Free cookie consent management tool by TermsFeed
C'est pas mon idée !

jeudi 31 mars 2022

Hannover Re ouvre sa plate-forme d'insurtech

Hannover Re
Dans la recherche de nouveaux relais de croissance que poursuivent les réassureurs depuis quelques années, Hannover Re expérimente [PDF] depuis 2019 un rôle de mise en relation de ses clients avec les startups du secteur. Apparemment, les résultats obtenus sont convaincants puisque sa plate-forme est désormais ouverte à tous.

Si, au premier abord, l'affirmation de son positionnement en catalyseur de l'innovation a de quoi surprendre (et contient, il est vrai, un soupçon d'exagération), il n'en reste pas moins que l'institution, tout comme ses consœurs, est extrêmement active en la matière. Tel est justement le cas, en particulier, autour de l'animation de l'écosystème entrepreneurial, poussée, parfois, jusqu'à donner l'impression de marcher sur les plates-bandes de ses clients, par exemple dans la relation directe avec les assurés.

Aucune réserve de ce genre avec « hr | equarium », qui cible prioritairement les compagnies cherchant à élargir leurs horizons vers des acteurs émergents souvent difficiles à identifier et qualifier en interne, surtout avec la multiplication exponentielle de leur nombre observée ces derniers temps. Le principe est donc celui d'un site (public) de rencontres (selon les termes d'un dirigeant de Hannover Re) dont la vocation serait de faciliter les contacts et, idéalement, les collaborations entre assurance et insurtech.

Concrètement, il s'agit d'une sorte d'exposition virtuelle de 164 solutions (à ce jour), couvrant différents domaines – de la création de produits à la distribution en passant, notamment, par la gestion de sinistres – sur les lignes vie, maladie et non-vie, et comprenant à la fois des offres logicielles, matérielles ou même de conseil. Les fiches sont soumises par les fournisseurs eux-mêmes et quelques-unes (une vingtaine pour l'instant) bénéficient en outre d'un label indiquant leur validation par Hannover Re.

hr | equarium

L'objectif de la démarche est autant d'apporter aux compagnies un catalogue d'opportunités prêtes à explorer que de donner aux jeunes pousses une occasion de mettre en avant leur savoir-faire auprès d'une cible plus ou moins acquise (plus de 700 firmes auraient déjà utilisé « hr | equarium »). Cependant, plus généralement, l'entreprise voit peut-être là également une piste de diversification, vers la commercialisation de solutions variées au-delà de ses seuls capacités historiques de réassurance.

L'initiative n'en est évidemment pas encore là mais son ouverture à l'ensemble du marché représente un pas dans cette direction. Une étape majeure à franchir si cette stratégie devait se prolonger consisterait ensuite à mettre en place une véritable place de marché, dont un pilier d'efficacité serait alors un socle d'API simplifiant et accélérant l'intégration des services qui y sont mis à la disposition des assureurs. Ces derniers pourraient ainsi assembler et composer leurs systèmes (presque) comme avec des briques de Lego…

mercredi 30 mars 2022

Robinhood lance une carte de paiement

Robinhood
Au premier abord, l'introduction d'une carte prépayée dans le catalogue du trublion du trading Robinhood peut donner l'impression de constituer une étape vers une diversification déjà observée par le passé dans d'autres domaines de la FinTech. Mais il n'en est rien. Elle est parfaitement alignée avec la stratégie historique de la startup.

Jusqu'à maintenant, ses clients disposaient d'un compte unique autorisant la cohabitation d'une réserve de liquidités et de leur portefeuille de titres, principalement dans le but de faciliter les opérations boursières. Progressivement, cet arrangement va donc laisser place à la nouvelle « Cash Card », qui non seulement sépare les deux volets de manière plus étanche mais fournit en outre, de toute évidence, des fonctions de paiement, assorties de quelques avantages spécifiques destinés à en encourager l'usage.

Passons sur les reversements accordés sur les achats auprès d'une sélection de commerçants, qui devraient arriver prochainement, réminiscents des programmes de récompense des cartes de crédit. Robinhood propose également un dépôt anticipé des salaires à ceux qui auront domicilié ces derniers sur leur compte et un mécanisme, bien connu, d'épargne des arrondis qui invite à transformer les centimes grignotés sur les dépenses en investissement, et s'enrichit ici de bonus (ludiques) hebdomadaires.

Comme toujours, la motivation brute de la démarche réside d'abord dans une volonté d'inciter plus d'utilisateurs à réaliser plus de transactions, de manière à stimuler le développement de l'activité de la jeune pousse. En arrière-plan, sont plus particulièrement visées les jeunes générations, parfois hésitantes à s'aventurer sur un terrain intimidant, qui se voient ainsi offrir des opportunités de mettre un pied à l'étrier sans prendre de grands risques et de s'accoutumer progressivement aux arcanes de la bourse.

Robinhood Cash Card

Cependant, derrière le cynisme commercial dont on peut aisément soupçonner Robinhood, une autre lecture, beaucoup plus intéressante, est possible. En effet, les ressorts auxquels elle recourt sont plus ou moins les mêmes qui sont nécessaires afin d'inculquer des gestes d'épargne à des consommateurs débridés : commencer tôt, même avec de petites sommes, mettre de côté régulièrement, préserver une partie des revenus dès leur perception (une option aussi incluse avec la Cash Card)…

Or, selon cette perspective, ce que nous démontre l'initiative de Robinhood, pour ceux qui en douterait encore, est qu'une telle approche ne peut être efficace que moyennant une intégration entre comptes de paiement et d'investissement, qui, si on souhaite couvrir tous les piliers de la santé financière, mérite d'être étendue à l'épargne en général et aux crédits. Seule une vision consolidée de la situation et des mouvements peut réellement aider l'individu à adopter des réflexes vitaux. Le plus cocasse est que, sur ce plan, les banques sont idéalement placées… mais qu'elles ne profitent pas de l'aubaine.

mardi 29 mars 2022

Mastercard optimise les paiements

Mastercard
Son acquisition l'année dernière du spécialiste américain de la banque ouverte Finicity procure aujourd'hui à Mastercard une nouvelle occasion de sortir de ses métiers historiques avec une solution originale qui exploite les données de transactions historiques afin de sécuriser et optimiser les règlements de montants relativement importants.

Décidément, le timing des paiements est en passe de devenir un des sujets en vogue pour l'industrie. Après les efforts d'ajustement des cycles de remboursement d'emprunts sur les versements de salaires, la préoccupation concerne cette fois l'incidence des choix en matière de prélèvement sur le risque de rejet. Concrètement, l'arrivée d'une opération de débit un jour trop tôt ou un jour trop tard, alors que la provision du compte est insuffisante, est susceptible d'induire des frais potentiellement conséquents.

La facture peut grimper rapidement, en particulier pour les gros utilisateurs de ces modes d'encaissement. Dans le but de soulager ces derniers, Finicity a donc développé deux fonctions complémentaires. L'une, baptisée « Payment Success Indicator », interroge le solde du compte bancaire du client final (auquel il devra préalablement avoir accordé un accès, naturellement) et analyse son comportement habituel, sur la base des opérations enregistrées au cours des mois précédents. Elle en dérive un score de fiabilité.

La seconde, « Payment Routing Optimizer », s'appuie ensuite sur cet indicateur pour sélectionner les meilleures conditions de réalisation du prélèvement. Il s'agit, d'une part, d'exécuter le mouvement immédiatement (si les fonds nécessaires sont disponibles) ou de le différer (par exemple en attente d'un dépôt récurrent), et, d'autre part, d'opter pour la méthode de transfert estimée la plus pertinente, notamment entre version classique (plus économique, mais avec un délai) et accélérée (si l'argent menace d'être retiré).

