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C'est pas mon idée !

samedi 30 novembre 2019

Vouchr, fournisseur d'expérience de paiement

Vouchr
Même quand les institutions financières parviennent à répliquer les concepts innovants des trublions des paiements, leurs incarnations manquent souvent de la petite touche finale qui rend l'expérience captivante pour les utilisateurs. Il existe cependant une solution permettant de combler cette lacune : Vouchr.

Une grande partie du succès de Venmo, par exemple, est liée à l'introduction d'une dimension ludique et conviviale dans les échanges d'argent entre particuliers. La possibilité d'accompagner les transferts d'un message personnalisé, avec émoticônes, images et vidéos, est ainsi devenue une exigence de notre époque, née sur les réseaux sociaux et qui se retrouve désormais aussi dans les services de paiement qui y sont implantés, à l'instar de celui que Facebook a intégré de longue date dans Messenger.

En comparaison, les outils équivalents proposés par les banques – qu'il s'agisse de Zelle aux États-Unis ou de PayLib en France, notamment – paraissent immédiatement primitifs. Généralement embarqués dans leurs applications de gestion des comptes, ils en adoptent automatiquement le sérieux, la sobriété, l'austérité. Sous prétexte de simplicité, l'interface n'autorise que la saisie du montant à envoyer (ou réclamé), la sélection du destinataire et la rédaction d'un libellé sans fioritures.

La mission que se donne Vouchr est donc d'enrichir ces modules de paiement avec quelques options dignes d'une startup : des capacités de messagerie multimédia, l'accès à une vaste librairie de contenus sonores et visuels prêts à l'emploi, un socle pour animer des jeux et défis entre utilisateurs… le tout pouvant évidemment être configuré et complété à volonté, tout en restant très facile à implémenter au sein d'une application existante grâce au jeu d'API, à la console et au tableau de bord livrés avec le produit.

Vouchr


Déclinable également pour les programmes de fidélité ou de bons cadeaux, pour les transferts internationaux…, l'expérience Vouchr promet à ses clients de renforcer l'engagement des consommateurs avec leur plate-forme de paiement, alors que les alternatives se multiplient et représentent une menace de perte d'activité et, plus encore, de relation. La perspective a déjà convaincu RBC, Western Union et Mastercard et quatre autres banques, dont trois américaines et une européenne, devraient suivre bientôt.

Bien qu'il leur ait fallu beaucoup de temps pour se décider puis pour concrétiser leurs projets, les acteurs traditionnels ont maintenant largement admis la nécessité d'offrir au grand public des moyens d'échanger facilement et rapidement de l'argent entre proches. Mais, arrivant tardivement sur le marché, ils doivent se plier à des usages imposés par une autre génération de fournisseurs (une génération « Faceboook » ?), qu'ils ont du mal à appréhender. Vouchr est là pour les aider à s'aligner… mais laisse entière la question de la cohérence entre ces approches et le reste des services de la banque…

vendredi 29 novembre 2019

Alibaba réinvente l'assurance mutuelle

Ant Financial
Avec plus de 100 millions de participants conquis en un an (soit 7% de la population chinoise), le succès de la plate-forme d'assistance mutuelle d'Ant Financial – la filiale d'Alibaba dédiée aux services financiers – est à la (dé)mesure du pays, où elle contribue à développer non seulement la couverture santé mais également l'éducation à l'assurance.

L'offre Xiang Hu Bao s'inscrit dans un vrai modèle coopératif. Ouverte à tout individu âgé de 30 jours à 59 ans et répondant à quelques critères de risque basiques, elle propose une garantie unique, à hauteur de 300 000 RMB (un peu moins de 40 000 euros), en cas de survenance d'une maladie grave parmi la centaine listée (cancers, infarctus aigu…). Elle ne requiert aucun paiement de prime à la souscription puisque son principe consiste à répartir entre tous les membres – a posteriori – la charge des indemnisations versées, augmentées des frais de gestion administrative et de la marge de l'entreprise.

Les demandes de dédommagement sont gérées – évidemment ! – à travers l'application Alipay, où l'utilisateur est invité à déposer les justificatifs nécessaires. Afin de lutter contre la fraude, qui constitue une véritable plaie dans le secteur, les concepteurs mettent en avant le recours à la blockchain mise en place par l'entreprise… mais, selon toute vraisemblance c'est bien le processus de revue qui fait la différence. Enfin, en cas de contestation, la logique collaborative revient au devant de la scène car le dossier est alors examiné par un comité composé de participants qualifiés (volontaires).

Xiang Hu Bao

Le produit séduit particulièrement les personnes modestes : pour beaucoup issus de milieux ruraux ou de villes de troisième rang (dans l'échelle locale), deux tiers des adeptes ont des revenus annuels inférieurs à 100 000 RMB (l'équivalent de 13 000 euros) et 86% déclarent ne pas avoir les moyens de faire face, le cas échéant, à un traitement médical coûteux. Pour ceux-la, Xiang Hu Bao est une solution économique – à titre indicatif, les 10 000 indemnisations enregistrées à ce jour, si elles étaient divisées entre les 100 millions de clients représenteraient un maximum de 4 euros de frais pour chacun.

