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C'est pas mon idée !

samedi 31 décembre 2022

2022, un retour sur terre ?

2022
Quelques heures avant d'entamer une nouvelle année et de tenter (demain ?) d'y projeter une série de tendances positives, je vous invite à revenir une dernière fois sur 2022… et ses déconvenues, ses ratés et autres échecs, en espérant que le ménage ainsi fait laisse la place à un retour indispensable vers plus d'innovation productive et efficace.

Commençons par un constat générique, à propos des valorisations astronomiques de la FinTech – ou, du moins, de ses stars les plus en vue. Elles ont commencé à subir des corrections sévères, dont il n'est en outre pas certain qu'elles soient terminées, soulignant un début de désaffection de la part des investisseurs. Le mouvement n'a toutefois rien de très inquiétant, pour l'instant, dans la mesure où il constitue un contrecoup d'excès passés, en voie de résorption, et non le signe d'une chute brutale imminente.

Parmi les principales victimes de ce retournement de conjoncture, le paiement fractionné et/ou différé mérite une mention spéciale. Après une explosion, notamment à la faveur de la crise sanitaire, il se trouve aujourd'hui à une jonction extrêmement dangereuse, entre des besoins croissants de la part de consommateurs dont la situation fragilisée accroît les risques de défaut et l'augmentation du coût de l'argent dû à la remontée des taux d'intérêt. Une période difficile s'ouvre pour les nouveaux entrants.

Dans un registre différent, les métavers ont probablement été l'étoile filante de 2022. Une frénésie incontrôlable s'est emparée de toutes sortes d'entreprises, dans le secteur financier et ailleurs, à la suite du pari qu'a lancé Mark Zuckerberg sur Facebook en en faisant Meta. Prédictions choc, expérimentations, implantations virtuelles…, l'avenir était écrit et il allait être révolutionnaire. Arrivés en décembre, les esprits se sont calmés faute d'intérêt des consommateurs et la vision s'est éloignée… d'au moins 10 ans.

Dans le même périmètre, il semblerait que les cryptoactifs aient également perdu de leur lustre au cours des 12 derniers mois. Il n'est pas dit qu'il s'agit d'une mode passagère vouée à disparaître irrémédiablement, mais une évolution vers un concept d'actifs numériques, débarrassé des illusions sur la blockchain, pourrait se dessiner. En parallèle, les cryptomonnaies souffrent aussi, entre baisse vertigineuse des cours (de près des deux tiers pour bitcoin et ether) et scandales en tout genre ruinant la confiance.

Je terminerai enfin cette énumération (qui ne se veut certainement pas exhaustive) avec les premières capitulations autour des usages de la technologie de la blockchain par les institutions financières, suivies peut-être (j'espère) de la prise de conscience de l'absurdité des promesses qui lui sont attachées par des « experts » qui ne comprennent pas vraiment de quoi ils parlent. Si de nombreux projets se poursuivent, il est rassurant d'observer le net ralentissement des nouvelles initiatives et des allocations de budget.

Dans l'ensemble, 2022 aura donc été une année d'assainissement généralisé pour l'industrie, justifié en partie par les efforts de rationalisation engagés en prévision d'une crise qui ne dit pas son nom, incidemment. Avec un peu de chance (et de prise de recul), les ressources libérées de la sorte pourraient être utilement consacrés à des chantiers autrement plus critiques et urgents, notamment au service (réel) des clients.

Coucher de soleil

vendredi 30 décembre 2022

Comment tenir ses bonnes résolutions ?

CommBank
À l'approche de la nouvelle année, nombreux sont ceux d'entre nous qui allons tenter de prendre de bonnes résolutions, en particulier budgétaires. Afin d'éviter que, comme trop souvent, elles ne retombent dans l'oubli au bout de quelques semaines, l'australienne CommBank propose une série de recommandations pratiques en la matière.

Parce qu'il est une préoccupation constante pour beaucoup d'entre elles, l'argent est une des principales cibles des personnes qui s'adonnent au rituel chaque premier janvier. Une enquête menée par la banque révèle ainsi que 9 australiens sur 10 l'incluent d'une manière ou d'une autre dans leurs objectifs, qu'il s'agisse de réduire leurs dépenses essentielles (pour la moitié) ou de s'efforcer d'en mettre de côté (pour 40%). Et il ne fait guère de doute que les chiffres seraient similaires dans le reste du monde.

Pour aider ses concitoyens à respecter leurs engagements et retrouver un peu de sérénité en cette période difficile pour beaucoup, le patron de la science comportementale de CommBank (au fait, dans quel autre établissement existe-t-il un tel poste ?) fournit cinq conseils concrets et opérationnels, tous basés sur des recherches psychologiques sérieuses, que, en outre, les outils déployés par la banque peuvent – ou pourraient, car certains restent à développer – également contribuer à appliquer plus facilement.

La première règle consiste à définir des cibles spécifiques, dont la réalisation est limpide et dépourvue de toute ambiguïté. Exit les énoncés aussi vague que « maîtriser mon budget » (ou « rester en forme », dans un autre domaine), qui n'encouragent pas les efforts, et place aux actions élémentaires, mesurables, aisées à instaurer, comme, par exemple, « verser systématiquement x % de mon salaire sur mon compte d'épargne » ou réserver le shopping à un seul jour de la semaine (avec un montant limité ?).

L'idée n'est pas abordée mais peut-être serait-il intéressant d'explorer la possibilité de concevoir un logiciel d'assistance à la création de résolutions ? En partant d'une ambition générique (de celles qui ne produisent aucun résultat positif), il accompagnerait l'utilisateur, sous forme de conversation, dans sa déclinaison en missions efficaces. Selon les cas, ces dernières pourraient ensuite être éventuellement mises en œuvre plus ou moins automatiquement par l'intermédiaire des services « digitaux » disponibles.

CommBank – Résolutions 2023

Car les deux suggestions suivantes portent justement sur la nécessité de préciser le contexte des buts fixés de manière à les rendre plus percutants et accroître de la sorte les chances de les atteindre. D'une part, il paraît important de déterminer dès l'origine les modalités d'exécution (réserver une heure chaque premier dimanche du mois afin de passer en revue les abonnements inutiles…). D'autre part, des mécanismes de motivation (assumer toutes les tâches ménagères pendant une semaine en cas de dépassement du budget mensuel…) ajoutent une impulsion récurrente aux habitudes.

Le point suivant ne sera pas nécessairement utile à tout le monde, puisqu'il émane du constat qu'une rupture majeure dans la vie quotidienne s'avère propice à la transformation des comportements. Ceux qui ont la chance de déménager ou de démarrer un nouvel emploi devraient donc profiter de cette opportunité pour réévaluer leurs pratiques et adopter d'autres usages. Dans une moindre mesure, un retour de vacances peut jouer le même rôle, à travers le questionnement des routines de travail.

Enfin, il ne faut jamais oublier que la volonté et la détermination, bien qu'indispensables pour initier une démarche et la soutenir durant les premiers temps, suffisent rarement à aller au bout d'un rêve. L'activation d'automatismes quand prédomine l'enthousiasme des débuts – mise en place de transferts périodiques, suppression des notifications tentatrices… et tout ce qui va dans le sens des conditions contextuelles évoquées plus haut – représente un excellent moyen de maintenir le cap sur le long terme.

Si la compilation de recommandations élaborée par CommBank semble indubitablement de grande valeur pour les intéressés, et encore plus avec les références aux différents outils de son catalogue susceptibles de simplifier leur observation, je finis par me demander pourquoi l'institution ne prolonge pas son approche pédagogique avec une solution dédiée, par exemple sous les traits d'une application mobile de pilotage des bonnes résolutions. Voilà une opportunité qui mériterait d'être évaluée… pour 2024.

jeudi 29 décembre 2022

L'étrange analyse de la banque par McKinsey

McKinsey Insights
Sa critique par Guillaume Almeras (Score Advisor) a attiré mon attention sur la revue annuelle de la banque que publiait McKinsey au début du mois. Je ne peux résister à l'envie de remettre le couvert, tant le célèbre cabinet de conseil semble parfois s'égarer, au point de soulever quelques sérieux doutes sur la valeur de ses analyses en général.

