C'est pas mon idée !

jeudi 28 septembre 2023

Gringo, la super-app de l'automobiliste

Gringo
Alors que, via leurs démarches « beyond banking », les institutions financières sont de plus en plus nombreuses à tenter de prendre pied dans les parcours d'acquisition de véhicules, le développement, plus discret, des « super-apps » focalisées sur le quotidien de l'automobiliste – dont Gringo est le représentant brésilien (comme l'est Caura au Royaume-Uni depuis quelques années) – se poursuit.

Dans un premier temps, la solution de la startup a commencé sous les traits d'une sorte de tableau de bord agrégeant le suivi technique, notamment autour de l'entretien, et les démarches administratives, depuis le renouvellement du permis de conduire et de l'immatriculation jusqu'à l'acquittement des contraventions. Ces fonctions comprennent naturellement diverses capacités de paiement… qui, dans la pratique, constituent aussi en elles-mêmes des facteurs de différenciation pour le consommateur.

Concrètement, lors de chaque rappel d'une échéance, l'utilisateur se voit ainsi proposer pour y faire face une large palette d'instruments parmi les plus populaires du pays, entre carte de crédit et porte-monnaie mobile. Il peut même opter pour un fractionnement de sa dette sur plusieurs mois. Forte d'une ronde de financement additionnelle, de 30 millions de dollars, Gringo veut maintenant s'attaquer à la prochaine dimension de sa mission… qui la fera pénétrer encore un peu plus sur le terrain du secteur financier.

Sans surprise, il est d'abord question d'assurance… mais pas uniquement dans une logique, superficielle, d'inclure l'attestation au sein du logiciel. En effet, grâce aux informations accumulées sur la voiture et son propriétaire, le service se positionnera plutôt comme un assistant de recherche, mâtiné d'un comparateur, permettant de faire le meilleur choix au meilleur prix, en bénéficiant toujours de l'expérience fluide et transparente offerte par l'application. À quand l'intégration de la gestion de sinistre ?

Gringo, le meilleur ami de l'automobiliste

Dans un registre totalement différent, très spécifique au contexte brésilien du crédit (j'imagine), il devrait également devenir possible sous peu d'obtenir en quelques clics un prêt garanti par la valeur vénale du véhicule, dans une logique similaire de place de marché ouverte aux établissements bancaires du pays. Là encore, la connaissance précise des caractéristiques et de l'usage de l'objet mis en gage devrait autoriser une optimisation incomparable des conditions accordées aux emprunteurs.

À long terme, l'équipe fondatrice envisage finalement de déployer une plate-forme de vente d'occasion, activité extrêmement dynamique dans le pays (avec 10 millions de transactions par an sur un parc qui compte environ 75 millions de voitures particulières), à travers une approche de conseil opérationnel… toujours pilotée par les données.

La promesse de Gringo d'être le meilleur ami de l'automobiliste a déjà conquis 10 millions d'adeptes pour qui le simple fait de rassembler dans un seul et même espace toutes les tâches liées à leur voiture, en y ajoutant quelques facilités de mise en œuvre, représente un bénéfice tangible. Son extension ne fera que renforcer cette perception… dans laquelle les services financiers sont voués à devenir invisibles, comme toutes les sources des frictions qui encombrent l'existence du propriétaire de véhicule.

mercredi 27 septembre 2023

TD ouvre son outil d'accessibilité à tous

TD Bank
Comme, hélas, toutes les dimensions de la responsabilité sociétale et environnementale, l'accessibilité numérique – dont on espérerait, en vain, que, en 2023, elle ne soit plus une préoccupation – est fréquemment mise en avant dans la communication des grandes entreprises mais fait plus rarement l'objet d'actions concrètes. Celle de TD Bank mérite donc incontestablement d'être soulignée.

Faut-il encore une fois rappeler les faits ? Une partie importante de la population mondiale (un quart aux États-Unis et un cinquième au Canada, par exemple) souffre de handicaps, plus ou moins sévères, pour beaucoup d'entre eux invisibles, et souvent tus parce que perçus comme un risque de stigmatisation, voire de discrimination, qui limitent ou gênent la faculté à utiliser normalement les outils en ligne, pourtant désormais indispensables dans notre quotidien contemporain, autant dans la vie privée qu'au travail.

