C'est pas mon idée !

dimanche 24 septembre 2023

Westpac pense aux problèmes de ses clients

Westpac
La réapparition de l'inflation et les difficultés qu'elle entraîne dans la vie quotidienne de millions de consommateurs constituaient une excellente opportunité pour les banques de montrer qu'elles sont à leurs côtés aussi quand ils traversent une mauvaise passe. Hélas, bien rares sont celles qui l'ont saisie, faisant de Westpac une exception notable.

Alors que le véritable conseil a littéralement disparu des offres bancaires, laissant la place à la seule vente de produits, et que les individus se tournent désormais vers leurs proches, les réseaux sociaux et, bientôt, ChatGPT et ses amis, pour combler le vide ainsi laissé, la crise du pouvoir d'achat procurait au secteur une occasion de reprendre l'avantage, en montrant sa compréhension des besoins des clients et sa capacité à y répondre avec les technologies modernes qui sont désormais à sa disposition.

Dans une mesure certes encore modeste, c'est donc ce que fait Westpac avec le lancement de deux nouveaux outils de gestion des finances personnelles, complétant une panoplie existante bien étoffée… mais classique et notoirement insuffisante, comprenant catégorisation des opérations, suivi de l'évolution des charges en regard des revenus, poches d'épargne par projet, option de règlement fractionné à la demande…

En amont de la démarche, le constat est clair : une enquête auprès d'un échantillon d'australiens (et il est certain que les résultats seraient à peu près identiques dans la plupart des pays développés) révèle que, au cours des 12 derniers mois, 90% d'entre eux ont réduit leurs dépenses, 80% continuent à essayer de modérer leur train de vie, près de 2 sur 3 ont pris conscience de leurs excès d'achats superflus et… quasiment la moitié (47%) se sont mis à tenir un budget du ménage pour la première fois.

Westpac Money Management

Sur le premier volet, de la maîtrise des frais, Westpac déploie un mystérieux service de recherche de sources d'économies. Le principe, simple (malheureusement rien n'est précisé sur ses modalités concrètes de fonctionnement), consiste à aider l'utilisateur à repérer, à partir de son historique de transactions, les mauvaises petites habitudes qu'il pourrait peut-être sacrifier en période de vaches maigres. L'idée rappellera certains modules de pilotage des abonnements, ici généralisé à toutes les dépenses.

Second ajout, destiné à optimiser les velléités naissantes de gestion budgétaire de la population, la banque va introduire un calendrier de factures, au sein duquel chacun pourra intégrer manuellement les paiements à venir, notamment quand ils ne sont pas identifiés automatiquement par des prélèvements récurrents. Outre l'alerte émise à l'arrivée de l'échéance, ce petit gadget devrait également contribuer à éviter des oublis néfastes dans le contrôle de l'équilibre des finances de la famille.

L'initiative de Westpac peut paraître insignifiante (et il faut admettre qu'elle n'est guère approfondie), elle n'en est pas moins importante. Si l'adage « c'est dans l'adversité qu'on compte ses vrais amis » s'applique aux relations commerciales, les consommateurs qui peinent aujourd'hui à joindre les deux bouts, et qui restent en majorité des clients profitables, se souviendront certainement, une fois la sérénité revenue, des personnes et organisations qui les ont réellement aidés à surmonter les moments difficiles.

vendredi 22 septembre 2023

Une caricature de la banque digitale

Lloyds Bank
Depuis quelques mois un cycle de renouvellement des applications bancaires semble se propager dans l'industrie : l'occasion d'un recentrage sur les priorités des clients ? Afin d'en avoir le cœur net, j'ai épluché l'annonce officielle de Lloyds Bank, dont la promesse était une des plus alléchantes, et la réalité est absolument consternante.

