C'est pas mon idée !

mercredi 31 mai 2023

L'euro digital coince sur le paiement hors ligne

Worldline
La Banque Centrale Européenne vient de publier les conclusions de son exercice collaboratif d'exploration sur les paiements avec un euro « digital », qui s'est déroulé entre juillet 2022 et février 2023. Si les contributeurs des prototypes inclus au programme font montre d'auto-satisfaction, l'institution a toutefois quelques réserves à formuler…

En charge du scénario probablement le plus complexe parmi les cinq envisagés par la BCE, Worldline présente donc les résultats de son expérimentation de règlements hors ligne, c'est-à-dire quand aucune des deux parties impliquées ne dispose d'une connexion à internet pour valider un échange. Il s'avère particulièrement important dans l'hypothèse – retenue par toutes les banques centrales se penchant sur le sujet – de déploiement d'une solution susceptible de se substituer entièrement aux espèces.

Le mode de fonctionnement retenu pour ce cas d'usage correspond, dans ses grands principes, aux standards (en émergence) dans le domaine : un composant fourni par la banque centrale distribue la monnaie numérique, un intermédiaire de confiance (un établissement de paiement ?) gère les comptes des clients (avec tous les contrôles requis), leur provisionnement et leurs mouvements, une application mobile effectue les transferts réels entre les porte-monnaie via une interface locale sans contact (NFC).

Dans les détails, techniques notamment, la sécurité de l'ensemble est assurée par des mécanismes tout aussi classiques. Ainsi, un élément physique inviolable (celui du téléphone ?) est mis en œuvre (certainement pour le stockage de clés de chiffrement) afin de protéger l'argent stocké et les transferts réalisés. Par ailleurs, une réconciliation, en ligne, est exigée périodiquement de manière à éviter les risques inhérents (connus) à cette approche et à détecter et corriger les incohérences qui pourraient survenir.

Worldline – Digital Euro

C'est, naturellement, sur cet aspect spécifique que l'écueil majeur surgit. Il s'agit en effet de trouver un compromis acceptable (mais nullement optimal, entre autres parce qu'il induit toujours des limites rédhibitoires dans des situations extrêmes) entre l'expérience utilisateur et la lutte contre la fraude (en particulier les dépenses en double). Les responsables de Worldline estiment pourtant avoir trouvé l'équilibre idéal (sans préciser ses contours)… qui leur permet de célébrer le succès sans équivoque de leur projet.

Malheureusement pour eux, la BCE est plus circonspecte. Bien sûr, elle confirme que, pour l'essentiel, les prototypes qui lui ont été soumis répondent à ses attentes, que l'euro « digital » peut s'intégrer aisément dans les systèmes de paiement existants (au profit de l'innovation) et qu'il supporte un mode déconnecté. Ce dernier persiste cependant à générer le doute quant à sa capacité à moyen terme, avec les technologies actuelles, à s'inscrire dans le cadre réglementaire et à passer à une échelle industrielle.

Entre ces réserves et le rythme prudent de la banque centrale, dont le conseil des gouverneurs doit au mieux engager une phase préparatoire à l'automne prochain (sans préjuger d'un quelconque lancement), l'euro « digital » n'est pas pour demain

lundi 29 mai 2023

Cala, l'arme anti-réunionite

Cala
Voilà un gadget qui aurait sa place dans toutes les organisations dont les collaborateurs sont pleinement conscients des pertes de temps incommensurables engendrées par les réunions inutiles… sans que personne n'ose jamais les remettre en question : bien qu'embryonnaire, la solution de Cala esquisse une piste de solution a priori séduisante.

Dans un monde idéal, les invités incertains de l'objectif et/ou de l'intérêt d'assister à une assemblée pourraient (devraient) contacter son instigateur afin de s'assurer que leur participation est plus importante que leurs autres tâches en cours. Dans la réalité, les sous-entendus et les enjeux politiques prennent fréquemment le dessus – par exemple l'importance de faire acte de présence « au cas où » –, chacun se tait et accepte, et la machine à gaspiller les énergies et les ressources fonctionne à plein régime.