Finicity

En attendant sa généralisation, prévue plus tard dans l'année, le service sera très bientôt mis en œuvre effectivement par une première entreprise. Bilt Rewards est une plate-forme de collecte de loyers (assortie de récompenses) pour plus de deux millions de propriétés aux États-Unis et elle voit dans l'offre de Finicity un excellent moyen de réduire ses coûts (imaginez le taux d'incidents sur plus de 20 millions de paiements par an) tout en offrant une certaine tranquillité d'esprit aux locataires (qui justifie leur adhésion).

On retrouve ici le même argument qu'avec les autres initiatives qui jouent sur les moments idéaux pour les opérations financières. Se libérer de la préoccupation de savoir si le montant du prochain règlement périodique est bien disponible, s'affranchir de toute inquiétude quant aux dates de paye et de ponction constituent des facteurs majeurs de bien-être. Ils fournissent de la sorte des cas d'usage rêvés pour l'« open banking », dans lesquels les consommateurs peuvent aisément percevoir leur intérêt à participer.

lundi 28 mars 2022

Wenalyze automatise la connaissance des PME

Wenalyze
Je découvre, à l'occasion d'une levée de fonds (à laquelle j'ai indirectement participé, soyons transparent), cette jeune pousse d'origine espagnole qui exploite les données ouvertes afin de simplifier, accélérer et fiabiliser la collecte d'information sur les petites entreprises dans les processus de connaissance client du secteur financier.

Que leur objectif soit de respecter les exigences réglementaires, de définir des conditions contractuelles optimales ou, plus prosaïquement, de personnaliser les expériences, il est essentiel pour les compagnies d'assurance, première cible de Wenalyze, mais également les banques, aussi prometteuses, d'accumuler des données complètes et précises sur leurs clients. Malheureusement, encore en 2022, à l'ère de la « digitalisation » à outrance, la mauvaise qualité de ces précieuses ressources reste un problème persistant.

La réponse qu'apporte la startup en Europe à ce défi universel, au moins en ce qui concerne les PME, consiste à explorer, extraire, analyser et consolider les informations disponibles auprès des centaines de sources existantes qui en détiennent quelques bribes pour leurs missions et besoins propres. Il suffit de fournir une raison sociale et une adresse et les algorithmes de Wenalyze restituent en quelques secondes tout ce qu'il faut savoir sur une structure afin de prendre des décisions éclairées, en totale confiance.

Les bénéfices de l'approche sont immenses, alors que certaines estimations font état de taux d'erreur supérieurs à 50% avec les systèmes traditionnels. Pour les établissements de crédit autant que pour les assureurs, une meilleure connaissance des prospects contribue à réduire les risques (et leurs coûts) puis, après souscription, à proposer des solutions mieux adaptées à leur situation réelle. Elle permet en outre de déployer des parcours d'entrée en relation qui, grâce à l'automatisation, éliminent les remplissages de formulaires sans fin (souvent redondants) et autorisent un traitement instantané.

Wenalyze

Depuis des années, le monde entier répète que les données, omniprésentes dans notre univers ultra-informatisé, représentent la richesse de demain… mais où est la réalité ? Dans son domaine, Wenalyze fait figure de pionnière dans la matérialisation de cette vision, et elle ne manque pas d'opportunités d'extensions. Avec la même recette, elle se penche déjà, par exemple, sur les indicateurs de responsabilité sociétale et environnementale des organisations, et se tient de la sorte prête à accompagner ses clients quand ils mettent en place des démarches de développement durable.

Environ une décennie après le mirage des « big data » et de leur capacité supposée à résoudre toutes les difficultés, les rêves de domptage de l'information des institutions financières se heurtent toujours à l'obstacle trivial de l'accès à la matière première (souvent jusque dans leurs propres environnements). Naturellement, divers acteurs se positionnent en courtiers, mais leurs flux bruts, complexes à traiter, ne suffisent pas : des données agrégées et préparées, adaptées à des usages verticaux, sont plus faciles à insérer dans les processus. Le créneau de Wenalyze a un brillant avenir devant lui.

Startup repérée grâce à Astorya.vc (merci !)

dimanche 27 mars 2022

L'EPI fait pschitt !

EPI Interim Company
Les 33 fées qui s'étaient progressivement rassemblées autour du berceau de l'initiative de paiements européenne (EPI) promettaient un démarrage en 2022… Las, Carabosse a mis son grain de sel et les 13 participants qui restent sont aujourd'hui contraints de réduire drastiquement leurs ambitions. Comment la remettre sur les rails ?

En soi, le funeste destin du projet n'est guère une surprise et il pourrait (devrait) aisément devenir un cas d'école pour les générations futures. Délibérément et inconditionnellement focalisé sur la définition d'un produit, sans aucune considération pour ses usages ni pour les besoins et les attentes qu'il s'agirait d'abord de combler, il s'est en outre élancé immédiatement avec une seule caractéristique chiffrée, alors que ses contours étaient encore bien flous : son budget préliminaire pharamineux d'un milliard d'euros.

Autant en raison du montant de l'addition envisagée (officiellement) que de sérieux doutes sur cette méthode (à mon avis), les deux années écoulées ont vu successivement se défausser une majorité des établissements engagés dans l'aventure, dont ne subsistent donc maintenant que les 6 principaux groupes bancaires français, un espagnol, deux allemands, un belge, un néerlandais et deux opérateurs techniques. L'allègement du tour de table est tel qu'une restructuration complète des objectifs était inévitable.

L'entreprise intermédiaire qui était chargée de préparer le dossier a donc d'ores et déjà annoncé qu'elle renonçait à un des piliers de son programme originel, à savoir la création d'un « scheme » de carte de paiement susceptible de concurrencer les américains Visa et Mastercard. Ce pourrait être une bonne nouvelle car, outre son probable coût prohibitif, cette cible était justement celle qui semblait la plus déconnectée des évolutions prévisibles des habitudes de paiement des consommateurs… et des marchands.

Malheureusement, rien ne semble avoir changé quant à l'approche même du problème : à ce stade, les propositions sont toujours polarisées sur une logique exclusive de produit, seul le périmètre est révisé. En l'occurrence, l'objectif serait maintenant de recentrer les priorités sur un porte-monnaie mobile et un système de paiement en ligne, adossés à des virements bancaires (grâce aux services d'initiation de paiement de la DSP2). Quels bénéfices pour les utilisateurs potentiels ? Nul ne semble s'en préoccuper.

C'est que, dans la plupart des pays européens, existent des systèmes de paiement similaires, qui fonctionnent généralement depuis plusieurs années et sont parvenus – parfois difficilement et à grands renforts de promotions et de campagnes publicitaires – à conquérir leur cible. Pourquoi en élaborer un autre ? Incidemment, il se dit que les banques espagnoles (à l'exception de Santander) se sont retirées de l'EPI parce qu'elles considéraient que leur initiative commune locale, Bizum, suffisait à leur bonheur.

Or voilà bien un gisement de valeur qui reste à explorer et qui constituerait une mission digne d'intérêt : tous ces dispositifs hétérogènes, dispersés, parfois concurrents, mériteraient peut-être un mécanisme d'interopérabilité à l'échelle européenne ? Au lieu de chercher à réinventer la roue, les efforts ne seraient-ils pas plus efficaces et rationnels s'ils étaient dirigés vers les solutions actuelles, en les reliant aux comptes bancaires quand ce n'est pas le cas et en les rendant « universelles » dans l'Union ?

Ainsi, l'EPI se chargerait de concevoir des standards ouverts d'interface, pour les porte-monnaie virtuels et pour les plates-formes de commerce. Chaque implémentation nationale n'aurait plus alors qu'à adopter ces nouvelles normes, en complément de son modèle opérationnel existant (qui peut être maintenu aussi longtemps que souhaité) pour s'ouvrir à l'ensemble du marché européen. Et pourquoi ne pas accueillir aussi les modes de paiement historiques et ceux des acteurs émergents, pour plus de polyvalence ?

