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samedi 30 novembre 2024

Les avantages salariés s'étendent

Worklife
Alors que BNP Paribas présentait sa propre solution Mūcho il y a quelques jours, le Crédit Agricole annonce une évolution importante sur son offre dédiée aux avantages salariés, Worklife. Les annonces ont un point commun qui signale une tendance à embarquer de plus en plus de fonctions aux côtés des titres restaurant historiques.

Les deux produits, conçus dans le cadre d'un studio d'incubation (La Fabrique, interne, du côté du Crédit Agricole et le partenaire 321, en ce qui concerne BNP Paribas), se ressemblent fortement : capitalisant sur le fait que la plupart des compléments à la rémunération se matérialisent in fine sous forme d'un versement d'argent, ils les combinent au sein d'une même carte de paiement intelligente, assortie d'une application de suivi qui peut alors héberger des services supplémentaires.

Worklife, qui se vante d'avoir le catalogue le plus riche et qui possède le privilège de l'ancienneté, est ainsi en mesure d'intégrer, outre les crédits de repas, les primes de transport, les forfaits de mobilité durable, les frais de déplacement, les aides pour les services à la personne, les indemnités de télétravail, les bons de vacances, les avantages pour le sport et les cadeaux divers. Pour les domaines réglementés, des algorithmes se chargent d'implémenter les conditions spécifiques de mise en œuvre.

Et, désormais, chaque organisation a aussi la faculté de définir ses propositions personnalisées, pourvu qu'elles se traduisent par un pécule accessible via la carte. Sont notamment évoquées les distributions génériques des « primes de partage de la valeur », des bonus de cooptation ou d'ancienneté, voire les commissions de vente… Il n'en est pas fait mention mais il serait intéressant de pouvoir imposer des règles d'usage sur ces créations, par exemple pour l'encouragement de gestes écologiques.

Worklife – Avantages Salariés Personnalisés

À cet ensemble – parmi lequel chaque entreprise cliente est libre de sélectionner les options qu'elle souhaite (et qui seront, évidemment, les seules facturées) – s'ajoute la possibilité pour le bénéficiaire d'intégrer ses assurances santé et prévoyance, son épargne salariale… dans le logiciel qui accompagne la carte, de manière à en faire la plate-forme universelle de gestion de ses avantages. Un canal est également ouvert pour la diffusion des messages du département des ressources humaines.

La première génération de ces agrégateurs de services focalisait ses efforts sur la simplification des processus, pour les entreprises devant jongler avec de multiples dispositifs, et des parcours des employés dans leur mise en œuvre, soumise à des contraintes variées. Aujourd'hui, leur objectif devient plutôt de fournir une réponse au défi de séduction et de fidélisation des collaborateurs en les transformant en instrument de communication. L'approche unifiée procure en effet une opportunité de mettre en avant l'étendue des bénéfices offerts par l'entreprise, jusqu'à présent disséminés et parfois invisibilisés (à l'image des primes intégrées dans le bulletin de paye).

vendredi 29 novembre 2024

Zurich lance Climate Spotlight

Zurich Insurance
Alors que les compagnies d'assurance prennent rapidement conscience des immenses défis qu'elles rencontreront à exercer leur mission dans un monde bouleversé par le changement climatique, elles misent sur l'anticipation et la préparation de leurs clients. Zurich Insurance offre ainsi une visibilité à long terme sur les dangers.

Développé par la filiale de conseil en matière de résilience du groupe, Climate Spotlight est d'abord, dans sa variante « Core » une solution « digitale » mise à la disposition des entreprises et organismes publics. Il suffit de saisir les adresses des lieux à étudier n'importe où dans le monde et la plate-forme estime les risques climatiques qui les affectent (ou les affecteront). Au-delà de 100 zones à couvrir ou pour des besoins spécifiques, la version « Expert » prend le relais avec une équipe dédiée.

Avec l'option standard, les résultats, générés en quelques instants, restituent un tableau de bord extensif et un rapport à télécharger, comprenant les données sur toutes les dimensions du sujet et dans une échelle de temps longue – jusqu'à la fin du siècle – essentielle dans le cadre d'un usage pour des décisions stratégiques. Zurich s'appuie pour ce faire, de manière transparente, sur ses propres données de référence auxquelles elle applique des modèles internes reproduisant 4 scénarios du GIEC.

Zurich – Climate Spotlight

Les informations produites sont précieuses pour les structures visées. D'une part, elles peuvent être utilisées dans une logique d'état des lieux des implantations existantes et, peut-être, celles des partenaires critiques, indispensable avant de définir un éventuel plan de sauvegarde. Elles sont en outre conçues sous une forme adaptée – avec identification des risques, matérialité et évolutions – aux exigences réglementaires (tels que CSRD) ou aux engagements volontaires formalisés (de type TCFD).

D'autre part, de telles analyses deviendront probablement incontournables lors de tout nouveau projet d'installation d'ampleur, que ce soit dans le but de sélectionner un emplacement « protégé » ou de prévoir dès l'origine les mesures conservatoires nécessaires. Dans tous les cas, la perspective à 75 ans promise par Zurich s'avère capitale pour des sites, par exemple industriels, sur lesquels les investissements sont fréquemment importants et portent une vision sur plusieurs décennies.

Climate Spotlight et les outils équivalents du marché ont de la sorte vocation à s'immiscer dans la panoplie de toutes les organisations et il est même possible que, un jour, les assureurs en fassent une condition de leurs contrats ou les intègrent dans leurs processus. Cependant, il faudra bientôt compléter ce premier pas avec des offres d'accompagnement personnalisé pour la protection et la remédiation des risques identifiés : voilà un nouveau métier que les compagnies devraient envisager.

jeudi 28 novembre 2024

Vente des données bancaires, épisode 12

ANZ
La tentation de monétiser les données extraordinairement riches qu'elles détiennent sur leurs clients est décidément trop forte pour que les banques y résistent longtemps en dépit des obstacles rencontrés. C'est maintenant au tour de l'australe ANZ de se lancer dans l'aventure… non sans une certaine originalité dans sa démarche.

Les initiatives se succèdent, suscitant parfois l'indignation ou l'inquiétude des populations concernées (à moins que ce ne soit un phénomène médiatique), et finissent par se faire oublier, sans qu'on sache si elles tiennent leurs promesses. Parmi les pionnières, les offres liées aux cartes (ou aux comptes), qui distribuent des promotions ciblées selon les habitudes du détenteur, sont les plus courantes et elles rencontrent probablement le succès. La commercialisation directe, en revanche, reste rare.

C'est pourtant le choix fait par ANZ – en collaboration avec la startup DataCo, dont elle est plus ou moins à l'origine par l'intermédiaire de son studio d'innovation – qui n'hésite donc pas à affronter la complexité spécifique de ce modèle. En effet, afin d'éviter une levée de bouclier et, surtout, des sanctions réglementaires, il ne peut se concevoir que dans un respect strict des exigences éthiques et légales de protection de la confidentialité, ce qui tend, a priori, à limiter fortement les opportunités et les ambitions.

La réponse apportée à ces contraintes est classique, passant par l'anonymisation – c'est-à-dire l'élimination de toute information identifiant une personne ou une entreprise – et le partage par agrégation – qui retire par essence toute caractéristique élémentaire susceptible de ré-identification. Après ces traitements, seules des analyses statistiques sont possibles mais elles fournissent une matière première inestimable aux organisations désireuses de mieux connaître les comportements de leurs clients.