La première partie du rapport, sur laquelle je souhaite m'attarder ici, traite principalement de la performance du secteur et tente d'apporter des explications aux observations réalisées. En l'occurrence, les constats bruts sont difficilement contestables, entre des niveaux de rentabilité insuffisants dans les établissements traditionnels, particulièrement marqués parmi les européens, et une valorisation moyenne en net retrait par rapport à celle des autres industries, assortis d'importants écarts selon différents critères.

Sans plus de surprise, les facteurs susceptibles de justifier cette situation ressemblent même à un rappel d'une série d'évidences. En dépit de la remontée des taux d'intérêt, qui restaure une marge de manœuvre bienvenue dans les modèles économiques historiques, les tensions créées par l'invasion russe en Ukraine, les menaces sur Taiwan, sans oublier les suites de la pandémie, sur les chaînes d'approvisionnement, sur l'emploi, sur l'inflation, sur la croissance… contribuent à maintenir une atmosphère pessimiste.

En revanche, l'approfondissement de ce point de vue synthétique laisse tragiquement à désirer, notamment quand, derrière les statistiques globales, les experts de McKinsey explorent les points forts et points faibles des uns et des autres. Exemple caricatural, est-il utile de souligner que les clients aisés produisent un revenu bien supérieur à celui des classes moyennes, dont le pouvoir d'achat est en baisse, et de conclure qu'un moyen d'améliorer les résultats consiste à focaliser l'attention sur ces populations ?

Un autre sujet de contention majeure, qu'aborde aussi Guillaume, est ce raisonnement qui voudrait prouver que la spécialisation est plus payante que l'approche universelle des grands groupes généralistes… et qui comporte tant d'erreurs qu'il donne le tournis.

McKinsey’s Global Banking Annual Review

La proportion grandissante des acteurs mono-métier (qui atteindrait 50%) dans la valorisation totale du secteur ? Prétendre que l'indicateur retenu est pertinent pour défendre la supériorité d'un modèle est pour le moins incongru : c'est oublier que le cours d'un titre est fondamentalement un pari sur l'avenir. Or, d'un côté, les banques suivent une voie toute tracée, sans perspective de rupture, alors que les nouveaux entrants, représentant une large part des spécialistes, promettent un avenir radieux…

La polarisation exclusive sur un domaine hautement profitable comme clé de la performance ? Encore une porte ouverte enfoncée par les consultants, en apparence, mais les illustrations fournies à l'appui de la réflexion exposent immédiatement ses limitations : la gestion des dépôts est essentiellement un levier pour d'autres activités, les paiements constituent un marché de masse à faible rendement et hyper-concurrentiel, le crédit à la consommation est extrêmement sensible aux conditions externes…

En outre, divers aléas, connus (conjoncture économique, innovation technologique, réglementation) ou plus inédits (pandémie, crise climatique…) mettent à mal la viabilité à long terme de ces spécialistes, comme le montre depuis quelques mois la morosité qui entoure les trublions du paiement fractionné, dont un des leaders, Klarna, espère justement trouver son salut dans la diversification. Et cette capacité à rebondir hors de son périmètre est précisément ce qui détermine sa valorisation, pas son succès initial.

Enfin, il faudrait peut-être éveiller McKinsey à la tendance universelle vers ce débordement sur des territoires extra-bancaires, qu'il s'agisse de banques désireuses de s'emparer des parcours clients de l'acquisition immobilière ou de disrupteurs attirés par le concept de « super app ». Ces orientations visent à éviter les pièges existants, en offrant une opportunité de forte expansion à celles qui stagnent et en procurant un relais potentiel de revenus à ceux qui ont mis tous leurs œufs dans le même panier.

mercredi 28 décembre 2022

Un risque systémique des cyberattaques ?

Zurich Insurance
Décidément, l'industrie de l'assurance est en délicatesse avec ce siècle. Non contente de sonner l'alarme depuis quelques temps sur l'expansion incontrôlable des risques climatiques, par conséquent bientôt impossibles à couvrir, voilà qu'un phénomène similaire, tout aussi critique, se développe désormais dans l'univers de la cyberdéfense.

C'est par la voix de Mario Greco, directeur général de Zurich Insurance, relayée dans un article du Financial Times, que le ton, sombre, est donné. Au vu des tendances actuelles, marquées notamment par plusieurs sinistres d'ampleur tels que l'offensive contre le pipeline Colonial aux États-Unis, il estime que ce ne sont plus les catastrophes naturelles qu'il faut redouter en priorité mais les menaces visant les infrastructures essentielles, dont les retombées sont considérables et engendrent des coûts insupportables.

L'explosion des pertes dues à ces événements conduit de plus en plus fréquemment à l'instauration de limitations dans les contrats, dont, par exemple, l'exclusion des cas relevant d'actes de guerre ou « simplement » émanant d'organismes étatiques. Comme toujours en pareilles circonstances et par analogie avec les réponses aux séismes et aux attentats terroristes, entre autres, les entreprises privées, dépassées, suggèrent la mise en place de mécanismes spécifiques de garantie au niveau des gouvernements.

Cependant, ce désir à peine voilé de dégager l'assurance de sa responsabilité dans les affaires les plus importantes soulève de très nombreuses questions, instillant une incertitude sur la légitimité des arguments brandis et laissant finalement planer un doute sur la capacité des compagnies à appréhender un domaine émergent éminemment technique. D'emblée, les restrictions selon l'origine de l'attaque, difficile à identifier sans ambiguïté, illustrent mes réserves, en donnant une impression de clause arbitraire.

Un autre sujet de contention majeur, et celui-ci n'est pas à charge contre les assureurs, concerne les protections mises en œuvre par les victimes potentielles. Trop souvent, les drames pourraient être évités ou, a minima, être moins graves si des précautions normales, à la hauteur des enjeux, étaient prises en amont. À l'instar des normes antisismiques des bâtiments, peut-être faudrait-il envisager d'imposer aux entreprises des obligations de sécurisation afin de modérer les impacts des sinistres.

Incidemment, il s'agit aussi d'une opportunité parfaite à saisir par les compagnies, d'enrichir leur proposition de valeur avec un accompagnement (sérieux) dans la prévention. À défaut de réglementation (qui paraît illusoire, à l'heure actuelle, au vu de la complexité du sujet), elles pourraient définir leurs standards et déployer les outils nécessaires pour maîtriser leur exposition. Encore faudrait-il pour ce faire qu'elles acquièrent les indispensables compétences, en interne ou à travers des partenariats.

Enfin, avant de se précipiter vers un transfert de responsabilité aux états, je me permettrai de contester la notion même d'un risque « cyber » systémique. Après tout, à ce jour, les attaques restent ponctuelles et, contrairement à un tremblement de terre, il n'y a pas de situation où l'aléas devient quasiment certain, donc susceptible d'exclusion. En réalité, ce que craignent les assureurs est le montant des dommages éventuels à indemniser… mais est-ce alors un motif raisonnable pour accepter qu'ils se défaussent ?

En outre, il semble primordial de distinguer clairement deux catégories très différentes de clients. Si les secteurs extrêmement sensibles (infrastructures stratégiques, hôpitaux…) portent effectivement un niveau de risque exceptionnel, pour lesquels des garanties sont vraisemblablement déjà fournies par les autorités politiques, de manière plus ou moins implicite, l'immense majorité des acteurs économiques n'a besoin que de couvertures relativement élémentaires, ne présentant, en principe, aucun défi insurmontable.