L'histoire commençait pourtant bien : « il n'existe pas une réponse unique en matière de pilotage de l'argent, aussi avons-nous agi en conséquence ». Comme moi, vous imaginez peut-être, avec une certaine excitation, que ces quelques mots signifient que la banque a (enfin) décidé d'ajouter une dimension de personnalisation dans ses logiciels ? Pas exactement : il s'agit en fait de créer un titre dédié exclusivement à la clientèle aisée mais pas au point de prétendre à la gestion privée (« mass affluent » en anglais).

Passons sur la déception de voir le concept d'individualisation de la relation réduit à une simple segmentation éculée. Dans une période qui bruisse des difficultés que rencontrent les classes moyennes dans leur quotidien, le choix de porter l'attention sur ceux qui souffrent le moins paraît en outre un peu décalé… mais qui s'étonnera que l'établissement se mette en quatre pour ceux qui pourraient être ses meilleurs clients ? Alors, cette proposition Lloyds Bank 360 sera-t-elle au moins à la hauteur de leurs attentes ?

Qu'on en juge : la principale « nouveauté » de l'initiative, qui s'affiche comme « mobile d'abord », consiste à rassembler au sein de la même application tous les produits détenus auprès de l'enseigne, comptes de paiement, épargne, investissement et assurances ! Cerise(s) sur le gâteau, les utilisateurs disposent d'un espace didactique où des vidéos courtes leur expliquent les arcanes de la banque et gagnent la faculté de prendre rendez-vous avec un conseiller pour échanger sur leurs finances et leurs objectifs !

Lloyds Bank 360

Tout cela ne correspond-il pas à un niveau de service élémentaire ? En quoi y a-t-il dans cette combinaison la moindre raison de la restreindre à une population spécifique ? L'accès à un interlocuteur humain pour parler d'argent – qui, soit dit en passant, n'a pas grand chose de « digital » – est-il donc interdit aux personnes en précarité ou simplement moins riches ? Et où est le vrai changement, celui qui parlerait d'accompagnement, de recommandations proactives… notions qui ne sont jamais évoquées ?

Lloyds n'a aucune difficulté à identifier les grands enjeux de ses clients et les besoins associés, à savoir, par exemple, apprendre comment anticiper l'achat d'une résidence, comment investir sans crainte pour faire fructifier ses économies… En revanche, elle n'a aucune idée de la manière d'y répondre et se contente donc de prolonger ses pratiques habituelles de centrage sur les produits, avec tout au plus, un vernis pédagogique qui lui donne bonne conscience. Rien à voir, en somme, avec une banque « digitale » !

jeudi 21 septembre 2023

Et si l'assurance aidait à rester en bonne santé ?

Truemed
En dehors, parfois, de quelques actes spécifiques, généralement plafonnés, les couvertures santé sont largement concentrées sur le financement de la médecine réparatrice. Une jeune pousse américaine a mis au point une plate-forme globale afin de renverser cette situation et reléguer au second plan l'assurance maladie qui prévaut aujourd'hui.

Pour les fondateurs de Truemed, le principe de sa mission devrait être une évidence sociale et économique (corroborée par une somme astronomique de recherche scientifique) : une bonne hygiène de vie constitue le « vrai médicament », dont dérive le nom de la firme. Au lieu de dilapider des fortunes en soins en tout genre pour se remettre sur pied quand une affection les frappe, les personnes seraient mieux inspirées d'investir en amont dans les moyens, souvent triviaux, d'éviter la plupart de leurs maux.

Malheureusement, le passage à la pratique n'est pas simple. Sans parler des biais psychologiques humains qui retardent la prise de mesures, les systèmes de protection sont, pour l'essentiel, conçus dans le but d'avancer ou rembourser les frais occasionnés par la maladie et non d'empêcher celle-ci de survenir. Même quand une telle possibilité existe dans les contrats (ce qui est de plus en plus fréquent), les frictions introduites dans sa mise en œuvre ont tendance à décourager les plus téméraires d'y recourir.

