En dépit des nombreuses frustrations qu'elle aura
générées, l'année 2022 aura également été l'occasion de déclencher ou accélérer
quelques tendances majeures qui pourraient maintenant produire les
grandes transformations des prochains mois… à condition, comme toujours, que
la qualité d'exécution parvienne à suivre les intentions.
Thématique qui me tient particulièrement à cœur, le
bien-être financier fait enfin quelques progrès. Certes, beaucoup trop
de personnes dans le milieu en sont encore à me demander de quoi il retourne
quand je l'évoque, mais les mécanismes sous-jacents entrent malgré tout dans
les esprits. La prise de conscience des limitations de la gestion de finances
personnelles de première génération, trop passive pour véritablement séduire
et aider les clients à mieux piloter leur budget, incite à franchir une autre
étape.
Des composantes éducatives, parfois mises en scène de manière ludique afin
d'encourager l'engagement des utilisateurs dans la durée, commencent ainsi à
prendre place dans les applications bancaires. Progressivement, elles sont
associées à des outils pratiques, destinés à accompagner les
changements de comportement sur des aspects spécifiques, notamment en relation
avec les inquiétudes du moment sur le pouvoir d'achat. Leur périmètre devrait
s'étendre en 2023 et couvrir de plus en plus de besoins.
En deuxième position, les enjeux environnementaux se trouvent
probablement aujourd'hui dans une période charnière pour l'industrie. En
effet, jusqu'à présent, la communication sans fond ni convictions profondes,
voire le « greenwashing » pur et simple, ont largement dominé les
débats. Malheureusement pour les charlatans, les consommateurs, stimulés par
de vrais spécialistes, ne se laissent plus aussi facilement berner, surtout
quand eux-mêmes subissent des contraintes dans leur quotidien.
La bonne nouvelle est qu'une partie des efforts nécessaires, qui, dans le
secteur financier, relèvent de la modération énergétique, sont
parfaitement alignés avec les exigences de maîtrise des coûts. Pour le reste,
les politiques d'investissement vont se voir fortement influencer par des
réglementations émergentes, qu'elles affectent directement les gestionnaires
de fonds ou qu'elles concernent les entreprises intégrées dans les
portefeuilles. Loin d'être idéale, l'approche a, à tout le moins, le mérite de
l'efficacité.
Dernière opportunité à mentionner (encore une fois sans prétendre à
l'exhaustivité), le concept de services enfouis (ou invisibles, ou, en
anglais, « embedded finance ») avance sensiblement dans les
stratégies, même s'il est plus souvent pris à revers qu'embrassé en tant que
tel. Car l'idée de déléguer la relation avec le client à un tiers en
fournissant à ce dernier des fonctions prêtes à l'emploi ne passe toujours pas
bien dans la plupart des établissements. Mais elle suscite des réactions qui
la valident.
Je veux bien sûr parler de l'immense vague « beyond banking », à travers laquelle les acteurs de la banque (ou de l'assurance)
veulent s'emparer des parcours de bout en bout, dans le commerce électronique,
l'acquisition immobilière, l'achat automobile, les services à la personne…,
et, de la sorte, riposter aux entreprises de ces domaines, comme aux géants
technologiques (entre autres avec leurs velléités de « super app »),
qui, de leur côté, souhaitent absorber les composantes financières qui
complètent leurs offres.
Naturellement, relever ces trois grands défis, qui font tous partie d'un
recentrage impératif sur les attentes des clients, requiert une
vision et des ambitions à leur mesure, assorties d'importants
moyens. Bien que toutes les autres conditions soient maintenant réunies pour
leur succès, l'anticipation d'une conjoncture difficile dans les mois à venir
risque de faire hésiter et retarder, voire écarter, les chantiers
correspondants. Les institutions qui ne reculeront pas auront alors la faculté
de prendre un avantage considérable.
Excellente année 2023 à tous !
Illustration par Svetlana (via Pixabay) |
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