Or ANZ et DataCo ne s'en tiennent pas là. Afin de démultiplier la valeur de la solution, les données bancaires sont croisées – sans rupture de l'anonymat à la restitution, bien sûr – avec d'autres sources (dont la nature n'est toutefois pas détaillée). Le résultat est une mine de connaissance sur les consommateurs, certes pas à un niveau individuel mais avec une précision sans égale sur des segments qui, selon toute vraisemblance, peuvent être élaborés à la demande sur la plate-forme d'exploitation du gisement.

L'autre particularité – quoique pas totalement inédite – de l'approche retenue par ANZ est de s'appuyer sur une structure distincte pour une ligne d'activité nouvelle. La décision peut relever d'une volonté d'isoler sa marque afin d'éviter de potentiels risques d'image, notamment en cas de cyber-incident. Mais elle reflète plus certainement la perception de la faculté de transformer cet embryon en une future pépite génératrice de revenus et porteuse de croissance exponentielle pour une industrie « saturée ».

ANZ x DataCo

mercredi 27 novembre 2024

L'IA pour tenir la promesse de la FinTech ?

Range
Jeune pousse de la gestion patrimoniale, l'américaine Range annonce une levée de fonds de 28 millions de dollars afin de poursuivre le développement de sa solution de conseil financier piloté par l'intelligence artificielle… dont elle promet qu'elle lui permettra de démocratiser ses services aujourd'hui réservés aux plus aisés.

À ce stade, l'offre de Range se distingue de la concurrence traditionnelle sur un certain nombre d'aspects : prise en compte transparente de l'ensemble des besoins – planification financière, portefeuilles d'investissement, immobilier, assurance, préparation de la retraite, transmission, fiscalité… –, tarification forfaitaire et non par un pourcentage des actifs sous gestion… En revanche, elle maintient le principe d'un accompagnement humain, même si elle y introduit un niveau de spécialisation inaccoutumé.

Or, avec des tarifs compris entre 2 655 et 8 955 dollars par an selon la complexité du dossier considéré, certainement justifiés par l'accès illimité à un interlocuteur, la clientèle visée reste évidemment dans un segment de haut de gamme. D'où l'idée de créer Rai, une version virtuelle du conseiller pour Madame et Monsieur (presque-)tout-le-monde, propulsé à l'IA et conçu pour répondre jusqu'à 20 fois plus rapidement à ses utilisateurs tout en leur permettant d'économiser 75 à 90% des frais normalement facturés.

En réalité, la proposition n'est guère originale, puisqu'elle reproduit précisément la vision qui avait conduit historiquement à l'émergence de la « WealthTech », à savoir la possibilité d'exploiter les technologies modernes dans le but de mettre la banque privée à la portée du plus grand nombre. Elle ne s'est hélas jamais véritablement concrétisée, mutant fréquemment vers de « simples » plates-formes d'investissement en ETF, certes abordables mais laissant de côté le volet pourtant essentiel de l'accompagnement.

Nous voilà désormais à l'aube d'une deuxième vague, l'intelligence artificielle devenant l'arme ultime de l'établissement d'une relation de proximité, capable d'intégrer une connaissance intime du client en vue de lui fournir une assistance ultra-personnalisée. La présentation de son activité par Range laisse toutefois entrevoir une forte focalisation sur les produits financiers, indubitablement propice à l'automatisation du conseil mais qui correspond mal à un vrai recentrage sur les attentes des personnes, préoccupées de leur parcours de vie plus que de taux de rendement. Le gestionnaire de patrimoine virtuel n'est probablement pas encore à la hauteur de son modèle humain…

Range

mardi 26 novembre 2024

Atom Bank s'offre une forêt

Atom Bank
Première banque au Royaume-Uni à s'engager pour un bilan carbone positif à l'horizon de 2035, Atom Bank vient d'investir dans une forêt nouvellement plantée de 10 hectares dans le Northumberland. Présentée comme un premier pas dans la bonne direction, la démarche oublie pourtant un volet essentiel de l'équation environnementale.

La stratégie envisagée est extrêmement ambitieuse puisqu'elle embrassera un périmètre complet comprenant à la fois les impacts des opérations – seuls pris en compte à ce jour et qui représentent 500 à 700 tonnes d'équivalent CO2 chaque année – et ceux des activités financées – beaucoup plus complexes à mesurer et dont on sait qu'ils constituent fréquemment le poste le plus important – qui seront pour la première fois incorporés dans son rapport annuel pour l'exercice en cours.

Comme la plupart de ses consœurs, Atom Bank veut agir sur ce second volet en se faisant beaucoup plus sélective sur les prêts qu'elle accorde, qui devraient donc favoriser les projets porteurs de promesses de développement durable ou encore de protection de la biodiversité… au détriment, par exemple, des industries polluantes. Et son acquisition d'une zone boisée, respectant les mêmes critères, ajoute maintenant une composante complémentaire de compensation de ses émissions résiduelles.

Les 7 000 tonnes de gaz carbonique que les arbres capteront (et transformeront en bois) durant la totalité de leur cycle de vie sont autant de crédits carbone engrangés en toute transparence qui ne proviendront pas de marchés organisés au fonctionnement opaque. Mais le choix de restaurer une zone naturelle sur le site d'une ancienne mine à ciel ouvert recrée également un habitat pour la vie sauvage, qui vient potentiellement contrebalancer les pertes dues aux efforts de construction immobilière promus par le gouvernement, pourvoyeurs incontournables de dossiers de financement.

Atom Bank's Woodland

L'initiative et ses perspectives sont intéressantes… mais elle ne peuvent masquer un défaut majeur dans le plan d'ensemble : nulle mention n'est faite de la maîtrise de l'impact direct de l'établissement, en dehors de l'évocation d'une petite réduction (de 2,2%) des émissions sur une année, accolée à la mention de la multiplication simultanée des profits par 7 qui en réalité ne sert qu'à détourner l'attention d'une absence criante (ce ne sont évidemment pas les profits qui produisent du CO2).

Une vraie approche environnementale ne peut se contenter de compensations : la priorité absolue consiste toujours à réduire l'empreinte propre de l'entreprise, seule contribution concrète et pérenne à l'amélioration de la situation de la planète. Quand on voit arriver la déferlante de l'intelligence artificielle et sa consommation énergétique colossale, l'enjeu est d'autant plus important. Mais pour Atom Bank, qui réplique ici l'attitude générale dans le secteur financier, il est plus facile de chercher les gisements d'efficacité chez ses clients (emprunteurs) ou dans des projets périphériques.

lundi 25 novembre 2024

ChatGPT catalyseur de collaboration ?

BBVA
Si la présentation par BBVA de son utilisation de l'intelligence artificielle laissait un sentiment mitigé, la révélation par OpenAI des résultats obtenus cinq mois après son déploiement de ChatGPT (version entreprise) auprès de 3 000 collaborateurs offre une perspective plus intéressante… quoique pas particulièrement sur ses cas d'usage.

D'emblée la démarche était guidée par une vision assez radicale pour une institution financière, puisqu'il s'agissait de fournir à des utilisateurs non spécialistes les moyens de s'approprier un outil avancé, complémentaire de ce que sont par ailleurs capables de livrer les centres d'expertise existants en analyse de données et IA. Car il n'est pas uniquement question d'une instance interne de l'assistant bien connu mais bien de permettre aux utilisateurs d'en concevoir des déclinaisons personnalisées.

Sous le contrôle des départements de risques, de conformité et de cybersécurité et avec un accompagnement assuré par des équipes de champions (plutôt pour l'encouragement à l'adoption) et de « sorciers » (pour l'appui opérationnel), les 3 000 employés retenus pour la phase pilote ont déjà produit quelques 2 900 solutions ad hoc dans des domaines aussi variés que les ressources humaines, les finances, le marketing ou le juridique, dont la plupart visent à accélérer les processus en place.