En conclusion, j'en viens à me demander si l'inquiétude affichée par Mario Greco reflète avant tout un aveu d'impuissance de ses équipes à décliner leur métier sur un terrain qui ne leur est pas familier… et, plus précisément, à adapter leurs modes de fonctionnement à l'ère « digitale ». Il est vrai qu'il n'est pas si fréquent d'avoir à « inventer » un nouveau produit d'assurance, à peu près hors de toute référence existante. Heureusement, des concurrents moins timorés sauront probablement faire preuve de l'agilité requise.

Zurich Insurance

mardi 27 décembre 2022

Chippit, l'épargne sociale

Chippit
Depuis que la FinTech et les médias sociaux ont pris leur essor, à peu près à la même époque, les tentatives de rapprocher les deux concepts se sont multipliées… sans jamais véritablement trouver la recette du succès. Une jeune pousse australienne revient maintenant à la charge avec une approche d'épargne multi-dimensionnelle plutôt originale.

Le point de départ de la réflexion de Chippit ne réserve guère de surprise, puisque son idée principale consiste à capitaliser sur le pouvoir de la pression sociale afin d'encourager les comportements financiers vertueux. En l'occurrence, la démarche est ici centrée sur un cercle de proches, avec lesquels sont conclus des sortes de pactes, destinés avant tout à stimuler les gestes d'épargne… mais également susceptibles d'apporter un précieux secours quand survient une difficulté imprévue.

Concrètement, une fois son inscription finalisée, l'utilisateur peut inviter jusqu'à 10 amis ou parents au sein de son groupe. Dès lors, plusieurs options s'offrent à lui (et eux). La plus triviale consiste pour chacun des membres à définir un objectif budgétaire – qu'il s'agisse d'entreprendre un voyage de rêve ou de résorber un endettement existant – et prendre un engagement individuel dans le but de l'atteindre – sous la forme d'un versement récurrent, en général – en comptant sur l'effet de communauté pour maintenir le cap.

Une déclinaison légèrement plus sophistiquée de ce principe reprend le modèle traditionnel de la tontine. Dans ce cas, les participants acceptent les règles du jeu uniques imposées par le meneur (essentiellement la périodicité et le montant des cotisations) et leurs paiements alimentent une cagnotte partagée, immédiatement attribuée dans son intégralité à l'un d'entre eux (et chacun à son tour, bien entendu), qui peut alors réaliser son propre projet plus rapidement (sauf le dernier bénéficiaire).

Chippit – Socially Powered Money

Mais, grâce à une flexibilité sans pareille, Chippit a plus d'un tour dans son sac. Tout d'abord, si le mécanisme normal de la distribution des fonds lors de chaque cycle est aléatoire, il est aussi possible d'en fixer l'ordre, par exemple dans l'hypothèse où, dès l'origine et avec l'accord de tous, certains des associés se positionnent dans une logique d'emprunteur tandis que les autres privilégient la constitution d'une réserve.

Autre variante envisagée, la caisse mutualisée : au lieu de laisser les membres sélectionner leur cible, il est cette fois question de réaliser un dessein commun (tel qu'une semaine de vacances tous ensemble…), à moins d'en faire un fonds d'urgence, prêt à se substituer à un emprunt (et les frais afférents) lors d'une circonstance imprévue, voire à prendre un rôle d'assurance entre pairs. Dans cette hypothèse et pour plus de facilité, il est même prévu de pouvoir effectuer des achats directement depuis le compte Chippit.

Malgré des prémices attractives et quelques expériences intéressantes au fil des ans, le mariage entre banque « digitale » et animation sociale ne s'est jamais imposé pleinement auprès des consommateurs. Si la raison de leur défiance tient à une perception incertaine de la valeur à en attendre, peut-être Chippit, avec ses multiples usages potentiels, parviendra-t-elle à renverser la tendance. Si, en revanche, c'est la notion de collaboration autour de l'argent qui les retient, il ne faudra pas espérer de miracle.

lundi 26 décembre 2022

Celent : tendances de la gestion de patrimoine

Celent
Parmi les innombrables revues de tendances défilant dans les derniers jours de l'année, je m'arrêterai aujourd'hui sur celles que consacre Celent à la technologie au service de la gestion de patrimoine, qui présentent le double intérêt de ne pas réellement se limiter à un spectre technique et d'être applicables dans le reste du secteur financier.

L'argumentaire des analystes commence par une injonction générique à l'adresse de sa cible, qui me paraît quelque peu étrange, tant elle ressemble à ce qui devrait probablement être l'énoncé de mission de la banque privée depuis la nuit des temps plutôt qu'une proposition de vision pour son avenir : « offrir des solutions financières personnalisées, à l'échelle, à tous les segments de clientèle, tout en rehaussant l'expérience client ». En tout état de cause, elle est difficilement contestable.

La suite continue sur la même lancée, comme s'il s'agissait d'enfoncer une porte ouverte, si ce n'est que, là, l'évidence vaut d'être martelée absolument car elle n'est toujours pas traduite dans la réalité. Car, afin de satisfaire l'ambition exprimée, la priorité consiste à renverser les modèles économiques et les recentrer sur le client et ses attentes… et il faut pour cela remplacer les systèmes monolithiques historiques par une plate-forme flexible et modulaire permettant d'adapter la valeur délivrée à chaque cas particulier.

Selon Celent, cinq briques principales seront nécessaires pour atteindre cet objectif, sachant qu'il n'est plus question de préparation et de planification mais que l'urgence est désormais à l'exécution. Deux d'entre elles concernent les interactions avec les clients, entre la mise en place d'interfaces « digitales » performantes, redéfinissant l'excellence dans les parcours, et l'automatisation des processus cœur de conseil, qui devrait contribuer à focaliser la relation sur l'essentiel (et non les détails administratifs).

Celent Technology Trends

En arrière-plan, deux recommandations majeures viennent compléter le panorama. D'une part, il s'avère impératif d'évoluer vers une architecture informatique par services, s'appuyant sur un écosystème ouvert, condition incontournable pour procurer à chaque client les produits qui lui conviennent. D'autre part, la recherche préalable de l'adéquation des réponses apportées aux besoins individuels impose la maîtrise des données et des outils d'analyse (jusqu'à l'intelligence artificielle) autorisant leur exploitation.

En revanche, je ne m'attarderai certainement pas sur la dernière suggestion des analystes, évoquant la démocratisation de l'accès aux produits non conventionnels (comprendre les cryptoactifs), qui me semble totalement décalée… et risquée.

D'une certaine manière, les observations de Celent sont passablement désespérantes, dans le sens où elles auraient pu être identiques (et peut-être l'étaient-elles) il y a dix ans et que les progrès accomplis entre temps ont été minimaux. Pire encore, si l'immobilisme et le conservatisme ne surprennent guère dans l'univers traditionaliste de la gestion de patrimoine, quand on prend conscience que la situation est à peine plus brillante dans la banque de détail en général, les enjeux prennent une dimension dramatique.

dimanche 25 décembre 2022

StartupOS, l'incubateur réinventé

Accueil StartupOS
Si les incubateurs semblent passés de mode dans les grands groupes, financiers ou autre, les créations de startups sont toujours plus nombreuses et leurs fondateurs ont plus que jamais besoin d'accompagnement. Soutenue par la Silicon Valley Bank sans lui être adossée, StartupOS tente de renouveler les classiques du genre.

Naturellement, son programme, destiné aux jeunes pousses en phase précoce, comprend aussi l'accès à des mentors – disponibles pour répondre aux questions et prodiguer leurs conseils, de manière à accélérer le lancement d'un premier produit minimal viable (MVP) pertinent – et, dès l'année prochaine, à un cercle d'investisseurs – facilitant la levée d'un premier tour de financement –, dans une approche qui entend valoriser la diversité et se fera donc un devoir d'accueillir équitablement des candidats de tous horizons.