De nombreux observateurs estiment que l'EPI devrait mettre un terme à son projet. Indubitablement, la fermeture définitive serait la meilleure option si son cap actuel n'était pas radicalement corrigé. Cependant, l'initiative ne manquerait pas d'opportunités à creuser si elle prenait enfin une perspective centrée sur ses clients de demain.

L'EPI fait pschitt !
Photographie par Ulrike Leone (Pixabay)

samedi 26 mars 2022

Détour sur la semaine de l'éducation financière

CIBC
Alors que s'achève la semaine de l'éducation financière 2022, je propose de nous attarder sur une étude réalisée par CIBC auprès des consommateurs (adultes) canadiens, qui révèle leur préoccupation croissante pour leur bien-être mais souligne leurs difficultés à faire face à leur manque d'information et de culture en matière d'argent.

C'est en quelque sorte devenu une évidence pour de nombreux citoyens à travers le monde dans le sillage de la pandémie : prendre soin de ses finances personnelles est important afin d'affronter les vicissitudes de l'existence et de mener à bien ses grands projets de vie. Selon l'enquête diligentée par CIBC, qui pourrait certainement produire les mêmes résultats dans d'autres pays, trois quarts des individus interrogés en font une priorité pour 2022. Hélas, ils ne possèdent pas les bases nécessaires pour réussir…

Sur le sujet emblématique de la préparation de leur retraite, par exemple, une immense majorité d'actifs (88%) confirment n'avoir pris aucune disposition spécifique et moins de la moitié (43%) estiment qu'ils épargnent suffisamment pour s'assurer une pension confortable au moment de leur choix. Il en reste beaucoup, plus particulièrement chez les femmes, qui ignorent à quel âge elles ou ils pourront arrêter de travailler et ne savent pas calculer le montant qu'il leur faudrait mettre de côté pour partir l'esprit tranquille.

Devant une telle situation, CIBC met en cause les réticences des intéressés à consulter un professionnel pour les accompagner dans leur planification (82% ne le font pas et seuls 5% l'envisagent). Je ne m'étendrai pas ici sur mes doutes habituels concernant la capacité réelle de conseil de ces experts qui ont trop souvent tendance à vendre des produits de placement classiques sans prendre le temps qu'il faudrait pour appréhender le contexte et les objectifs de leur client. Examinons plutôt le comportement de ce dernier.

Semaine de l'Éducation Financière

En admettant que la solution soit effectivement de s'adresser à un spécialiste, combien, même parmi ceux qui souhaiteraient faire plus attention à leur avenir financier, sont réellement prêts à y consacrer les efforts que cela impliquerait ? Sans parler de la recherche des justificatifs et autres documents qui en fournirait le support, une véritable analyse des besoins supposerait quelques heures d'entretien. Qui accepterait, dans ce monde en accélération constante, de perdre plus de quelques minutes avec un banquier pour esquisser des hypothèses lointaines sur une thématique rébarbative ?

Le problème ne se limite évidemment pas à ce mode d'interaction. La même limite peut également être observée avec les tentatives de mise en place de sites dédiés à l'éducation financière (tel que celui que vient d'inaugurer BBVA pour cette semaine internationale). Dans l'océan de contenus disponibles sur les canaux « digitaux », quelle infime fraction des internautes choisira de s'instruire plutôt que de se divertir, et combien de temps durera leur engagement ? Un format ludique fera peut-être gagner quelques points… mais ne pourra jamais lutter contre un Mario Kart ou un Candy Crush…

La seule solution viable pour une majorité de consommateurs consisterait probablement à rendre les moments d'apprentissage quasiment invisibles, immergés au cœur des expériences du quotidien. Les outils numériques des banques se prêtent parfaitement à une telle approche : sollicités plusieurs fois par semaine en moyenne, ils devraient profiter de chacun de ces instants d'attention captée pour exposer, en quelques secondes, un concept clé, en lien direct avec les circonstances de l'action entreprise. Quoi qu'il en soit, l'évolution des comportements exige de réinventer les modèles pédagogiques.

vendredi 25 mars 2022

La Banque Postale lance un BNPL éthique

La Banque Postale
Comme toutes les institutions financières ayant un pied dans le crédit à la consommation, La Banque Postale réagit à l'émergence fulgurante de la nouvelle génération de solutions de paiement différé ou fractionné (« BNPL »). Elle crée pour cela une filiale dédiée, qui adopte un embryon de posture éthique rare et bienvenue dans le domaine.

Django propose aux marchands – en ligne ou en magasin et de la TPE aux plus grandes enseignes – des options variées destinées à accélérer leurs ventes : règlement à 15, 30 ou 45 jours ou encore en 2, 3 ou 4 fois, pour des montants jusqu'à 6 000 euros. Elles se veulent faciles à intégrer (des modules prêts à l'emploi sont disponibles pour les principaux logiciels de e-commerce, tels que Magento, PrestaShop…), sécurisées (paiement 100% garanti, le jour même) et affichent des conditions transparentes.

Du point de vue du consommateur, le parcours est simplifié à l'extrême : il n'a aucun justificatif à transmettre, seules quelques informations personnelles (état-civil, adresse, téléphone… et coordonnées de carte bancaire, pour le prélèvement des échéances) sont requises. L'éligibilité de la demande est évaluée en temps réel, pour une réponse instantanée. Sur ce volet, Django profite de la connaissance accumulée par La Banque Postale sur ses 11 millions de clients, dont 6 millions sont ainsi pré-autorisés.

Cet avantage est à peu près le seul signe concret d'intrusion de l'établissement historique dans la stratégie d'une structure qui se présente volontiers comme une FinTech interne. En effet, sa plate-forme s'appuie pour l'essentiel sur des partenariats avec plusieurs startups et autres acteurs tiers : la française Pledg fournit le moteur de paiement différé, en marque blanche, Stripe prend en charge les encaissements, Refinitiv qualifie les risques de défaut (pour la majorité d'individus préalablement inconnus de la banque) et, plus étonnant, ManagerOne aurait été retenue pour les comptes des commerçants.

La Banque Postale – Django

À ce stade de la description, Django ressemble à toutes ses concurrentes sur le marché, jusque dans son appui sur un groupe solide afin de se distinguer des nouveaux entrants qui n'inspirent pas toujours confiance. Mais elle retient également de sa maison-mère son engagement « citoyen », directement hérité de sa mission de service public en faveur de l'inclusion financière. Alors, outre le soin pris dans son filtrage des emprunteurs, elle introduit deux fonctions complémentaires inédites au cœur de son offre.

D'une part, une collaboration avec une autre jeune pousse, Carbo, encourage ses utilisateurs à mesurer leur empreinte environnementale et, le cas échéant, à prendre des mesures pour la réduire. D'autre part, et le geste est plus important dans le contexte du crédit, elle les invite à adopter l'application de pilotage budgétaire de l'association de lutte contre le surendettement Crésus, dans laquelle il peuvent non seulement surveiller l'état de leurs finances personnelles et créer automatiquement un plan de dépenses à partir de leurs opérations récurrentes mais aussi visualiser l'impact d'un achat futur.

Bien sûr, l'initiative est loin d'être idéale et elle n'évitera pas, notamment, que des consommateurs compulsifs s'enfoncent dans la précarité, d'autant que Django se fixe d'emblée un objectif de 95% d'acceptation des dossiers. Mais, à tout le moins, elle permettra peut-être une prise de conscience salutaire chez les adeptes du paiement différé, par exemple à travers un réflexe de vérification des conséquences sur leur train de vie quotidien des échéances de remboursement envisagées… C'est un premier pas vers une préoccupation sincère de la santé financière des candidats au BNPL.