Les exemples cités comprennent la qualification de crédit pour les entreprises, avec une recherche automatisée des documents appropriés, jusqu'alors manuelle, l'analyse de sentiment sur les commentaires libres des enquêtes de satisfaction, la préparation de réponses aux 40 000 questions juridiques posées annuellement par les conseillers. Comme toujours (pour l'instant, du moins), rien de révolutionnaire dans ces applications, aussi utiles soient-elles. Mais ce n'est peut-être pas le plus important…

BBVA x OpenAI

La caractéristique la plus notable de la démarche de BBVA est de se positionner dans une logique de « développement citoyen » (ou de démocratisation de la création de composants logiciels), objet de nombreux fantasmes dont la facilité de prise en main de ChatGPT rend aujourd'hui possible la concrétisation, au moins sur un périmètre spécifique. Pleinement assumé par les responsables de la banque, ce choix porte l'ambition de rapprocher la capacité à élaborer des solutions des personnes qui sont aux premières loges pour identifier les besoins, pour plus d'efficacité et de réactivité.

Par ailleurs, BBVA capitalise sur sa stratégie de déploiement unifié de la technologie d'OpenAI pour instaurer les conditions d'une collaboration étendue entre ses plus de 120 000 employées, répartis dans des métiers variés et différents pays, de l'Amérique Latine à la Turquie en passant par l'Espagne, l'Italie et la Suisse. En support de cet objectif, elle a déployé le « GPT Store », bibliothèque ouverte dans laquelle les participants sont invités à partager leurs solutions, pour réutilisation et/ou adaptation par l'ensemble de la communauté. Il compte à ce jour plus de 700 entrées.

La mutualisation des ressources et des moyens que, en dépit de nombreux efforts (et BBVA figure en pointe en la matière, de longue date), ne sont jamais parvenus à matérialiser les responsables de systèmes d'information des grands groupes financiers, en raison de l'hétérogénéité des infrastructures et, souvent, des pratiques et cultures locales, deviendrait-elle une réalité avec l'implémentation de ChatGPT ? L'hypothèse est désormais envisageable : se confirmera-t-elle ? Les collaborateurs en décideront.

dimanche 24 novembre 2024

Un moment clé pour Revolut

Revolut
Il y a quelques jours Revolut profitait des célébrations de ses cinquante millions de clients pour présenter les grande lignes de sa feuille de route pour l'année à venir. Au menu, entre autres, figurent le crédit aux entreprises et, surtout, le crédit hypothécaire, pour lesquels elle devra relever un défi inédit si elle veut continuer sa progression insolente.

En dépit des réserves que j'exprime parfois sur sa capacité à se différencier, alors que son avantage concurrentiel historique sur l'expérience client s'estompe au fur et à mesure des progrès accomplis par les établissements traditionnels, le jalon que vient de franchir la néo-banque représente incontestablement une marque de succès. Mais ce qu'il faut retenir avant tout de ses dix premières années d'histoire est bien d'avoir atteint un statut, unique sur le marché, d'acteur véritablement mondial.

Certes, il existe peut-être une poignée de grands groupes financiers qui opèrent aujourd'hui dans une quarantaine de pays ou plus, mais aucun, je crois, ne peut se vanter comme Revolut d'y déployer un modèle universel, reposant pour l'essentiel sur une offre et une infrastructure communes. Or cette particularité est ce qui lui procure une efficacité opérationnelle exceptionnelle, capable de dégager des profits tout en maintenant des conditions tarifaires qui constituent désormais son attrait principal.

Naturellement, le périmètre relativement limité couvert aujourd'hui – entre comptes de dépôts ou d'épargne et investissement en bourse, en passant par les cartes de paiements – facilite une telle mutualisation des moyens : en dehors des agréments réglementaires, ces solutions restent identiques au travers des frontières et les quelques spécificités et produits locaux, jugés indispensables pour être pertinente, n'introduisent pas de perturbation majeure dans l'approche industrialisée globale.

Revolut – 50M Customers

Or la partie risque d'être plus difficile à jouer avec le crédit hypothécaire, annoncé d'abord pour la Lituanie avant d'arriver en Irlande et en France dans le courant de 2025. En effet, voilà un concept qui prend des aspects différents selon les cultures : Revolut parviendra-t-elle à en développer une version homogène, quitte à en décliner la présentation pour des habitudes distinctes ? Dans l'affirmative, indépendamment de sa promesse usuelle de parcours accéléré et simplifié, elle sera en bonne position pour démontrer la valeur générique de sa stratégie de massification internationale.

La réussite d'un pari aussi ambitieux serait une mauvaise nouvelle pour l'industrie historique, qui, malgré ses institutions géantes, est résolument incapable, en l'état, d'envisager ses activités à une telle échelle de rationalisation et est, pour commencer, handicapée par un passif éclaté, notamment de processus et de technologie, dont elle ne sait se débarrasser. Il convient cependant de noter au passage comment en une décennie la menace de Revolut a muté du trublion qui se vantait (et se vante toujours) de « faciliter l'argent » en une banque complète aux allures de machine de guerre.

samedi 23 novembre 2024

Un crédit basé sur les revenus prêt à intégrer

Softloans
Distinguée par Mastercard à l'issue de la session automnale de son programme d'accompagnement de startups Lighthouse Finitiv, la lituanienne Softloans propose aux établissements de monnaie électronique, plates-formes d'e-commerce et autres fournisseurs des entreprises d'intégrer son service de crédit basé sur les revenus.

Ce modèle de financement est relativement ancien. Le demandeur est d'abord invité à partager l'accès aux plates-formes dont les données reflètent son niveau et son profil d'activité (Stripe, Shopify, Google Analytics…). Celles-ci sont ensuite analysées dans le but d'évaluer sa solvabilité et sa fiabilité. Si le résultat est jugé satisfaisant, il obtient le prêt sollicité, à coût fixe (entre 6 et 12% du capital) et sans intérêt, qu'il rembourse par une ponction automatique d'une fraction prédéterminée de ses ventes.

Tel est donc le mécanisme que Softloans distribue aux structures qui désirent le mettre à la disposition de leurs propres clients. Elle leur fournit pour ce faire deux options : soit le passage par un lien web qui renvoie l'emprunteur vers son site, soit par API, pour une expérience utilisateur plus transparente mais qui requiert un petit effort supplémentaire de mise en œuvre. Le cas échéant, l'intermédiaire peut transmettre directement les données qu'il détient afin d'accélérer et faciliter le processus de qualification.

Plus généralement, le maximum est fait afin de réduire les frictions dans le parcours. Par exemple, les dossiers provenant d'un établissement de monnaie électronique sont exemptés des exigences (réglementaires) de connaissance du client et de lutte contre le blanchiment, puisqu'elles doivent avoir été prises en charge par le prestataire.

Accueil Softloans

Les bénéfices pour les partenaires de Softloans sont multiples. Outre la possibilité offerte à des acteurs qui n'en possèdent pas eux-mêmes les moyens d'aligner leurs services complémentaires sur ceux des mastodontes (dans le domaine de l'e-commerce, Amazon, entre autres), le financement des clients constitue un facteur de stimulation des ventes évident et reconnu. Par ailleurs, dans une logique d'apporteur d'affaire, chaque prêt octroyé est rémunéré, via un pourcentage des frais encaissés.