Idéalement, après plusieurs décennies de pratiques, les sites et applications devraient savoir s'adapter aux particularités de leur audience et permettre à chacun de profiter d'une expérience optimale. Dans certaines circonstances, il s'agit même d'une obligation réglementaire. Malheureusement, combien de fois rencontrons-nous des pages au design inapproprié et impossible à changer (le cas le plus répandu étant les palettes de couleurs sans contraste, dont une catégorie de professionnels semblent raffoler).

Chez TD Bank, le sujet a d'abord été, en quelque sorte, un enjeu d'efficacité opérationnelle : à la moindre incapacité, les employés penchés sur leur écran à longueur de journée, navigant sur des plates-formes préhistoriques, dont l'apparence est restée figée dans une autre époque, ou bien dans des progiciels, internes ou externes, dont il est immédiatement évident que les ressources consacrées à leur ergonomie ont été réduits au strict minimum, sont moins performants, plus enclins à commettre des erreurs…

Accessibilité TD

En réponse, la banque a développé un greffon pour navigateur web (Google Chrome) dont le rôle est d'optimiser les paramètres d'affichage des contenus afin de garantir leur lisibilité universelle. Simple à configurer, avec une suggestion de réglage type pour les principales affections (daltonisme, dyslexie, vision réduite…), il autorise aussi des ajustements fins sur tous les paramètres possibles… tout en assurant une compatibilité totale avec les technologies d'assistance tierces (telles que les loupes d'écran).

Déployé en test auprès d'une partie des effectifs au début de l'année, le module a été généralisé à l'ensemble de l'organisation (95 000 individus) en juin dernier. Dernière étape, à l'occasion du mois national de sensibilisation à l'emploi des personnes handicapées, il est publié sur la place de marché d'extensions de Google (où il apparaît que son principe est plutôt innovant) et tous les internautes de la planète peuvent donc maintenant bénéficier de ses services en vue de faciliter leurs usages du web.

Comme toujours avec la RSE, l'inclusion numérique n'est pas qu'une question d'image de marque, elle relève également du bon sens, y compris économique. La démarche de TD Bank fournit ainsi une occasion de rappeler combien l'intégration de l'accessibilité dès la conception des applications est critique (cf. aussi l'initiative de HSBC en la matière). Et pour le patrimoine existant, en attendant qu'il soit remis au niveau de l'état de l'art, la promotion de son outil constitue un premier pas éminemment recommandable.

mardi 26 septembre 2023

Usages originaux de l'IA pour la banque

XYB
Toutes les institutions financières de la planète se ruent sur l'intelligence artificielle générative et finissent généralement par en expérimenter les bénéfices sur les mêmes applications. Le champ est pourtant vaste et XYB, l'éditeur de plate-forme lancé par la néo-banque Monese au printemps dernier, propose quelques idées plus originales.

La principale force de cette génération d'IA tellement à la mode depuis l'ouverture de ChatGPT au grand public étant sa capacité à transformer l'exploration d'immenses réserves d'information en une expérience conversationnelle en langage naturel, la plupart de ses implémentations professionnelles consistent, jusqu'à maintenant, à déployer un assistant virtuel capable de répondre aux questions de ses interlocuteurs, employés ou clients, de manière plus ergonomique qu'un moteur de recherche classique.

Naturellement, dans le cadre de son intégration de la technologie d'IA fournie par Google Cloud, XYB inclut cette option – que je qualifierais de « super foire aux questions » – au sein de sa panoplie, mais elle n'y prend qu'une place anecdotique. Elle préfère mettre l'accent sur des scénarios très opérationnels, correspondant à des problématiques critiques que rencontrent ses clients – les banques, notamment – dans leur quotidien et sur lesquelles les opportunités d'optimisation paraissent extrêmement prometteuses.