Voilà précisément l'angle d'attaque de la plate-forme de Truemed. En l'occurrence, il s'agit de permettre aux américains de profiter facilement et en toute transparence de la faculté que leur octroie l'administration d'utiliser l'argent, échappant à l'impôt, déposé sur leurs plans d'épargne réglementés dédiés à la santé (qui représenterait quelques 150 milliards de dollars) pour payer leurs dépenses de bien-être (légalement éligibles) : alimentation saine, exercice physique, amélioration du sommeil, sauna (?), acupuncture…

About Truemed

Dans cette optique, la startup propose à ses fournisseurs partenaires, dont elle vérifie au préalable que leur offre entre bien dans le cadre de la législation, un système de paiement qui va directement prélever le montant de leur prestation dans les comptes spécialisés de leurs clients (si ceux-ci souhaitent l'imputer sur leur épargne, bien entendu). Elle résout enfin le dernier obstacle, le mécanisme étant soumis à l'obtention d'une ordonnance de nécessité médicale produite par un professionnel, en exploitant l'opportunité de la téléconsultation, officiellement agréée depuis la pandémie.

Naturellement, le mode de fonctionnement retenu par Truemed est intimement lié au contexte local et ne peut pas être répliqué à l'identique dans d'autres régions du monde. Je suis toutefois convaincu qu'il peut être décliné et adapté à d'autres environnements et d'autres cultures d'assurance santé, à partir du moment où l'attention se focalise sur ce qui fait sa véritable valeur : la levée de toutes les barrières, opérationnelles et psychologiques, qui se dressent devant les bénéfices incontestables de la prévention.

mercredi 20 septembre 2023

Une autre manière d'aborder la super-app

WhatsApp
Bien que, selon toute vraisemblance, l'opportunité des super-apps soit désormais derrière nous, de nombreuses entreprises, notamment du secteur financier, continuent à rêver de réussir dans cet exercice impossible. À tout le moins, elles pourraient peut-être s'inspirer de l'approche de WhatsApp pour entretenir un quelconque espoir.

Une super-app, c'est d'abord l'idée de capitaliser sur la popularité d'une plate-forme afin d'y intégrer une gamme de services complémentaires, étrangers à son cœur de métier, par exemple d'e-commerce, et d'en faire une évidence pour toutes les parties prenantes. La recette du succès passe donc, a minima, par des arguments qui convainquent, d'une part, les fournisseurs de faire l'effort de s'y implanter et, d'autre part, les consommateurs de choisir ce canal pour leurs interactions avec leurs marques préférées.

D'emblée, les réseaux sociaux sont particulièrement bien placés sur le critère de la fréquentation et de l'engagement de leurs utilisateurs : les échanges incessants entraînent une addiction qui facilite l'adoption pour toutes sortes de besoins. À ce niveau déjà, les banques sont en net retrait : l'accès régulier, jusqu'à plusieurs fois par jour, au suivi des comptes relève plus de la contrainte, voire de l'angoisse… Un état d'esprit qui n'est donc guère propice à une prolongation de l'expérience dans d'autres domaines.

En admettant que cet obstacle soit franchi, reste à déployer une proposition de valeur attractive (qui pourrait aussi, à l'inverse, contribuer à le surmonter). Or les acteurs qui se lancent commettent souvent l'erreur de laisser trop de liberté aux partenaires qu'ils souhaitent accueillir, en pensant qu'il s'agit d'un excellent moyen de les séduire. Résultat, l'intégration est généralement peu profonde et la solution embarquée est tellement proche de ses racines que les visiteurs sont enclins à préférer la source originale.

WhatsApp Flows

A contrario, quand WhatsApp entame sa démarche, c'est avec l'outil Flows. Ce dernier permet aux professionnels de créer des parcours spécifiques, exploitant des briques d'interface standardisées (identification, saisie de texte, calendrier, sélection de place…). Son objectif est d'orienter les fonctions mises en place vers un modèle aligné sur la vision que porte la messagerie de l'expérience qu'elle veut offrir à ses adeptes et, accessoirement, de favoriser une présentation unifiée qui en facilite la prise en main.

