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C'est pas mon idée !

mardi 31 janvier 2023

Unbanx rémunère les données bancaires

Unbanx
Le vilain petit secret des banques est en passe de s'éventer : les données des transactions de leurs clients sont discrètement commercialisées, sans que ces derniers n'aient leur mot à dire. Afin de leur rendre un peu de pouvoir, Unbanx leur propose une application qui rémunère les informations qu'ils partagent volontairement.

Le modèle économique de la donnée est bien connu dans l'univers des géants du web, mais son adoption par les institutions financières est probablement moins familier du commun des mortels. Pourtant, en marge des réglementations (de type RGPD) destinées à protéger la vie privée des consommateurs, des usages massifs ont librement cours, après une anonymisation des sources qui satisfait les exigences légales tout en préservant en grande partie la valeur des historiques de dépenses des populations.

Face à ce qui peut paraître une situation d'abus, a minima du point de vue de l'opacité du procédé, Unbanx veut imaginer une autre approche. En l'occurrence, il s'agit pour l'individu de mettre ses précieuses données à la disposition des entités intéressées, mais, cette fois, en toute connaissance de cause et en contrepartie d'une juste compensation. Il lui suffit pour ce faire d'installer le logiciel de la jeune pousse et de connecter ses comptes bancaires via de classiques API « open banking » (fournies par Nordigen).

Unbanx has launched

Les clients ciblés étant les mêmes, les conditions de distribution des informations sont identiques à celles en vigueur dans les banques, notamment en matière de sécurité et d'anonymisation. En revanche, leur propriétaire légitime est systématiquement interrogé avant qu'elles ne soient communiquées à un tiers. Dans l'hypothèse où il accepte le transfert, il se voit créditer de bons d'achat à valoir auprès de grandes enseignes (Amazon, H&M, Ikea, Uber…), à hauteur de 70% du montant perçu par Unbanx.

Si une telle démarche est évidemment pavée de bonnes intentions, son impact réel risque d'être extrêmement décevant. Elle ne peut en effet espérer renverser le marché que si les entreprises désireuses d'exploiter la manne acceptent de changer de pourvoyeur, essentiellement dans un souci d'éthique. Or, dans ce registre, il sera difficile pour la startup irlandaise de lutter contre les poids lourds de la banque, avec leur capital de confiance, leur accès direct à la source, leurs éventuelles offres enrichies…

D'autre part, je m'attarderai, comme toujours, sur la pertinence de l'idée de fond d'Unbanx (et de quelques autres défenseurs des droits des données) : la rémunération apporte-t-elle une réponse adéquate aux excès de l'économie de l'information ? À tout le moins, elle introduit une distorsion de classe (entre ceux qui ont besoin de l'argent et les autres), qui n'est satisfaisante ni dans une perspective politique, ni, vraisemblablement, pour les clients d'un service de ce fait automatiquement entaché de biais incontrôlables.

lundi 30 janvier 2023

BNP Paribas crée un guide des aides publiques

BNP Paribas
Des milliards d'euros de dotations, en provenance des autorités européennes, nationales ou régionales, sont mis à la disposition des entreprises afin de les aider à surmonter les aléas de la conjoncture ou engager des transformations jugées indispensables. Une initiative de BNP Paribas leur propose de les orienter dans une jungle d'options.

Concocté en collaboration avec KPMG et WeGrant (spécialiste du sujet), l'« espace subventions entreprises » déployé par la banque permet, moyennant une simple inscription, de réaliser des simulations et d'identifier, en fonction de son secteur d'activité, de sa localisation, de sa taille, des projets qu'elle envisage (en particulier ceux qui concernent la transition numérique ou les enjeux environnementaux) et de quelques autres paramètres, les aides auxquelles chaque structure peut prétendre.

Le parcours comprend même une estimation de la probabilité d'obtention de chaque subvention suggérée. Mais, pour mettre le maximum de chances de leur côté, les demandeurs ont également la possibilité de solliciter un accompagnement de proximité dans l'assemblage et la soumission de leurs dossiers, assuré par des experts. Par ailleurs, un chargé d'affaires de BNP Paribas reste en contact avec eux et se tient prêt à compléter les besoins avec des solutions de financement adaptées, le cas échéant.

BNP Paribas – Espace Subventions Entreprises

La plate-forme référence d'ores et déjà plus de 150 programmes différents, présentés en détail et assortis d'un score destiné à établir des priorités, et ses fondateurs promettent d'en inclure 350 d'ici à la fin de l'année. Avec une tel volume d'opportunités, il est facile de comprendre pourquoi une assistance intelligente à la recherche est utile : les responsables de PME, en particulier, peuvent aisément gaspiller énormément de temps et de ressources en démarches qui s'avèreront finalement improductives.

Pour BNP Paribas, l'objectif visé ne se résume pas seulement à offrir un service supplémentaire à ses clients et prospects professionnels. En effet, non seulement leur accès aux subventions publiques représente-t-il une aubaine pour leurs opérations, donc pour leur comptes bancaires, mais, en outre, il constitue aussi une certaine forme de validation externe, susceptible de contribuer à la confiance réciproque et, partant, au développement de la relation commerciale, notamment en matière de crédit.

dimanche 29 janvier 2023

Method propose une API du crédit

Method Financial
Sa récente levée de fonds, à hauteur de 16 millions de dollars, nous procure l'occasion de nous intéresser à Method Financial et à son ambition de rationaliser (indirectement) l'accès à leurs encours de crédit pour les individus endettés et de les aider de la sorte à mieux piloter leurs finances personnelles ou à profiter d'avantages spécifiques.

L'idée de la jeune pousse est née en 2019, quand ses fondateurs prirent conscience de la difficulté que rencontraient les emprunteurs à obtenir une vision extensive et cohérente de leur situation auprès des institutions financières – banques et émetteurs de cartes de crédit en tête. Pour cette raison, les consommateurs, surtout les plus fragiles, se trouvent facilement exposés aux risques de dérives, ne sachant pas immédiatement où se situent les priorités dans une constellation de remboursements à effectuer au plus tôt.

Sa réponse consiste à proposer une API universelle, connectée à « tous » les établissements des États-Unis, qui permet à chaque personne de partager très simplement avec l'entreprise de son choix (cliente de Method), en toute sécurité et sous son contrôle exclusif, les informations sur l'ensemble de ses engagements. En complément, elle comprend aussi des fonctions de paiement pour les solutions qui visent à accompagner ou automatiser les versements de fonds à destination des créanciers.

Des intégrations sophistiquées avec les opérateurs de télécommunication mobile, les agences de notation et les principales plates-formes informatiques de crédit sont mises en œuvre afin de rendre les démarches les plus fluides possibles, y compris pour les populations peu familières ou peu désireuses de relation en ligne. Les utilisateurs n'ont ainsi, par exemple, qu'à fournir leur numéro de téléphone puis valider leur identité, en quelques gestes, pour entamer la procédure de connexion à leurs fournisseurs.