Cependant, cet arsenal traditionnel constitue ici un complément à une véritable plate-forme, proposant une vaste gamme d'outils conçus pour aider concrètement les entrepreneurs à construire leur projet. Tous les domaines ont vocation à être ainsi couverts, depuis les incontournables (fréquemment causes d'échec, tels que l'exploration de l'adéquation de l'offre à un marché ou la recherche de fonds) jusqu'aux accessoires (et néanmoins indispensables, à l'instar du pilotage des finances, la comptabilité, les ressources humaines, les assurances, la protection de la propriété intellectuelle…).

StartupOS – The Platform for Early Stage Startups

Baptisés PowerUps, intégrés dans des parcours ludiques de mise en œuvre opérationnelle et également agrégés au sein de packages thématiques (préparer un pitch convaincant, découvrir le client et ses aspirations, le design de A à Z…), une cinquantaine de ces modules (pour l'instant) sont mis gratuitement à la disposition des participants afin de garantir qu'ils n'oublient aucune étape ou composante importante dans le processus de développement de leur idée. Ils sont fournis par un réseau de partenaires, encouragés à investir de la sorte dans la conquête de leurs éventuels futurs clients.

La mission que se donne StartupOS est identique à celle de tous ses équivalents : emmener un maximum d'innovations jusqu'à la maturité grâce à un support de qualité, sur tous les plans. Bien que des questions se posent quant à son modèle économique en tant que structure indépendante (TechCrunch évoque l'exploitation et la commercialisation des informations collectées auprès des jeunes pousses), il faut reconnaître que sa démarche, en grande partie industrielle, permet d'envisager une croissance à une échelle inédite, qui devrait largement profiter, incidemment, à ses ambitions de diversité.

samedi 24 décembre 2022

Quand (re)vient l'angoisse du taux variable

BNZ
Si la France, avec ses prêts immobiliers simples et (en majorité) à taux fixe, est largement épargnée, les millions de personnes dans le monde qui ont souscrit un crédit hypothécaire à taux variable deviennent extrêmement vulnérables avec la remontée brutale des taux d'intérêt de ces derniers mois. À tel point que BNZ propose un simulateur dédié.

Déjà responsable, en partie, de la crise de 2008, cette solution de financement populaire dans de nombreux pays offre certes une flexibilité considérable aux propriétaires de biens mais son principe, complexe en raison des nombreux paramètres qui entrent en jeu dans son fonctionnement, est fréquemment mal compris et encore moins maîtrisé. Ceux qui en ont un ou plusieurs (le cas n'est pas rare) en cours perçoivent ainsi l'augmentation de la charge qu'ils représentent comme une mauvaise surprise (inattendue), qui s'ajoute à leurs difficultés à faire face au pic d'inflation actuel dans leur vie quotidienne.

Dans ce contexte, le service MyProperty, apparemment inédit, que lance BNZ peut constituer une bouée de sauvetage. Il permet aux emprunteurs de disposer d'un tableau de bord unique pour l'ensemble de leurs engagements (auprès de l'enseigne) sur leur(s) résidence(s), dont tous les détails nécessaires sont collectés automatiquement. Son premier bénéfice, aussi bête qu'il paraisse, consiste alors à présenter à l'utilisateur son bilan global : total du solde d'endettement et coût complet par mois (ou quinzaine).

BNZ Home Loans

L'outil va cependant beaucoup plus loin, grâce à ses multiples capacités de projection. Il saura par exemple suggérer des scénarios réalistes lors de l'arrivée à échéance d'un contrat, qu'il s'agisse d'envisager un renouvellement ou de reporter les versements sur un autre afin de le liquider plus rapidement. Il permet également d'évaluer des options de renégociation ou de rééquilibrage en cas de changement important de situation. Enfin, il encourage à tester des hypothèses de changement de taux, de manière à en anticiper les conséquences, et à contacter un conseiller si les résultats sont inquiétants.

Il y a fort à parier que bien des consommateurs regretteront de ne pas avoir pu profiter de l'application plus tôt, avant que leurs mensualités ne s'envolent. Mais il faut évidemment saluer une initiative majeure, qui, pour une fois, place le client et ses besoins au centre des préoccupations, en adoptant la perspective du propriétaire immobilier plutôt que celle du ou des produits bancaires qu'il détient (indépendamment les uns des autres, naturellement). Sur sa lancée, BNZ a encore un immense potentiel à explorer, entre autres sous la forme de prédictions basées sur les tendances économiques susceptibles d'alerter proactivement les emprunteurs sur les risques et opportunités à venir…

vendredi 23 décembre 2022

Pourquoi le développement durable piétine

Vanguard
« Construire un avenir durable » proclame Vanguard, qui, avec ses 30 millions de clients individuels, est un des plus importants gérants de fonds d'investissement du monde. Pourtant, l'entreprise vient de quitter l'initiative sectorielle Net Zero Asset Managers (NZAM) dont l'ambition est de développer une approche responsable dans l'industrie.

À première vue, le dispositif, mis en place par quelques acteurs engagés en 2020 et qui comptera bientôt 300 signataires adhérant volontairement à sa charte, ne semble pas si contraignant puisqu'il vise à instaurer progressivement, dans les stratégies d'investissement, des pratiques concrètes en matière de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, avec un objectif de neutralité à l'horizon 2050 (au plus tard). Hélas, même sans obligations associées, la participation de Vanguard n'a pas résisté plus d'un an…

L'explication fournie par l'entreprise afin de justifier son retournement de veste brutal offre un pur modèle de langue de bois. En résumé, son activité principale centrée sur les fonds indiciels (ETF) serait incompatible avec la démarche NZAM, car elle implique l'agrégation de valeurs multiples et variées pour atteindre la performance désirée par ses clients. Et, bien que le risque global soit surveillé, il est impossible de contrôler, et encore moins d'influencer, la politique de chacune des structures sous-jacentes.

Selon le point de vue d'un journaliste de TechCrunch, la réalité serait beaucoup plus crue et bien moins alambiquée (mais, bien entendu, non confirmée) : la décision de retrait serait avant tout la conséquence de la menace qui pèserait sur l'accès de Vanguard à certaines catégories de titres américains (dans le domaine de l'énergie), à la suite d'une action judiciaire intentée par une poignée de politiciens tristement climato-sceptiques, citant explicitement l'appartenance au groupe NZAM comme un critère d'exclusion.

Vanguard – Building a sustainable future

Et que devient le développement durable dans ces combats d'arrière-garde stériles ? En dépit des (molles) tentatives de réassurance de l'institution financière quant à sa volonté de maintenir le cap, en solitaire, il ne faut guère espérer de progrès significatifs, ni à court ni à long terme. En effet, tout le nœud du problème réside dans un cercle vicieux, parfaitement illustré ici, où toutes les parties prenantes s'entraînent les unes les autres.

Peut-on vraiment attendre une évolution vertueuse des spécialistes de l'investissement (et il en serait de même avec d'autres métiers) quand la crainte de mesures de rétorsion initiées par une infime minorité de décideurs leur fait abandonner leurs convictions et que, à l'inverse, la perte des quelques clients résolus à faire respecter les leurs n'infléchit pas leurs choix ? Et quels élus prendraient le risque d'élaborer une législation sérieuse (solution évoquée dans l'article de TechCrunch) face aux mêmes pressions ?

Alors que la question environnementale est désormais urgente, nous en sommes toujours à observer les différents acteurs (citoyens, établissements financiers, responsables politiques…) soit se renvoyer la balle de la responsabilité, soit demander (implicitement) l'unanimité de leurs partenaires pour oser faire un pas en avant, de manière à ne froisser aucune susceptibilité (disposant d'un pouvoir de nuisance). Afin d'éviter le pire, il faudra bien que quelqu'un finisse par faire preuve de courage et rompe le statu quo…

jeudi 22 décembre 2022

Mobilité durable : quel rôle pour la banque ?