Le premier s'inscrit dans le registre des investigations internes. Qu'il s'agisse pour l'entreprise de rechercher les causes de rejet d'un paiement ou d'analyser les motifs d'abandon dans un parcours de souscription, le chatbot intelligent est alors mis au service de l'examen approfondi, sous forme interactive, des données collectées et conservées par le système jusqu'à en extraire les enseignements nécessaires pour d'abord comprendre les phénomènes puis, éventuellement, apporter des corrections pertinentes.

XYB – Built for Banks

Le deuxième exemple, plus ambitieux, est également ancré dans un vécu des difficultés de fonctionnement d'une banque, à savoir le défi que représente pour les équipes de gestion des risques de prendre en main un outil de pilotage, qui plus est en évolution permanente, a priori destiné à les aider à concevoir, vérifier et mettre en œuvre les indispensables politiques de contrôle mais dont l'apprentissage et la maîtrise sont d'une incroyable complexité, au point, parfois, d'engendrer des erreurs dramatiques.

Dans ce contexte, l'intelligence artificielle est appelée à la rescousse pour interpréter les règles définies, et ainsi permettre à un opérateur d'en appréhender les mécanismes réels, ainsi que pour en créer de nouvelles grâce à une simple description en langue humaine, quitte à ce que leur traduction en instructions pour le logiciel soit (systématiquement) approuvée par une personne (en complément de l'environnement de bac à sable qui en autorise les tests en conditions réelles avant leur mise en production).

Au-delà des cas spécifiques, qui présentent déjà une valeur indéniable, ce que je retiens dans l'approche de XYB est sa prise de recul sur les usages possibles de l'intelligence artificielle générative. Au lieu de se contenter, comme tant d'autres, de réfléchir aux circonstances dans lesquelles un dialogue avec un robot pourrait être utile, elle se pose plutôt la (bonne) question : parmi les grandes frictions que je n'ai pas encore éliminées aujourd'hui, lesquelles pourraient trouver une solution grâce à cette technologie ?

lundi 25 septembre 2023

U.S. Bank croit à l'éducation financière

U.S. Bank
U.S. Bank profite de la rentrée pour revenir sur sa récente initiative d'éducation financière à l'intention des jeunes générations. Au printemps dernier, 30 000 participants à son programme de bourses ont expérimenté une application destinée à leur inculquer des notions de base. Son principe est désormais décliné dans une version publique.

N'espérez aucune surprise sur le fond et la forme du dispositif, puisque, sur ce volet, la banque s'en remet à un partenariat avec le spécialiste Zogo (comme quelques 200 de ses consœurs aux États-Unis). En son cœur, on retrouve son approche de micro-apprentissage, par modules courts et faciles à absorber (la librairie en compte aujourd'hui plus de 800, sur tous les domaines de la finance), assortie d'un soupçon de ludification afin de maintenir l'engagement des utilisateurs dans la durée.

En revanche, le contexte de son déploiement est plus original. En effet, depuis cette année, la solution devient une condition expresse pour espérer remporter une des bourses étudiantes qu'U.S. Bank mettait jusqu'à présent en jeu à travers une simple loterie. Les inscrits sont invités à suivre un maximum de cours pendant la durée du défi, le montant qu'ils sont susceptibles de remporter au tirage au sort final étant directement corrélé au nombre de modules terminés (jusqu'à 20 000 dollars pour 200 sessions).

L'objectif sous-jacent est trivial : encourager les jeunes, qui en ont le plus besoin car totalement démunis, à s'informer sur les mécanismes financiers qui les aideront à appréhender sereinement leur passage à l'âge adulte… à commencer par les risques qu'engendre le financement de leur scolarité. Dans cette perspective, la plate-forme de Zogo est idéale, grâce à sa conception parfaitement adaptée aux habitudes de consommation de contenus des accros de TikTok, WhatsApp, YouTube et consorts.

U.S. Ban – Financial Education

Au-delà de cette première aventure, qui ne touche que quelques milliers d'individus, U.S. Bank démultiplie maintenant sa portée avec une proposition similaire ouverte à tous, clients ou non clients, étudiants ou dans la vie active, avec l'ambition de contribuer au bien-être financier de la population. Les visiteurs y découvriront les modules de formation de Zogo, parmi lesquels ils choisiront ceux qui les intéressent le plus, ou bien se laisseront guider vers les thématiques les plus courantes pour entamer leur parcours.