Il n'est ainsi plus question d'agréger dans une application fourre-tout une collection de sites externes en imaginant que le passage répété devant ces vitrines virtuelles va les rendre attirantes mais d'inventer comment un acte (d'achat ou autre) prend son sens dans le contexte de la plate-forme. Naturellement, dans le cas de WhatsApp, c'est le fonctionnement conversationnel, sur des produits ciblés, qui prend la priorité. Seule une telle perspective est susceptible de conquérir le client. Puis il faut guider les fournisseurs vers cette stratégie, via un kit de construction simple à appréhender.

Rien ne dit que l'initiative de WhatsApp parviendra à conjurer les prédictions pessimistes sur l'avenir des super-apps (j'en doute). Mais il est certain que ses fondations, basées sur une recherche sans concession de ce qui intéresse vraiment ses utilisateurs, au point de leur faire changer leurs comportements (car c'est l'enjeu !), et un accompagnement opérationnel des partenaires, prenant aussi en compte leurs limitations, lui donnent plus de chances de réussite que bien des tentatives centrées sur une illusion de ROI.

mardi 19 septembre 2023

Wise introduit un cheval de Troie dans Swift

Wise
À l'occasion de la conférence Sibos, sa grande messe annuelle, Swift dévoilait hier sa collaboration avec Wise, lui permettant d'offrir une nouvelle option à ses clients pour leurs transferts internationaux. Voilà une reconnaissance importante pour la jeune pousse… qui pourrait aussi marquer le début de l'effondrement des modèles historiques.

La gestion des virements transfrontaliers, souvent à travers le mécanisme traditionnel des correspondants – en résumé, des banques qui jouent le rôle d'intermédiaire quand les établissements émetteurs et destinataires n'ont pas de relation directe –, constitue depuis longtemps une des missions importantes de la plate-forme de messagerie financière de Swift. Le système fonctionne… mais souffre d'un défaut inacceptable à notre ère digitale : les délais de traitement, qui se comptent généralement en jours (au pluriel).

Face à ce handicap, Wise apporte une solution radicale, puisque plus de la moitié (57%) des transactions qui lui sont confiées sont exécutées instantanément (enfin… en moins de 20 secondes) et 90% en moins d'une heure. Grâce à son partenariat avec Swift, ces performances vont désormais se mettre à la portée de tous les établissements, sans exiger de changer leurs habitudes. Elle va en effet prendre un rôle de correspondant comme les autres dans le réseau, mais avec une vitesse de traitement incomparable.

C'est que la division Wise Platform de l'entreprise propose depuis des années aux banques, entre autres, d'intégrer son service au cœur de leur offre. Mais, aussi attractive soit-elle, l'archaïsme technologique de l'industrie rend cette approche extrêmement complexe et délicate à mettre en œuvre concrètement. On se souvient de l'exemple de BPCE… En passant par le canal existant de Swift, cet obstacle disparaît : les applications nécessaires sont déjà en place, il suffit de changer le récipiendaire des ordres.

Wise Platform

L'initiative est évidemment une excellente opération pour Wise et il reste à espérer que, maintenant que la barrière à l'entrée est supprimée, les institutions financières mettent à profit les bénéfices de ses solutions pour extirper les transferts internationaux de l'âge de pierre. En revanche, elle risque de soulever de nombreuses interrogations – existentielles – de la part des utilisateurs vis-à-vis des briques résiduelles, datant d'une autre époque, qui persisteront à encombrer de frictions leur expérience.

Pourquoi faudrait-il, notamment, recourir à Swift, qui, indépendamment de ses qualités, introduit une couche d'architecture supplémentaire, avec ses contraintes, ses limitations et ses coûts, alors qu'une connexion directe avec Wise simplifierait tellement les opérations ? Et, si les banques sont incapables de mettre cette interface en œuvre au cœur de leurs espaces de gestion, ne paraîtra-t-il pas alors plus raisonnable de s'adresser à la FinTech, dorénavant adoubée par le gratin du secteur, sans médiation ?