Au lieu (et en complément) de demander uniquement de confirmer ou non leur intention de venir, l'application (web) de Cala propose aux destinataires de formuler leur avis sur la réunion à laquelle ils sont conviés, dans le sens de savoir s'ils estiment qu'elle sera véritablement utile. Chaque vote exprimé – par un balayage vers la droite ou la gauche à la manière (ludique et rapide) de Tinder – reste totalement anonyme… mais dans le cas où le rejet fait l'unanimité, le rendez-vous est purement et simplement annulé.

On le voit, le système est basique et c'est probablement ce qui en fait l'efficacité. Il semblerait tout de même pertinent de l'enrichir (légèrement), ne serait-ce que dans le but de prendre en compte un minimum de nuance. J'imaginerais notamment d'alerter l'organisateur du nombre d'opinions négatives reçues même sans consensus, ce qui lui procurerait une occasion de s'interroger sur son initiative et, le cas échéant, de fournir des précisions permettant à chacun de mieux comprendre pourquoi il est impliqué.

Accueil Cala

Sur le plan opérationnel, en l'état, l'outil n'est pas parfait. L'expérience utilisateur, conçue pour une activation par une seule personne, repose, pour les autres invités, sur un échange de courriels relativement peu ergonomique. Par ailleurs, il n'est, à ce jour, intégré qu'avec la plate-forme de gestion d'agenda de Google et sa mise en œuvre dans une configuration d'entreprise requiert l'intervention d'un administrateur. Espérons qu'il évolue, mais, à défaut, l'idée est suffisamment triviale pour susciter des répliques.

Si les lamentations vis-à-vis des effets délétères de la réunionite sont quasiment universelles, rares en sont les remèdes. Rien d'étonnant à cette situation quand on réalise que les causes relèvent principalement de la culture interne, toujours extrêmement difficile à transformer, surtout grâce à des approches génériques. Néanmoins, le principe développé par Cala de donner la parole aux victimes des excès constitue certainement un moyen « doux » de faire changer les mentalités et les pratiques sur le long terme.

dimanche 28 mai 2023

Quand le risque n'est plus assurable…

State Farm
Depuis quelques années, les spécialistes alertent sur la menace qui pèse sur l'assurance en raison du dérèglement climatique et de son impact excessif sur les risques à couvrir. La réflexion jusqu'alors théorique est désormais en train de se matérialiser, comme en témoigne l'annonce par State Farm de son retrait (partiel) de Californie.

À compter de ce samedi 27 mai 2023, la compagnie arrête donc brutalement, dans cet état particulièrement touché par les phénomènes dangereux, la commercialisation de toute nouvelle police pour l'habitation, dans les déclinaisons destinées au grand public comme aux entreprises. À ce stade (mais jusqu'à quand ?), les clients existants continueront cependant à être servis normalement (par les agents indépendants agréés) et les produits pour l'automobile ne sont pas concernés par la mesure.

L'explication donnée à ce départ tient à trois facteurs qui se combinent pour rendre la viabilité économique de l'activité de plus en plus difficile à maintenir, à long terme : des prix de la construction immobilière qui explosent, au-delà de l'inflation, l'exposition croissante aux catastrophes naturelles, notamment les incendies, et un marché de la réassurance tendu (qui peut probablement être connecté aux deux précédents, au moins en partie, à travers la généralisation de la défiance en arrière-plan du secteur).

Les analyses prospectives évoquent fréquemment l'inéluctable nécessité pour les pouvoirs publics de prendre le relais de l'industrie quand la probabilité du risque se rapprochera trop de la certitude. En l'occurrence, plusieurs organismes californiens ont d'ores et déjà commencé à intervenir afin de soulager les acteurs privés et State Farm affirme vouloir continuer à travailler avec eux de manière à restaurer des conditions opérationnelles raisonnables. Mais, dans l'immédiat, sa décision est ferme.

Tant qu'il est isolé, l'événement peut paraître anecdotique. Hélas, il est vraisemblablement annonciateur d'une tendance majeure, car toutes les compagnies font face aux mêmes contraintes, dont celle de la hausse sans fin prévisible des sinistres climatiques, et seront tentés un jour ou l'autre de réaliser le même arbitrage… ou un autre rééquilibrage (prix exorbitants, hyper sélectivité de la clientèle…). Que deviendra la région, puis ses voisines à peine mieux loties, quand il ne sera plus possible d'y assurer l'immobilier ?

