À les écouter, les banques du monde entier auraient (en quelques mois) transformé entièrement leurs métiers grâce à l'intelligence artificielle. Mais qu'en est-il dans la réalité ? Examinons par exemple comment BBVA – une des plus innovantes (au moins jusqu'à récemment) – affirme aujourd'hui l'utiliser au service de ses clients.
Quand une entreprise, qui a, entre autres initiatives de pointe, mis en place une « usine d'IA » dès 2019, lève un coin de voile sur ses usages dans le domaine de la gestion de finances personnelles, on s'attend logiquement à ce qu'elle vante ses projets les plus ambitieux, lui procurant un net avantage concurrentiel et dont elle est particulièrement fière. Si tel est le cas (et sinon c'est à désespérer de sa communication officielle), il va falloir sérieusement réviser à la baisse les rêves de révolution.
La première application mentionnée concerne ainsi la catégorisation des transactions. Le problème est certes important car sans classification performante, point de suivi budgétaire digne de ce nom… et adieu toute velléité d'assistance contextuelle. Il est également sensible car les informations transmises lors d'un achat par carte (les plus fréquents) sont souvent incomplètes et/ou incohérentes. Mais la solution est essentiellement basée sur des associations de concepts – par exemple une marque et une typologie de commerce – et requiert peu d'intelligence pour être efficace.
Deuxième sujet de mise en œuvre, qui retient mon attention puisqu'il correspond à un de mes chevaux de bataille : l'adaptation des recommandations de santé financière selon la situation et les préférences de chacun. Hélas, le niveau de personnalisation implémenté s'arrête à une segmentation reposant sur des variables macroscopiques – telles que la capacité d'épargne ou l'existence d'une réserve de précaution – et semble pouvoir se contenter de classiques algorithmes d'analyse de données (dont j'ai d'ailleurs eu l'occasion par le passé d'expérimenter concrètement la faisabilité).
Toujours dans ce même registre, BBVA propose un petit détour sur les outils de traitement du langage naturel – une autre discipline qui n'est pas toute jeune – qu'exploitent ses équipes afin d'extraire la substantifique moelle des commentaires détaillés que les utilisateurs ont la possibilité de formuler sur les suggestions qui leur sont soumises. Elles détectent de la sorte rapidement et facilement les anomalies à corriger et autres ajustements susceptibles d'améliorer la qualité du système.
Le dernier axe considéré, enfin, reste dans la thématique de la santé financière et vise des approches prédictives. Anticipation des dépenses à venir (principalement les abonnements et autres frais récurrents), estimation de l'évolution future du solde de compte, identification (avec alerte) des opérations sortant de l'ordinaire… Ces déclinaisons sont sans conteste utiles et pratiques pour les consommateurs. Cependant, elles sont explicitement développées grâce à des modèles d'apprentissage automatique… de ceux qui sont maîtrisés depuis bientôt une décennie.
En synthèse (et en généralisant hardiment le cas de BBVA), à ce stade, pas d'IA générative, pas de nouveau produit ou service…, l'intelligence artificielle dans la banque se résume à des cas d'usage assez ordinaires (parfois triviaux) et sans originalité, mis en musique avec des technologies éprouvées, plus ou moins anciennes. Naturellement, la réticence à la prise de risque et l'impératif sous-jacent de préserver la confiance des clients (et donc d'éviter toute bévue) expliquent ces choix. Mais, dans ces conditions, est-il besoin de faire autant de tapage à propos d'intelligence artificielle ?
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