Method Financial Home

Depuis ses débuts, les interfaces de Method ont été adoptées par 45 acteurs d'origines diverses, entre banques traditionnelles et concepteurs de logiciels de bien-être financier. Il faut admettre que les cas d'usages envisagés sont également variés, tels que, sans limitation : surveillance des encours, règlement des échéances dues (en option avec des optimisations intelligentes), rachat ou transfert de solde, consolidation de dettes… En outre, le service pourrait devenir un bénéfice original déployé par les départements de ressources humaines de grandes structures à l'intention de leurs collaborateurs.

Tandis que, pour l'essentiel, l'industrie reste à ce jour sceptique sur les opportunités créées par les API de consultation des comptes de paiement, en attendant de les étendre peut-être à d'autres catégories de comptes, les trublions continuent à montrer la véritable voie vers l'avenir : généraliser l'approche afin d'offrir des moyens d'immerger les transactions au cœur des expériences qui comptent pour les usagers, en évitant les complications habituelles des parcours et en offrant des conseils personnalisés.

samedi 28 janvier 2023

Capital One, au-delà de la banque, autrement

Capital One
Comme d'autres institutions financières aux quatre coins de la planète, Capital One s'est lancée dans une ouverture au-delà de ses activités d'origine, en particulier à travers un portail de vente de voitures. Mais elle sait que cette extension ne satisfera pas tous les besoins, aussi propose-t-elle également une plate-forme aux concessionnaires.

C'est la grande tendance du moment dans le secteur, sous la dénomination de « beyond banking » et l'automobile en est une des principales cibles : les établissements de crédit, estimant que leur positionnement de pourvoyeur de fonds est critique dans le parcours d'achat et profitant de la démocratisation des transactions en ligne, développent progressivement leurs propres places de marché, dans lesquelles ils intègrent de manière transparente leur expertise du financement avec la distribution de véhicules.

Là où Capital One se distingue, c'est qu'elle prend en compte la forte proportion de la population (américaine, en l'occurrence) qui ne se sent pas prête à acquérir un véhicule sur un site web et préfère conclure une opération aussi importante face à un interlocuteur humain. Or, dans cette hypothèse, la personne légitime pour prendre en charge les échanges est le concessionnaire. Il ne reste plus qu'à fournir à ce dernier le service qui lui procurera autant de fluidité et de transparence que sur internet.

Dans une approche hybride, l'ambition de la Capital One Navigator Platform est donc d'apporter au professionnel, dans son environnement de travail habituel, les outils susceptibles de faciliter simultanément sa tâche et les démarches de son client potentiel. Leur contenu est essentiellement constitué des composantes strictement financières extraites de l'Auto Navigator, l'espace où la banque commercialise ses voitures.

Capital One Navigator

Concrètement, le consommateur est invité à réaliser des simulations, en fonction de sa situation et de ses exigences, puis à préparer son dossier à distance, en indiquant le montant d'acompte qu'il est capable de verser, le prix estimé de reprise de son ancien véhicule, la durée du prêt qu'il envisage de contracter…, à partir de quoi il lui est restitué une enveloppe budgétaire réaliste. Celle-ci est alors mise directement à la disposition du concessionnaire qui peut de la sorte filtrer les propositions qu'il soumettra.

Le progrès par rapport aux mécanismes existants – établissement de crédit partenaire ou négociation indépendante préalable avec la banque personnelle – ne paraît pas nécessairement évident mais il prend un certain relief au vu des frustrations exprimées vis-à-vis de la relation avec les vendeurs automobiles, en particulier en termes de confiance et de transparence des processus. Les stratégies « beyond banking » ont beau être à la mode, elles ne sont pas près de séduire massivement les populations, aussi est-il certainement utile de se pencher sur la qualité des expériences plus classiques…

vendredi 27 janvier 2023

Nirio, le paiement de facture en bas de chez soi

Groupe FDJ
En marge de leur activité historique en perte de vitesse, les bureaux de tabac français n'en finissent plus d'ajouter à leur palette de nouvelles offres, notamment financières : après la distribution de timbres postaux, de jeux d'argent, de cartes bancaires, les encaissements pour le compte du trésor public…, ils assument désormais le règlement de factures.

Baptisée Nirio, la nouvelle fonction est déployée par la filiale services du groupe FDJ, partenaire privilégié des buralistes depuis longtemps. Elle permet dès maintenant aux locataires de 4 bailleurs sociaux, opérant dans 14 départements de l'hexagone, de payer leur loyer en personne, en espèces ou par carte, auprès des 3 000 professionnels enregistrés par l'ACPR et formés pour ce genre de transactions. À terme, les quittances d'énergie, de télécommunications… devraient être intégrées dans le dispositif.

En pratique, le consommateur devra commencer par scanner la facture qu'il souhaite acquitter grâce à l'application mobile dédiée, qui génère alors un code (QR ?) de reconnaissance. Celui-ci sera ensuite présenté au commerçant afin de procéder au règlement proprement dit, sous réserve d'un contrôle systématique de la pièce d'identité du débiteur (étrange contrainte dont le but n'est pas précisé). La confirmation d'exécution est enfin matérialisée par un justificatif (imprimé, vraisemblablement) délivré au client.

Outre que, dans l'absolu, ce parcours utilisateur semble relativement lourd, il soulève une grave question de cohérence par rapport à la cible visée, des personnes rechignant à recourir aux prélèvements automatiques (qui représenteraient 20% de la population hexagonale)… et – bien entendu, mais ce facteur est ignoré dans la communication officielle – réticentes aux plates-formes numériques qui leur proposent une alternative : elles risquent de ne pas être enthousiasmée par la solution hybride de Nirio…

Nirio

Une autre interrogation majeure, plus ouverte, concerne la volonté sous-jacente de maintenir un modèle d'interactions en face à face qui a été abandonné depuis longtemps par les grands fournisseurs de services en raison de son inefficacité et de ses coûts exorbitants face à des options plus modernes, abordables, fiables, éprouvées et simples à appréhender. Or nulle part n'est évoquée l'équation économique sur laquelle repose Nirio : qui en supportera réellement la charge et à quel niveau se situe-t-elle ?

Par ailleurs, les promoteurs du système évoquent, comme toujours, l'importance pour son audience d'entretenir une vie sociale, à travers les petits événements de la vie quotidienne. Peut-être est-ce une réalité mais alors je suis profondément inquiet pour une société dans laquelle les individus devraient compter sur les échéances de leurs factures pour trouver des occasions de rester en contact avec leurs prochains. Je suis certain qu'il existe d'autres possibilités à explorer, plus positives, d'atteindre le même objectif.

Sans espoir d'une relation personnalisée – autorisant, par exemple, le rééchelonnement d'une dette –, le bénéfice de Nirio est difficile à percevoir. A contrario, quand FDJ cite en référence le succès rencontré par son initiative précédente avec le trésor public, on peut légitimement soupçonner que le véritable problème à résoudre réside dans la convivialité des outils de paiement en ligne existants : s'ils offraient une expérience optimale, il serait inutile de faire appel à un intermédiaire pour une tâche sans valeur ajoutée.

jeudi 26 janvier 2023

Comment vendre un projet de bien-être financier

Forrester
Par la voix d'Aurélie L'Hostis, ardente défenseuse du bien-être financier, le cabinet Forrester se penche sur une question critique pour les projets du genre dans les grands groupes : comment convaincre les responsables d'y consacrer les budgets nécessaires ? Au-delà des réponses proposées, j'ajouterai quelques éléments de contexte.