La solution de Softloans représente un pas de plus pour les services financiers enfouis, qui s'étendent rapidement au-delà du seul périmètre (historique) des paiements. Simultanément, son déploiement et son adoption précoce par une poignée de plates-formes paneuropéennes mettent une nouvelle fois en lumière l'absence quasi-totale des banques traditionnelles sur ce terrain, surtout dans les incarnations à l'intention des petites entreprises, qui restent décidément mal aimées par l'industrie.

vendredi 22 novembre 2024

Lloyds introduit la recherche d'aides publiques

Lloyds Bank
Huit millions de foyers britanniques passeraient à côté de 23 milliards de livres sterling d'allocations et autres aides publiques auxquelles ils sont éligibles. Voilà pourquoi Lloyds Bank introduit un calculateur de prestations au sein de son application mobile, particulièrement bienvenu en cette période de tensions sur le coût de la vie.

Le principe est simple. Le client est invité, dans un premier temps, à répondre à six questions basiques – sur les revenus et la composition de sa famille, ses conditions de logement… – et il obtient en quelques secondes une estimation grossière des prestations correspondant à sa situation. S'il souhaite poursuivre, il devra fournir des détails supplémentaires – ce qui ne prendra que cinq minutes – afin d'affiner les résultats, accompagnés d'une description précise des démarches à engager.

Le service rappelle évidemment celui qu'a mis en place CommBank il y a maintenant cinq ans, dont il ne retient malheureusement pas une caractéristique essentielle : la recherche spontanée et automatique, via une analyse des informations détenues par la banque, notamment les transactions sur les comptes. Le simple fait que les clients de Lloyds soient contraints de prendre l'initiative et de compléter un formulaire pour l'essentiel inutile, au moins sur l'étape préliminaire, limite la portée de la démarche.

Lloyds Benefit Calculator

Ce rapprochement entre deux projets lointains, autant dans le temps que dans l'espace, me procure une occasion de m'attarder sur un principe d'innovation qui a décidément beaucoup de mal à s'imposer dans le secteur financier (à moins que ce ne soit un défaut des grands groupes en général) : la réplication-adaptation des idées existantes, surtout quand elles ont fait leurs preuves. Elle constitue pourtant une option idéale pour minimiser les tâtonnements, les risques et, par voie de conséquence, les coûts.

En l'occurrence, Lloyds donne l'impression d'avoir ignoré les antécédents lors de la préparation et la mise en œuvre de son dispositif – dont au moins un ayant donc bénéficié d'une couverture médiatique significative – ou, a minima, d'en avoir écarté une composante dont l'importance se reflète directement dans le succès rencontré par CommBank, tel que mesuré d'abord par son nombre d'utilisateurs effectifs, puis par les montants d'aides que ces derniers ont collectés grâce à lui.

Mais, en prenant du recul, je m'interroge aussi sur la très faible diffusion des innovations dans l'univers de la finance. Je ne parle pas des grandes tendances (IA ?) qui attirent l'attention de tous les responsables mais ne débouchent que rarement sur des réalisations concrètes. Je pense plutôt aux améliorations d'expérience client, aux petits services utiles… qui émergent régulièrement dans les banques et dans les startups et sont relativement simples à imiter une fois qu'ils ont fait leurs preuves. Pourquoi les meilleurs d'entre eux ne sont-ils pas massivement reproduits ?

jeudi 21 novembre 2024

ING démocratise le score de crédit

ING
ING n'est évidemment pas la première institution à exploiter les données de « banque ouverte » dans le but d'évaluer la fiabilité d'un particulier ou d'une entreprise, par exemple avant de lui octroyer un prêt. En revanche, elle se distingue en mettant cette fonction au service de ses clients désireux de vérifier l'intégrité d'un partenaire.

Présenté comme une méthode de calcul alternative du score de crédit, CheckAhead est donc proposé aux établissements de crédit en tout genre, aux assureurs… mais aussi à tous les fournisseurs de produits ou de services aux entreprises qui, sans être formellement des acteurs du financement, accordent fréquemment des délais ou facilités de paiement à leurs clients, plus ou moins généreux, et s'exposent de la sorte à un risque de défaillance, voire de comportement délinquant.

Son principe de fonctionnement, à base d'interfaces « open banking », s'avère classique. L'utilisateur enregistre une requête pour la société qu'il désigne et il reçoit en retour un lien qu'il n'a plus qu'à partager avec son interlocuteur dans la dite structure. Ce dernier est alors dirigé vers le portail dédié, sur lequel il va autoriser un accès à ses comptes bancaires, quels qu'en soient les teneurs, afin de déclencher l'analyse de la situation financière et le calcul du score, qui seront partagés avec le demandeur.

Pour ses souscripteurs, CheckAhead est disponible sous la forme d'un portail interactif, plutôt pour des usages ponctuels, mais également à travers une API, pour les firmes plus consommatrices qui souhaitent intégrer ses capacités au cœur de leurs processus. Autre détail notable, outre la note (sur 100) qu'ils attribuent à la cible désignée, les algorithmes mis en œuvre sont aussi capables de suggérer une période optimale pour solliciter un règlement, en fonction des évolutions de trésorerie prédites.

ING CheckAhead

Les bénéfices du dispositif portent, comme toujours, sur l'efficacité opérationnelle – à travers le remplacement d'une collecte manuelle de données et de justificatifs par une interaction numérique largement automatisée – et la qualité de l'information recueillie – grâce à l'accès aux relevés bancaires en temps réel, par opposition à des documents officiels souvent datés de plusieurs mois et facilement falsifiables. Concrètement, les premiers adeptes évoqueraient un gain de 20% sur le nombre de transactions conclues en raison du surcroît de confiance que leur procure l'outil.

CheckAhead est pour l'instant distribué uniquement aux Pays-Bas mais, dans le sillage d'études de marché et autres expériences pilotes en cours, son extension dans les autres pays de présence d'ING sur le segment professionnel – notamment l'Allemagne, la Belgique et la Roumanie – est d'ores et déjà planifiée pour l'année prochaine.

Avec cette initiative, ING s'engage dans une voie nouvelle, en général et par rapport à son statut de banque. S'il existe aujourd'hui des solutions similaires (par exemple celle d'Algoan en France), la plupart émanent de startups et s'adressent au secteur financier. Or ce dernier est restreint, par essence et encore plus pour l'enseigne orange qui y occupe une position de concurrente. Elle résout élégamment ce dilemme avec une approche innovante, utile pour ses clients et où sa légitimité est incontestable.

mercredi 20 novembre 2024

Sumeria ouvre un café

Sumeria
Le principe en avait été annoncé lors du lancement de la néo-banque de Lydia, c'est maintenant une réalité : le premier Café Sumeria a officiellement ouvert ses portes dans le onzième arrondissement de Paris. Il ne s'agit évidemment pas de créer une agence mais plutôt de proposer un espace favorisant la proximité avec les clients.

L'initiative en rappelle d'autres, plus ou moins anciennes, et l'équipe de la jeune pousse ne manque pas de préciser qu'elle s'est directement inspirée de celle de Capital One, aux États-Unis. Pour ma part, je pense plutôt aux Cafés ING (dont celui de Paris, inauguré dès 2005), fermés en 2016 en préambule, en quelque sorte, à la décision du groupe de se retirer de l'hexagone. Contrairement aux projets des acteurs traditionnels, celui-là avait aussi l'ambition de renforcer la relation avec les consommateurs.

Le même dilemme a depuis ses origines préoccupé les promoteurs de la banque à distance : les outils internet et mobiles répondent parfaitement aux besoins financiers d'une proportion de plus en plus large de la population… mais la confiance, tellement critique pour les métiers en rapport avec l'argent, est souvent difficile à instaurer en l'absence de contact en face à face. Il était particulièrement pressant au temps des pionniers (dont ING en France) mais il reste largement d'actualité en 2024.