À moins qu'ils ne préfèrent obtenir une orientation personnalisée. Dans ce cas, un petit questionnaire sur leur situation et leur comportement établit leur score de santé financière, selon les 4 axes traditionnels (dépenses, épargne, crédit, planification) et leur suggère alors, en fonction des postes dans lesquels ils semblent les moins compétents, quelques sujets à explorer en priorité au sein du catalogue mis à leur disposition.

Avec cette initiative, U.S. Bank se place en pointe parmi les grands groupes, alors que les lacunes d'éducation en matière d'argent soulèvent de graves questions de société, surtout dans la période actuelle de crise du pouvoir d'achat. Je rêve toutefois d'une extension qui la rendrait encore plus percutante, au moins pour les clients de la banque, en intégrant de manière contextuelle les petites leçons de finances personnelles au cœur de la gestion des comptes et en combinant en outre explications et recommandations proactives.

dimanche 24 septembre 2023

Westpac pense aux problèmes de ses clients

Westpac
La réapparition de l'inflation et les difficultés qu'elle entraîne dans la vie quotidienne de millions de consommateurs constituaient une excellente opportunité pour les banques de montrer qu'elles sont à leurs côtés aussi quand ils traversent une mauvaise passe. Hélas, bien rares sont celles qui l'ont saisie, faisant de Westpac une exception notable.

Alors que le véritable conseil a littéralement disparu des offres bancaires, laissant la place à la seule vente de produits, et que les individus se tournent désormais vers leurs proches, les réseaux sociaux et, bientôt, ChatGPT et ses amis, pour combler le vide ainsi laissé, la crise du pouvoir d'achat procurait au secteur une occasion de reprendre l'avantage, en montrant sa compréhension des besoins des clients et sa capacité à y répondre avec les technologies modernes qui sont désormais à sa disposition.

Dans une mesure certes encore modeste, c'est donc ce que fait Westpac avec le lancement de deux nouveaux outils de gestion des finances personnelles, complétant une panoplie existante bien étoffée… mais classique et notoirement insuffisante, comprenant catégorisation des opérations, suivi de l'évolution des charges en regard des revenus, poches d'épargne par projet, option de règlement fractionné à la demande…

En amont de la démarche, le constat est clair : une enquête auprès d'un échantillon d'australiens (et il est certain que les résultats seraient à peu près identiques dans la plupart des pays développés) révèle que, au cours des 12 derniers mois, 90% d'entre eux ont réduit leurs dépenses, 80% continuent à essayer de modérer leur train de vie, près de 2 sur 3 ont pris conscience de leurs excès d'achats superflus et… quasiment la moitié (47%) se sont mis à tenir un budget du ménage pour la première fois.

Westpac Money Management

Sur le premier volet, de la maîtrise des frais, Westpac déploie un mystérieux service de recherche de sources d'économies. Le principe, simple (malheureusement rien n'est précisé sur ses modalités concrètes de fonctionnement), consiste à aider l'utilisateur à repérer, à partir de son historique de transactions, les mauvaises petites habitudes qu'il pourrait peut-être sacrifier en période de vaches maigres. L'idée rappellera certains modules de pilotage des abonnements, ici généralisé à toutes les dépenses.

Second ajout, destiné à optimiser les velléités naissantes de gestion budgétaire de la population, la banque va introduire un calendrier de factures, au sein duquel chacun pourra intégrer manuellement les paiements à venir, notamment quand ils ne sont pas identifiés automatiquement par des prélèvements récurrents. Outre l'alerte émise à l'arrivée de l'échéance, ce petit gadget devrait également contribuer à éviter des oublis néfastes dans le contrôle de l'équilibre des finances de la famille.