BNP Paribas
Alors que le groupe BNP Paribas affichait récemment son ambition de dégager, d'ici à 2025, un milliard d'euros de revenus supplémentaires dans le domaine de la mobilité, de préférence durable, sa filiale belge présente les résultats d'une enquête destinée à vérifier l'intérêt des consommateurs pour ses éventuelles initiatives en la matière.

Les velléités d'expansion en dehors de son terrain de prédilection exprimées par la banque s'inscrivent dans une tendance quasi universelle, déjà observée au cours de ces dernières années à travers des déclinaisons diverses telles que celles de BBVA, CaixaBank, DBS… Et si l'automobile en constitue généralement le pilier – ce qui, pour la française se traduit par la forte implication de ses entités de leasing (BPLS) et de gestion de flotte (Arval) –, l'élargissement du périmètre n'est jamais très loin des réflexions.

Cependant, dans toutes les aventures de ce genre se pose immédiatement la question de leur pertinence du point de vue des clients. Au premier abord, l'importance du financement dans l'achat d'un véhicule et, de plus en plus, le recours à une approche de location, voire un modèle de service, font de la banque un interlocuteur incontournable dans le parcours d'acquisition. Mais ce raisonnement est-il suffisant pour convaincre les intéressés de réaliser l'intégralité de leurs démarches par son intermédiaire ?

Tel est, entre autres, l'objet de l'étude qu'a menée Fortis auprès d'un échantillon représentatif de 2 000 adultes, en la restreignant toutefois à une thématique spécifique de mobilité durable, sur laquelle il faut souligner d'emblée que les citoyens tendent à manquer d'information et ne savent pas vers qui se tourner pour l'obtenir. En l'absence d'acteur de référence incontestable, pour l'instant, ces lacunes offrent évidemment un avantage déterminant à toute entreprise qui se positionnerait afin de les combler.

BNP Paribas – Mobilité Durable

Dans cette perspective, les résultats enregistrés sur les attentes vis-à-vis de la banque paraissent relativement logiques : près de la moitié de ceux qui prévoient d'acheter une voiture neuve en 2023 auront recours à un prêt, aussi aimeraient-ils bénéficier de conditions privilégiées pour un choix écologique (comme pour l'assurance, d'ailleurs). Ils apprécieraient aussi un accompagnement dans la compréhension des aides disponibles (sont-elles vraiment complexes à appréhender ou est-ce un défaut de motivation ?).

Enfin, quand la communication officielle de Fortis titre sur la demande qu'émettraient deux tiers des belges d'être incités proactivement par les institutions financières à basculer vers la mobilité durable, que signifie-t-elle ? Considérant que seule une minorité envisage cette transition par conviction (les autres ne cédant essentiellement qu'à la pression politique et ses conséquences réglementaires et fiscales), il est difficile d'y voir un désir d'engagement profond au-delà de possibles avantages pécuniaires.

En conclusion, la banque sera certainement rassurée quant à sa légitimité (telle qu'elle est perçue par ses clients) à proposer des solutions étendues dans l'univers des mobilités… pourvu qu'elles aient un rapport direct avec sa dimension budgétaire. En revanche, rien n'indique qu'une incursion dans d'autres métiers est fondamentalement souhaitée ni qu'elle serait particulièrement bien accueillie. Voilà qui devrait contribuer à concevoir ces services extra-financiers dont rêve l'industrie de manière à séduire leur cible.

mercredi 21 décembre 2022

Google se met au paiement délégué

Google
Naturellement désireuse de satisfaire l'appétit inépuisable des plus jeunes pour l'infinité de contenus « digitaux » qu'elle distribue sur sa place de marché électronique, Google propose désormais aux familles une option de paiement supplémentaire qui devrait leur permettre de mieux contrôler les achats de leur progéniture, en toute simplicité.

Bien entendu, le géant américain n'a pas attendu aujourd'hui pour procurer une solution aux enfants qui demandent un minimum d'autonomie dans leur emplettes en ligne. Cependant, la seule méthode disponible jusqu'à maintenant, classique dans sa catégorie, consistait pour un adulte à partager le moyen de paiement enregistré sur son profil avec l'ensemble du cercle familial associé, incluant une capacité d'approbation des dépenses des moins de 13 ans. Et ce principe ne convient pas à toutes les situations.

Dans le cas de parents réticents à mettre en commun leur compte ou bien qui souhaitent continuer à maîtriser les risques de leurs adolescents plus âgés, par exemple, l'alternative passe par une sorte de délégation : les membres de leur groupe qui n'ont pas directement accès à un instrument de paiement sur Google Play, individuel ou collectif, donc principalement les mineurs, peuvent, d'un geste, demander au responsable de valider leur commande (un peu comme ils le feraient dans une boutique physique).

Google – Family Link

La requête est transmise en temps réel, sous la forme d'une notification mobile. Le destinataire peut alors, évidemment, la refuser ou l'accepter et, dans cette dernière hypothèse, il va lui-même finaliser la transaction, avec son compte personnel (qui ainsi le reste) et le mode de règlement de son choix. Si la réponse se fait attendre, la sollicitation est également placée dans une file d'attente pour traitement ultérieur (peut-être à l'occasion d'une discussion au fond des yeux sur les questions d'argent…).

L'approche de Google rappelle singulièrement celle qu'avait déployée l'enseigne de prêt-à-porter pour adolescentes Jennyfer il y a deux ans. À vrai dire, il est très surprenant que l'idée n'ait pas émergé plus tôt et, encore plus, que, au vu des frictions existantes dans les parcours utilisateur, elle ne se répande pas comme une trainée de poudre dans tous les secteurs de vente à distance dont la jeunesse constitue une part importante de la clientèle cible (bien que leurs parents s'en portent certainement mieux).

mardi 20 décembre 2022

Un réseau bancaire mutualisé au Royaume-Uni

UK Finance
Après une phase expérimentale entamée l'année dernière – dont les résultats se sont fait attendre un peu plus longtemps que prévu –, les principales banques britanniques s'engagent désormais formellement dans l'industrialisation d'un réseau partagé de points de service destiné à couvrir les zones où elles ferment massivement leurs agences.

Sous la houlette de leur association professionnelle, UK Finance, neuf établissements – tous les grands noms sont au rendez-vous : Barclays, HSBC, Lloyds Banking Group, Nationwide Building Society, NatWest Group, Santander, Virgin Money, Danske Bank, TSB – participent à la création et au financement d'une entité à but non lucratif, baptisée Cash Access UK, dont le rôle officiel consistera à garantir aux citoyens l'accès aux espèces sur l'ensemble du territoire, via l'installation de « hubs » dédiés (dont la logistique est assurée par l'entreprise en charge des bureaux de poste).

En complément des 4 implantations mises sur pied pour les premiers tests, dont la prolongation de leur fonctionnement jusqu'au printemps 2023 avait été annoncée précédemment, des plans ont d'ores et déjà été élaborés pour porter le total à 29, à terme. Le modèle d'origine reste inchangé : outre la distribution et le dépôt de billets et de monnaie, ainsi que quelques autres services basiques, ces centres hébergent des spécialistes offrant leurs conseils (génériques) sur les sujets plus complexes à tous les visiteurs, quelle que soit l'enseigne dans laquelle ils détiennent leurs comptes.

Cash Access UK

Si la fréquentation des lieux semble satisfaire les responsables du projet (tout en démontrant une certaine adéquation avec les attentes du public), son extension est vraisemblablement motivée avant tout par les menaces réglementaires. Les autorités, toujours plus inquiètes de la désertification bancaire en forte progression dans le pays alors que près de 10% des consommateurs persistent à régler la plupart de leurs achats en liquide, envisagent en effet sérieusement de légiférer sur la distribution de cash.