State Farm – California Wildfires

samedi 27 mai 2023

CommBank réinvente sa banque mobile

CommBank
Pour une majorité de banques dans le monde, leur application mobile semble avoir atteint sinon la perfection du moins un niveau optimal qui ne mérite, au mieux, que quelques ajustements et autres évolutions graphiques. Et puis il y a CommBank, qui a compris qu'elle est encore loin du compte et remet tout à plat… pour la cinquième fois.

Comme chez ses consœurs, tous les indicateurs sont en hausse pour l'australienne : 7,7 millions d'utilisateurs actifs de son logiciel pour smartphone, une moyenne de 36 connexions par mois… Elle pourrait se reposer sur ses lauriers. Pourtant, elle écoute ses clients et, quelle que soit leur satisfaction avec la version actuelle, elle entend aussi leurs nouvelles attentes, qui se traduisent notamment par toujours plus de personnalisation et de facilité à trouver les fonctions dont ils ont besoin, puis à les mettre en œuvre.

Pour cette dernière exigence, CommBank recourt à une technique éprouvée, quoique relativement peu déployée à ce jour : un moteur de recherche sophistiqué permet de repérer rapidement la plupart des capacités disponibles dans l'application et d'y accéder en un geste. En pratique, c'est le seul moyen d'éviter aux mobinautes de se perdre dans des menus sans fin pour naviguer au sein d'une application d'une telle richesse (qui, en outre, intègre dorénavant l'investissement en bourse, jusqu'alors séparé).

En ce qui concerne la personnalisation, en revanche, l'institution fait le pari rare et audacieux d'une interface qui s'adapte de manière dynamique (et unique) à la personne connectée. Aucune précision n'est fournie mais l'information laisse présager d'un module, à base d'intelligence artificielle bien entendu, capable de prédire la raison de l'ouverture du logiciel et de présenter automatiquement sur la page d'accueil les options correspondantes (peut-être aux côtés de celles qui sont le plus fréquemment sollicités).

CommBank – Reimagining Banking

Il est facile de comprendre pourquoi l'industrie en général est réticente à l'adoption de ce genre d'approche, pourtant plutôt facile à implémenter aujourd'hui. Certes, elle est idéale pour celui qui peut réaliser l'opération désirée en un clin d'œil… mais au risque – inacceptable dans la culture traditionnelle – d'irriter une minorité d'individus aux comportements imprévisibles, pour qui les algorithmes s'égarent (sans parler de ceux qui s'insurgent contre ce qu'ils perçoivent comme une intrusion dans leur vie privée).

Ce que CommBank a bien intégré, et que toutes les banques devraient méditer, et surtout imiter, est l'impératif de répondre à la demande des clients. La personnalisation en fait partie, il faut donc la mettre en place, en gardant en mémoire ses limitations, auxquelles il s'agit alors de trouver des parades. Ce sera par exemple son ajout comme un complément et non un substitut aux méthodes de navigation classiques. Et il ne faut jamais oublier que le refus de toute personnalisation est également un choix légitime.

vendredi 26 mai 2023

Pesto dépoussière le prêt sur gage

Pesto
Elles ne manquent pas, les jeunes pousses qui tentent de développer des solutions de crédit pour les consommateurs sous-bancarisés. En revanche, elles sont beaucoup plus rares à viser ceux dont le seul et dernier recours est le prêt sur gage. Aux États-Unis, où la pratique est courante et souvent à des taux usuraires, Pesto vient à leur rescousse.

Le principe, vieux comme le monde, est connu : quand plus aucun établissement ne veut vous prêter l'argent dont vous avez besoin, vous vous rendez dans une de ces échoppes, vous y déposez en garantie un objet d'une certaine valeur – bijou, matériel électronique… – et vous repartez avec sa valeur estimée (diminuée d'une marge de risque), que vous devrez rembourser à l'échéance convenue, majorée des intérêts (jusqu'à un maximum de 25% par mois, selon les états !), à défaut de quoi votre bien sera revendu.

Rien de changé, fondamentalement, avec Pesto, la seule différence est son fonctionnement en ligne. Le demandeur fait évaluer son article via un questionnaire, il obtient alors une première proposition de crédit. S'il accepte, il envoie le gage depuis une boutique UPS, grâce à un QR code fourni. À réception, il est inspecté (sous vidéo) et une offre finale est formulée. En cas d'accord, une carte de crédit (Mastercard) virtuelle est émise sur le champ et son équivalente physique est transmise par voie postale.