L'initiative de Westpac peut paraître insignifiante (et il faut admettre qu'elle n'est guère approfondie), elle n'en est pas moins importante. Si l'adage « c'est dans l'adversité qu'on compte ses vrais amis » s'applique aux relations commerciales, les consommateurs qui peinent aujourd'hui à joindre les deux bouts, et qui restent en majorité des clients profitables, se souviendront certainement, une fois la sérénité revenue, des personnes et organisations qui les ont réellement aidés à surmonter les moments difficiles.

vendredi 22 septembre 2023

Une caricature de la banque digitale

Lloyds Bank
Depuis quelques mois un cycle de renouvellement des applications bancaires semble se propager dans l'industrie : l'occasion d'un recentrage sur les priorités des clients ? Afin d'en avoir le cœur net, j'ai épluché l'annonce officielle de Lloyds Bank, dont la promesse était une des plus alléchantes, et la réalité est absolument consternante.

L'histoire commençait pourtant bien : « il n'existe pas une réponse unique en matière de pilotage de l'argent, aussi avons-nous agi en conséquence ». Comme moi, vous imaginez peut-être, avec une certaine excitation, que ces quelques mots signifient que la banque a (enfin) décidé d'ajouter une dimension de personnalisation dans ses logiciels ? Pas exactement : il s'agit en fait de créer un titre dédié exclusivement à la clientèle aisée mais pas au point de prétendre à la gestion privée (« mass affluent » en anglais).

Passons sur la déception de voir le concept d'individualisation de la relation réduit à une simple segmentation éculée. Dans une période qui bruisse des difficultés que rencontrent les classes moyennes dans leur quotidien, le choix de porter l'attention sur ceux qui souffrent le moins paraît en outre un peu décalé… mais qui s'étonnera que l'établissement se mette en quatre pour ceux qui pourraient être ses meilleurs clients ? Alors, cette proposition Lloyds Bank 360 sera-t-elle au moins à la hauteur de leurs attentes ?

Qu'on en juge : la principale « nouveauté » de l'initiative, qui s'affiche comme « mobile d'abord », consiste à rassembler au sein de la même application tous les produits détenus auprès de l'enseigne, comptes de paiement, épargne, investissement et assurances ! Cerise(s) sur le gâteau, les utilisateurs disposent d'un espace didactique où des vidéos courtes leur expliquent les arcanes de la banque et gagnent la faculté de prendre rendez-vous avec un conseiller pour échanger sur leurs finances et leurs objectifs !

Lloyds Bank 360

Tout cela ne correspond-il pas à un niveau de service élémentaire ? En quoi y a-t-il dans cette combinaison la moindre raison de la restreindre à une population spécifique ? L'accès à un interlocuteur humain pour parler d'argent – qui, soit dit en passant, n'a pas grand chose de « digital » – est-il donc interdit aux personnes en précarité ou simplement moins riches ? Et où est le vrai changement, celui qui parlerait d'accompagnement, de recommandations proactives… notions qui ne sont jamais évoquées ?

Lloyds n'a aucune difficulté à identifier les grands enjeux de ses clients et les besoins associés, à savoir, par exemple, apprendre comment anticiper l'achat d'une résidence, comment investir sans crainte pour faire fructifier ses économies… En revanche, elle n'a aucune idée de la manière d'y répondre et se contente donc de prolonger ses pratiques habituelles de centrage sur les produits, avec tout au plus, un vernis pédagogique qui lui donne bonne conscience. Rien à voir, en somme, avec une banque « digitale » !

jeudi 21 septembre 2023

Et si l'assurance aidait à rester en bonne santé ?

Truemed
En dehors, parfois, de quelques actes spécifiques, généralement plafonnés, les couvertures santé sont largement concentrées sur le financement de la médecine réparatrice. Une jeune pousse américaine a mis au point une plate-forme globale afin de renverser cette situation et reléguer au second plan l'assurance maladie qui prévaut aujourd'hui.

Pour les fondateurs de Truemed, le principe de sa mission devrait être une évidence sociale et économique (corroborée par une somme astronomique de recherche scientifique) : une bonne hygiène de vie constitue le « vrai médicament », dont dérive le nom de la firme. Au lieu de dilapider des fortunes en soins en tout genre pour se remettre sur pied quand une affection les frappe, les personnes seraient mieux inspirées d'investir en amont dans les moyens, souvent triviaux, d'éviter la plupart de leurs maux.