Accueil Django

jeudi 24 mars 2022

EarnUp optimise le désendettement

Earnup
Je présentais il y a peu l'initiative de CommBank permettant à ses clients de réaligner leur échéancier de crédit sur leur cycle de rémunération. Voici aujourd'hui une jeune pousse américaine qui propose d'appliquer un principe similaire à l'ensemble des dettes en cours… voire à l'épargne une fois que ces dernières sont ramenées sous contrôle.

Pour de nombreuses personnes, le remboursement des emprunts représente un stress récurrent parce qu'il est désynchronisé de leurs rentrées d'argent. Les salariés qui perçoivent leur émolument à fréquence hebdomadaire et les travailleurs indépendants dont les factures sont réglées sans régularité fixe, en particulier, se trouvent souvent contraints d'engloutir la totalité de leurs disponibilités lorsque la mensualité tombe et tentent alors de survivre tant bien que mal jusqu'au prochain versement.

Naturellement, la recommandation généralement formulée afin de surmonter ce risque invite à mettre de côté une partie des revenus dès leur dépôt sur le compte courant de manière à faire face aux obligations à venir. Malheureusement, elle exige une discipline qui n'est pas à la portée de tout le monde, les tentations de la vie quotidienne encourageant à grignoter la réserve constituée avant qu'elle serve son objectif. La solution d'EarnUp consiste « juste » à changer le geste virtuel en un paiement effectif.

En pratique, la plate-forme suggère à l'utilisateur de répartir le montant des échéances sur ses différents encaissements, grâce à la mise en place d'un transfert automatique lors de leur arrivée sur le compte. Quand le créancier appelle les fonds, la somme due, accumulée de la sorte par paliers successifs, lui est transmise. Petit bénéfice annexe, dans les mois qui enregistrent un mouvement supplémentaire (par exemple ceux qui comportent 5 vendredis), c'est une poche d'épargne qui peut être alimentée.

Earnup – Take Control

L'approche retenue par EarnUp s'adapte à tous genres de situations. Elle est ainsi en mesure d'ajuster son mode de fonctionnement à un contrat hypothécaire d'une famille dont les deux parents auraient des périodicités de paye distinctes. Elle pourrait même aider ceux qui sont rémunérés mensuellement, mais avec un décalage par rapport aux dates de leurs remboursements. Par ailleurs, elle autorise naturellement la suspension de ses opérations à tout moment, notamment dans le cas d'une difficulté exceptionnelle.

En dégageant les consommateurs de toute préoccupation vis-à-vis de leurs engagements financiers tout en lissant leurs impacts sur leur budget ordinaire, la startup facilite la gestion des dettes et évite les retards de paiement et les pénalités associées. Avec un service finalement relativement élémentaire, elle leur procure une certaine tranquillité d'esprit vis-à-vis des questions d'argent, qui contribue à leur bien-être, comme le confirment environ 8 utilisateurs sur 10 selon une enquête interne.

La démarche déployée par CommBank en Australie illustrait déjà l'opportunité existante pour les établissements traditionnels, idéalement positionnés pour un tel concept. L'irruption d'un nouvel entrant sur le même créneau démontre une fois de plus que, s'ils ne s'en emparent pas rapidement, d'autres acteurs plus agiles, peut-être plus sincèrement inquiets des dangers du surendettement dans les économies modernes, savent prendre les devants et imaginer comment introduire des réponses pertinentes sans eux.

mardi 22 mars 2022

Zelf, la première banque du métavers

Zelf
Tandis que quelques institutions financières traditionnelles mettent un pied dans le métavers (la dernière en date est HSBC) afin de faire parler d'elles, une première (néo-)banque a d'ores et déjà franchi le pas de la fourniture de services spécialisés aux adeptes de ces mondes virtuels immersifs et elle ne manque pas d'ambitions pour l'avenir.

D'emblée, la démarche surprend car il n'est pas question pour Zelf (disponible aux États-Unis et en Europe) de déployer une présence quelconque dans une des plates-formes existantes. Elle choisit plutôt de s'appuyer sur sa technologie historique d'interactions à travers les grandes messageries instantanées du marché (WhatsApp, Messenger, Telegram, Viber…) et s'installer au sein de Discord, l'outil universel qu'utilisent les joueurs pour communiquer durant leur activité préférée (dans un métavers ou non).

Avec son compte de dépôt et sa carte de paiement (gratuits), la jeune pousse se positionne de la sorte à la frontière de l'économie grise, que les analystes évalueraient aujourd'hui à environ 19 milliards de dollars, là où s'exécutent régulièrement des transactions en monnaie sonnante et trébuchante en contrepartie de biens numériques, qu'il s'agisse de NFT (à l'instar de ces paires de baskets immatérielles vendues pour 4 000 dollars) ou d'objets purement ludiques (tels que des diamants dans Minecraft).

En pratique, les opérations se déroulent entièrement dans la messagerie, par l'intermédiaire d'instructions en langage naturel. Par exemple, si un utilisateur souhaite céder 10 cailloux à un ami, il va d'abord interroger la situation de son stock, grâce à une intégration avec les jeux vidéos les plus populaires. Il va ensuite enregistrer sa demande (« vends 10 cailloux à Tom pour 1 euro ») et attendre le règlement pour finaliser le transfert, Zelf restant toujours à la manœuvre afin de valider les termes de l'échange.

MetaPass by Zelf

Telle est justement la principale promesse de la startup. Elle veut représenter le tiers de confiance indispensable pour la sécurité des mouvements d'argent qui, à ce jour, sont tellement entachés d'irrégularités que les éditeurs tentent, sans grand succès, d'inscrire des interdictions dans leurs conditions générales. Quand elle propose à ceux-ci des partenariats directs, elle leur vante en outre sa situation d'établissement régulé afin de les rassurer quant à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, sur laquelle les autorités se font de plus en plus pressantes.

La croissance rapide des jeux en ligne et des univers virtuels, accélérée par la pandémie et le besoin d'évasion qu'elle a créée, entraîne le développement de supports financiers adaptés. L'immense opportunité sous-jacente n'échappe pas aux trublions qui ne craignent pas de s'aventurer sur un terrain vierge. Et elle n'en est qu'à ses débuts. Derrière ses services de paiement, Zelf travaille à des produits financiers plus élaborés, dont notamment des prêts (en devise réelle) sur gage, garantis par des actifs digitaux.

lundi 21 mars 2022

Pas facile de satisfaire tous les clients…

Santander
Le médiateur bancaire britannique a infligé une sanction à Santander pour avoir, entre 2019 et 2020, déployé sur sa plate-forme web un système d'authentification forte (requis par la réglementation) qui nécessitait un téléphone mobile, les seules alternatives qu'elle proposait étant une visite en agence ou un appel au centre de contact.

Plusieurs personnes avaient engagé une procédure contre l'établissement pour discrimination, au motif qu'elles ne pouvaient plus accéder à leurs comptes en ligne après l'entrée en vigueur du nouveau dispositif de protection. En effet, celui-ci ne leur offrait que deux options, certes classiques : la ressaisie d'un code envoyé par SMS ou la validation d'identification via l'application mobile de l'enseigne. Elles se voient aujourd'hui octroyer une indemnisation de quelques centaines de livres sterling chacune.

Pour une des victimes, souffrant d'un handicap physique et incapable de quitter son domicile, la banque à distance constitue la seule solution viable. Elle a obtenu 600 livres de dédommagement. Pour (beaucoup, apparemment) d'autres, la rancœur est aggravée par le vaste mouvement de fermeture d'agences en cours sur l'ensemble du territoire, qui rend ce canal impraticable pour une partie de la population, sans parler des restrictions imposées par la pandémie et des temps d'attente insupportables au téléphone.