À partir de là commencent les particularités du produit. En réalité, celles-ci découlent toutes de cette voie de matérialisation du prêt, qui, en dehors du nantissement sous-jacent à son plafond autorisé, opère comme n'importe quelle carte de crédit du marché. Ainsi, son taux d'intérêt annuel est, à ce jour, de 29,99% (certes élevé bien que moins que la concurrence visée)… mais il n'y a aucun frais si le porteur règle sa dette dans les délais contractuels prévus (sous 21 jours après le cycle de facturation concerné).

Discover Pesto

Surtout, l'usage de la carte, s'il est raisonnable, permettra à l'emprunteur de bâtir et consolider son score de crédit au fil du temps (il n'y a aucune restriction de durée). Présentée comme le bénéfice social majeur de son approche, cette évolution vers l'inclusion financière fait directement partie du modèle de Pesto, puisque, dès que des niveaux de confiance et de fiabilité suffisants auront été atteints, l'instrument redevient standard, sans caution, et la garantie détenue est retournée à son propriétaire.

Le concept est résolument intéressant, bien qu'il mérite encore quelques ajustements pour devenir viable. Par exemple, son modèle économique repose pour une large part sur les commissions habituelles perçues à chaque transaction exécutée avec la carte de crédit (les intérêts sur les encours n'étant pas son objectif prioritaire) alors que ses coûts d'exploitation sont handicapés par la gestion des objets physiques (à l'expédition et sur leur conservation) : l'équilibre est difficile à envisager. Par ailleurs, il faudra surveiller la capacité d'adaptation des utilisateurs aux frictions de l'expérience, en l'état, et notamment aux délais de traitement (face à l'immédiateté chez un prêteur sur gage).

Quoi qu'il en soit, et une fois de plus, Presto démontre qu'aucun domaine ne peut échapper à une réinvention « digitale » et celui-ci, dans lequel règnent les requins (parmi 12 000 firmes qui manipulent environ 14 milliards de dollars annuellement), est une cible de choix… pour une remise au centre du client et de son bien-être financier.

jeudi 25 mai 2023

Une nouvelle « astuce » chez Starling Bank

Starling Bank
Je salue aujourd'hui le départ d'Anne Boden, sa fondatrice, de son poste de directrice générale en m'attardant une fois encore sur une de ces fonctions anodines mais tellement utiles – notamment pour le bien-être financier de ses utilisateurs – dont Starling Bank a le secret quasiment depuis ses débuts. Au menu du jour, la répartition des rentrées d'argent.

Le problème générique est désormais bien connu : afin de convaincre les consommateurs d'adopter les bonnes pratiques d'une gestion saine de leur budget, il faut éliminer les barrières qui se dressent sur leur route. Une des premières règles à respecter étant de planifier l'usage des gains dès leur arrivée, de manière à réduire le risque de succomber à des tentations ultérieures, Starling a déjà mis en place les fondations permettant de matérialiser ces décisions. Mais il restait des frictions à leur mise en œuvre.

En effet, pouvoir distribuer son salaire, dès son encaissement, entre la réserve pour les dépenses essentielles, la cagnotte pour les factures récurrentes, l'approvisionnement du fonds d'urgence, les tirelires (« spaces » dans le jargon de la jeune pousse) pour les projets d'avenir… n'est pas une sinécure lorsqu'il faut exécuter autant d'opérations que de compartiments prévus. Il est certes possible d'enregistrer des transferts automatiques mais ils peuvent s'avérer trop rigides et ne sont pas adaptés à toutes les situations.

La solution imaginée par Starling est aussi simple qu'élégante : une nouvelle option, accessible depuis l'historique de transactions de son logiciel, autorise, en un seul mouvement, en montant brut ou en pourcentage, sans aucune restriction (pas de minimum ni de maximum, la seule obligation est de maintenir un solde positif), le partage de toute somme créditée sur le compte courant (sous trois jours) entre tous les autres comptes détenus (d'épargne, notamment) et les différents « espaces » existants.

Starling Bank – Split Payment

Naturellement, le dispositif peut répondre aux exigences académiques de gestion des finances personnelles, à travers, par exemple, la règle des 50-30-20 (50% des revenus pour les achats essentiels, 30% pour le superflu et 20% pour combler les dettes et épargner). Mais d'autres cas d'usage sont envisageables, tels qu'un virement vers un compte joint pour les frais communs, le versement de son argent de poche à un enfant, le blocage des taxes dues sur les émoluments d'un travailleur indépendant… En fait, chaque individu peut imaginer comment l'exploiter pour ses propre besoins.