Malheureusement, le passage à la pratique n'est pas simple. Sans parler des biais psychologiques humains qui retardent la prise de mesures, les systèmes de protection sont, pour l'essentiel, conçus dans le but d'avancer ou rembourser les frais occasionnés par la maladie et non d'empêcher celle-ci de survenir. Même quand une telle possibilité existe dans les contrats (ce qui est de plus en plus fréquent), les frictions introduites dans sa mise en œuvre ont tendance à décourager les plus téméraires d'y recourir.

Voilà précisément l'angle d'attaque de la plate-forme de Truemed. En l'occurrence, il s'agit de permettre aux américains de profiter facilement et en toute transparence de la faculté que leur octroie l'administration d'utiliser l'argent, échappant à l'impôt, déposé sur leurs plans d'épargne réglementés dédiés à la santé (qui représenterait quelques 150 milliards de dollars) pour payer leurs dépenses de bien-être (légalement éligibles) : alimentation saine, exercice physique, amélioration du sommeil, sauna (?), acupuncture…

About Truemed

Dans cette optique, la startup propose à ses fournisseurs partenaires, dont elle vérifie au préalable que leur offre entre bien dans le cadre de la législation, un système de paiement qui va directement prélever le montant de leur prestation dans les comptes spécialisés de leurs clients (si ceux-ci souhaitent l'imputer sur leur épargne, bien entendu). Elle résout enfin le dernier obstacle, le mécanisme étant soumis à l'obtention d'une ordonnance de nécessité médicale produite par un professionnel, en exploitant l'opportunité de la téléconsultation, officiellement agréée depuis la pandémie.

Naturellement, le mode de fonctionnement retenu par Truemed est intimement lié au contexte local et ne peut pas être répliqué à l'identique dans d'autres régions du monde. Je suis toutefois convaincu qu'il peut être décliné et adapté à d'autres environnements et d'autres cultures d'assurance santé, à partir du moment où l'attention se focalise sur ce qui fait sa véritable valeur : la levée de toutes les barrières, opérationnelles et psychologiques, qui se dressent devant les bénéfices incontestables de la prévention.

mercredi 20 septembre 2023

Une autre manière d'aborder la super-app

WhatsApp
Bien que, selon toute vraisemblance, l'opportunité des super-apps soit désormais derrière nous, de nombreuses entreprises, notamment du secteur financier, continuent à rêver de réussir dans cet exercice impossible. À tout le moins, elles pourraient peut-être s'inspirer de l'approche de WhatsApp pour entretenir un quelconque espoir.

Une super-app, c'est d'abord l'idée de capitaliser sur la popularité d'une plate-forme afin d'y intégrer une gamme de services complémentaires, étrangers à son cœur de métier, par exemple d'e-commerce, et d'en faire une évidence pour toutes les parties prenantes. La recette du succès passe donc, a minima, par des arguments qui convainquent, d'une part, les fournisseurs de faire l'effort de s'y implanter et, d'autre part, les consommateurs de choisir ce canal pour leurs interactions avec leurs marques préférées.

D'emblée, les réseaux sociaux sont particulièrement bien placés sur le critère de la fréquentation et de l'engagement de leurs utilisateurs : les échanges incessants entraînent une addiction qui facilite l'adoption pour toutes sortes de besoins. À ce niveau déjà, les banques sont en net retrait : l'accès régulier, jusqu'à plusieurs fois par jour, au suivi des comptes relève plus de la contrainte, voire de l'angoisse… Un état d'esprit qui n'est donc guère propice à une prolongation de l'expérience dans d'autres domaines.

En admettant que cet obstacle soit franchi, reste à déployer une proposition de valeur attractive (qui pourrait aussi, à l'inverse, contribuer à le surmonter). Or les acteurs qui se lancent commettent souvent l'erreur de laisser trop de liberté aux partenaires qu'ils souhaitent accueillir, en pensant qu'il s'agit d'un excellent moyen de les séduire. Résultat, l'intégration est généralement peu profonde et la solution embarquée est tellement proche de ses racines que les visiteurs sont enclins à préférer la source originale.