Un aspect notable de l'affaire est qu'elle invoque une ségrégation entre autres par l'âge, considérant que ce sont les seniors qui étaient directement pénalisés par les décisions de Santander. À l'opposé des clichés habituels, le raisonnement sous-jacent est que ces individus sont a minima aussi susceptibles que d'autres d'avoir besoin d'accéder à leurs comptes par internet mais qu'ils sont moins adeptes du téléphone mobile… ou qu'ils vivent dans des zones (rurales, en particulier) mal couvertes par les réseaux.

Santander from Home

Les enseignements à tirer de la mésaventure sont multiples. D'une part, il faut probablement incriminer un manque de réactivité et d'agilité de la part de la banque dans sa capacité à répondre rapidement à la demande de ses clients, dont les plaintes lui sont certainement parvenues très vite. D'autre part, elle a sous-estimé l'impact de ses choix, ce qui résulte vraisemblablement d'une connaissance et d'une compréhension imparfaites des usages, du contexte et des besoins des utilisateurs de ses outils en ligne.

Il est vrai que, en la matière, Santander a peut-être eu tendance à trop se fier au stéréotype, désormais dépassé, qui voudrait que les plus de 60 ans soient réfractaires aux services « digitaux ». Or, les idées préconçues de ce genre sont d'autant plus dangereuses quand elles sont appliquées à des clients existants. En arrière-plan, se dessine aussi clairement une prise de pouvoir des consommateurs : ils exigent, avec toujours plus d'insistance, la personnalisation de leur relation avec leurs fournisseurs, en l'occurrence à la fois vis-à-vis du média d'interaction et de la méthode de connexion.

dimanche 20 mars 2022

Comment BBVA aborde le bien-être financier

BBVA
S'il m'arrive régulièrement d'aborder le thème du bien-être financier dans ces colonnes, c'est souvent sous un angle théorique ou par l'intermédiaire d'initiatives parcellaires, notamment de la part de jeunes pousses. Ouvrons donc aujourd'hui nos horizons avec une présentation de la démarche multi-dimensionnelle qu'a mise au point BBVA.

Imaginez que vous preniez (presque) toutes les bonnes pratiques existantes sur le sujet, identifiées sur le marché comme dans la recherche académique, et que vous les rassembliez dans une plate-forme universelle de conseil personnalisé, capable d'accompagner activement chaque consommateur dans les diverses péripéties de sa vie quotidienne et de l'aider à tout moment à surmonter les difficultés qu'il rencontre ou à optimiser ses choix pour l'avenir. Voilà résumé ce que propose le groupe espagnol.

La première partie du dispositif consiste, évidemment, à approfondir la connaissance de l'individu à qui la banque s'adresse. Dans ce but, des modèles d'analyse de données, portant sur les produits souscrits et les opérations réalisées, permettent de dresser un bilan précis de sa santé financière, sur les grands axes, classiques, des revenus, du comportement de dépenses, de l'endettement et de l'épargne. Seule restriction, l'accès à un historique suffisant (12 mois) est nécessaire pour des résultats probants.

Vient alors la phase de modélisation budgétaire. Fondée sur des normes génériques largement répandues dans l'industrie, telles que le plafonnement des remboursements de crédit à 35% des rentrées d'argent ou la répartition de ces dernières entre besoins courants (50%), envies (30%) et réserve (20%), elle établit une cible à partir de laquelle elle va élaborer un jeu de recommandations récurrentes. Notons toutefois que ces références abstraites sont ensuite ajustées selon le pays et la situation du client.

BBVA – Santé Financière

L'invitation à agir est matérialisée sur quatre plans principaux (qui peuvent se cumuler) : la maîtrise de la dette pour ceux qui dépassent le seuil de charge acceptable, la capacité d'épargne pour encourager les cigales à reprendre le contrôle des coûts, le coussin financier pour ceux qui ont besoin de constituer un matelas de secours (6 mois de revenus, en général, mais 3 mois au Mexique, pour citer un cas d'adaptation locale) et la planification pour l'avenir, destinée à ceux qui ne sont déjà plus en position délicate.

Dans chacun de ces domaines, des suggestions concrètes sont émises de temps à autres par l'intermédiaire d'alertes automatiques, laissant toujours à l'utilisateur la décision de les suivre ou non. Une tendance à l'excès de repas au restaurant conduira, par exemple, à inciter à créer une limite, assortie de la mise de côté de la somme économisée de la sorte, au profit de la réserve de précaution ou, si celle-ci est prise en charge par ailleurs, sur un portefeuille d'investissement, en préparation d'un projet à long terme.

Enfin, des mécanismes spécifiques sont encore déployés afin de réagir à quelques événements jugés pertinents. Ce sera aussi bien la détection du niveau anormal d'une facture d'électricité ou l'arrivée à échéance d'un prêt. Dans le premier cas, sera déclenchée une injonction à vérifier l'opération, tandis que, dans l'autre, ce sera plutôt un encouragement à prolonger les bonnes habitudes en créant un virement périodique vers un compte d'épargne, du même montant que les anciennes mensualités.

Tel qu'il est décrit, le système paraît riche… mais il reste en développement permanent. En effet, une équipe pluridisciplinaire – combinant des compétences bancaires (pour la définition des fonctions à inclure), de données (pour leur collecte), d'analytique (pour leur exploitation) et d'ingénierie (pour la création des modules logiciels) – travaille continuellement à l'exploration de nouveaux besoins et à la production de scénarios supplémentaires à implémenter. Pour BBVA, le bien-être financier est une stratégie !

samedi 19 mars 2022

Partenariat entre Infogreffe et Qonto

Qonto
L'ouverture d'un compte bancaire et le dépôt du capital sont deux des étapes de la création d'entreprise que les nouveaux entrants de la finance cherchent à faciliter depuis longtemps. Infogreffe et Qonto franchissent un pas supplémentaire en s'associant pour l'intégration des services de la seconde au cœur des parcours du premier.

Grâce au partenariat conclu entre le spécialiste de l'information légale des sociétés en France et la néo-banque, le processus administratif d'immatriculation en ligne inclut désormais, sans jamais avoir à quitter le site Infogreffe, la possibilité d'ouvrir un compte auprès de Qonto et d'émettre instantanément le virement du capital social. Le certificat correspondant, servant à justifier le respect des obligations réglementaires, est délivré sous 72 heures et automatiquement porté au dossier avant transmission aux autorités.

Outre la simplification apportée au déclarant à travers l'exécution de la (quasi) totalité de ses démarches via une interface unique et cohérente, le dispositif mis en place présente également l'intérêt d'éviter les ressaisies d'information et les risques d'erreur qu'elles induisent. Par ailleurs, les échanges de données directs entre les deux acteurs, dans les deux sens, renforcent la sécurité des opérations et contribuent à la lutte contre la fraude, par la complémentarité de leurs efforts respectifs de surveillance et de vérification.

Inforgreffe x Qonto

Naturellement, plusieurs banques (y compris traditionnelles) proposent déjà, dans une mécanique inverse tout aussi optimisée, de réaliser les formalités pour leurs clients qui démarrent une activité professionnelle avec une structure élémentaire (notamment pour les entrepreneurs individuels). Mais ces approches ne peuvent prendre en charge toutes les particularités des montages complexes. L'option fournie par Qonto et Infogreffe est alors d'autant plus appréciable qu'elle allège un acte vraiment pesant.