Je ne sais combien de fois j'ai pu écrire ce même commentaire sur une innovation de Starling Bank, à savoir son inépuisable capacité à concevoir et implémenter des petits riens destinés à optimiser l'expérience de ses clients, non seulement dans leurs transactions mais également dans leur vie financière en général. Or c'est évidemment cette accumulation de détails anecdotiques mais indispensables et cette recherche sans relâche des obstacles à éradiquer (et des meilleurs moyens d'y parvenir) qui font de Starling la (néo-)banque la plus performante et la plus appréciée du moment.

mercredi 24 mai 2023

Klarna lance le sevrage de crédit

Klarna
Bien sûr, il s'agit avant tout d'une opération de communication et de séduction, relativement superficielle, mais cette idée, soufflée à un des fondateurs de Klarna par un parlementaire britannique, d'introduire dans son application une option de verrouillage du crédit a au moins le mérite, pour le consommateur, de faire un pas dans la bonne direction.

Le principe est similaire à celui qui s'est répandu dans les banques depuis quelques années à l'intention des joueurs compulsifs (ce qui, au passage, laisse entrevoir un parallèle intéressant et inquiétant sur les comportements). Au lieu de proposer aux utilisateurs de bloquer leurs paiement pour des jeux d'argent, ce sont ici les facultés de règlement fractionné qui sont visées. Et, afin de rendre le choix suffisamment contraignant pour être efficace, il ne peut être annulé que via un appel au service client.

Comme pour les victimes d'addiction, le raisonnement initial consiste à supposer qu'une personne qui succombe trop fréquemment à une fièvre acheteuse grâce aux facilités de paiement offertes est à même, à tête reposée, lorsqu'elle prend conscience de sa situation d'endettement, de prendre la décision rationnelle de se « désintoxiquer ». D'autres circonstances, telles qu'une période consacrée à mettre de l'argent de côté pour un projet important, fournissent également des motifs de mise en œuvre du système.

Cerise sur le gâteau, celles et ceux qui enclenchent la pause sont, dans la foulée, renvoyés vers un espace de ressources et de support susceptible de les aider s'ils se trouvent effectivement en difficulté. Sans qu'en soit précisé le contenu, j'imagine que ce sont des solutions classiques qui sont déployées dans cette perspective : références d'articles, de sites web, d'associations… et autres outils d'assistance budgétaire, tous destinés à apprendre à maîtriser le crédit et sortir de l'ornière de ses excès.

Klarna Opt-Out

La jeune pousse affirme sa fierté de prendre soin de la sorte du bien-être financier de ses clients, sans manquer d'insister sur son engagement en la matière en l'absence de réglementation spécifique (dont elle aimerait qu'elle ne voie jamais le jour). Comme toujours, elle établit sur ce terrain la comparaison avec les acteurs traditionnels, en particulier de cartes de crédit, qu'elle invite à la rejoindre dans son initiative. La ficelle est un peu grosse alors qu'elle diversifie ses activités et peut donc se permettre de perdre quelques clients sur le financement, contrairement à ses concurrentes.

En conclusion, la démarche laisse une impression mitigée, surtout que le mécanisme mis en place est loin d'être la panacée. À l'ère de l'analyse intelligente de données, il est possible de faire beaucoup mieux et, en particulier, de ne pas attendre que l'individu réalise spontanément ses erreurs pour l'accompagner : au lieu de se contenter, dans les évaluations de fiabilité, de vérifier si l'emprunteur est capable de faire face à ses remboursements, il faudrait aussi envisager de déterminer s'il adopte un comportement dangereux pour son équilibre budgétaire et, a minima, émettre une alerte dans ce cas.

mardi 23 mai 2023

Plenty, un robot-conseiller pour les couples

Plenty
Plus d'une décennie après leur émergence, les robots-conseillers semblent avoir atteint un stade de maturité qui ne laisse plus guère de place aux idées neuves. Il leur reste cependant quelque marge de progrès, comme en témoigne un des derniers entrants en date dans le domaine, Plenty, avec son approche dédiée aux couples (modernes).