Bien que lancinant depuis des années, notamment dans le sillage de la pandémie, le sujet devrait aujourd'hui figurer particulièrement au cœur des préoccupations de toutes les banques de la planète alors que, crise du coût de la vie aidant, une fraction croissante de leur clientèle se débat dans les difficultés ou, à tout le moins, les inquiétudes vis-à-vis de leur budget quotidien. Pourtant, les initiatives destinées à offrir des solutions opérationnelles restent extrêmement rares et/ou terriblement timides.

Pourquoi ces hésitations ? Les raisons en sont multiples mais les impossibilités techniques n'en font résolument pas partie : entre la recherche académique florissante et les avancées réalisées par différentes jeunes pousses, la faisabilité n'est plus à démontrer, même s'il subsiste une immense marge de progrès. En revanche, la perception de la valeur des démarches autour de l'amélioration du bien-être financier dans les entreprises du secteur est encore à ce jour extraordinairement lacunaire.

Sans s'attarder sur les cas, hélas trop nombreux, de décideurs n'ayant pas intégré la notion dans leurs réflexions, la principale faille observée sur le terrain se matérialise dans les dossiers présentés : en l'absence de modèle économique (de « business case ») factuel, quantifié et précis, impossible de séduire un comité d'investissement. Les vagues promesses de renforcement de la fidélité, de développement ultérieur des ventes… fréquemment mises en avant ne suffisent jamais à emporter une décision.

Forrester – Business Case For Financial Well-Being

D'où l'injonction de Forrester à établir en détail les objectifs visés avant d'élaborer la cible envisagée, seule manière d'obtenir un accord… et des fonds afin de lancer un programme. Il faut cependant admettre que l'exercice est très complexe, car l'industrie manque cruellement de références, sur une thématique du bien-être financier qui relève toujours de l'innovation. Sans précédent documenté, comment identifier les métriques qui permettent de dégager une perspective de rentabilité et comment persuader les maîtres des cordons de la bourse que les hypothèses prises sont réalistes ?

Sur le premier point, les analystes ont quelques idées à partager et même un canevas prêt à l'emploi. Sans savoir ce que ces documents contiennent (l'accès en est réservé aux clients), je suggèrerai au moins une piste conjoncturelle : la période actuelle est propice à une mesure des pertes nettes (ventes échouées, défauts de paiement et autres incidents…) engendrées par les problèmes rencontrés par les clients (réels et ressentis), qui pourrait aisément servir de socle à la justification de valeur d'un nouveau projet.

Sur le second aspect, point de miracle à espérer : si les raisonnements adoptés sont cohérents, il ne s'agit plus que de vaincre la traditionnelle résistance à l'inconnu et le traumatisme du pionnier (le rôle que quasiment aucune banque ne désire jouer). Néanmoins, un moyen de faciliter l'adhésion consiste à réduire les risques et les coûts et, dans cette optique, le recours à un partenaire spécialisé, sélectionné dans un écosystème de la FinTech qui s'enrichit constamment, constitue une opportunité évidente.

mercredi 25 janvier 2023

Si, Yann, ChatGPT EST innovant

Meta
Quand Yann Le Cun – gourou de l'intelligence artificielle, scientifique en chef de l'IA chez Meta (ex-Facebook) et co-récipiendaire d'un prix Turing en 2018 – affirme que, en dépit de sa perception généralisée, l'agent ChatGPT n'est pas particulièrement innovant, ses propos inondent rapidement les médias internationaux. Pourtant, il se trompe.

Certes, comme il le souligne, les technologies sous-jacentes à cette plate-forme capable d'engager une conversation rationnelle, cohérente et informée n'ont rien de très original et des dizaines d'autres entreprises, de toutes tailles, en développent des implémentations opérationnelles, parfois depuis de longues années. Mais ces travaux et leur aboutissement n'ont qu'un lointain rapport avec ce qui constitue une véritable innovation, à savoir la rencontre réussie entre un produit, un cas d'usage et un public.

Sous l'éventuelle réserve de son évolution dans la durée, ChatGPT remplit précisément les conditions de cette définition. Ce constat objectif est confirmé à la fois par son adoption immédiate par des millions d'utilisateurs, d'abord curieux puis désireux d'en tirer les bénéfices, mais également, et peut-être de manière plus éclatante encore, par la vague de questions inédites qu'il suscite, par exemple face aux étudiants qui lui font faire leurs devoirs, aux cybercriminels qui l'exploitent pour affiner leurs attaques…

Naturellement, Yann Le Cun est désappointé de ne pas être le premier à découvrir la poule aux œufs d'or de l'IA, et celle-ci ne retire rien à la valeur des recherches passées – les siennes comme celles de milliers d'anonymes – ayant permis de la mettre au point, mais il ne peut contester son statut. Incidemment, son choix de travailler pour une organisation outrageusement commerciale n'est certainement pas étranger à son absence sur la photo d'une innovation importante dans son domaine de prédilection.

En effet, les efforts de Meta se concentrent, selon toute vraisemblance, sur les applications de l'intelligence artificielle destinées à renforcer l'efficacité de la publicité sur les réseaux sociaux (et accroître les revenus, bien sûr) – alors que les algorithmes de ciblage des contenus restent atterrants (après 10 ans de masquages et de blocages, ils ne veulent toujours pas admettre que je n'aime pas le foot !). La probabilité de donner naissance à une innovation (de rupture, de préférence) dans cet espace est faible.

Concrètement, Yann évoque l'une des pistes explorées par ses équipes : un système génératif artistique qui serait dédié à la création de matériel marketing (en clair, des publicités en ligne) pour les millions de petites entreprises qui n'ont pas les moyens de recourir aux services de professionnels dans ce but. Le résultat pourra être qualifié d'innovant, quand il aura vu le jour et qu'il aura conquis une part conséquente de son marché, mais il n'aura évidemment jamais, tel quel, l'impact d'un ChatGPT.

En conclusion, cette réaction épidermique, finalement anecdotique, représente une excellente occasion de rappeler que la technologie n'est qu'une composante – pas nécessairement révolutionnaire et souvent même optionnelle, qui plus est – de l'innovation. Le cas d'usage est beaucoup plus critique pour qui veut changer le monde. Dans l'univers financier, on comparerait l'optimisation des ventes croisées – amélioration incrémentale – et le déploiement d'un conseiller virtuel personnalisé – disruption…

Meta AI

mardi 24 janvier 2023

Equifax se voit courtier de données personnelles

Equifax
Pour les principaux spécialistes du score de crédit, la généralisation de la banque ouverte a donné naissance à une nouvelle concurrence, féroce et résolue, qui menace les activités historiques où ils régnaient jusqu'à présent sans partage. En réponse, Equifax essaie désormais d'élargir son approche à tout le spectre des données personnelles.

Un des premiers axes de diversification pour l'entreprise consiste, avec son offre Verification Exchange, à offrir un service de contrôle de l'emploi et (en option) de la rémunération des individus. Bien qu'elle repose sur diverses sources, notamment dans le traditionnel vivier des institutions financières, elle fait un bond en avant grâce à la signature d'un partenariat avec Sage pour la connexion avec sa plate-forme de gestion des ressources humaines, équipant 4 entreprises britanniques privées sur 10.