Loin de se contenter de chercher à démultiplier la portée de son offre (et son chiffre d'affaires), la vision que poursuit Wise depuis ses origines se retrouve clairement dans cette collaboration avec Swift : remplacer une infrastructure et des pratiques obsolètes par un dispositif numérique à l'état de l'art, instantané, transparent et peu coûteux… quitte à accepter de s'infiltrer parmi les dinosaures pour parvenir à ses fins.

lundi 18 septembre 2023

La fraude fait fuir les clients

SAS
Le spécialiste de l'analyse de données SAS a commandité une vaste enquête auprès de 13 500 citoyens de 16 pays dans le monde afin de connaître leur expérience, leur ressenti, leurs réactions et leurs attentes en matière de fraude. Ses résultats devraient probablement inciter les institutions financières (entre autres) à mieux organiser leurs défenses.

En réalité, l'exercice ne réserve aucune surprise, que ce soit dans les perceptions comme dans les conséquences de la fraude dans le grand public. En revanche, il présente l'immense avantage de formaliser et confirmer à grande échelle un certain nombre de présomptions et de conjectures, livrant ainsi des arguments concrets et objectifs pour reprendre la main… et pas exclusivement par l'arsenal technologique que l'éditeur cherche évidemment à positionner comme sa réponse privilégiée.

En premier lieu, c'est largement un point de vue de victimes qui s'exprime, puisque 7 répondants sur 10 affirment avoir déjà été confronté à un incident (plus d'une fois pour 4 sur 10). En outre, la hausse vertigineuse du phénomène au cours de ces dernières années ne passe pas inaperçue : presque la moitié de l'échantillon en a observé les manifestations plus fréquemment en 2022 qu'auparavant. Enfin, ils sont 86% a confirmer que, simultanément, leur inquiétude et leur circonspection progressent sensiblement.

La bonne nouvelle est que, face à ces menaces omniprésentes et visibles, la prise de conscience des enjeux est désormais bien ancrée chez les intéressés. De ce fait, ils deviennent plus enclins à accepter les contraintes liées à leur protection, que ce soit à travers des contrôles et des délais dans l'exécution de transactions (pour trois quarts d'entre eux), le recours à la biométrie (pour 80%) ou la propension à partager des données personnelles dans un but de lutte contre les malversations (pour 7 sur 10).

SAS Survey

En contrepartie, les entreprises, au premier rang desquelles figurent naturellement les banques et les compagnies d'assurance, sont enjointes de metre en place tous les garde-fous qui sont à leur portée. En effet, deux tiers des consommateurs préviennent qu'ils changeraient de fournisseur dans l'hypothèse où une attaque les affecterait… ou si un concurrent démontrait qu'il offre une meilleure défense. La politique de gestion de la fraude est maintenant un enjeu de conquête et de fidélisation de la clientèle !

Alors, certes, la riposte comprend certainement le déploiement des outils de pointe, immanquablement à base d'intelligence artificielle, que proposent les acteurs tels que SAS. Mais elle doit également intégrer une dimension de communication essentielle : une fois les risques réduits au minimum, il faut encore le faire savoir, preuves à l'appui. Et ce n'est toujours pas suffisant : il reste ensuite à appréhender avec efficacité, rapidité et empathie les inévitables catastrophes qui surviennent malgré les précautions prises.

On le connaissait déjà à travers le volet de la prévention mais le marketing de la lutte contre la fraude doit donc aussi embrasser un rôle de différentiateur concurrentiel. La tâche s'avère éminemment complexe, entre la nécessité de rendre les messages intelligibles tout en démontrant une vraie expertise, l'impératif de cohérence entre les actes et la propagande et, enfin, la recherche inlassable de l'équilibre avec l'expérience client, qui reste, bien entendu, un autre argument de vente incontournable.

dimanche 17 septembre 2023

La surveillance des traders s'intensifie

Deutsche Bank
Parce qu'elles se voient régulièrement infliger des amendes phénoménales par leurs autorités de tutelle en raison des manquements de leurs traders, les institutions financières renforcent en permanence leur arsenal de contrôle. Pour Deutsche Bank, la prochaine étape pourrait consister à installer une sorte de détecteur de mensonges.