Le constat dressé par les deux fondateurs de la jeune pousse, au travers de leur expérience personnelle (dont leurs fiançailles en 2021), est l'absence de solutions de planification financière abordable réellement conçues pour les jeunes familles : le recours à un professionnel est plus ou moins réservé à ceux qui ont déjà constitué un patrimoine tandis que les plates-formes automatisées, beaucoup moins onéreuses, sont généralement élaborées sur le principe de s'adresser à un investisseur individuel.

Face à l'absurdité de ce positionnement pour les millions d'américains qui choisissent de partager à deux au moins une partie de leur gestion budgétaire et portent ensemble de nombreux rêves d'avenir, Plenty apporte une réponse flexible et élégante : lorsque les conjoints rejoignent le service, ils disposent chacun de leur propre compte, de manière relativement classique, mais ils ont la possibilité d'autoriser l'âme sœur à suivre certains de leurs objectifs et pourront même, dans une version ultérieure, en créer en commun.

Concrètement, le parcours d'enrôlement est plutôt atypique pour sa catégorie. Certes, les premières étapes comprennent, entre autres, la définition des projets pour lesquels le nouvel inscrit souhaite épargner (qui conduiront chacun à une stratégie spécifique) mais il est en outre proposé de connecter les éventuels portefeuilles détenus auprès de fournisseurs tiers, de manière à offrir un pilotage des actifs à 360°. Enfin, bien sûr, chacun précise quels éléments sont visibles de son partenaire et lesquels restent privés.

Plenty – Wealth for Life

La cible retenue se retrouve dans d'autres aspects, pour une vraie spécialisation. Tout d'abord, le tarif (un forfait annuel fixe, à ce jour) s'avère particulièrement avantageux pour les couples. Puis une partie importante des suggestions de projets, et leurs modèles d'investissement sous-jacents (basés sur des titres individuels et non des fonds indiciels), correspondent aux préoccupations mutualisées des ménages : le mariage, la préparation d'une naissance, l'éducation future des enfants, l'acquisition d'un logement…

Sans être totalement évidente au premier abord, la démarche de Plenty, directement alignée sur des attentes largement ignorées jusqu'alors, est finalement pleine de bon sens, notamment dans la possibilité de décider au cas par cas ce qui est partagé ou non entre les partenaires. Naturellement, l'ajout d'une option de compte joint complètera utilement le dispositif pour tous ceux qui désirent construire un projet ensemble. Et maintenant, quelque chose semble manquer aux autres robots-conseillers du marché…

lundi 22 mai 2023

Mastercard facilite la création de compte

Mastercard
L'idée n'est plus très originale mais son introduction récente par Mastercard, via sa filiale dédiée aux applications de finance ouverte, nous procure une occasion de nous attarder sur l'exploitation de la connexion aux comptes bancaires dans le but de valider l'identité d'une personne et collecter les informations nécessaires à un enrôlement.

Dans la droite ligne de son positionnement stratégique, Finicity cible prioritairement les entreprises du secteur financier – des grands groupes historiques aux jeunes pousses de la FinTech – avec sa solution « Secure Account Opening ». Par bonheur, il s'agit probablement du segment le plus approprié pour cette catégorie de produits, en raison de ses exigences particulières de confiance (celle-ci est critique pour partager les données bancaires) fréquemment combinées avec le besoin d'une source de fonds.

Car le principe de l'offre consiste à intégrer dans une même opération l'enregistrement des coordonnées d'un compte à prélever – pour le provisionnement d'un porte-monnaie électronique, pour le paiement d'un abonnement… – avec une vérification instantanée de sa détention par l'individu qui les fournit et la transmission de caractéristiques additionnelles potentiellement utiles, pour pré-remplir un formulaire d'inscription (l'adresse postale, par exemple) ou pour certains contrôles (de revenus, de solde disponible…).

Pour les organisations qui adoptent le système, la promesse est une expérience client optimale, entièrement en ligne, quasiment en temps réel, de bout en bout, réduisant et simplifiant drastiquement le nombre d'interactions imposées aux nouveaux utilisateurs (au bénéfice des taux de transformation), tout en garantissant un niveau élevé de sécurité et de protection contre la fraude, notamment autour de l'usurpation d'identité, voire des identités synthétiques, en forte progression ces derniers temps.