La solution retenue par Sumeria consiste donc, comme pour ses prédécesseurs, à ouvrir un lieu convivial, public (il accueille les clients et les non clients), dans lequel les riverains peuvent se rendre seulement pour déguster un café et un cookie et où les adeptes de son offre ont en outre la possibilité d'interagir librement avec des conseillers, non pas pour l'exécution de transactions, mais afin d'être accompagnés dans l'utilisation de leur application, dans la meilleure manière de gérer un budget…

Café Sumeria

La néo-banque profite de cette installation pour s'investir dans l'éducation financière… et pas uniquement à travers son équipe permanente. Occasionnellement, le café deviendra, en fin de journée, le théâtre d'ateliers pédagogiques abordant des thématiques du quotidien, tandis que des livres spécialisés seront mis à disposition gracieusement aux visiteurs, pour consultation sur place, voire pour emprunt.

Dans un autre registre, un clin d'œil est adressé aux artisans et artistes des environs, recrutés pour l'aménagement. Dans une réminiscence du modèle déployé par Umpqua Bank il y a des années, la logique pourrait aisément être prolongée vers l'intégration dans le tissu local, en réservant une partie de la surface à des expositions temporaires, des boutiques éphémères… toujours dans un esprit de rapprochement humain.

Au vu de l'ampleur du projet et de l'engagement qu'il requiert, le Café Sumeria est conçu, à ce stade, comme une expérimentation. Si ses résultats sont jugés concluants, c'est-à-dire, j'imagine, si la fréquentation est suffisamment soutenue, il est prévu d'en ouvrir d'autres, de manière à toucher un maximum de clients (et de prospects).

Le pari est certes ambitieux, et mérite donc cette prudence, mais il pourrait représenter un avantage concurrentiel par rapport aux néo-banques existantes, au moins pour toutes les personnes qui aiment savoir qu'elles peuvent rencontrer un interlocuteur en cas de besoin… ce qui constitue, en pratique, une des principales raisons pour lesquelles de nombreux consommateurs choisissent une enseigne historique.

mardi 19 novembre 2024

Eloa facilite le montage des dossiers de crédit

Eloa
En recherche perpétuelle de simplification des parcours de demande de crédit, Eloa intègre dorénavant dans sa plate-forme consacrée au financement des entreprises le service de Pappers, grâce auquel elle permet à ses clients (courtiers) de collecter instantanément les données et justificatifs requis pour compléter leurs dossiers.

La nouvelle fonction, disponible directement depuis l'interface de la solution « eCrédits Professionnels » d'Eloa, procure un accès automatique aux informations légales, juridiques et financières – données sociales, dirigeants et représentants, comptes annuels…, toutes issues de sources publiques ouvertes – de plus de 22 millions de structures référencées dans l'hexagone, auxquelles il ne sera donc plus nécessaire de réclamer les divers justificatifs habituellement exigés pour la moindre opération.

Le premier bénéfice de cet ajout réside évidemment dans son impact positif sur les processus de crédit, autant pour le bénéficiaire, qui n'a plus à se soucier de rassembler une myriade de documents avant d'entamer ses démarches, que pour l'intermédiaire, qui n'a plus besoin de multiplier les relances pour obtenir les pièces qui manquent régulièrement à l'appel. Et, outre l'accélération rendue possible de la sorte, la fiabilité incontestable des données recueillies constitue un autre facteur d'optimisation.

Eloa x Pappers

Dans notre monde contemporain ultra-connecté, l'approche d'Eloa ne devrait pas être perçue comme innovante : elle devrait être la norme de l'industrie. Comment une banque peut-elle encore justifier en 2024 d'imposer à un client – parfois de manière répétée (pour différents produits, pour contrôle annuel…) – de lui fournir, par exemple, le fameux extrait K-Bis (le certificat d'enregistrement d'une société) alors que celui-ci peut-être téléchargé en un clic ? Ces méthodes archaïques sont autant des cimetières de productivité que les signes d'un manque de respect pour le client.

Le sujet devient d'autant plus pressant qu'émergent maintenant des solutions d'identité « digitale » (celle de l'Union Européenne, notamment, inclura les entreprises dans son périmètre), qui ont vocation, à terme, à consolider sous un standard global toutes les informations potentiellement utiles aux actes du quotidien. Les institutions financières qui ne sont pas prêtes à exploiter leurs possibilités – voire qui n'en discernent pas dès aujourd'hui l'opportunité – risquent d'être distanciées par leurs concurrentes, à la fois sur le plan de l'efficacité opérationnelle et sur celui de l'expérience utilisateur.

lundi 18 novembre 2024

Scoop : le cloud n'est pas une solution magique !

Capgemini
Consternation dans les institutions financières : selon le rapport mondial de l'infonuagique élaboré par l'institut de recherche de Capgemini, les bénéfices attendus du « cloud » ne sont pas au rendez-vous pour 6 responsables sur 10. Mais leurs espoirs étaient-ils bien placés ? Ou ont-ils cru à un mirage technologique de plus ?

Il suffit d'entrer dans le détail des facteurs de déception exprimés pour comprendre que ces questions sont légitimes. Parmi les objectifs non atteints figure ainsi la réduction des coûts informatiques – alors que l'efficacité opérationnelle constitue justement un des principaux enjeux des mises en œuvre. Mais on peut également en citer quelques autres : la capacité à absorber les pics de charge (la « scalabilité » en bon franglais), l'accélération de l'innovation, l'amélioration de la sécurité et de la conformité…

Ce sont en fait tous les sujets épineux du secteur qui sont énumérés de la sorte, avec l'illusion qu'ils devaient disparaître grâce aux vertus quasiment magiques de l'infonuagique (comme le promettent d'ailleurs bien des fournisseurs…). Malheureusement, comme souvent avec les technologies à la mode, leurs adeptes aveuglés par le marketing oublient une réalité triviale : les outils ne sont que cela, des outils, et ils n'ont pas le pouvoir de transformer le monde par eux-mêmes.

En l'occurrence, nous avons ici affaire à un cas d'école de la mauvaise appropriation – sauf dans les 12% d'établissements en pointe identifiés par Capgemini – d'un concept qui ne peut procurer ses bénéfices qu'à travers une approche extensive. L'étude souligne par exemple les difficultés d'intégration avec les systèmes (pré)historiques qui opèrent toujours le cœur stratégique de la plupart des banques et compagnies d'assurance. Elles coûtent très cher et limitent la portée des avantages du « cloud ».

Capgemini – World Cloud Report FS

Plus généralement, le besoin de prendre en compte le patrimoine existant, avec toute son hétérogénéité, représente un obstacle à l'industrialisation, préalable à l'optimisation. Il en est de même pour les habitudes des équipes informatiques : si les pratiques en vigueur n'évoluent pas, le changement d'infrastructure seul n'aura guère d'impact. Pour ne prendre qu'une illustration : combien d'applications sont capables aujourd'hui de supporter un ajustement automatique à une brusque variation des sollicitations ?

Il faudrait également aborder la question des processus, qui, dans une large mesure, restent manuels et sur lesquels aucun gain direct n'est donc envisageable. Apparemment, les dirigeants misent sur les robots d'automatisation (« RPA ») et sur l'intelligence artificielle pour résoudre ce problème. Ou comment pallier les déficiences de l'organisation face à une technologie survendue par l'introduction de technologies supplémentaires, elles-mêmes appréhendées comme des remèdes miracles !