Le mode de fonctionnement retenu ne présente aucune surprise. Une fois obtenu l'accord (explicite) du consommateur pour l'accès à son profil, Equifax transmet au demandeur (qualifié) – via une API, naturellement – les informations sur l'employeur de l'individu en question, sa date d'entrée en fonction, l'intitulé de son poste… ou, dans la version la plus complète, un historique professionnel complet, comprenant également le salaire brut, sa fréquence de versement et quelques informations supplémentaires.

Pour ses clients potentiels, depuis les établissements de crédit jusqu'aux recruteurs, qui ont un besoin légitime de s'assurer de la situation professionnelle de leurs interlocuteurs, la proposition de valeur du Verification Exchange est une évidence. La mise à disposition de données fiables par un intermédiaire reconnu, via une interface centralisée facile à mettre en œuvre, représente en effet un moyen incomparable de simplifier des tâches administratives manuelles habituellement lourdes et sujettes aux erreurs.

Equifax Verification Exchange

En revanche, Equifax sait que l'acceptation par les citoyens de son système – relativement invasif vis-à-vis de la vie privée – constitue un sujet délicat. Aussi n'épargne-t-elle pas ses efforts afin de rassurer : outre son insistance à mentionner le criblage des utilisateurs et l'exigence de consentement, elle met en avant son expérience en matière de cybersécurité (malheureusement ternie par plusieurs incidents sérieux au fil des ans) et le soin qu'elle prend d'inscrire ses processus dans un strict cadre réglementaire.

Surtout, elle souligne les bénéfices à espérer de sa solution de collecte électronique en comparaison des démarches traditionnelles – production de copies de pièces justificatives, déplacements en personne pour certifier la véracité des documents… Non seulement les traitements devraient-ils être accélérés (ce qui peut être critique, par exemple pour un crédit) mais, en outre, ce sont des heures perdues (jusqu'à 13 jours par an, selon une étude) et des frustrations accumulées qui peuvent être évitées.

L'initiative, parfaitement alignée avec son modèle d'origine, paraît logique pour Equifax (et, probablement, pour ses consœurs). Cependant, elle intervient à un moment où commencent à émerger la notion d'identité décentralisée et ses premières implémentations, parfois portées par des organisations gouvernementales et donc à vocation plus ou moins universelle. Celles-ci possèdent l'avantage indéniable de redonner le contrôle de ses données à son propriétaire : un autre modèle a-t-il encore un avenir ?

lundi 23 janvier 2023

Les banques américaines ont 20 ans de retard

Early Warning
Quand les banques françaises lançaient leur solution de paiement en ligne Paylib, en 2013, je m'amusais de leur lenteur à réagir à la menace des trublions tels que PayPal. Je peux désormais relativiser mes sarcasmes puisque, selon le Wall Street Journal, l'industrie américaine s'éveillerait tout juste aux mêmes enjeux… avec 20 ans de retard.

Ceux qui croiraient naïvement que ce délai d'incubation – de l'idée, la réalisation n'ayant vraisemblablement pas encore débuté – ait abouti à une solution révolutionnaire en seront pour leurs frais. Les informations disponibles à ce stade laissent entrevoir un module d'encaissement tout à fait classique du côté des marchands et un parcours de règlement banal basé sur la saisie d'une adresse de courriel ou d'un numéro de téléphone, reliés en arrière-boutique à une carte de débit ou de crédit standard.

La mise en œuvre du projet paraît tout aussi rocambolesque. Ainsi, la première option envisagée – qui consistait, à l'inverse de la démarche adoptée dans l'hexagone, à étendre les capacités du service d'échanges d'argent entre pairs, Zelle – a été abandonnée en raison des polémiques jamais éteintes sur la fraude incontrôlable qui affecte son fonctionnement et sa réputation. Le nouveau dispositif serait confié au même prestataire – Early Warning, appartenant aux principales banques – mais en resterait indépendant.

Le résultat serait donc, en résumé, un système de paiement rigoureusement identique à ceux qui ont fait leurs preuves, parfois depuis plus de deux décennies, et ont déjà conquis des millions d'adeptes fidèles, surtout sur leur marché domestique, aux États-Unis, sans même espérer profiter d'une synergie étroite avec l'outil déployé précédemment pour un autre besoin, qui, en dépit de ses défauts, a réussi à capter une large audience grâce à sa promotion par les institutions financières auprès de leurs détenteurs de comptes.

Je ne sais pas comment raisonnent les stratèges dans ces entreprises mais il ne faut pas être grand clerc pour imaginer qu'une telle proposition de valeur est irrémédiablement vouée à l'échec. L'exemple de Paylib, dont on ne peut hélas penser qu'ils ont connaissance, pourrait pourtant les éclairer : son aventure dans le paiement en ligne a fait long feu et laissé place à une plate-forme de transferts entre amis… assez étrangement assortie de paiement de proximité (pour les appareils équipés du système Android).

Apparemment, la réaction des acteurs historiques serait due à la soudaine prise de conscience du risque que représentent pour eux les « nouveaux » entrants, en particulier par leur capacité à s'emparer de la relation avec leurs clients. Bien sûr, l'irruption d'Apple constitue en la matière une alerte bien plus puissante que celle de PayPal auparavant, mais la tendance, perceptible depuis des années, a été trop longtemps ignorée… et les tentatives de corriger le tir aujourd'hui, dans la panique, sont risibles et désespérées.

Early Warning - When money moves, life happens

dimanche 22 janvier 2023

Capital One abandonne l'agilité

Capital One
Sans surprise, comme lors de chaque hoquet de l'économie, les grands groupes adoptent précipitamment des mesures de réduction de coûts, qui passent généralement, surtout en Amérique, par des coupes dans les effectifs. Aux côtés de, entre autres, PNC, Goldman Sachs et JPMorgan, voici Capital One avec l'excuse la plus ridicule de toutes.

Pour certaines de ces institutions, il ne s'agit que de jeux de communication, quand, par exemple, le vaste plan stratégique annoncé quelques mois plus tôt, auquel personne ne croyait, est soudain amputé d'une partie de son financement. D'autres tentent de sauver les apparences, et leur crédibilité, en maintenant un semblant d'engagement budgétaire dans les technologies, jugées critiques pour leur survie. Et puis il y a donc le cas de Capital One qui, en essayant de se justifier, révèle ses lacunes tragiques.

Selon les informations de Bloomberg, le spécialiste des cartes de crédit s'apprêterait en effet à mettre fin à la mission de 1 100 collaborateurs (invités à trouver un autre poste dans l'entreprise, le cas échéant), qui consistait jusqu'à présent à accompagner la transition de l'organisation vers les démarches agiles, sous prétexte que, désormais, ces dernières sont bien implantées et que les concepteurs de logiciels et autres responsables de projet sont capables d'en assumer la prise en charge eux-mêmes, sans assistance.