Naturellement, diverses exigences réglementaires imposent déjà plus ou moins explicitement que les conversations de ces collaborateurs aux activités extrêmement sensibles (et soumis à des tentations inavouables) soient systématiquement enregistrées, surveillées et analysées. Dans ce dernier registre, les techniques mises en œuvre jusqu'à maintenant portent cependant uniquement sur le contenu et, en particulier, le vocabulaire employé. Avec un peu de maîtrise, elles deviennent hélas faciles à contourner.

Face à leurs limites, Deutsche Bank explore donc une approche complémentaire, à travers laquelle ce sont cette fois les intonations de la voix qui sont scrutées afin de repérer des indices de malversations. Cette nouvelle tâche est évidemment assignée à l'intelligence artificielle. Entraîné sur les archives d'appels téléphoniques conservés par l'établissement, le modèle est censé appréhender des nuances dans les échanges, par exemple de cynisme, et les corréler avec leur contexte pour lancer ou non l'alerte.

Que les optimistes se rassurent, le projet, pour lequel aucune échéance de déploiement n'est annoncée à ce jour, est maintenu strictement dans les rails de la législation sur la protection de la vie privée. D'autre part, heureusement, la machine n'est pas décisionnaire. Elle joue un simple rôle d'assistance à l'écoute de masse – avec une efficacité et une exhaustivité incomparables – et ses avertissements seront toujours étudiés par un humain, seul juge de leur bien-fondé, dont il faudra néanmoins espérer que les biais psychologiques classiques n'influencent pas son discernement.

Deutsche Bank – Trading

L'initiative de Deutsche Bank a de quoi soulever quelques sérieuses questions éthiques et son inadéquation aux enjeux du moment ne fait qu'accentuer leur acuité. En effet, dans l'immense majorité des dossiers récents ayant abouti à de lourdes sanctions, les faits reprochés aux traders concernent leur utilisation d'outils de communication (WhatsApp) échappant à toute supervision. Non seulement la mise en place d'un système supplémentaire d'espionnage des entretiens n'apportera-t-il donc aucune amélioration, il risque encore d'accroître les envies de recourir à ces moyens détournés.

Plus généralement, l'émergence de ce genre d'usages pour l'intelligence artificielle, et pas seulement dans le secteur financier, donne probablement raison à ceux qui s'alarment de la vitesse à laquelle ces technologies progressent, autant par les abus qu'elles peuvent susciter de la part de ceux qui les mettent en œuvre que par les dangers que représentent les erreurs toujours possibles et fréquemment sous-estimées. Le besoin d'un encadrement rigoureux des applications de l'IA devient décidément très urgent.

samedi 16 septembre 2023

Teamzy accompagne les projets immobiliers

Teamzy
Issue d'une innovation interne née il y a presque trois ans, Teamzy, entretemps convertie en filiale à part entière d'Arkéa, lance [PDF] officiellement sa plate-forme « digitale » de pilotage des projets immobiliers dans le Finistère, après une période de mises au point et de premières expérimentations extrêmement prometteuses.

Dans un contexte qui voit tant de banques essayer de s'immiscer dans les métiers adjacents à la finance, via leurs fameuses aventures « beyond banking », l'acquisition d'une résidence, sur laquelle elles considèrent que l'importance du crédit leur confère un poids qui légitime leurs velléités d'expansion, voit fleurir de nombreuses initiatives. Presque toujours, il s'agit d'offrir au consommateur un parcours complet, de la recherche de bien au déménagement, qui, malheureusement, reste souvent superficiel.

Avec Teamzy, la logique est sensiblement différente : son objectif est de fournir à l'utilisateur une sorte d'assistant à la maîtrise d'ouvrage de son projet d'achat, de vente, de construction ou de rénovation. Son périmètre est donc restreint, au profit d'une approche opérationnelle concrète. Ainsi, l'outil est en permanence aux côtés de la personne afin de la guider dans les étapes à suivre, adaptées à chaque type de chantier, et agit comme une plaque tournante des interactions avec les parties prenantes.