Mais, outre la démocratisation de la protection contre les maladies graves qu'il encourage d'autant plus qu'il est intégré au cœur du porte-monnaie mobile le plus populaire de Chine, le dispositif a également un puissant effet pédagogique. En effet, bien que seulement 10% des membres ne disposent d'aucune autre couverture, un sur trois signale son intention de souscrire une assurance santé classique dans les 6 mois (contre 22% parmi les non utilisateurs) et l'augmentation des ventes des compagnies partenaires d'Ant Financial (+60% depuis le lancement) confirme qu'ils passent réellement à l'action.

jeudi 28 novembre 2019

La pilule de la DSP2 ne passe toujours pas

Open Banking Expo
L'ouverture des données imposée par la deuxième directive des services de paiement (DSP2) devrait aujourd'hui être devenue la norme. Hélas, il n'en est rien et les banques redoublent de critiques vis-à-vis des réglementations qui, prétendent-elles, freinent leurs velléités d'innovation. Leurs arguments sont cependant faciles à retourner.

Suprême ironie, c'est lors d'une table ronde organisée dans le cadre de l'Open Banking Expo à Londres que, selon le compte-rendu qu'en fait FinTech Futures, un panel de responsables directement concernés par le sujet a exprimé un point de vue unanime sur, pêle-mêle, un texte européen qui reste perçu comme excessif et superflu, une pesanteur réglementaire généralisée qui handicaperait toutes les initiatives… en même temps qu'une totale incapacité à imaginer les opportunités de la banque ouverte.

En réalité, les échos des échanges rassemblent une magnifique collection d'excuses éculées, comme savent en brandir les grands groupes afin de justifier leur immobilisme. Prenons un exemple dans les propos du directeur de l'« open banking » pour HSBC : la mise en place de l'accès aux données de leurs comptes par les clients mobilise des ressources considérables pour en assurer la sécurité, et celles-ci auraient été mieux utilisées à concevoir de nouveaux produits destinés aux consommateurs.

Son collègue, directeur de la transformation à TSB, renchérit en déclarant que, plus globalement, les contraintes qui pèsent sur les métiers de la finance limitent leur rapidité d'exécution alors que les entrepreneurs rêvent de toujours avancer à pleine vitesse. Là encore, il met en exergue les précautions à prendre en matière de protection des environnements ayant vocation à s'ouvrir vers l'extérieur, qui doivent nécessairement être prioritaires face à l'impatience supposée des utilisateurs des services exposés.

Accueil Open Banking Expo

Il faut pourtant rétablir la vérité : ces explications ne sont que des leurres qui cherchent à masquer une situation catastrophique dans beaucoup d'institutions financières. Certes, la sécurité est importante mais elle n'est guère plus complexe à mettre en œuvre avec des API qu'avec des applications en ligne ou mobiles. Surtout, les problèmes rencontrés depuis la date d'entrée en vigueur de la DSP2 sont principalement des défauts de fonctionnement qui révèlent un retard technologique inquiétant.

Qu'il soit dû à un manque de compétences, notamment autour des approches modernes de l'informatique, ou à des socles préhistoriques incapables de suivre les besoins contemporains, et plus probablement à une combinaison des deux, il constitue le premier obstacle, non seulement à l'application de la réglementation mais également à l'innovation en général. Dans ces conditions, on ne peut que se féliciter des initiatives qui stimulent l'émergence de nouvelles solutions en dehors de cet univers sclérosé.

Plutôt que de continuellement incriminer des facteurs externes pour défendre la lenteur de leur transformation, les banques devraient peut-être d'abord se pencher sur les causes qui sont sous leur contrôle et qui, si elles étaient traitées, permettrait de faire un grand pas en avant. Encore faut-il en avoir la volonté… Car, derrière les beaux discours sur l'innovation, elles peuvent aussi être soupçonnées de préférer le confort de la stabilité, qui, visiblement, ne les empêche pas d'engranger de confortables profits.

mercredi 27 novembre 2019

Cette banque externalise le crédit personnel

The co-operative Bank
The co-operative Bank, petit établissement britannique, estimait que sa proposition de valeur en matière de crédit personnel n'était plus suffisamment compétitive mais elle sait que le besoin pour ce genre de produits existe parmi ses clients. Sa solution ? Elle déploie une place de marché regroupant les offres de différents fournisseurs externes.

Entre ses cartes de crédit et ses options de découvert sur compte courant la banque avait vraisemblablement quelques difficultés, dans le contexte actuel de taux bas, à développer un modèle économique viable autour des prêts personnels et c'est peut-être ce qui l'a décidée à abandonner la partie. Cependant, grâce à une collaboration avec le spécialiste Freedom Finance, elle peut tout de même apporter une réponse optimale à ses clients qui recherchent un financement à court ou moyen terme.