Or, à moins que Capital One ait réussi une mutation spectaculaire, dont les résultats ne seraient hélas guère visibles, la triste réalité est que, selon toute probabilité, ces explications ne sont que du vent destiné à rassurer les investisseurs crédules et/ou distraits, sur le dos d'une population facile à identifier et à sacrifier, ou, pire encore, expose ce qui serait alors l'invraisemblable naïveté d'une direction générale sincèrement convaincue d'avoir atteint un niveau de maturité satisfaisant en matière d'agilité.

Capital One – We’re banking on technology

Car il ne faut pas se leurrer : ces disciplines sont extraordinairement complexes à faire entrer dans les cultures des institutions financières, notamment parce qu'elles sont contraires aux habitudes instaurées depuis des décennies dans leurs départements informatiques, et les changements déployés ces dernières années n'ont permis d'enregistrer que de maigres progrès. Si les artefacts méthodologiques sont intégrés au décorum, la véritable agilité, de la conception à la production, reste un rêve lointain.

Capital One cède ainsi simplement, comme ses consœurs, à l'injonction récurrente d'efficacité opérationnelle en temps de crise et n'hésite pas, dans le même mouvement, à hypothéquer ses efforts de modernisation et, potentiellement, son avenir : en écartant les compétences essentielles à l'évolution profonde de son modèle de fonctionnement, elle prend le risque de replonger dans les travers des projets traditionnels, ne serait-ce que par facilité, dont elle aura de plus en plus de difficultés à se défaire.

La plupart des acteurs du secteur répètent systématiquement la même erreur dramatique – d'interrompre plus ou moins totalement les grands chantiers de rénovation – dès qu'un vent contraire souffle (ou menace de souffler) sur leurs résultats. Pourtant, il en subsiste toujours quelques-uns pour résister au réflexe moutonnier et conforter leur stratégie : on retrouvera sans aucun doute ceux-là en pointe à la sortie de la période actuelle d'incertitudes, en compagnie des startups qui auront aussi su profiter de l'opportunité.

samedi 21 janvier 2023

Lloyds explique la transformation digitale

Lloyds Banking Group
Dans un effort de valorisation de sa mutation technologique et des multiples initiatives qu'elle déploie dans cette perspective, à une période charnière pour l'avenir du secteur, Lloyds Banking Group nous propose une intéressante exploration de ce que représente véritablement la transformation « digitale » pour une institution financière.

La réflexion émanant d'un département (CTO) proche de l'informatique, la définition prise comme point de départ est d'emblée un peu étroite, puisqu'elle considère uniquement l'adoption des technologies modernes dans les organisations, englobant des grandes thématiques telles que l'infonuagique, DevOps, l'automatisation des tests… En l'espèce, on ne peut que regretter l'absence de prise de recul sur les motivations profondes de la transition envisagée, dont, notamment, la réponse aux nouvelles attentes des clients.

En revanche, la démarche engagée pour diffuser la culture requise parmi les équipes d'ingénierie s'appuie sur une logique implacable. Elle s'appuie ainsi sur un vaste programme pédagogique dont les trois piliers sont la collaboration, l'expérimentation et l'apprentissage continu. Les diverses actions de Lloyds s'inscrivent toutes dans ce cadre : échanges et partages de connaissance, y compris publics, hackathons (mixés d'ateliers de découverte pour les non participants), présentations (vidéo) hebdomadaires…

Mais attardons-nous plutôt sur ces trois axes majeurs, qui constituent effectivement, à mon avis, la clé de la (nécessaire) révolution du secteur financier, et probablement à un niveau que l'établissement qui les met en avant n'appréhende pas dans sa globalité.

Lloyds – Creating a technology learning culture

La collaboration, d'abord, est un des défis les plus prodigieux à relever, d'autant qu'elle s'inscrit dans plusieurs dimensions complémentaires. La cible la plus évidente est celle qui permet aux équipes de mieux développer les projets, en intégrant des représentants de toutes les parties prenantes au lieu d'exploiter des mécanismes de communication asynchrones et déformants. Mais il faut également penser aux interactions entre les silos étanches créés par les différentes lignes métier et aux coopérations avec les écosystèmes externes, en rompant avec la tradition du « tout fait maison ».

L'expérimentation, ensuite, reste le domaine des frustrations. Si Lloyds évoque l'importance de disposer d'environnements dédiés (bacs à sable), où quiconque (?) pourrait tester une technologie émergente, une idée originale… sans impacts sur les opérations (et les clients) de la banque, il faut aussi donner les moyens aux collaborateurs de « perdre » une partie de leur temps dans ces aventures et, surtout, instaurer une approche industrielle qui promeuve l'ambition de déboucher sur des produits viables (alors que, par exemple, les hackathons semblent fréquemment n'être qu'une fin en soi).

L'apprentissage, enfin, ne peut se contenter, d'une part, de cursus conventionnels (même sous forme de modules en ligne) ni, d'autre part, d'un catalogue prédéfini et rigide. L'entreprise ne progressera vraiment que si ses employés ont accès non seulement à un socle commun qui place tout le monde sur la même longueur d'onde, mais également à des sujets immatures, pas encore identifiés par les responsables de formation et néanmoins susceptibles de devenir critiques à moyen terme. Et, bien entendu, son articulation avec l'expérimentation est essentielle, pour une efficacité optimale.

À partir de ces quelques principes simples, les grands groupes financiers devraient être en mesure d'élaborer une feuille de route pour la mise en place d'une culture « digitale », préalable indispensable à toute tentative sérieuse de transformation à grande échelle.

vendredi 20 janvier 2023

Marqeta simplifie l'enrôlement sur wallet mobile

Marqeta
À l'intersection de la croissance soutenue des usages des principaux porte-monnaie mobiles et de sa stratégie de création immédiate d'instruments de paiement pour toutes sortes de besoins, Marqeta généralisera dans les prochains mois une option d'enregistrement de ses cartes sur Apple Pay et Google Pay depuis une interface web.

Selon les études citées par la marque, plus de 7 américains sur 10 auraient adopté l'une des deux solutions à ce jour, en hausse de 10% sur une année, et les volumes échangés devraient croître de 60% d'ici à 2026. Leur popularité encourage maintenant les marchands à ne proposer que cette possibilité pour l'encaissement en ligne, ce qui conduit hélas à des taux d'abandon conséquents (au moins une fois pour 75% des sondés) en raison des lourdeurs et complexités des procédures d'installation.

Naturellement, le problème ne concerne guère les cartes utilisées au quotidien, pour lesquelles l'exigence de télécharger l'application de leur fournisseur avant leur inscription sur le smartphone n'est pas une vraie contrainte, la plupart des clients choisissant de piloter leur compte par son intermédiaire, dans tous les cas. En revanche, la difficulté est beaucoup plus sensible pour les acteurs distribuant leurs cartes à des fins spécifiques et souvent ponctuelles, qui représentent une part importante de la cible de Marqeta.

En l'espèce, les illustrations proposées sont parlantes. Une compagnie d'assurances désireuse d'accélérer l'indemnisation des dommages ou une compagnie aérienne allouant un écot aux passagers d'un vol en retard pour faire face à des dépenses d'urgence, par exemple, ont tout intérêt, ne serait-ce que par souci d'efficacité opérationnelle, à réaliser ces transactions via l'attribution d'une carte virtuelle… pour peu que le parcours correspondant reste facile d'accès, fluide et sans rupture pour les bénéficiaires.