En dépit de sa portée limitée à l'entrée en relation, l'initiative est exemplaire de la valeur de l'immersion des services bancaires dans les interactions existantes. Ainsi, elle illustre parfaitement les bénéfices qu'en tirent toutes les parties prenantes : le client, en premier bien sûr, pour la qualité résultante de son expérience, le partenaire, ensuite, pour le ressenti de ses utilisateurs autant que pour la rationalisation de ses traitements, et l'établissement, enfin, pour les opportunités commerciales (ici, de conquête amont).

vendredi 18 mars 2022

ANZ, une modernisation qui s'arrête en chemin

ANZ Plus
Il y a quelques années, ANZ créait un département exclusivement dédié à sa transformation « digitale », dont un aboutissement est, depuis peu, le lancement d'une offre bancaire de nouvelle génération. Sa mission considérée plus ou moins remplie, la division va réintégrer le giron maternel… et probablement perdre son ambition et son âme.

La démarche initiale, pourtant suivie par bien peu d'entreprises, est assurément la meilleure manière d'appréhender une évolution radicale, que les « anciens » ne parviennent que très rarement à envisager, comme l'illustre un ex-DSI d'ANZ qui, en 2017, affirmait que ses systèmes existants (âgés pour certains de plusieurs décennies) fonctionnaient parfaitement et n'avaient nullement besoin d'être remplacés. Mieux vaut, dans ce cas, confier la vision d'avenir à une équipe indépendante et autonome.

En deux ans, le programme mis sur pied dans un tel cadre a atteint une dimension conséquente, avec 850 personnes, qui, déjà, laisse entrevoir une possible dérive bureaucratique. Et la solution livrée confirme effectivement que les efforts sont loin d'avoir abouti à la mutation souhaitée. Certes, il s'appuie sur une infrastructure technique à l'état de l'art, mais sa proposition de valeur paraît décalée à la fois par rapport au marché et à l'aune de sa promesse d'œuvrer au bien-être financier de ses clients.

En synthèse, ANZ Plus est une plate-forme résolument classique (pour 2022). Compte courant et carte de paiement sont pilotés par une application mobile, qui embarque des fonctions banales de suivi des dépenses, catégorisées, auxquelles elle ajoute une faculté d'anticipation des charges récurrentes (à 30 jours) et des pots d'épargne par objectif. Elle n'a guère à rougir face à la concurrence, mais elle devra compléter sa panoplie, comme elle en signale d'ailleurs l'intention, si elle veut réellement marquer sa différence.

ANZ – Maile Carnegie

C'est donc dans ce contexte que le rapprochement avec la banque de détail traditionnelle est organisé, sous la houlette générale de la responsable de l'entité consacrée à l'innovation, Maile Carnegie, ancienne de Google. Le prétexte invoqué est parfaitement cohérent : la stratégie consistait, dès l'origine, à permettre le développement d'une approche modernisée des métiers dans le but ultime de décliner ensuite l'ensemble des avancées réalisées sur les services historiques, pour tous les clients actuels.

Cependant, au vu des progrès accomplis, encore modestes, et du (très long) chemin qui reste à parcourir, le mouvement me semble prématuré. Les quelques briques technologiques déployées et les premiers pas d'une conception centrée sur le client (et ses besoins) nécessitent visiblement une sérieuse consolidation avant d'envisager de faire de cet embryon de banque « digitale » un modèle prêt à propager au reste de l'organisation. Une fusion hâtive risque de faire échouer les deux volets.

En arrière-plan, ce n'est pas seulement la précipitation des dirigeants, désireux de démontrer la valeur dégagée, qui s'exprime. Se joue également la confusion habituelle entre, d'une part, une perception des enjeux de la transformation réduite à quelques composants techniques et à la migration sur les canaux numériques des fonctions essentielles et, d'autre part, la réalité d'une transition indispensable vers un nouveau paradigme, qui n'est aujourd'hui qu'esquissé et exigera bien d'autres changements.

jeudi 17 mars 2022

L'ACPR teste la lutte anti-blanchiment collaborative

ACPR
Face à la progression exponentielle de la fraude, surtout en cette période de conflit en Ukraine, et à sa sophistication croissante, les tentatives de défense collaborative prennent de l'ampleur, à la faveur des avancées de la recherche cryptographique. Pour l'ACPR, le sujet est maintenant suffisamment mûr pour passer à l'expérimentation.

Selon les cas, des banques coopèrent directement entre elles afin de s'atteler à la tâche ou bien des fournisseurs de services cherchent à mettre en place des réseaux de partage… quand ce ne sont pas les régulateurs eux-mêmes. À chaque fois, l'objectif est identique : la protection contre les malversations est plus efficace quand l'ensemble de l'écosystème met ses informations en commun, qu'il s'agisse de propager la connaissance des auteurs des méfaits ou de repérer les attaques distribuées.

L'autorité de contrôle française est naturellement intéressée par ces perspectives, en particulier dans le domaine de la lutte contre le blanchiment (et le financement du terrorisme), et c'est la raison pour laquelle elle lance un appel aux institutions financières et aux entreprises technologiques dans le but d'évaluer les opportunités en la matière. Mais elle se place dans un contexte spécifique de maintien de la confidentialité des données : il n'est pas question de sacrifier cette dernière, autant que faire se peut.

C'est que l'enjeu correspondant ne relève pas uniquement du respect de la vie privée et autres exigences éthiques et juridiques (dont celles du RGPD), qui pourraient (hélas !) probablement s'effacer derrière des arguments de sécurité nationale. Le point de blocage est plus d'ordre commercial, quand les établissements sont réticents à mettre à la disposition de leurs concurrents, ou d'un tiers, des détails (sur leurs clients, leurs volumes d'opérations…) susceptibles de révéler des secrets qu'ils souhaitent garder.

Expérimentation ACPR

C'est justement là qu'entrent en jeu les technologies émergentes de préservation et de renforcement de la confidentialité (« Privacy-Enhancing Technologies » ou « PET », en anglais). Reposant sur divers algorithmes de chiffrement innovants, elles offrent, pour certaines d'entre elles, la capacité d'exécuter des traitements sur les données sans que celles-ci ne soient visibles (en clair) d'un quelconque participant. Les plus connues sont le chiffrement homomorphique et le calcul multi-partie sécurisé (SMPC).

Ces approches sont évidemment idéales pour les usages qui préoccupent l'ACPR, puisqu'elles permettraient la mise en œuvre de modèles d'intelligence artificielle puissants sur des gisements d'information exhaustifs, afin d'accélérer et de rendre plus fiable la détection de mouvements criminels, sans impliquer le moindre compromis sur la protection des données. Malheureusement, la promesse reste à concrétiser car les solutions disponibles sur le marché s'avèrent, à ce jour, relativement immatures.

Au vu de la vitesse avec laquelle ce domaine de l'informatique évolue, le timing est tout de même parfait pour une expérimentation, qui devra simultanément examiner les outils assurant la confidentialité des données et la valeur, pour la lutte anti-blanchiment, des algorithmes qui pourront être implémentés dans le cadre des contraintes qu'ils induisent. Il est peu probable que les résultats obtenus aboutissent à un déploiement à court ou moyen terme mais ils orienteront certainement les futures réglementations…

mercredi 16 mars 2022

Avec Rutter, l'e-commerce a ses API

Rutter
Les API s'emballent ! Après les interfaces avec les systèmes de paye d'Atomic, ce sont cette fois les plates-formes de commerce en ligne qui voient leurs précieuses données exposées, grâce à Rutter, une jeune pousse américaine qui vient de lever 27 millions de dollars, explicitement inspirée par la banque ouverte en général et Plaid en particulier.

Le mouvement sous-jacent suit un cours naturel puisque, depuis maintenant plus de 10 ans, quelques trublions en avance sur leur temps, jeunes pousses et géants du web en tête, exploitent les informations extrêmement riches qu'accumulent les grandes enseignes de la distribution « digitale » afin de mieux connaître les entreprises qui y exercent leur activité et de la sorte mieux répondre à leurs attentes et à leurs besoins, notamment en matière de crédit. Avec la maturité, il devient logique d'envisager une généralisation.