WhatsApp Flows

A contrario, quand WhatsApp entame sa démarche, c'est avec l'outil Flows. Ce dernier permet aux professionnels de créer des parcours spécifiques, exploitant des briques d'interface standardisées (identification, saisie de texte, calendrier, sélection de place…). Son objectif est d'orienter les fonctions mises en place vers un modèle aligné sur la vision que porte la messagerie de l'expérience qu'elle veut offrir à ses adeptes et, accessoirement, de favoriser une présentation unifiée qui en facilite la prise en main.

Il n'est ainsi plus question d'agréger dans une application fourre-tout une collection de sites externes en imaginant que le passage répété devant ces vitrines virtuelles va les rendre attirantes mais d'inventer comment un acte (d'achat ou autre) prend son sens dans le contexte de la plate-forme. Naturellement, dans le cas de WhatsApp, c'est le fonctionnement conversationnel, sur des produits ciblés, qui prend la priorité. Seule une telle perspective est susceptible de conquérir le client. Puis il faut guider les fournisseurs vers cette stratégie, via un kit de construction simple à appréhender.

Rien ne dit que l'initiative de WhatsApp parviendra à conjurer les prédictions pessimistes sur l'avenir des super-apps (j'en doute). Mais il est certain que ses fondations, basées sur une recherche sans concession de ce qui intéresse vraiment ses utilisateurs, au point de leur faire changer leurs comportements (car c'est l'enjeu !), et un accompagnement opérationnel des partenaires, prenant aussi en compte leurs limitations, lui donnent plus de chances de réussite que bien des tentatives centrées sur une illusion de ROI.

mardi 19 septembre 2023

Wise introduit un cheval de Troie dans Swift

Wise
À l'occasion de la conférence Sibos, sa grande messe annuelle, Swift dévoilait hier sa collaboration avec Wise, lui permettant d'offrir une nouvelle option à ses clients pour leurs transferts internationaux. Voilà une reconnaissance importante pour la jeune pousse… qui pourrait aussi marquer le début de l'effondrement des modèles historiques.

La gestion des virements transfrontaliers, souvent à travers le mécanisme traditionnel des correspondants – en résumé, des banques qui jouent le rôle d'intermédiaire quand les établissements émetteurs et destinataires n'ont pas de relation directe –, constitue depuis longtemps une des missions importantes de la plate-forme de messagerie financière de Swift. Le système fonctionne… mais souffre d'un défaut inacceptable à notre ère digitale : les délais de traitement, qui se comptent généralement en jours (au pluriel).

Face à ce handicap, Wise apporte une solution radicale, puisque plus de la moitié (57%) des transactions qui lui sont confiées sont exécutées instantanément (enfin… en moins de 20 secondes) et 90% en moins d'une heure. Grâce à son partenariat avec Swift, ces performances vont désormais se mettre à la portée de tous les établissements, sans exiger de changer leurs habitudes. Elle va en effet prendre un rôle de correspondant comme les autres dans le réseau, mais avec une vitesse de traitement incomparable.

C'est que la division Wise Platform de l'entreprise propose depuis des années aux banques, entre autres, d'intégrer son service au cœur de leur offre. Mais, aussi attractive soit-elle, l'archaïsme technologique de l'industrie rend cette approche extrêmement complexe et délicate à mettre en œuvre concrètement. On se souvient de l'exemple de BPCE… En passant par le canal existant de Swift, cet obstacle disparaît : les applications nécessaires sont déjà en place, il suffit de changer le récipiendaire des ordres.

Wise Platform

L'initiative est évidemment une excellente opération pour Wise et il reste à espérer que, maintenant que la barrière à l'entrée est supprimée, les institutions financières mettent à profit les bénéfices de ses solutions pour extirper les transferts internationaux de l'âge de pierre. En revanche, elle risque de soulever de nombreuses interrogations – existentielles – de la part des utilisateurs vis-à-vis des briques résiduelles, datant d'une autre époque, qui persisteront à encombrer de frictions leur expérience.