Marqeta – Web Proivsioning

Avec la nouvelle fonction, actuellement en test par quelques entreprises pilotes, l'utilisateur est accompagné de bout en bout dans sa démarche. Schématiquement, il clique sur un lien (transmis par messagerie, par SMS ou par QRCode) sur son téléphone et n'a alors plus qu'à suivre les étapes indiquées pour valider sa demande (qu'il s'agisse d'une ouverture de compte ou d'un versement exceptionnel), puis, dans la foulée, obtenir son moyen de paiement et l'intégrer instantanément dans son porte-monnaie.

Marqeta souligne que l'idée de cette addition à sa panoplie de services – développée en collaboration avec Apple et Google – est née à l'occasion d'une de ses « hack weeks », qui sont des périodes réservées, à intervalle régulier, dont l'un des objectifs majeurs est d'identifier les frictions et les frustrations rencontrées par les parties prenantes de son écosystème et de s'efforcer de leur apporter des réponses. Au vu des mécanismes d'enrôlement de certaines d'entre elles, les grandes institutions financières auraient probablement beaucoup à gagner à s'inspirer de ce genre d'initiatives…

jeudi 19 janvier 2023

Perspectives pour la FinTech en 2023

StrictlyVC
À l'occasion d'une table ronde organisée par StrictlyVC, trois représentantes de fonds de capital risque exprimaient récemment leurs points de vue sur les perspectives de la FinTech en 2023, qui nous offrent par ricochet une excellente synthèse des défis et opportunités de l'innovation dans le secteur financier au cours des prochains mois.

Commençons par quelques constats. Tout d'abord, il n'a échappé à personne que les écosystèmes entrepreneuriaux se trouvent actuellement dans la tourmente, entre difficulté à lever de l'argent et nécessité de réduire les trains de vie (notamment par des licenciements massifs). Concernée comme les autres secteurs par ce phénomène, la FinTech est particulièrement touchée au niveau de ses acteurs du crédit, qui font face à un triple impact de la conjoncture, où se combinent aggravation des risques de défaut face à la crise inflationniste, hausse des taux d'intérêt et du coût des capitaux.

Deuxième évidence, les institutions financières perçoivent elles aussi l'émergence de signaux inquiétants pour leur activité (elles sont tout aussi sensibles à la fragilité de la situation budgétaire de leurs clients, par exemple) et, en conséquence, elles adoptent, comme toujours dans ce genre de circonstances, des tactiques de réduction des coûts et de recherche d'efficacité opérationnelle (en abandonnant au passage les axes stratégiques élaborés parfois depuis peu). Or les premières victimes de ces revirements brutaux sont toujours les départements d'innovation et les projets de transformation.

Mais ce sont justement ces changements de priorités qui fournissent une lueur d'espoir aux trublions de l'industrie, dans différents registres. En premier lieu, ils créent une ouverture immédiate pour les jeunes pousses positionnées sur les domaines susceptibles de contribuer directement aux efforts de rationalisation. En la matière, la palette de produits potentiels est vaste, qu'il s'agisse de lutte contre la fraude, d'évaluation de la solvabilité et de la fiabilité des emprunteurs, d'assistants virtuels intelligents…

Beaucoup plus important, à mon sens, sont toutefois les attentes non satisfaites des usagers des services traditionnels. En dépit des quelques progrès accomplis pendant la dernière décennie par les établissements historiques, ils continuent à générer d'immenses frustrations chez leurs clients (sans surprise, puisque Forrester nous apprend que les banques ne se préoccupent que très médiocrement d'eux). Alors ces derniers n'hésitent plus à explorer toutes les alternatives disponibles et franchissent de plus en plus facilement le pas de la transition vers la nouvelle génération de solutions.

Dans ces conditions, le moment est idéal pour les startups capables de répondre de manière optimale aux besoins sous-jacents : non seulement ont-elles toute latitude de conquérir une place pour l'instant inoccupée (ou mal occupée) mais, en outre, elles peuvent être assurées que les grandes institutions financières ne tenteront pas à court ou moyen terme de reprendre l'avantage sur les terrains perdus de la sorte, concentrées qu'elles sont sur leurs mesures d'économies. Comme toute période de crise, celle que nous vivons aujourd'hui peut représenter le chaos d'où naîtront les futurs géants.

Vers le futur
Illustration par Luisella Planeta (pour Pixabay)

mercredi 18 janvier 2023

Le télétravail ne s'improvise pas

Alors qu'une majorité de salariés – dans le secteur financier et ailleurs – espéraient que les aménagements apportés à leurs options de lieu de travail à l'occasion de la crise sanitaire déclencheraient une transformation pérenne, beaucoup ont dû déchanter. Exception à Wall Street, Citi montre comment cette évolution devrait être gérée.

Dans un échange organisé par Bloomberg au forum économique mondial de Davos, Jane Fraser, sa directrice générale, explique d'abord les motivations de la politique de l'institution en matière de télétravail (deux jours par semaine en moyenne) par sa certitude que les personnes qui en ont goûté les avantages désirent continuer à en profiter. Elle a d'ailleurs récemment fustigé ses consœurs ayant pris la décision de revenir au statu quo antérieur à 2020 en imposant une présence systématique dans les bureaux.

Une fois démontrée – par la force des événements – la faisabilité technique et la capacité à fonctionner normalement d'une organisation dans laquelle les collaborateurs exécutent leurs missions hors des murs de l'entreprise, on peut effet s'interroger sur les raisons qui conduisent une bonne partie de l'industrie à abandonner cette pratique pourtant largement appréciée parmi les effectifs (et, heureusement, ceux qui la rejettent ont désormais l'entière liberté de reprendre leurs anciennes habitudes, en général).

La réponse réside souvent dans des craintes plus ou moins rationnelles – par exemple la perte du sentiment d'appartenance ou les difficultés d'intégration dans une équipe – et quelques observations concrètes. Dans ce dernier registre, les baisses de productivité constituent probablement le facteur numéro un d'inquiétude chez les responsables (qui en sont peut-être les premières victimes). Le phénomène ne peut être nié… mais il doit toutefois être relativisé car il n'affecte qu'une fraction minime des individus.

Or, au lieu d'annuler tous les changements réalisés en deux ans et d'effacer de la sorte tous les bénéfices qu'ils offraient, Citi considère qu'il s'agit d'un progrès incontestable, sur lequel il serait absurde de revenir, et, dans une démarche d'amélioration continue, préfère donc diagnostiquer les causes des défauts identifiés et leur fournir une solution. En l'occurrence, un programme de coaching spécifique, en présentiel, est mis en place pour les employés dont la productivité se détériore de manière visible et objective.

Et, après tout, quoi de plus logique ? Parce que le télétravail introduit une véritable révolution dans les modèles opérationnels traditionnels, touchant potentiellement jusqu'à la culture d'entreprise, une période d'accoutumance, qui doit impérativement être accompagnée, paraît tout à fait naturelle. L'adoption expéditive contrainte par la pandémie, avec ses carences, ne peut faire oublier qu'une mutation d'une telle ampleur requiert obligatoirement une phase d'éducation et de pédagogie avant de s'imposer.