En parfait alignement avec ces tendances, Rutter propose donc un modèle désormais bien connu d'agrégation, à travers lequel ses clients disposent d'un point d'accès unique aux places de marché et autres solutions technologiques les plus fréquemment mis en œuvre par les e-marchands – avec l'accord explicite de ces derniers, naturellement, via une classique demande de connexion unifiée – afin d'y collecter, sous un format homogène et cohérent, les indicateurs leur permettant de remplir leur office.

Sans parler de ses efforts parallèles en direction des outils de comptabilité, Rutter espère atteindre en 2022 une centaine d'intégrations, ajoutant par exemple actuellement FNAC et Prestashop aux partenaires existants tels que Shopify, Magento, Amazon, Square… Dans la mesure du possible, les fonctions qu'elle implémente pour chacune d'elles portent à la fois sur la consultation (des clients, des commandes, des états financiers…) et sur quelques options de modification (ajout de produit, exécution de commande…).

Accueil Rutter

À ce stade, les utilisateurs du service émanent principalement du secteur financier, entre autres pour les évaluations de fiabilité lors des sollicitations de crédit (à l'instar de Ramp), et dans le domaine du logiciel à destination des commerçants (tels les modules de gestion de catalogue). Mais d'autres usages sont déjà imaginés par ses concepteurs, en assistance à la détection de fraude sur les paiements ou dans la qualification de contrats d'assurance à partir de données fiables, pour n'en citer que deux.

Les API sont fréquemment évoquées dans des applications à l'intention du grand public, mais l'univers des entreprises offre également des opportunités extrêmement attractives. Le contexte est d'ailleurs propice dans l'industrie bancaire (historique ou émergente), où les offres dédiées aux PME sont en vogue. En outre, la moindre résistance au transfert d'information dans l'environnement professionnel observée sur les expériences du passé, constitue un intéressant facteur supplémentaire d'adhésion.

Si, en raison des exigences de leurs métiers, les institutions financières sont en première ligne pour l'exploitation d'informations issues de tous horizons, elles pourraient aussi se positionner sur une autre dimension du sujet. En effet, la prolifération des moyens de partage d'accès numérique induira bientôt un besoin pressant de contrôle. Dans le cas des citoyens, les initiatives publiques devraient le satisfaire. Mais qui prendra en charge les portefeuilles sécurisés de données privées des personnes morales ?

mardi 15 mars 2022

Fin de l'aventure Yup de Société Générale

Yup
Décidément, toutes les aventures d'innovation bancaire de Société Générale en Afrique tournent court. La pionnière Yoban'tel, lancée en 2010 au Sénégal, a disparu des radars un peu plus tard. Manko, apparue en 2013, fermait ses agences fin 2020. C'est aujourd'hui au tour de Yup, la dernière-née, d'annoncer l'arrêt de son service fin juin.

Comme les tentatives précédentes, celle-ci visait un double objectif, d'ouvrir à l'établissement de nouvelles perspectives d'expansion sur des territoires relativement vierges où elle est implantée de longue date et de développement de l'inclusion financière dans ces pays émergents. Inspirée plus ou moins directement par le succès, de l'autre côté du continent, de M-Pesa, elle prenait la forme d'un porte-monnaie mobile, dont les fonctions de paiement intégreraient progressivement d'autres possibilités.

Nombreux sont ceux qui ont essayé de reproduire la recette Kenyane, en vain. Même Orange Money, qui, vraisemblablement, s'en approche le plus, n'est peut-être pas aussi performante qu'on le croit mais parvient à tirer son épingle du jeu grâce à ses synergies avec l'activité de télécommunication de sa parente. Dans le cas de Yup, les explications officielles de son abandon évoquent une rentabilité insuffisante pour envisager un jour un modèle économique viable, en dépit des plus de deux millions de clients conquis.

Sans vouloir jouer les prédicateurs rétrospectifs, je confirme n'être guère surpris par cette issue, qui représente certainement un des rares effets bénéfiques du repli stratégique que Société Générale semble avoir engagé depuis quelques mois dans l'innovation. Ce qui peut étonner le plus est plutôt qu'il ait fallu 5 ans à la banque rouge et noire pour couper court à l'expérience, tant les conditions de l'échec étaient réunies (presque) depuis son origine et déjà identifiables dans d'autres initiatives similaires antérieures.

Société Générale – Fermeture du service Yup

Pour mieux comprendre la dynamique en jeu, il faut d'abord appréhender les composantes clés de la réussite. En premier lieu, l'univers des paiements, qui constitue le socle de base de ces offres, n'opère efficacement que dans un marché de très forts volumes et ce prérequis est d'autant plus critique dans des pays où le montant moyen des échanges unitaires est faible. Puis il faut ajouter à l'équation une infrastructure (au sens large) légère, rationalisée à l'extrême, pour espérer atteindre le point d'équilibre.

Or Yup pêche sur les deux volets. Ainsi, sa solution ne s'est jamais s'imposée comme un instrument universel auprès de ses utilisateurs (particuliers comme agents) et une telle perspective ne paraît pas réaliste à une échéance raisonnable, au vu des progrès enregistrés. Faute d'adoption massive, la profitabilité est illusoire, d'autant plus que la structure et ses opérations subissent la lourdeur d'un acteur traditionnel (par exemple les emplois menacés par l'arrêt iraient de 100 à 1 000, selon les sources).

Derrière les ratés successifs, je soupçonne que les mêmes défauts sont toujours à l'œuvre, à savoir le fantasme d'une réponse essentiellement technologique à des problèmes génériques, en oubliant de se mettre à la place du client ciblé, en évitant de s'interroger sur ses attentes fondamentales, en négligeant de prendre en compte ses habitudes et son contexte…, ce qui est évidemment très difficile pour des collaborateurs d'une banque européenne cherchant à projeter une solution pour une autre culture.

Fermeture Yup

lundi 14 mars 2022

Des widgets pour accompagner l'épargne

Plum
Dix-huit mois après l'apparition sur l'iPhone d'une notion de « widget » universel, capable de présenter, n'importe où sur l'écran d'accueil, une information élémentaire émanant d'une application, le secteur financier n'en a guère embrassé les opportunités. Plum fait donc figure de pionnière avec ses petits mémos de dépenses et d'épargne…

Grâce à la nouvelle option, les clients de la jeune pousse britannique peuvent désormais surveiller l'état du compte courant connecté à la plate-forme, le niveau de leur réserve principale ou encore les progrès de chacun de leurs projets directement à l'allumage de leur appareil, sans avoir à lancer le logiciel. Voilà un excellent moyen d'attirer l'attention sur leurs finances personnelles et encourager leur engagement avec leur argent, alors même que l'assistant intelligent de Plum mise plutôt sur l'automatisation.

Pour paradoxale (et anecdotique) qu'elle puisse paraître, la démarche apporte un complément intéressant à une solution qui, comme des centaines d'autres, peine nécessairement à capter des interactions récurrentes, faute de figurer parmi les 3 à 5 outils qui monopolisent le temps de consultation mobile du consommateur moyen. Et même si la promesse d'origine est d'épargner sans y penser, en laissant les algorithmes piloter les opérations, l'implication de l'utilisateur reste essentielle au succès.

En effet, le système de base repose sur une mécanique de répétition, consistant à mettre de côté de petites sommes à intervalles rapprochés (tous les quelques jours), dont un bénéfice important est la stimulation que procure l'observation d'une évolution régulière vers un objectif prédéfini. Traditionnellement, les notifications jouent ce rôle de mise en avant mais leur aspect intrusif tend à émousser leur efficacité, tandis qu'une présence permanente, passive, sur un écran habituel constitue un rappel inconscient.