Ceux qui veulent dégager la véritable valeur de l'infonuagique ne se contentent pas d'implémenter un produit ou une plate-forme, qui ne va qu'ajouter de la complexité et des coûts à un édifice déjà fragile. Ils prennent d'abord le temps de comprendre les conditions nécessaires à la réalisation de leurs ambitions et ils s'efforcent de les reproduire avant toute autre action. Nous parlons ici d'écosystèmes (le « cloud » est un univers et pas une planète isolée), de méthodes et d'usages, de gouvernance…

dimanche 17 novembre 2024

CommBank surveille les porte-monnaie digitaux

CommBank
La fraude, encore et toujours au sommet de l'actualité pour l'industrie bancaire. Cette fois, c'est l'australienne CommBank qui propose à ses clients une surveillance proactive de l'enregistrement de leurs comptes dans les porte-monnaie électroniques, alors que ces derniers deviennent de plus en plus populaires… et sources de problèmes.

Le pays compte aujourd'hui plus de 7 millions de ces « wallets » mobiles (Apple Pay, Google Pay, Samsung Pay…) et leur méthode de configuration constitue une aubaine pour les escrocs chevronnés en matière d'ingénierie sociale : il suffit d'extorquer quelques données à la victime – références de carte et informations d'identité, pour l'essentiel – pour instancier en un tournemain un moyen de paiement en son nom (et puisant dans ses réserves) utilisable immédiatement sans autre obstacle.

Bien sûr, depuis toujours, CommBank alerte ses clients dès qu'un nouveau porte-monnaie virtuel est connecté à un de leurs comptes. Mais cette précaution n'est pas suffisante car un criminel un peu futé saura rassurer sa cible afin d'éviter qu'elle n'intervienne. La banque a donc installé une fonction supplémentaire inédite au sein de son application mobile, qui fournit la liste de toutes les intégrations connues, avec quelques détails utiles, tels que l'appareil concerné et la date de son association.

CommBank Anti-Scam

Un peu à la manière des inventaires des bénéficiaires (de virements), des mandats de prélèvement, voire, dans quelques établissements en pointe, des sites marchands où les coordonnées de carte sont conservées, cette option permet à chacun de surveiller en permanence l'exploitation de son compte… et, naturellement, de prendre des mesures en cas de suspicion (mais aussi sur les configurations obsolètes, incidemment). En effet, il est possible de supprimer une entrée indésirable d'un seul geste.

Si toutes les initiatives visant à améliorer la sécurité sont bienvenues dans l'univers de la finance, celle-ci a, comme beaucoup d'autres, le défaut d'être passive, ce qui limite nécessairement son impact potentiel : c'est au consommateur de s'inquiéter et d'agir, spontanément, en vue de détecter et stopper une fraude. À tout le moins, espérons que des suggestions personnalisées de contrôle seront émises, pour rappel, par exemple à l'occasion des premières utilisations d'un « wallet » qui vient juste d'être paramétré.

La démarche de CommBank souligne également à quel point la multiplication des outils disponibles, notamment numériques, augmente la surface d'exposition aux risques. Or la mise en place d'une réponse distincte et plus ou moins isolée pour chaque source potentielle induit une confusion qui nuit à son efficacité propre et à celle de l'ensemble. Il faudrait peut-être que les banques commencent à envisager une approche à 360° de la protection contre la fraude, cohérente et facile à appréhender par leurs clients.

samedi 16 novembre 2024

Mastercard veut éradiquer les numéros de carte

Mastercard
Le projet de Mastercard de faire disparaître d'ici à la fin de la décennie le modèle de paiement du commerce en ligne en vigueur depuis sa naissance est à la fois réaliste, les techniques à mettre en œuvre étant éprouvées, et radicalement ambitieux, par l'ampleur des transformations qu'il implique dans un univers plutôt conservateur.

L'objectif visé n'est lui-même pas très original, puisqu'il ressort de deux constats presque aussi anciens que l'internet marchand. Il s'agit d'une part de lutter contre la fraude, sept fois plus élevée en moyenne que pour les opérations en face à face, en raison notamment de la facilité avec laquelle les informations de carte peuvent être détournées. D'autre part, l'expérience utilisateur, avec ses saisies fastidieuses, laisse toujours à désirer et engendre des taux d'abandon de panier anormalement élevés.

La réponse que propose Mastercard à ces deux handicaps n'étonnera guère, puisqu'elle correspond à ce à quoi nous a désormais habitués Apple Pay. Elle combine trois volets complémentaires, qui participent aux deux dimensions du défi à relever, de sécurité et de convivialité : la « tokénisation » qui remplace les données statiques par un jeton unique pour chaque transaction, le paiement en un clic (sans mots de passe, remplacés par une approche de « passkey ») et l'authentification biométrique. Bien sûr, chacun de ces composants est déjà exploité et maîtrisé, parfois depuis des années.

Mastercard Vision

En revanche, ce qui rend la promesse optimiste est l'espoir de leur généralisation simultanée en 2030, jusqu'à imaginer que, à cette échéance, les cartes physiques qui seront distribuées ne possèderont plus de numéro (il n'est pas seulement question d'en supprimer l'impression mais de l'éliminer totalement). Naturellement, avant d'envisager une telle rupture, il faudra que les commerçants aient tous implémenté le nouveau système… et que leurs clients aient tous adopté les comportements associés.

Pour les premiers, le surcroît de protection contre les malversations et de simplicité d'usage constituera un argument séduisant, qui pourrait même prendre une tournure coercitive si les émetteurs décident de pénaliser ceux qui rechigneraient à abandonner les anciens mécanismes, devenus trop fragiles. Pour les seconds, le changement de leurs habitudes, avec un recours obligatoire à un contrôle biométrique potentiellement perçu comme intrusif, sera peut-être plus difficile à faire accepter.

Dans une large mesure, Mastercard pose avec cette initiative un jalon important pour l'abandon du support matériel pour les paiements, qui n'a, en tout état de cause, jamais été qu'une incongruité dans l'histoire de l'e-commerce. Il faudra probablement quelques années supplémentaires pour que la carte cède la place aux porte-monnaie virtuels dans les magasins de proximité, mais la tendance paraît aujourd'hui inéluctable et l'enjeu sous-jacent est évidemment vital pour les réseaux historiques.

vendredi 15 novembre 2024

Daisy, une autre arme anti-fraude

O2
Les opérateurs de télécommunication subissent actuellement la pression des institutions financières, en particulier au Royaume-Uni, qui exigent qu'ils prennent leur part de responsabilité dans la compensation des fraudes qui passent par leurs réseaux. O2 répond avec une solution qui ne résoudra certainement pas le problème mais contribue à la sensibilisation des consommateurs… avec le sourire.

Bien que des progrès soient accomplis ces derniers temps dans la lutte contre l'usurpation des numéros de téléphones – qui conduit régulièrement des personnes à croire de bonne foi qu'elles ont affaire à leur conseiller bancaire alors qu'elles dialoguent avec un escroc –, les principales initiatives engagées par l'industrie afin d'assurer la protection de leurs clients (et de leur argent) sont des campagnes de communication. Celle d'O2 ne déroge pas à la règle… mais y ajoute un peu de piment.

Le dispositif prend ainsi les « traits » de Daisy, une grand-mère virtuelle pilotée par intelligence artificielle, qui se présente comme le pire cauchemar des cybercriminels. Quand le numéro de téléphone de l'un d'eux lui est signalé, elle se charge en effet de jouer le rôle d'une victime parfaite, un peu naïve et ignorante, cherchant à faire perdre le maximum de temps (et de santé mentale, potentiellement) à ses interlocuteurs… qui, pendant ces conversations, n'exercent pas leurs méfaits sur des cibles réelles.