Hélas, pour bien des acteurs historiques de l'univers financier, il est impensable d'engager des efforts conséquents dans un but d'innovation, qui comporte ses incertitudes, quelles que soient les opportunités qu'elle dessine. L'immobilisme et le conservatisme restent la norme et tout est mis en œuvre afin d'éviter toute espèce de transformation. Au risque, comme le suggère Jane Fraser, de voir leurs salariés déserter ces banques incapables de comprendre et s'adapter à leurs attentes… et accélérer ainsi leur déclin.

Citi - WEF

mardi 17 janvier 2023

Plum enrichit ses options d'épargne automatique

Plum
Presque 7 ans après sa naissance, Plum continue infatigablement à enrichir sa solution d'épargne automatique à destination des consommateurs européens, en lui ajoutant toujours plus d'options, de manière à permettre à chaque utilisateur de trouver celle(s) qui lui convien(nen)t le mieux. Sa dernière trouvaille est la « naughty rule ».

Réservée dans un premier temps à ses clients payants britanniques, cette « vilaine règle » viendra compléter une palette déjà incroyablement diverse. Celle-ci propose ainsi, jusqu'à maintenant, de mettre de l'argent de côté au choix sur, entre autres, un compte simple à intérêts fixes, un portefeuille d'actions ou de cryptomonnaies, un plan d'épargne retraite…, via des mécanismes aussi variés que l'arrondi des dépenses, le calcul récurrent d'une réserve optimale, le défi des 52 semaines ou celui du jour de pluie…

Afin d'activer la nouvelle venue, il suffit de sélectionner une enseigne parmi la cinquantaine préalablement identifiée par Plum, représentant les plus populaires chez ses adeptes et considérées comme de mauvaises habitudes potentielles (par exemple McDonald's). Dès lors, pour chaque jour au cours duquel une transaction est enregistrée auprès du commerçant désigné, un mouvement du montant (prédéterminé) de la « punition » associée (entre 1 et 10 livres) est déclenché vers la cagnotte préférée.

Plum

Selon le caractère de la personne qui l'adopte (et, dans une certaine mesure, la configuration retenue), la règle constituera une sorte de repentance après avoir réalisé une action coupable (ce qui, incidemment, doit correspondre à la culture chrétienne d'une bonne partie de la population cible) à moins qu'elle ne soit surtout perçue comme un discret instrument de dissuasion. Naturellement, c'est aussi l'intérêt de ce genre d'approches, de laisser l'utilisateur s'en approprier le principe à sa convenance.

Plus généralement, la démarche de Plum consiste à offrir un maximum de possibilités pour que chaque individu trouve la méthode avec laquelle il est à la fois le plus à l'aise et le plus susceptible de laisser influencer ses comportements. Car dans le registre des finances personnelles, aucune solution universelle, applicable à tout le monde, n'existera jamais et il est donc extrêmement important pour atteindre une audience élargie de trouver et mettre en œuvre les multiples clés qui touchent les différents profils…

lundi 16 janvier 2023

Innovation au ralenti chez Deutsche Bank

Deutsche Bank
En septembre 2019, Deutsche Bank ouvrait à Shanghai les portes de son Blue Water Fintech Space (depuis devenu Lab), lui assignant la noble mission d'identifier et de combler les besoins non satisfaits de ses clients (grandes entreprises) en Chine. Trois ans et quelques mois plus tard, son premier produit fini est (enfin !) commercialisé.

Présentée, avec un peu d'optimisme, comme un robot d'automatisation de processus (RPA), la solution en question semble essentiellement se contenter de prendre en charge de manière autonome les réconciliations d'opérations bancaires enregistrées dans différents établissements. Totalement personnalisable, selon les besoins de chacun, prête à connecter (par API) aux principaux progiciels du marché, saupoudrée d'une inévitable dose d'intelligence artificielle, elle n'est toutefois guère impressionnante.

Bien sûr, ses utilisateurs, dont les pionniers ont eu l'occasion de l'expérimenter dès 2020, profiteront certainement de ses avantages, classiques pour sa catégorie, entre suppression de tâches manuelles à faible valeur ajoutée (à hauteur de 60 à 80 heures par mois paraît-il) et accélération des traitements, en passant par la réduction des taux d'erreurs. Mais je m'interroge sur sa pertinence face à des plates-formes généralistes, souvent déjà présentes dans les entreprises, et capables de prouesses similaires.

C'est que le délai écoulé entre l'idée initiale et l'industrialisation, qui, incidemment, fournit un indice sur les investissements consentis, n'est pas entièrement raisonnable, surtout au vu du résultat obtenu, somme toute modeste. Le choix de développer un outil purement technique, bien que décliné dans un contexte financier, constitue une autre source potentielle de controverse, car l'expertise de l'institution ne lui permet pas d'y exprimer une différenciation significative en comparaison des éditeurs spécialisés.

En résumé, la démarche, certes légèrement présomptueuse, consistant pour Deutsche Bank à considérer que sa propre « digitalisation » lui a procuré des compétences susceptibles d'être mises au service de ses clients moins avancés en la matière représente une promesse incontestablement attractive. Cependant, à mon avis, son application à un domaine trop éloigné de son cœur de métier en limite singulièrement la portée effective et ne lui permet pas d'exploiter au mieux ses capacités.

Par ailleurs, la structure d'innovation donne l'impression d'avoir importé et embrassé les lenteurs et les lourdeurs traditionnelles de sa parente (notamment quand il ressort que la solution a subi près de trois ans d'incubation et de tests avant son déploiement final), ce qui constitue un défaut rédhibitoire dans sa discipline. Dans ces conditions, il est difficile de percevoir les mérites de son existence et de ses travaux, en particulier pour les clients ayant probablement d'innombrables autres frustrations en attente de réponses.

Deutsche Bank – Blue Water Fintech Lab

dimanche 15 janvier 2023

L'e-yuan fonctionne sans réseau ni batterie

E-Yuan
Un an après son lancement expérimental, le yuan digital de la banque centrale chinoise a fortement progressé vers son industrialisation, à tel point que le maintien de son accès dans des circonstances sub-optimales – absence de connexion à internet ou épuisement de la batterie du téléphone – nécessite désormais d'être pris en compte.

Le problème est commun à toutes les solutions de monnaie électronique sur smartphone, surtout quand elles prétendent se substituer de manière plus ou moins extensive aux espèces : comment permettre à leurs utilisateurs de continuer à dépenser leur argent dans les cas où la connexion au réseau est déficiente ou lorsque l'appareil refuse de s'allumer faute de charge suffisante ? Avec 261 millions d'adeptes du e-yuan en juin et la poursuite de son déploiement, la Chine ne peut résolument plus ignorer le sujet.

Dans un premier temps, la fonction destinée à contourner ces limitations n'est proposée que sous forme d'option, uniquement sur les téléphones équipés du système Android, dans certaines régions et pour des scénarios spécifiques. Cette démarche prudente n'est évidemment pas une surprise au vu des compromis qu'engendre obligatoirement l'approche retenue, qui consiste « simplement » à transformer le téléphone en un capteur NFC passif, identique à celui qui est intégré dans une carte de paiement classique.