Selon toute probabilité, la démarche de l'industrie est donc essentiellement défensive, à travers une solution a minima, notamment en termes de coûts, et la transition intégrale vers les services « digitaux » constitue plus que jamais la priorité stratégique de ses acteurs. Mais combien de temps maintiendront-ils les discours de façade qui vantent la valeur de la relation de proximité avec un conseiller humain… disponible exclusivement pour les clients qui ont le loisir de se rendre dans les locaux où il opère ?

Il faut peut-être commencer à s'interroger sur l'avenir des agences résiduelles, celles qui ne tombent apparemment pas, à ce jour, sous le couperet des critères de rentabilité. Depuis plusieurs années, la présence des banques dans les grandes métropoles aussi se réduit continuellement. Les disparitions y sont certes moins sensibles parce que des alternatives subsistent à distance raisonnable, mais la tendance paraît inéluctable : qui, dans le secteur financier, croit encore vraiment au modèle historique de réseau ?

lundi 19 décembre 2022

Encore une initiative européenne de paiement

Commission Européenne
Au risque d'accroître la cacophonie régnant aujourd'hui sur l'Europe des paiements, un consortium de banques et d'entreprises technologiques d'origine nordique et baltique vient de voir sélectionner sa proposition d'expérimentation d'une composante de paiement destinée à s'intégrer avec le projet de porte-monnaie d'identité digitale de la Commission.

Constitué en septembre dernier, le groupement NOBID, dont les représentants émanent du Danemark, de l'Islande, de la Lettonie et de la Norvège, complétés par l'Allemagne et l'Italie, s'est ainsi attelé à adresser un des cas d'usage du futur « wallet » considérés comme prioritaires. Le test envisagé devrait en outre couvrir une vaste palette de capacités, depuis l'initiation de paiement jusqu'à l'encaissement, en ligne et en proximité, en passant par les règlements instantanés et autre virements interbancaires.

Dans tous les cas et comme avec les autres pilotes retenus et financés par les autorités européennes, le principe d'implémentation consiste uniquement à mettre en place une interface utilisateur universelle, embarquée dans l'application mobile d'identité numérique afin de garantir la sécurité et la protection des données. Ce sont donc les infrastructures existantes, en l'occurrence celles de l'industrie bancaire, domestiques et transfrontalières, qui continueront à prendre en charge les opérations elles-mêmes.

Dans ce registre, la communication officielle fait référence à l'EPI, le grand chantier de création d'un système de paiement paneuropéen voué à concurrencer les géants américains Visa et Mastercard, mais les visions cibles sont tellement proches qu'il est tentant de voir dans cette mention un appel du pied aux fondateurs de ce vieux programme désormais en état de mort cérébrale (en attendant que ses responsables reconnaissent formellement son échec) pour qu'il rejoigne la nouvelle initiative.

Welcome to the NOBID consortium

Soulignons, au passage, une différence structurelle majeure entre les deux compétiteurs : le plus ancien est une émanation directe des banques tandis que, dans le second, ce sont plutôt des spécialistes informatiques qui sont à la manœuvre, avec un soutien marqué d'organismes publics (nationaux) et le renfort a minima de quelques institutions financières de second rang. Il sera intéressant d'observer l'efficacité d'une telle organisation, probablement plus à son avantage dans la réalisation d'un test…

Car, dans cette aventure comme dans toutes celles qui visent à transcender les frontières du continent, les mêmes doutes surgissent toujours quant à la possibilité d'aboutir à un résultat concret. Premier motif d'inquiétude, aucune échéance n'est fournie par NOBID. Puis, comme, simultanément, le planning extrêmement agressif du porte-monnaie européen semble déjà hors de contrôle (la livraison prévue cette automne n'a apparemment pas eu lieu), la promesse d'un déploiement s'éloigne inéluctablement.

L'idée pour l'Union Européenne d'inclure l'instrument de paiement souverain tant rêvé au cœur de son futur « wallet » d'identité est de toute évidence la voie à suivre (et je peux me vanter de le répéter depuis longtemps). Malheureusement, les récentes évolutions montrent que la capacité d'exécution à beaucoup de mal à suivre les ambitions : les enjeux et exigences politiques sont certainement trop présents dans les esprits des parties prenantes pour enregistrer des progrès sérieux sur le terrain.

dimanche 18 décembre 2022

Une autre idée de la banque pour les enfants

Starling Bank
Une nouvelle fonction introduite récemment par Starling Bank, décidément prolifique en cette fin d'année, nous procure une excellente occasion de nous attarder sur son offre bancaire pour les enfants, appréhendée de manière originale et peut-être plus pertinente que celle qu'ont adoptée les nombreuses startups spécialisées sur ce créneau.

Aux côtés d'une solution relativement classique de compte courant réservée aux adolescents de plus de 16 ans, la jeune pousse britannique a en effet imaginé que les désirs émergents d'autonomie financière des plus jeunes devaient rester compatibles avec une volonté de contrôle plus étroit de la part de leurs parents. Ainsi est née Starling Kite qui leur propose, à partir de 6 ans, une carte de paiement assortie de son application mobile dédiée, sous supervision directe d'un adulte responsable.

Fournissant évidemment à ce dernier les options habituelles de restriction d'usage sur les règlements (en ligne ou en boutique) et les retraits d'espèces, de notification instantanée des dépenses réalisées, de verrouillage et déverrouillage à distance…, le produit présente la particularité de ne pas comporter de compte de dépôt indépendant (avec les facilités qui pourraient y être associées) : il est adossé à un espace – similaire aux cagnottes consacrées aux projets et à l'épargne – mis en place sur le compte des parents.

Starling Bank – Kite Link

L'objectif de cette approche est de donner aux adultes une visibilité absolue sur tous les mouvements exécutés par leur progéniture, qui plus est sans jamais quitter leur environnement personnel. La tirelire du ou des enfants est ainsi intégrée dans leur tableau de bord global, et les opérations d'alimentation, ponctuelles ou programmées, étant virtuelles, puisque dans le périmètre du même compte courant, sont immédiates.

En raison de son mode de fonctionnement, le dispositif crée cependant quelques frictions et l'une d'elles fait justement l'objet de l'ajout annoncé juste à temps pour les fêtes : il est désormais possible de créer un lien (web) pour chaque pseudo-compte Kite, permettant (par exemple aux amis et à la famille, pour Noël ou un anniversaire) d'émettre un transfert (par carte pour les non clients de Starling) à destination de celui-ci, sans nécessiter de manipulation intermédiaire de la part du détenteur du compte principal.

En prenant un peu de recul, la démarche retenue révèle probablement une explication plausible aux difficultés que rencontrent les multiples tentatives de développer une néo-banque pour les adolescents : leur conception d'un modèle unique pour tous les âges n'est vraisemblablement pas adaptée aux besoins, sinon des intéressés eux-mêmes, du moins de leurs parents. Et il ressort, sans surprise, que l'adaptation à différentes populations est plus à la portée d'un établissement à vocation généraliste…

samedi 17 décembre 2022

ABN AMRO coordonne les installations solaires

ABN AMRO
À la rencontre des préoccupations croissantes vis-à-vis des prix de l'énergie et des enjeux du développement durable, la néerlandaise ABN AMRO présente une initiative originale à l'intention de sa clientèle d'entreprises consistant à leur proposer une coordination de bout en bout d'installations photoélectriques sur leurs bâtiments.

Le point de départ de l'aventure a été une simple observation : bon nombre de dirigeants de sociétés s'inquiètent de l'explosion de leurs charges, mais, bien qu'ils soient généralement conscients des possibilités de réduire leurs factures d'électricité grâce au déploiement de panneaux solaires, l'ampleur et la complexité d'un tel projet, bien loin de leurs compétences et de leur zone de confort, les découragent de se lancer. L'idée de la banque se résume donc à leur fournir l'assistance nécessaire pour franchir le pas.