O2 Daisy

Dans les faits, l'impact direct de la démarche sur la montagne de malversations en cours à chaque instant sera évidemment limité, mais ce n'est pas l'objectif prioritaire visé par O2. À travers cette opération, il s'agit avant tout d'éduquer les consommateurs aux risques permanents auxquels ils sont exposés et l'approche originale retenue est spécialement conçue pour décupler la portée de cette ambition pédagogique.

Tout d'abord, l'appel à la participation des citoyens constitue un ingrédient important du dispositif. En demandant à tous de transmettre les références des appels suspects (dont il faut espérer qu'ils soient soigneusement analysés avant toute mesure de rétorsion), l'entreprise fait résonner une fibre vengeresse, déléguée à Daisy, auprès de la foule de ceux qui ont – ou dont un proche a – subi une attaque et aimeraient riposter.

Ensuite, les extraits des interactions de Daisy avec des escrocs, notamment dans la vidéo ci-dessous, qui devrait être complétée au fur et à mesure de ses exploits (en tous cas, espérons-le), offre à la fois une perspective humoristique et divertissante sur son talent à exaspérer ses correspondants (parfois jusqu'à 40 minutes d'affilée) et des enseignements concrets sur les méthodes employées pour tromper les victimes.

Bien sûr, tout le monde préfèrerait disposer de moyens d'éradiquer la fraude, mais, à défaut, la technique déployée par O2 permettra peut-être à quelques britanniques d'éviter le pire. Voilà au moins un usage bénéfique et sans danger de l'IA 😎

jeudi 14 novembre 2024

PayPal propose des cagnottes partagées

PayPal
Que PayPal lance un service de cagnotte partagée, après une première tentative ratée et abandonnée il y a quelques années, ne constitue évidemment pas une révolution. Pourtant, sa déclinaison d'un service disponible par ailleurs depuis longtemps (par exemple avec Leetchi, en France) présente tout de même un avantage spécifique.

Passons sur les prétentions ridicules de l'entreprise à une véritable innovation, puisque son fonctionnement reprend très précisément les standards en la matière, fixés depuis au moins 15 ans. Que vous souhaitiez rassembler une somme pour offrir un cadeau en commun, organiser un voyage en groupe ou toute autre dépense partagée (les achats de billets de spectacle représentent un autre cas d'usage populaire), PayPal vous propose donc la nouvelle option « Pool » disponible dans ses applications web et mobile (uniquement aux États-Unis, en Espagne, Italie et Allemagne, à ce stade).

En tant qu'organisateur, vous spécifiez un titre, une description, une date limite et un montant cible (facultatif), à partir desquels est créé un compte dédié. Vous transmettez ensuite l'invitation à contribuer à vos contacts par tout moyen à votre convenance : courriel, SMS, messagerie sociale… Vos correspondants reçoivent alors un lien qui leur permet de verser leur écot avec l'instrument de leur choix. Une fois l'échéance atteinte, les fonds collectés peuvent être portés sur votre réserve PayPal et soit être utilisés directement pour un achat, soit être virés vers un compte bancaire lié à votre profil.

PayPal Pools

Outre la gratuité du service – plus ou moins obligatoire pour un entrant tardif sur un marché plutôt encombré – et la possibilité de régler directement avec la cagnotte auprès d'une large palette de commerçants sans passer par une étape de retrait, le principal critère de différenciation de ces « Pools » sera peut-être leur caractère naturellement international, supporté par les capacités multi-devises natives de PayPal. Mais, pour l'essentiel, il s'agit du simple rattrapage d'un retard inexplicable.

Après tout, la jeune pousse est née au siècle dernier avec une vision qui incluait déjà les paiements entre particuliers. Les circonstances dans lesquels plusieurs personnes mettent leur argent en commun sont suffisamment fréquentes pour que le besoin de solution ad hoc soit pris en considération de longue date… Malheureusement, il s'agit d'une de ces fonctions que la plupart des acteurs rechignent à implémenter, faute, notamment, de modèle économique attractif (pénalisant aussi les spécialistes).

Et le désintérêt généralisé pour ce genre de capacités conduit également à une réponse partielle aux attentes fondamentales des consommateurs. En effet, entre les deux options existantes – la cagnotte en amont et le partage des dépenses a posteriori –, on peut imaginer, pour certains cas (au-delà des alternatives aux compte joints sur lesquelles quelques initiatives ont émergé), un système intermédiaire autorisant un paiement réparti en temps réel entre les différents membres du groupe.

mercredi 13 novembre 2024

Clés pour la collaboration banque-FinTech

Up
Aujourd'hui, dans la plupart des institutions financières, les stratégies d'innovation s'appuient sur de jeunes de pousses – notamment issues du prolifique écosystème de la FinTech. Malheureusement, ces collaborations ne produisent pas toujours les résultats escomptés. Un exemple australien nous procure trois idées permettant d'éviter le pire.

Entre la prolifération de petits acteurs agiles qui ciblent les problématiques les plus sensibles du secteur avec une agilité incomparable et l'envie qui se répand dans les grands groupes de réduire les coûts et les risques de leurs initiatives internes (aux taux de succès souvent médiocres, incidemment), le choix de recourir à des compétences externalisées pour le développement de nouveaux produits, de nouveaux modèles d'affaires… n'est peut-être pas optimal mais il est facilement compréhensible.

L'exercice n'est cependant pas sans danger. Certes, la flexibilité d'une petite structure accoutumée à avancer très vite autorise des cycles d'expérimentation rapides susceptibles d'aboutir à une solution opérationnelle en temps record. En revanche, si elle est en permanence confrontée aux lourdeurs de l'entreprise qui la sollicite, elle perdra son avantage. D'autre part, quand l'accélération se fait – ou semble se faire – au prix de la sécurité ou de la conformité réglementaire, la recette ne fonctionnera pas.

Lorsque la Bendigo and Adelaide Bank, établissement de taille moyenne à la réputation d'excellence pour son service client, a élaboré, à partir de 2016, un projet de création d'une banque « digitale » pour les jeunes adultes, Up, elle a été confrontée à ces dilemmes. Elle s'est finalement lancée avec un partenaire technologique local dont elle souhaitait exploiter l'expertise en matière d'expérience utilisateur et de design, entre autres. Trois grands principes d'organisation constituent les clés de sa réussite.

Up Home

Tout d'abord, le seul moyen d'éviter les frictions entre deux cultures opposées – celle d'une firme importante et celle d'une PME, l'une régie par des procédures rigides et l'autre fondée sur la réactivité – consiste à assembler une équipe composite pour le projet, prenant alors quasiment la forme d'une startup autonome. Ce dernier point implique (naturellement) une délégation du pouvoir de décision à ses membres, avec un accès direct aux plus hautes instances dirigeantes de la banque.

En complément, la gestion du risque doit être implémentée d'emblée dans les processus. Il s'agit en premier lieu de préciser les limites du cadre initial, à travers un jeu de garde-fous spécifiques prédéfinis (par exemple autour des modalités d'intégration avec les systèmes existants). Mais ce sont également des exigences particulières – autant sur des critères réglementaires que d'architecture informatique ou autres – qui sont introduites au tout début des réflexions sur chaque fonction à ajouter.

Enfin, la confiance est un facteur central pour le bon déroulement des opérations, ne serait-ce qu'en raison de l'indépendance accordée dans l'ensemble de la démarche. Il n'est donc pas souhaitable de s'embarquer dans une aventure ambitieuse avec un fournisseur inconnu (retenu à la suite d'un appel d'offres ouvert ?). Mieux vaut commencer par apprendre à se connaître, à l'occasion de chantiers relativement modestes, et s'assurer ainsi de la capacité mutuelle à travailler ensemble.

