Sans surprise, comme lors de chaque hoquet de l'économie, les grands groupes adoptent précipitamment des mesures de réduction de coûts, qui passent généralement, surtout en Amérique, par des coupes dans les effectifs. Aux côtés de, entre autres, PNC, Goldman Sachs et JPMorgan, voici Capital One avec l'excuse la plus ridicule de toutes.
Pour certaines de ces institutions, il ne s'agit que de jeux de communication, quand, par exemple, le vaste plan stratégique annoncé quelques mois plus tôt, auquel personne ne croyait, est soudain amputé d'une partie de son financement. D'autres tentent de sauver les apparences, et leur crédibilité, en maintenant un semblant d'engagement budgétaire dans les technologies, jugées critiques pour leur survie. Et puis il y a donc le cas de Capital One qui, en essayant de se justifier, révèle ses lacunes tragiques.
Selon les informations de Bloomberg, le spécialiste des cartes de crédit s'apprêterait en effet à mettre fin à la mission de 1 100 collaborateurs (invités à trouver un autre poste dans l'entreprise, le cas échéant), qui consistait jusqu'à présent à accompagner la transition de l'organisation vers les démarches agiles, sous prétexte que, désormais, ces dernières sont bien implantées et que les concepteurs de logiciels et autres responsables de projet sont capables d'en assumer la prise en charge eux-mêmes, sans assistance.
Or, à moins que Capital One ait réussi une mutation spectaculaire, dont les résultats ne seraient hélas guère visibles, la triste réalité est que, selon toute probabilité, ces explications ne sont que du vent destiné à rassurer les investisseurs crédules et/ou distraits, sur le dos d'une population facile à identifier et à sacrifier, ou, pire encore, expose ce qui serait alors l'invraisemblable naïveté d'une direction générale sincèrement convaincue d'avoir atteint un niveau de maturité satisfaisant en matière d'agilité.
Car il ne faut pas se leurrer : ces disciplines sont extraordinairement complexes à faire entrer dans les cultures des institutions financières, notamment parce qu'elles sont contraires aux habitudes instaurées depuis des décennies dans leurs départements informatiques, et les changements déployés ces dernières années n'ont permis d'enregistrer que de maigres progrès. Si les artefacts méthodologiques sont intégrés au décorum, la véritable agilité, de la conception à la production, reste un rêve lointain.
Capital One cède ainsi simplement, comme ses consœurs, à l'injonction récurrente d'efficacité opérationnelle en temps de crise et n'hésite pas, dans le même mouvement, à hypothéquer ses efforts de modernisation et, potentiellement, son avenir : en écartant les compétences essentielles à l'évolution profonde de son modèle de fonctionnement, elle prend le risque de replonger dans les travers des projets traditionnels, ne serait-ce que par facilité, dont elle aura de plus en plus de difficultés à se défaire.
La plupart des acteurs du secteur répètent systématiquement la même erreur dramatique – d'interrompre plus ou moins totalement les grands chantiers de rénovation – dès qu'un vent contraire souffle (ou menace de souffler) sur leurs résultats. Pourtant, il en subsiste toujours quelques-uns pour résister au réflexe moutonnier et conforter leur stratégie : on retrouvera sans aucun doute ceux-là en pointe à la sortie de la période actuelle d'incertitudes, en compagnie des startups qui auront aussi su profiter de l'opportunité.
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