Concrètement, l'équipe ABN AMRO dédiée assume l'organisation de A à Z, depuis une première réunion d'étude, sans engagement, au cours de laquelle sont définis les objectifs envisagés et les conditions de réalisation, jusqu'au chantier de mise en œuvre et la certification finale, par l'intermédiaire de partenaires triés sur le volet, en passant par la préparation, toujours gratuite, du plan détaillé et une visite préalable de contrôle de faisabilité (conduisant à un éventuel ajustement du projet) avant accord définitif.

Naturellement, le dispositif englobe la dimension budgétaire de l'équation. Outre la prise en considération des aides et subventions à solliciter, ABN AMRO met également en avant ses différentes options de financement – prêt classique à l'équipement, crédit-bail, voire location brute –, dont la contractualisation est évidemment intégrée de manière transparente dans le processus. Le volet assurantiel est également couvert, notamment du point de vue de la compatibilité des travaux prévus avec les polices souscrites.

ABN AMRO Solar Panels

Si cette opportunité de vendre des produits financiers dans le cadre de la démarche d'accompagnement est une évidence, elle ne semble pas vraiment en constituer la principale motivation. La banque donne ici plutôt l'impression de vouloir avant tout répondre à un besoin latent de ses clients, à défaut d'autre solution disponible sur le marché, en jouant sur son alignement avec les enjeux environnementaux qu'elle défend ardemment. Le sujet reste cependant porté, à ce stade, par la structure d'innovation et toutes les hypothèses de modèle économique n'ont peut-être pas été explorées.

Dans une perspective plus générale d'incursion d'une institution dans un territoire extra-financier, ABN AMRO est dans une position idéale où sa légitimité n'entre pas en ligne de compte, puisque la solution qu'elle introduit comble une lacune béante. Pourtant, ne serait-il pas plus logique, cohérent… et générateur de confiance, en particulier du point de vue des entreprises qui désirent s'équiper, que ce soit l'industrie photovoltaïque elle-même qui prenne la responsabilité du pilotage des projets, aspects bancaires inclus ?

vendredi 16 décembre 2022

Le bien-être financier, ça rapporte !

Finotta
Si vous êtes un lecteur régulier de ce blog, vous savez que le bien-être financier est un de mes thèmes de prédilection depuis plusieurs années. Or, si j'évoque régulièrement son importance pour les consommateurs, je m'attarde rarement sur la valeur que les banques peuvent en tirer. Rectifions cette lacune avec l'exemple de Finotta.

Digne représentante d'une génération émergente, cette jeune pousse originaire du Kansas propose aux institutions financières américaines une plate-forme mobile d'assistance des finances personnelles (PFG pour l'acronyme anglais de « personal finance guidance »), marquant clairement sa différence avec les traditionnels outils dits de gestion (PFM), dont le rôle principal consistant à donner de la visibilité sur la situation budgétaire de l'utilisateur est beaucoup trop passif à son goût (et au mien).

A contrario, aux côtés d'un incontournable socle de suivi des comptes, son approche consiste donc à émettre régulièrement des recommandations opérationnelles personnalisées, assorties de quelques contenus pédagogiques, permettant à chacun de retrouver ou renforcer sa sérénité vis-à-vis de l'argent. Elle y ajoute un soupçon de ludification destiné à entretenir l'engagement des participants dans la durée. Et, non, il ne semble pas qu'elle ait recours à l'intelligence artificielle pour une telle mission !

En fait, le principe de fonctionnement de l'application, très simple, repose sur des interactions étroites avec le mobinaute. Par exemple, s'il n'a apparemment pas constitué une réserve de précaution, le logiciel va lui demander s'il possède un compte d'épargne qui en ferait office. Dans l'affirmative, il est invité à le connecter, de manière à l'inclure dans son tableau de bord. À défaut, il lui est suggéré d'en ouvrir un – explications sur sa raison d'être et ses bénéfices à l'appui – et de commencer à l'alimenter.

Finotta Personified

Un autre cas d'usage (une illustration parmi tant d'autres imaginables), également présenté lors de l'événement Finovate de cet automne, est celui, hélas classique aux États-Unis, d'une mère célibataire dont les algorithmes détectent le remboursement (sans fin…) d'un prêt étudiant, sur lequel la prescription est un refinancement. À chaque action effectivement exécutée, l'individu se voit « récompenser » par des points qui viennent améliorer son score de santé financière et le rapprochent de la perfection.

Cependant, ces deux scénarios – naturellement sélectionnés pour un auditoire de professionnels – montrent comment l'accompagnement vers le bien-être financier peut aussi devenir une extraordinaire opportunité de développer la relation et la fidélité des clients, avec des résultats directs et mesurables : commercialisation de produits supplémentaires, captation de flux provenant de la concurrence, augmentation significative de la rentabilité par compte… moyennant un coût d'acquisition marginal.

Au-delà de la théorie, la première implémentation du service, bien qu'elle concerne une petite banque communautaire, tend à confirmer les hypothèses et valider les promesses. La First United Bank & Trust a ainsi enregistré 400 ouvertures de comptes d'épargne un mois après son déploiement (accidentel, puisqu'il n'était prévu qu'un test auprès des collaborateurs, à l'origine), ce qui n'est pas négligeable au regard de ses 300 000 clients, et les accès à l'application mobile révèlent un intérêt persistant.

En conclusion, j'attire une nouvelle fois l'attention des institutions financières, en particulier celles qui s'acharnent dans des démarches (« beyond banking ») d'expansion hors de leur domaine réservé, bien plus incertaines, sur le vaste territoire vierge que leur offre le bien-être financier. Celui-ci a l'immense avantage d'entrer dans leurs compétences natives, avec un fort potentiel de progression de leur pénétration et de leurs revenus. Sans parler des conséquences positives d'une clientèle maîtrisant mieux sa situation…

jeudi 15 décembre 2022

NatWest enrichit l'initiation de paiement

NatWest
NatWest fait partie de ces banques qui ont rapidement choisi de capitaliser sur les opportunités de la réglementation leur faisant obligation d'ouvrir l'accès aux comptes de leurs clients, entrée en vigueur au Royaume-Uni avant la DSP2 européenne. Poursuivant sur sa lancée, elle introduit désormais des options complémentaires aux services de base afin de mieux répondre aux attentes de ses usagers.

La stratégie de l'établissement s'est matérialisée à partir de 2018 sous la forme d'une entité spécialisée dans les paiements par « open banking », baptisée (sans beaucoup d'imagination) Payit. Première institution historique à s'aventurer sur un terrain généralement réservé aux jeunes pousses de la FinTech, son produit permet aux entreprises d'encaisser des règlements et d'émettre des virements par l'intermédiaire d'une connexion sécurisée de la contrepartie à son compte bancaire, par API.

En arrière-plan, ce qui propulse ces deux fonctions est le mécanisme plus ou moins normalisé d'initiation de paiement instauré par le régulateur. Il a été conçu, à l'origine, dans le but de stimuler la concurrence dans le secteur en offrant à tout opérateur préalablement agréé la faculté de déclencher aussi simplement que possible (d'un point de vue autant technique que d'expérience utilisateur) un virement interbancaire, où que soient détenus les fonds du payeur et quelle que soit la destination de la transaction.

Or, si quelques pionniers ont commencé par mettre en œuvre ce modèle au sein de solutions relativement élémentaires – qui peinent logiquement à s'imposer face à des instruments (carte en tête) dont l'emploi est aussi trivial qu'inscrit dans les habitudes –, certains parviennent maintenant à un niveau de maturité dans lequel les réflexions portent sur les capacités additionnelles, autorisées par la technologie sous-jacente, susceptibles de répondre à des besoins jusqu'alors difficiles à prendre en charge.

Payit by NatWest

Ainsi, dans le cas de NatWest, qui se vante d'être à l'écoute des frustrations et des attentes de ses clients, l'idée a surgi de proposer aux émetteurs de paiements un moyen de valider l'identité de leurs correspondants, à l'instar du dispositif qui se développe depuis quelque temps, aussi sous la pression des autorités, dans les outils de banque en ligne pour lutter contre la fraude aux transferts. A priori, le fonctionnement est similaire : les informations nominatives fournies avec les autres détails de l'opération donnent lieu à un contrôle en temps réel et une alerte est émise si une divergence est détectée.