En pratique, chaque intervenant exerce son rôle comme il en a l'habitude, avec ses propres processus et logiciels, seules les phases d'échange sont centralisées sur le site de Teamzy, sous le contrôle du donneur d'ordre. Dès qu'une tâche est terminée, par exemple, ce dernier est notifié et accuse réception (avec signature, si nécessaire). Il peut ensuite transmettre l'information, le cas échéant avec les documents requis, eux aussi rassemblés dans son espace, aux autres acteurs qui doivent prendre le relais.

Accueil Teamzy

Les longs mois d'incubation entre les débuts de Treckea et le déploiement en production de Teamzy n'ont pas été perdus, puisqu'ils ont permis de réunir plus de 50 partenaires autour de la solution, dont la diversité de leurs activités donne une idée de l'étendue de la couverture désormais disponible dans le suivi des projets : agences immobilières, promoteurs, notaires, collectivités, spécialistes de la rénovation, fournisseurs d'eau, d'énergie… et, bien sûr, banques, dont même une caisse du Crédit Agricole.

Car l'ambition n'a pas changé depuis les débuts et reste focalisée sur la création d'un écosystème ouvert, sans restrictions, destiné à simplifier la vie des consommateurs dans des moments qui figurent généralement parmi les plus marquants, mais aussi les plus stressants, de leur existence. D'ailleurs, les professionnels impliqués sont depuis peu invités à se retrouver dans un club, dans le but de stimuler les collaborations, le partage d'expériences et l'identification des besoins qui restent à prendre en charge.

Alors que je m'interroge régulièrement sur la validité des démarches des institutions financières qui croient que la confiance de leurs clients leur procure automatiquement un avantage dans leurs tentatives de pénétrer des secteurs étrangers à leur cœur de métier, Teamzy présente, à travers son appartenance à Arkéa, la particularité de se positionner sur un registre où le doute n'est pas permis, à savoir celui d'un intermédiaire fiable pour la conservation et la distribution de données et documents sensibles.

vendredi 15 septembre 2023

Younited avance dans l'assurance

Younited
Désormais bien implantée dans le paysage européen des crédits aux particuliers, la jeune pousse française Younited cherche de plus en plus à s'ouvrir aux besoins complémentaires de ses utilisateurs, souvent fidèles. Sans trop s'éloigner de son cœur de métier, sa prochaine extension, à partir de cet automne, concernera [PDF] l'assurance.

Naturellement, il ne s'agit pas de la première incursion de l'entreprise dans le secteur puisque ses solutions incluent depuis quelques années une couverture « emprunteur », optionnelle mais classique, intégrée au cœur de ses différents parcours de souscription, permettant au consommateur de faire face à ses échéances de remboursement en cas d'incapacité. Ce module de base sera rejoint sous peu par plusieurs produits additionnels, donnant lieu à la création d'une ligne dédiée, baptisée Younited Care.

Initialement, c'est une protection contre la perte de revenus (promettant une indemnisation pouvant atteindre 1 800 euros mensuels), qui sera introduite en appoint de la précédente dès le mois prochain, dans l'hexagone. Si sa juxtaposition avec le contrat emprunteur n'est pas fondamentalement absurde, j'avoue ne pas être totalement enthousiasmé par sa pertinence… d'autant qu'elle risque de générer une certaine confusion chez les utilisateurs confrontés aux deux choix simultanés.

En revanche, la suite devrait être plus convaincante, puisqu'elle ressort de l'assurance affinitaire. Quoi de plus insupportable en effet que de continuer à payer les mensualités d'un produit dont on ne peut pas/plus profiter ? Le principe consistera donc à proposer aux clients de couvrir les aléas affectant l'objet du financement accordé par Younited, avec des conditions adaptées aux diverses catégories de son catalogue : vol ou casse d'un appareil électronique, annulation de voyage ou de mariage, automobile (?)…

Younited Care

Ces futures offres seront concoctées et déployées en partenariat avec Owen, une startup française spécialiste de l'assurance de biens enfouie. Ses APIs faciles à mettre en œuvre (il suffit de quelques semaines pour une intégration complète) autoriseront une immersion transparente et sans friction de la souscription de garantie dans l'expérience client, qui devrait stimuler l'adoption. Bien entendu après cette étape, les formalités contractuelles et les éventuels sinistres sont entièrement pris en charge par Owen.