Plum Widgets

Sans chercher à surestimer leur valeur, les widgets d'Apple offrent une extraordinaire possibilité aux fournisseurs de deuxième rang de re-gagner un peu de visibilité auprès de leurs clients, d'autant plus critique pour ceux qui misent exclusivement sur une relation par le smartphone. Cependant, plus généralement, ils autorisent également une meilleure exposition à des informations prioritaires, selon les préférences de l'utilisateur, qui pourraient, en outre, être associées à des incitations à l'action immédiate.

Bien que figurant fréquemment au palmarès des applications mobiles les plus sollicitées, les banques, « néo » et historiques, n'en rendraient pas moins service aux consommateurs en leur proposant, a minima, des fonctions équivalentes. Peut-être pourraient-elles ensuite prolonger ces efforts en injectant dans ces mini-composants des éléments de suivi et d'accompagnement du bien-être financier… Et si les compagnies d'assurance y trouvaient un moyen de dynamiser leurs initiatives de prévention ?

Depuis plus d'un an, les entreprises ont à leur disposition un nouvel outil, relativement facile à mettre en œuvre, leur permettant d'interagir autrement avec leurs usagers, sous une forme compacte mais avec une capacité incomparable de fidélisation. Comment se fait-il qu'elles ne se soient pas encore emparé massivement de l'opportunité (en ne se limitant pas à l'affichage du solde de compte, qui semble être la tendance) ?

dimanche 13 mars 2022

Une carrière informatique requiert de la passion

Boeing
Un demi-siècle après les premiers pas vers l'industrialisation de l'informatique dans les entreprises, la DSI de Boeing, Susan Doniz, évoque les qualités requises afin de s'épanouir et faire carrière dans ces métiers. Un vétéran – peut-être un peu gâteux – comme moi y trouve un goût certain de retour vers quelques valeurs d'origine…

La recommandation principale formulée à l'attention des professionnels des technologies, débutants ou déjà confirmés, qui veulent réussir dans leur activité est finalement très simple : ils doivent d'abord identifier leur domaine de prédilection, celui dans lequel ils prennent plaisir à s'investir, et y consacrer toute leur énergie. À l'inverse, ceux qui, malheureusement très nombreux de nos jours, ne cherchent qu'à gravir les échelons hiérarchiques de l'organigramme n'ont guère leur place dans l'échiquier.

Une clé de l'engagement qui leur est demandé est la connaissance et la compréhension de l'environnement dans lequel il s'inscrit. D'un côté, la prise de conscience de l'importance critique de l'informatique, et donc de leur propre travail, dans le fonctionnement de la structure qui les emploie représente un puissant facteur d'adhésion. De l'autre, leur performance dépend directement de leur capacité à mettre leurs efforts au service des clients, dont, par conséquent, il leur faut aussi appréhender les attentes.

Outre leur intérêt pour accroître la flexibilité dans les projets, les méthodes agiles tant vantées et, plus récemment, les « fusion teams » promues par Gartner ont un rôle crucial à jouer vis-à-vis de cette exigence. En effet, la constitution d'équipes pluridisciplinaires qu'elles imposent facilite et accélère la diffusion d'une perception étendue des opérations. Ces bénéfices sont hélas absents quand s'installe la dérive, trop fréquemment rencontrée, d'un recentrage sur des compétences issues exclusivement de la DSI.

Boeing – Susan Doniz

Ces préceptes constitueraient un véritable retour aux sources. Dans les premiers temps de l'introduction des ordinateurs et des applications logicielles, l'ambiance dans les départements d'organisation (qui en assumaient alors la responsabilité) relevait largement de l'artisanat. Les personnes qui prenaient cette voie le faisaient généralement par choix personnel, souvent par désir de se trouver en pointe de l'innovation, et elles avaient l'opportunité d'exercer leur talent au contact des utilisateurs, dans une démarche de co-construction qui s'ignorait, requise par l'absence de cadre prédéfini.

La généralisation de la technologie et son infiltration dans tous les recoins de l'entreprise, la croissance exponentielle des effectifs spécialisés, les impératifs de productivité… ont entraîné la disparition de ces vertus, remplacées par un modèle taylorien, dans lequel chacun est cantonné à une série de tâches précises, à exécuter dans un temps déterminé, sans aucune vue d'ensemble (je suis régulièrement effaré par la méconnaissance des mécanismes bancaires basiques de certains développeurs).

Comme dans l'industrie, une nouvelle approche du travail, permettant de lui redonner du sens, devient indispensable. Elle passe à la fois par une ré-autonomisation des professionnels de l'informatique et par une révision profonde de la manière d'appréhender la place des technologies dans l'entreprise. Sur le premier axe, l'automatisation galopante (qui arrive bientôt dans la programmation) sera un catalyseur… mais les principes pédagogiques en vigueur dans la filière devront aussi être entièrement repensés.

samedi 12 mars 2022

LCL vise un investissement « zéro impact »

LCL
Dans l'univers de l'investissement financier, les préoccupations environnementales prennent de l'importance, du côté des particuliers et, par rebond, du côté des fournisseurs. Malheureusement, les solutions proposées restent fragmentaires. LCL, avec Crédit Agricole CIB, franchit désormais une étape supplémentaire vers l'impact « zéro ».

Au premier abord, son nouveau produit structuré, destiné à ses clients de banque privée et de gestion de fortune, est conçu sous une forme relativement classique. Il comprend donc un support indexé sur une valeur [PDF] de référence, elle-même alignée sur une approche ambitieuse des engagements de l'Accord de Paris, auquel s'ajoute une partie d'un portefeuille spécialisé de CACIB, consacré au financement de projets favorisant la transition énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre…

J'émettrai les réserves habituelles sur le volet indiciel du dispositif, dont la contribution réelle aux enjeux climatiques est largement artificielle. Mais LCL s'attarde sur une autre dimension du sujet qui est, elle aussi, généralement ignorée dans l'investissement socialement responsable (ISR) : quid des impacts résiduels ? Aucun des instruments impliqués n'étant totalement neutre vis-à-vis de la planète, l'établissement inclut automatiquement un mécanisme de compensation afin de compléter sa démarche.

Le système retenu dans ce but s'avère extrêmement concret, puisqu'il repose sur le soutien à une initiative opérationnelle de lutte contre la déforestation à Yedeni, en Éthiopie. En pratique, les crédits carbone dégagés par ce programme, certifiés par un organisme indépendant de standardisation, seront acquis à hauteur des émissions non évitables des placements et leur coût sera imputé sur le rendement global. Seule inconnue, la méthode de mesure mise en œuvre en amont n'est pas précisée…

LCL – Net Zero Carbon

Face à une concurrence qui manie facilement le « greenwashing », LCL révèle une stratégie étonnamment pertinente et pragmatique, loin de la facilité qui caractérise souvent la responsabilité sociale et environnementale, surtout dans les grands groupes. Elle prend ainsi en compte, ne serait-ce que partiellement, en complément d'une politique d'allocation passive classique, l'exigence de contribuer à des actions aux effets directement positifs. Surtout, elle prend soin de ne pas tomber dans le piège de la seule compensation, qui n'est qu'un pis-aller vis-à-vis de la véritable cible à atteindre.

Le modèle qu'expose la banque de la sorte est non seulement vertueux en soi mais il offre également une opportunité de sensibiliser les clients aux différentes perspectives que recouvrent les défis environnementaux, y compris au-delà d'une vision exclusivement financière. Il lui resterait maintenant à le généraliser, notamment vers le grand public et les produits d'investissement qu'il privilégie, afin de démultiplier sa portée et son efficacité, singulièrement limitées tant qu'il ne s'adresse qu'à une niche de clientèle nantie.