Dans le contexte de Payit, l'objectif visé n'est pas tant de lutter contre les malversations que de faciliter la vie aux acteurs qui veulent impérativement s'assurer de l'affectation de leurs versements. Par exemple, la première adepte du service, Teneo Financial Advisory UK, est une officine de gestion des faillites qui vérifie systématiquement que ses restitutions sont adressées aux créanciers légitimes… et consacrait encore récemment des ressources considérables à ces tâches, effectuées manuellement.

Le vrai potentiel de l'initiation de paiement, en tant que méthode nativement « digitale » (presque) unique, reste vraisemblablement à explorer. L'innovation, certes modeste, développée par NatWest montre notamment comment sa combinaison avec d'autres capacités (accessibles par API) en démultiplie la valeur et, surtout, lui procure un réel avantage par rapport aux alternatives existantes. Pour espérer gagner dans cette voie, il faudra cependant d'abord découvrir les exigences non satisfaites, souvent de niche.

mercredi 14 décembre 2022

Microsoft aussi rêve de super app

Microsoft
J'aborde fréquemment le sujet ici : les banques sont nombreuses à rêver de créer une super-app qui leur permettrait de renforcer le lien avec leurs clients et de s'ouvrir de nouvelles sources de revenus, directes ou indirectes. Mais elles ne sont pas les seules à fantasmer, comme le révèle cette indiscrétion de The Information à propos de Microsoft.

Inspirée, comme tant d'autres, par le succès des dragons chinois – en l'occurrence, surtout celui de Tencent avec WeChat –, le géant du logiciel voit dans le modèle d'agrégation de services une opportunité de reprendre l'initiative dans l'univers du smartphone, qu'il a laissé lui échapper au profit d'Apple et Google, et, de manière très pragmatique, de repositionner ses produits phares – moteur de recherche (Bing), outil de communication (Teams)… – sur la scène mobile où ils ont du mal à émerger.

Le concept de « super app » est certes extrêmement populaire par les temps qui courent, cela ne signifie pas qu'il soit toujours pertinent. Outre l'absence d'exemple convaincant en dehors de la Chine, avec son contexte particulier, de nombreux facteurs incitent à douter de la possibilité pour un grand groupe de réussir l'exercice. Examinons donc les principaux obstacles qui se dressent sur une telle route pour Microsoft, en établissant au passage un parallèle avec les tentatives équivalentes dans le secteur financier.

Je passerai rapidement sur une réalité que l'éditeur semble résolu à ne jamais admettre et qui rend son ambition absurde : à l'exception du domaine des jeux vidéos, l'essentiel de son activité et, surtout, de ses résultats est focalisé sur l'entreprise. Sa pénétration auprès des consommateurs n'est due qu'à la transition historique de l'informatique dans les foyers depuis les usages professionnels. Cette impulsion initiale a disparu depuis longtemps et seule l'inertie la meut aujourd'hui. Il est difficile, dans ses conditions, de lui accorder une légitimité spontanée dans des métiers dédiés au grand public.

Microsoft Super App

Plus subtil, mon deuxième argument concerne l'approche envisagée. Quand la plate-forme de messagerie instantanée WeChat s'est transformée en socle d'accueil de toutes sortes de services, il s'agissait de répondre à un besoin latent de ses utilisateurs, dont le traitement ne demandait qu'à être accompagné. Dans tous les projets de réplique ou de déclinaison, l'objectif visé est au contraire centré sur son opérateur lui-même – par exemple sa capacité à fidéliser ses clients ou à capter des flux supplémentaires.

Troisième point (et dernier, pour cette fois), quid des partenaires, sans qui le catalogue de la « super app » restera désespérément vide ? Eux aussi doivent être séduits, sans oublier l'impact de l'impasse classique des places de marché : les utilisateurs ne viennent que si les fournisseurs sont largement présents et vice-versa. Compter sur l'attractivité de l'offre, de part et d'autre, ne fonctionnera qu'une fois la pompe amorcée. Le recours à des promotions est tentant mais très coûteux, pour un résultat final incertain.

Si les banques ont au moins le bénéfice de la confiance de la part des consommateurs, les autres questions se posent à l'identique face à leurs velléités de « super app ». Comment peuvent-elles s'assurer de l'engagement des participants, des deux côtés de la solution ? Au-delà de leurs désirs d'expansion, ont-elles identifié une véritable attente à combler ou se contentent-elles d'imaginer que leurs clients seront automatiquement éblouis ? Une stratégie sérieuse exige une réflexion approfondie sur ces aspects.

mardi 13 décembre 2022

Une API pour les contrôles anti-blanchiment

Facctum
Les obligations réglementaires de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LAB-FT) sont non seulement lourdes pour les institutions financières mais elles évoluent en outre fréquemment et requièrent des ajustements constants, eux-mêmes pesants. Voilà qui donne tout son sens à la solution « en service » de Facctum.

À moins de considérer qu'ils constituent un facteur de différenciation concurrentielle, ce qui n'est pas, à ma connaissance, à l'ordre du jour dans la plupart des établissements, les dispositifs anti-fraude représentent une charge incontournable, sur laquelle la seule ambition raisonnable consiste à en optimiser le coût tout en maintenant une qualité irréprochable. En toute logique, il paraît donc rationnel de déléguer le fardeau à un opérateur tiers capable d'industrialiser et mutualiser les efforts pour plus d'efficacité.

Telle est la première promesse de Facctum, dans une approche d'externalisation classique : au lieu de consacrer de précieuses ressources à des tâches sans valeur ajoutée directe, mieux vaut s'adresser à un spécialiste aguerri, qui propose une solution robuste et garantit sa capacité d'évolution au fil des changements de législations. De plus, conscient des spécificités, plus ou moins judicieuses, qu'introduit chaque département de conformité, il leur laisse une grande latitude de configuration.

Initialement, en dehors d'un démonstrateur interactif en ligne, le produit de la jeune pousse (britannique), disponible exclusivement en mode « SaaS » (« Software as a Service ») hébergé dans l'infonuagique, était conçu pour n'accepter que des demandes différées, par lot : une liste d'individus et/ou d'entreprises est transmise pour contrôle et la réponse, retournée en quelques instants, fournit un feu vert ou soulève une alerte, pour chacun d'eux, en fonction des paramètres personnalisés définis préalablement.

Accueil Facctum

Afin de réduire au maximum les interventions manuelles, une analyse intelligente des anomalies fournit une assistance au traitement des faux-positifs (souvent extrêmement pénalisants), qui est aussi exploitée, par apprentissage algorithmique, dans une boucle de rétroaction, pour leur détection automatique ultérieure. Par ailleurs, tous les mécanismes décisionnels mis en œuvre sont toujours totalement transparents et explicables.

Dorénavant, une API aux standards du marché permet également d'effectuer une vérification unitaire instantanée. Les clients de la startup peuvent de la sorte intégrer très simplement le même filtrage au cœur de leurs processus, par exemple dans leur plate-forme de « case management », pour une meilleure fluidité des parcours client, soit pour un usage primaire, soit en complément de leurs outils existants.

Je ne sais pas exactement quel est le statut de la lutte anti-blanchiment dans les banques mais je soupçonne qu'elle fait partie de ces sujets régaliens qui ont toujours été gérés en interne, en raison de leur haute sensibilité, une pratique que personne n'a jamais cherché à réévaluer. Avec l'émergence de solutions sérieuses, telles que celle de Facctum, qui profiteront certainement aux trublions de la FinTech dépourvus d'états d'âme en la matière, l'heure est peut-être venue de remettre en question les vieilles habitudes…