En synthèse et en généralisant, pour une innovation performante dans le secteur financier, il faut une équipe de confiance disposant d'une large autonomie et encadrée par des mécanismes formels (et intégrés) de contrôle des risques. Encore une fois, rien de révolutionnaire dans ces conseils, mais ils méritent d'être toujours rappelés !

lundi 11 novembre 2024

Les banques devront innover en 2025

Forrester
Pour le cabinet Forrester, la situation dégradée que connaissent actuellement les banques, dans l'ensemble des pays occidentaux, leur impose de se tourner vers l'innovation. Cependant, outre que les dirigeants sont peu enclins à investir, les pistes envisagées paraissent trop limitées pour espérer renverser sérieusement la tendance.

Deux observations engendrent un certain pessimisme pour le secteur. D'une part, les niveaux de profitabilité sont en baisse et l'horizon ne laisse pas entrevoir d'éclaircie à moyen terme sur ce plan. D'autre part, les évaluations de qualité de l'expérience utilisateur sont en berne en 2024, un peu partout dans le monde, et ce facteur ne doit pas être négligé car il exerce un profond impact sur le premier : les clients insatisfaits ne sont guère désireux de développer la relation avec leur teneur de compte.

La seule réponse possible face au marasme qui risque de se prolonger consisterait donc à relancer l'innovation, dont j'ai eu maintes fois l'occasion de souligner combien elle ne figurait plus dans les priorités des institutions financières depuis deux ou trois ans. Les analystes de Forrester estiment en outre qu'il serait indispensable de la renforcer sur deux fronts complémentaires, à la fois autour des produits et, naturellement (à la lumière des constats dressés précédemment) en matière d'expérience client.

Malheureusement, leurs prédictions pour l'année à venir n'encourageront pas l'euphorie. Sur le premier volet, par exemple, la seule avancée importante qu'ils signalent porte sur le concept de « save now, buy later », à savoir la mise en place d'incitations à épargner pour un projet futur, soutenues par une solution opérationnelle. Sorte de réaction aux emballements du « buy now, pay later » (le paiement différé), il est certes bénéfique autant pour le bien-être financier des consommateurs que pour la consolidation des dépôts dans les banques… mais il relève plus ou moins de l'anecdote.

Forrester Predictions 2025

Dans le second registre, la principale nouveauté devrait se résumer à l'émergence d'une approche réellement convaincante des interfaces conversationnelles « digitales », qui seraient rendues possibles par les progrès de l'intelligence artificielle. Je ne réitérerai pas ici mon scepticisme sur ce dernier point, mais je crains surtout que ces assistants virtuels ne soient surtout – exclusivement ? – mis au service de la banque transactionnelle et non, ce qui constituerait un tournant majeur, du conseil personnalisé, pour lequel les incertitudes et les risques induits étouffent les ambitions.

Il reste enfin une dernière proposition dans l'exercice d'anticipation de Forrester : la normalisation dans l'industrie des traitements en temps réel, notamment dans les domaines des paiements, des transferts internationaux, de la banque ouverte, de la gestion de la fraude… Bien sûr, le sujet est brûlant, parce qu'il représente un préalable essentiel à toute innovation (et aussi parce qu'il correspond à une attente latente des clients)… mais je serais surpris qu'il parvienne à s'imposer à brève échéance.

Il ne fait absolument aucun doute dans mon esprit que le meilleur moyen pour le secteur financier de reprendre des couleurs réside dans l'innovation. Mais les décideurs eux-mêmes en sont-ils convaincus ? Pour l'instant, ils semblent plutôt s'accrocher à leurs stratégies de réduction des coûts, saupoudrées de quelques initiatives sans lendemain et sans grande valeur dans lesquelles l'IA est brandie en accessoire de communication et non en catalyseur de changement et de meilleur service à la clientèle.

dimanche 10 novembre 2024

À propos de productivité dans l'informatique

McKinsey
Alors que les grandes banques se trouvent aujourd'hui dans une énième vague de réduction des coûts, qui affecte particulièrement, comme toujours, leurs départements informatiques et, par ricochet, leur capacité d'innovation, McKinsey propose de réfléchir à une voie plus prometteuse… consistant à viser l'optimisation de leur productivité.

D'emblée, l'article souligne l'obstacle principal, à savoir que les instruments de mesure nécessaires n'existent pas, dans la plupart des institutions financières. En effet, le niveau de dépense des DSI est parfaitement connu – ce qui explique pourquoi il est ciblé dans les périodes de « rationalisation » – mais, malgré tous les discours traitant de retour sur investissement, celui-ci est considéré en amont des projets, en vue de les valider ou de les rejeter, mais il n'est jamais réellement évalué après déploiement.

Or les rares exemples d'établissements maîtrisant la rentabilité concrète de leur technologie démontrent la possibilité d'autres moyens de réaliser des économies, non pas en coupant des budgets à l'aveugle – puisque, une fois évacuées les fortunes affectées au maintien en condition opérationnelle des systèmes en place, nul ne sait ce qui dégage vraiment de la valeur faute d'indicateur approprié – mais en appliquant quelques recommandations propres à renforcer l'efficacité là ou elle compte.

La première d'entre elles est triviale mais totalement négligée, par méconnaissance de la réalité du terrain par les responsables. Il s'agit tout simplement de développer l'automatisation des tâches : bien que les prétentions soient élevées, il s'avère que les équipes perdent une énergie considérable à provisionner des environnements de travail, à réaliser la partie souvent importante des tests qui restent manuels, à installer les livraisons en production (ne serait-ce qu'en raison des circuits de décision)… Le temps passé à écrire du code est minime (inférieur à 50% du total en moyenne) !

Article McKinsey

Je ne m'attarderai pas sur la deuxième proposition de McKinsey, d'adopter des outils à base d'intelligence artificielle (générative) afin d'accélérer les projets. Entre la perte de vue de la priorité précédente qu'elle a toutes les chances d'entraîner et son incompatibilité (voire incohérence) avec la dernière préconisation (ci-après, sur l'expertise), elle relève selon moi du syndrome de la peur de rater quelque chose (FOMO en anglais) exacerbé par les cabinets de conseil, que j'ai déjà dénoncé par ailleurs.

La suggestion suivante est à nouveau de celles dont on devrait s'étonner qu'il faille encore la marteler, puisqu'elle correspond à un des piliers des méthodes agiles que les grands groupes se vantent d'avoir mises en œuvre… Pourtant, qui pratique l'intégration des contributeurs métier et informatiques (infrastructure comprise) au sein d'une équipe autonome, avec un objectif commun, simplifiant et rendant plus fluides les interactions, aboutissant ainsi à un résultat idéal dans les meilleurs délais ?

Enfin, le dernier volet concerne le recrutement, avec un constat qui risque de heurter les habitudes mais qui devient de plus en plus actuel avec l'évolution de l'outillage : il vaut mieux, pour le rendement, privilégier des profils de haut niveau, peu nombreux, que des armées de professionnels peu expérimentés, prestataires externes en tête. La difficulté est alors de parvenir à les séduire et de s'assurer leur fidélité, surtout quand des décennies de préférence pour les débutants bon marché ont fait disparaître le vivier de candidats potentiels (reconvertis en managers plus ou moins compétents).

En résumé, les recommandations de McKinsey ne présentent guère d'originalité… mais elles restent essentielles parce qu'elles ne sont pas appliquées dans l'immense majorité des banques, qui ne perçoivent encore leur département informatique que comme un centre de coûts, alors qu'il est désormais le moteur de leur activité.