Le concept que développe Younited prend ses racines dans un domaine déjà largement connu et répandu, existant sous des formes variées. Cependant, l'ajout d'une assurance affinitaire dans le périmètre du financement présente quelques avantages sur les solutions habituellement disponibles sur le point de vente, entre le surcroît de confiance dont peut bénéficier l'intermédiaire financier, son accès pour tous les commerçants et la mise en contexte de la protection vis-à-vis de l'engagement sur le crédit. Ces facteurs sont susceptibles de redorer le blason d'un modèle qui a souvent mauvaise presse.

jeudi 14 septembre 2023

L'assurance décès tournée vers la vie

State Farm
Aussi intuitive qu'elle paraisse, la prise en compte de la prévention en support de l'assurance progresse lentement dans le secteur. Pour l'américaine State Farm, par exemple, qui n'est pourtant pas la dernière à s'y intéresser, l'ajout dans sa couverture contre le décès d'une dimension de maintien en forme arrive 8 ans après les pionniers.

L'idée est née d'abord dans le périmètre de la santé, avec l'objectif, évident, non seulement d'améliorer le bien-être des assurés, mais également de réduire leurs dépenses médicales, donc les indemnisations à débourser, en leur proposant des outils destinés à les encourager à adopter une hygiène de vie et des comportements plus sains. Quoi de plus logique alors que d'en décliner le principe dans le but de retarder au maximum l'issue fatale, fructueux pour le bénéficiaire comme pour son fournisseur ?

Dans cette perspective, State Farm publie une application mobile « vie enrichie » (« Life Enhanced ») à l'intention de ses nouveaux clients d'un contrat décès, assortie d'une promesse de les aider à mieux profiter du temps qui leur reste. Elle comprend plusieurs composantes complémentaires, depuis les outils, incontournables et attendus, de planification des dernières volontés et des dispositions testamentaires, jusqu'à une batterie de solutions focalisées sur l'optimisation du bien-être dans la durée.

Dans ce registre, figure naturellement la (presque) traditionnelle plate-forme de surveillance et de coaching de l'activité physique et sportive. Après connexion à un appareil de mesure (une montre connectée, généralement), l'utilisateur est invité quotidiennement à relever des petits défis afin de garder sa condition. À titre d'incitation, les gestes effectués donnent lieu à des récompenses, qui peuvent être ensuite converties en cartes cadeaux ou bien sous forme de donations à des associations caritatives.

State Farm – Life Enhanced

Mais le dispositif ne s'arrête pas à ces bases. Il inclut également de nombreux contenus consacrés à des thématiques aussi diverses que les produits d'assurance (sans surprise), la santé mentale, la sécurité domestique… et les finances personnelles. Dans ce dernier cas, il est même question d'outils pratiques en sus des modules éducatifs, sans que, hélas, ne soient précisées leurs fonctions, dont je crains qu'elles ne soient limitées. Ce volet mériterait pourtant aussi un accompagnement proactif de proximité.

Malgré cette réserve, la démarche de State Farm est à saluer, pour la vision qu'elle porte de l'importance de la prévention dans l'écosystème de l'assurance et, dans un registre plus spécifique, dans sa rare prise en considération de la sérénité financière comme un facteur essentiel de santé. Ce second point, désormais largement éclairé par de multiples recherches académiques, est encore trop peu appréhendé par les assureurs alors que, au-delà de l'impact que peut avoir son intégration dans leur périmètre, il représente une opportunité de prendre pied dans un domaine bancaire qui les nargue de longue date.