plus trivial consiste à configurer une demande ponctuelle pour les individus qui en expriment le besoin à titre exceptionnel. Mais il est également possible d'instaurer une règle systématique (révocable à volonté), grâce à laquelle, d'une certaine manière, l'employé perçoit ses revenus par quinzaine plutôt qu'une fois par mois. Dans tous les cas, un seul geste de validation est nécessaire pour déclencher les transferts pour toutes les personnes concernées.

Manager.one – L'acompte sur salaire

Le modèle retenu par manager.one ne peut évidemment prétendre à remplacer l'avance sur salaire et ses caractéristiques exclusives : l'anonymat généralement garanti à ceux qui y ont recours, l'absence d'impact sur la trésorerie de l'entreprise (dans certains cas), la souplesse d'utilisation (au niveau du montant et des dates)… mais elle permet de répondre aux attentes les plus courantes et d'apporter de la sorte un surcroît de sérénité aux travailleurs, en épargnant les tracas administratifs aux gestionnaires.

La néo-banque pourrait probablement améliorer son service afin de le rendre plus compétitif. En particulier, il serait extrêmement intéressant, pour mieux protéger (même superficiellement) la confidentialité, de fournir aux employés éligibles une interface via laquelle ils pourraient directement exprimer leur choix de profiter d'un acompte, régulier ou pour une seule occurrence, plutôt que de leur imposer de s'adresser à un utilisateur habilité, qui doit ensuite se charger de la saisie dans l'outil. Pour une future version ?

En l'état, la démarche de manager.one mérite l'attention en raison de sa démonstration des vertus de l'exploration des frictions auxquelles sont confrontés ses clients, en l'occurrence une croissance des demandes d'acompte liée à la flambée des prix en est vraisemblablement à l'origine, et de la conception de solutions élémentaires destinées à les réduire. Et tant mieux si celles-ci sont bénéfiques aussi à leurs salariés.

lundi 12 septembre 2022

ING abandonne l'innovation (sans le dire)

ING
Le phénomène n'est pas immédiatement visible pour l'observateur occasionnel mais, après un pic (passé depuis quelques années), l'innovation perd rapidement sa place dans les stratégies des institutions financières. Dans le cas d'ING, l'annonce d'une réforme de son approche peine à masquer ses velléités de désengagement.

En pratique, la transition était discrètement enclenchée dès le début de 2021, avec la mise sur pied de la structure dédiée « ING Neo ». Bien que centralisée et dotée de moyens indépendants, celle-ci se positionnait comme une sorte de catalyseur des initiatives (généralement incrémentales) menées dans les départements opérationnels de la banque (par des collaborateurs ayant tous vocation à contribuer), sur lesquelles elle s'appuyait, le cas échéant, pour mener des démarches de transformation de rupture.

À peine 18 mois plus tard, « ING Neo » disparaît en tant qu'entité autonome et son équipe, probablement dégraissée au passage, est intégrée au sein du service consacré à la stratégie d'entreprise, dans laquelle sa mission, de toute évidence beaucoup plus superficielle (et de fait relativement déconnectée du terrain), se limitera désormais à l'exploration des opportunités de long terme. Selon leur potentiel, ses différents projets en cours seront soit repris par les directions fonctionnelles, soit cédés, soit liquidés.

Afin de sauver les apparences, le directeur général d'ING, qui, ironiquement, vante le passé glorieux du groupe (surtout de son prédécesseur) en la matière, affirme que l'efficacité, notamment dans l'amélioration de l'expérience client et la focalisation sur le développement durable, exige de déplacer le centre de gravité de l'innovation au plus près des métiers. Ce prolongement à l'extrême du slogan historique qui accompagnait « ING Neo » (« l'innovation est l'affaire de tous ») n'est hélas que poudre aux yeux.

Comment croire, en effet, que les salariés des premières lignes et leur hiérarchie placeront une quelconque priorité sur des expérimentations et autres tentatives de changement aux résultats hypothétiques par rapport à leurs tâches habituelles, s'ils ne sont pas constamment inspirés, encouragés et aidés par un groupe de spécialistes capables de prendre le recul nécessaire ? Voilà un idéal que toute organisation aimerait atteindre mais il requiert une révolution culturelle… qu'ING n'a pas encore effectuée.

Au-delà de l'exemple spécifique, c'est tout un secteur qui est en train de remiser progressivement ses ambitions de transformation, nées avec la crise de 2008 et l'émergence de la FinTech, et aujourd'hui considérées comme devenues inutiles, parce que les sentiments anti-banque se sont estompés dans la population et que les startups se sont muées en partenaires. Il s'agit pourtant d'une voie dangereuse… qui oublie les besoins et les attentes des clients alors que ceux-ci évoluent plus vite que jamais.

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