Pourquoi faudrait-il, notamment, recourir à Swift, qui, indépendamment de ses qualités, introduit une couche d'architecture supplémentaire, avec ses contraintes, ses limitations et ses coûts, alors qu'une connexion directe avec Wise simplifierait tellement les opérations ? Et, si les banques sont incapables de mettre cette interface en œuvre au cœur de leurs espaces de gestion, ne paraîtra-t-il pas alors plus raisonnable de s'adresser à la FinTech, dorénavant adoubée par le gratin du secteur, sans médiation ?

Loin de se contenter de chercher à démultiplier la portée de son offre (et son chiffre d'affaires), la vision que poursuit Wise depuis ses origines se retrouve clairement dans cette collaboration avec Swift : remplacer une infrastructure et des pratiques obsolètes par un dispositif numérique à l'état de l'art, instantané, transparent et peu coûteux… quitte à accepter de s'infiltrer parmi les dinosaures pour parvenir à ses fins.

lundi 18 septembre 2023

La fraude fait fuir les clients

SAS
Le spécialiste de l'analyse de données SAS a commandité une vaste enquête auprès de 13 500 citoyens de 16 pays dans le monde afin de connaître leur expérience, leur ressenti, leurs réactions et leurs attentes en matière de fraude. Ses résultats devraient probablement inciter les institutions financières (entre autres) à mieux organiser leurs défenses.

En réalité, l'exercice ne réserve aucune surprise, que ce soit dans les perceptions comme dans les conséquences de la fraude dans le grand public. En revanche, il présente l'immense avantage de formaliser et confirmer à grande échelle un certain nombre de présomptions et de conjectures, livrant ainsi des arguments concrets et objectifs pour reprendre la main… et pas exclusivement par l'arsenal technologique que l'éditeur cherche évidemment à positionner comme sa réponse privilégiée.

En premier lieu, c'est largement un point de vue de victimes qui s'exprime, puisque 7 répondants sur 10 affirment avoir déjà été confronté à un incident (plus d'une fois pour 4 sur 10). En outre, la hausse vertigineuse du phénomène au cours de ces dernières années ne passe pas inaperçue : presque la moitié de l'échantillon en a observé les manifestations plus fréquemment en 2022 qu'auparavant. Enfin, ils sont 86% a confirmer que, simultanément, leur inquiétude et leur circonspection progressent sensiblement.

La bonne nouvelle est que, face à ces menaces omniprésentes et visibles, la prise de conscience des enjeux est désormais bien ancrée chez les intéressés. De ce fait, ils deviennent plus enclins à accepter les contraintes liées à leur protection, que ce soit à travers des contrôles et des délais dans l'exécution de transactions (pour trois quarts d'entre eux), le recours à la biométrie (pour 80%) ou la propension à partager des données personnelles dans un but de lutte contre les malversations (pour 7 sur 10).

SAS Survey

En contrepartie, les entreprises, au premier rang desquelles figurent naturellement les banques et les compagnies d'assurance, sont enjointes de metre en place tous les garde-fous qui sont à leur portée. En effet, deux tiers des consommateurs préviennent qu'ils changeraient de fournisseur dans l'hypothèse où une attaque les affecterait… ou si un concurrent démontrait qu'il offre une meilleure défense. La politique de gestion de la fraude est maintenant un enjeu de conquête et de fidélisation de la clientèle !

Alors, certes, la riposte comprend certainement le déploiement des outils de pointe, immanquablement à base d'intelligence artificielle, que proposent les acteurs tels que SAS. Mais elle doit également intégrer une dimension de communication essentielle : une fois les risques réduits au minimum, il faut encore le faire savoir, preuves à l'appui. Et ce n'est toujours pas suffisant : il reste ensuite à appréhender avec efficacité, rapidité et empathie les inévitables catastrophes qui surviennent malgré les précautions prises.

On le connaissait déjà à travers le volet de la prévention mais le marketing de la lutte contre la fraude doit donc aussi embrasser un rôle de différentiateur concurrentiel. La tâche s'avère éminemment complexe, entre la nécessité de rendre les messages intelligibles tout en démontrant une vraie expertise, l'impératif de cohérence entre les actes et la propagande et, enfin, la recherche inlassable de l'équilibre avec l'expérience client, qui reste, bien entendu, un autre argument de vente incontournable.