Outre la perte de capacités importantes pour le porteur (qui, par exemple, ne peut plus gérer son compte dans l'application et devra attendre sa resynchronisation pour revenir à une situation normale), le principe suscite surtout des inquiétudes, voire des critiques, au regard de son exposition aux abus dans l'hypothèse de perte ou de vol du smartphone. Les seules réponses offertes à ce stade comprennent la configuration de plafonds sur les transactions hors ligne et la possibilité de désactiver la fonction à distance.

Bien que de nombreux observateurs estiment que ces modes dégradés ne peuvent être considérés comme nominaux et devraient être réservés à des usages ultra-marginaux, il est absolument impensable d'imaginer une monnaie officielle qui ne soit pas disponible universellement. En ce sens, le test de la Banque Populaire de Chine constitue une étape indispensable, susceptible de servir de référence à d'autres initiatives (le porte-monnaie européen d'identité, par exemple, est supposé fournir ce type de facilité).

Yuan Digital
Photo par 30000lightyears sous licence CC-BY-SA 4.0

samedi 14 janvier 2023

Le chèque, toujours essentiel…

J.P.Morgan Wealth Management
Plus d'une décennie après l'introduction par USAA de l'encaissement dématérialisé de chèque, sur smartphone, l'entité de gestion de patrimoine de J.P. Morgan annonce son adoption pour l'alimentation directe des comptes d'investissement. Voilà un moyen de faciliter la vie des clients et d'attirer davantage de flux… teinté d'archaïsme.

Au lieu de les contraindre à déposer d'abord leurs chèques sur leur compte courant avant de pouvoir effectuer un versement sur leur portefeuille, en rallongeant de la sorte inutilement les délais de traitement, l'application mobile de Chase propose désormais à ses utilisateurs de sélectionner dès la numérisation du document la destination de la somme correspondante parmi les différents produits détenus, libres ou réglementés. Le mouvement est alors enregistré sous 24 heures, en une seule démarche.

De toute évidence, l'initiative sera appréciée de toutes les personnes qui devaient jusqu'à maintenant réaliser ces opérations en deux étapes, avec toutes les frustrations et les risques d'erreur que ces manipulations peuvent engendrer. Cependant, la banque est certainement tout aussi intéressée économiquement à cette optimisation des procédures, susceptible d'encourager ses clients à rediriger plus souvent l'argent qu'ils perçoivent vers l'investissement ainsi qu'à privilégier leur compte Chase pour ce faire.

J.P.Morgan Wealth Management – QuickDeposit for Investments

Sans remettre en cause les bénéfices incontestables du dispositif, il est tout de même consternant de constater que, en 2023, le chèque imprimé (heureusement virtualisé dans une partie de plus en plus importante de son cycle de vie) continue à faire l'objet d'innovations dans l'industrie. Car il faut croire que si de tels efforts sont jugés nécessaires, c'est bien que les consommateurs maintiennent un usage soutenu de cet instrument non seulement désuet mais surtout totalement dépassé aujourd'hui. Et cette situation est largement due à l'attitude des banques vis-à-vis de son éradication.

En effet, outre la simple passivité, matérialisée par l'absence quasi universelle de toute velléité d'abandon proactif, chaque nouvelle solution qui, à l'instar de celle de J.P. Morgan, rend son recours plus efficace, en fait en réalité automatiquement la promotion et entretient sa survie au-delà du raisonnable. Prises entre le désir d'améliorer l'expérience du client et les envies de supprimer les vestiges de l'ère du papier, les institutions financières ne parviennent pas à choisir et s'enfoncent dans un double piège de coûts, de gestion des chèques, d'une part, et de projets pour s'en accommoder, d'autre part.

vendredi 13 janvier 2023

Préserver l'assurance des clients fragilisés

FCA
Si les banques figurent au cœur des dispositifs d'accompagnement des consommateurs mis en difficulté par la hausse du coût de la vie, les assureurs ont aussi un rôle important à jouer. C'est pour cette raison que le régulateur britannique propose des mesures de protection spécifiques, prolongeant celles déployées lors de la pandémie.

Aux côtés, entre autres, du risque de perte de contrôle sur leurs engagements de crédit, et, à l'extrême, des dangers du surendettement, une autre conséquence sournoise et néanmoins dramatique de la fragilisation des équilibres budgétaires des ménages se matérialise par leur abandon, volontaire ou accidentel, des garanties souscrites (dans les domaines de la santé, en priorité, mais également de l'habitation, des véhicules…) pourtant essentielles au maintien d'un bien-être financier optimal.

Loin de n'être que théorique, le phénomène est bien réel. En dépit des précédentes recommandations émises par la FCA à l'occasion de la crise sanitaire, des études estiment que, entre 2020 et 2022, le nombre de personnes ne disposant d'aucune assurance non vie a grimpé de 6,3 millions à 8,6 millions (certes à relativiser en raison de la chute des contrats sur les voyages). Et cette évolution inquiétante touche de manière particulièrement aiguë les populations exposant des caractéristiques de vulnérabilité.

En réponse, l'autorité souhaite donc pérenniser et généraliser son initiative antérieure. Sa nouvelle proposition fait ainsi l'objet d'une consultation [PDF] auprès des différentes parties prenantes. L'objectif visé consiste, globalement, à encourager l'industrie à réduire les impacts de l'inflation sur leur clientèle en situation précaire (quelles qu'en soient les causes) et à développer des efforts distinctifs en vue de préserver un niveau d'assurance à la fois abordable et couvrant les risques les plus importants pour chacun.

La première étape dans l'approche envisagée est celle de l'identification du malaise financier chez les assurés. Outre le cas simple où c'est l'intéressé lui-même qui contacte son fournisseur afin d'évoquer ses préoccupations, les compagnies seraient incitées, voire contraintes, à prendre en considération les signaux indirects tels que les demandes de résiliation ou la survenue d'incidents de paiement sur les primes. En parallèle, l'information sur les possibilités d'accompagnement devrait être mise en avant.

Dans le plan de la FCA, les actions à entreprendre dans ces circonstances seraient de divers ordres. Une réévaluation des risques pris en charge serait d'abord imposée, destinée à focaliser l'attention du client sur les garanties critiques pour son mode de vie. Puis, pour ces dernières, il faudrait explorer les opportunités d'ajuster les conditions contractuelles en vigueur (temporairement, le cas échéant) ou d'adopter un produit plus pertinent. Enfin, il resterait à éliminer les frais administratifs sur les modifications.

Cette démarche supplémentaire du régulateur s'inscrit directement dans la lignée de son corpus de devoirs des institutions financières vis-à-vis des consommateurs (« Consumer Duty »), dont elle reprend sans ambages la remise au centre des attentes des clients. Le message adressé ici au secteur de l'assurance met ses représentants devant leurs responsabilités, avec des exigences qui ne figurent pas nécessairement dans leurs stratégies existantes (par exemple sur la détection des individus en fragilité).

Hausse du Coût de la Vie
Illustration par Andrew Khoroshavin (via Pixabay)