Mastercard – Secure Account Opening

Naturellement, le modèle a ses limites, qui, en général, excluent d'en faire le seul moyen proposé pour une entrée en relation. D'une part, il ne peut s'adresser qu'aux consommateurs qui possèdent un compte, ce qui peut être discriminant dans les régions où la bancarisation n'est pas universelle (y compris, dans une certaine mesure, aux États-Unis, où Finicity opère) et, plus encore, quand les cibles privilégiées sont les jeunes générations. D'autre part, il faut également convaincre les usagers d'adopter un dispositif qui peut être perçu comme intrusif… mais il est vrai que l'habitude s'installe peu à peu et que, en outre, un nom connu tel que Mastercard devrait faciliter les choses.

Comme ses équivalents un peu partout dans le monde, ce « Secure Account Opening » répond à une attente réelle de nombreux acteurs désireux de « digitaliser » leurs parcours d'enrôlement. Son espérance de vie pourrait cependant être courte car il remplit un rôle logiquement dévolu aux plates-formes d'identité numérique. Si, pour l'instant, ces dernières sont réservées à quelques pays, elles ont actuellement le vent en poupe et leur déploiement généralisé est en pleine accélération (entre autres en Europe… et Mastercard est aussi engagée dans ce domaine au Royaume-Uni, incidemment).

dimanche 21 mai 2023

Les banques australiennes centralisent les fraudes

Australian Banking Association
Quand une victime de fraude bancaire réalise qu'elle vient d'exécuter un paiement à l'intention d'un escroc, chaque seconde compte pour tenter d'enrayer la malversation et récupérer les fonds transférés. Les banques australiennes ont donc déployé une plate-forme « digitale » destinée à accélérer le partage des rapports d'incidents entre elles.

Très souvent, la personne qui succombe à une arnaque et se laisse convaincre d'envoyer de l'argent sous un prétexte fallacieux comprend assez rapidement qu'elle a été jouée. Quand les virements classiques prennent deux ou trois jours pour être effectivement émis, elle peut espérer interrompre la transaction en contactant sa banque. En revanche, s'il est déjà trop tard ou si un canal instantané (de plus en plus populaire) est emprunté, une procédure plus complexe doit être lancée avec l'établissement destinataire.

Dans ces circonstances, la communication entre les services de lutte contre la fraude est évidemment critique et, malheureusement, elle est à ce jour encombrée de frictions. En réponse, le FRX (« Fraud Reporting Exchange »), mis en place et financé par l'industrie bancaire du pays, a vocation à centraliser les signalements dès qu'ils sont formulés, les mettant de la sorte immédiatement à la disposition de l'ensemble des enseignes participantes afin qu'elles prennent au plus tôt les mesures appropriées.

Naturellement, il s'agira d'abord d'intercepter l'opération suspecte si cela est encore possible, de manière à restituer la somme détournée plus rapidement et plus simplement (ce pour quoi un protocole de traitement est instauré, avec des délais imposés). Mais l'information pourra également être exploitée dans le but de repérer d'autres instances d'une même attaque, voire, plus généralement, pour décortiquer les mécanismes de manipulation mis en œuvre par les criminels et développer les parades adaptées.

Australian Banking Association – Fraud Reporting Exchange

Une première expérimentation du système a démontré une réduction de moitié du temps de résolution des incidents, ce qui permet concrètement d'envisager qu'il exerce un impact sérieux sur la fraude au virement, alors que celle-ci est en hausse ininterrompue depuis des années. Encore faudra-t-il que les victimes apprennent à déclarer leurs mésaventures sans attendre, ce qui devrait faire l'objet de rappels réguliers.

Dix-sept institutions sont pour l'instant engagées dans l'initiative (connectées à la plate-forme ou en passe de l'être), dont les 4 géantes locales, qui jouent un rôle moteur dans son adoption. Elle sera en outre promue auprès de toutes les organisations qui, sans être des banques, sont impliquées dans les paiements (notamment les jeunes pousses de la FinTech, je suppose), afin d'en démultiplier l'efficacité et la performance.

Même s'il faut saluer la démarche, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi il faut tant de temps au secteur pour déployer une solution qui semble relever de l'évidence face à un fléau relativement ancien. Par ailleurs, je m'inquiète de l'apparente limitation du FRX à un outil d'échange : il paraîtrait logique de l'enrichir d'automatismes, capables de prendre en charge les affaires encore plus vite (au moins les plus courantes).