Il faut reconnaître que ces derniers ne perdent pas au change. En effet, la place de marché intégrée à la plate-forme en ligne de The co-operative Bank est d'une richesse remarquable. D'une part, la palette de crédits qu'elle présente permet de couvrir les demandes comprises entre 1 000 et 25 000 livres sterling, pour des durées de 1 à 7 ans, avec des taux d'intérêt s'étalant (à ce jour) entre 3,1% et 39,9% (ouille !). D'autre part, les candidats à l'emprunt se voient promettre une sélection personnalisée de produits.

Car, en pratique, par rapport à un comparateur web classique (y compris la version autonome de Freedom Finance), la banque est capable de fournir au moteur d'analyse les informations qu'elle possède sur ses clients, ce qui permet de filtrer les réponses et de ne retenir ainsi que les plus pertinentes, à la fois sur des critères de maîtrise du risque (via le score de crédit et d'autres indicateurs) et, potentiellement, sur la base de considérations éthiques, qu'elle porte en étendard de toutes ses activités.

The co-operative Bank – Freedom Finance

L'approche est quasiment idéale pour toutes les parties prenantes : les clients disposent d'une solution immédiate, adaptée à leur situation individuelle (mieux que ne peut le faire n'importe quelle institution financière, en principe, grâce à la variété des sources sous-jacentes), parfaitement intégrée à leur expérience utilisateur (si la mise en œuvre est correcte)…, tandis que la banque se libère des contraintes d'un métier où elle n'excelle pas, maintient l'étendue de son catalogue et est rémunérée (par courtage)…

D'un point de vue stratégique, The co-operative Bank esquisse également un avenir possible pour le secteur, dans lequel chaque établissement peut se concentrer sur son cœur d'offre tout en restant capable de satisfaire l'ensemble des besoins de ses clients. Et, comme il est fort probable que l'admission de leur insuffisance émane plutôt de petits acteurs que des grands groupes tellement fiers de leur « universalité », la personnalisation de la relation devrait donner l'avantage aux Davids face aux Goliaths…

mardi 26 novembre 2019

BBVA s'attaque aussi à l'équilibre vie-travail

BBVA
Si les innovations de BBVA destinées – directement ou indirectement – à ses clients sont les plus visibles, elle ne doivent pas masquer la réalité d'une culture qui touche à toutes les dimensions de l'entreprise. Les récentes mesures qu'elle a prises en faveur de l'équilibre entre travail et vie personnelle en fournissent une belle illustration.

Tout le monde en est maintenant convaincu : les dérives de fonctionnement des grandes organisations – entre épidémies de réunionite et fétichisme du présentéisme – ont un impact négatif considérable sur l'efficacité et la productivité des employés… sans parler des conséquences sur leur sérénité, voire leur santé. Pourtant, derrière les beaux discours, les initiatives de façade et les législations superficielles (qu'est devenu le droit à la déconnexion ?), les actions concrètes susceptibles de changer la donne sont rares.

Estimant que l'amélioration des conditions de travail sert ses objectifs à long terme, BBVA prend donc le taureau par les cornes, comme elle en a coutume dans chaque moment où il lui apparaît nécessaire d'engager une transformation plus ou moins radicale. En l'occurrence, parce qu'il est question ici de faire évoluer des habitudes profondément ancrées en chacun de ses salariés, elle prend des dispositions coercitives, peut-être excessives en apparence mais indispensables pour amorcer un mouvement.

La décision la plus emblématique du nouveau programme « travaille mieux, profite de ta vie » (« trabaja mejor, disfruta tu vida » en espagnol) consiste à fermer le siège madrilène de la banque à 19 heures. Plus question pour les drogués du travail et les personnes qui espèrent se faire bien voir de leur hiérarchie de passer toutes leurs soirées au bureau, il leur faudra décamper quand retentira la cloche de fin de journée.

BBVA – Work Better. Enjoy Life.

Naturellement, cette seule règle et l'interdiction associée ne suffiront pas à empêcher les forcenés de poursuivre leurs tâches en cours à leur domicile (ou ailleurs) au-delà des horaires normaux ou pendant leurs congés. Cependant, a minima, l'interdiction d'entrer en communication avec leurs collègues entre 19 heures et 8 heures (sauf exception justifiée) réduira les nuisances qu'ils causent fréquemment à ces derniers. Au bout de la logique, ces restrictions devraient même être garanties par un verrou technique.

Il faudrait aussi évoquer, entre autres, la limitation obligatoire des réunions à 45 minutes, qui, là encore (et je ne sais si BBVA y a pensé), mériterait d'être accompagnée, sinon de blocages absolus (illusoires) mais à tout le moins de petits obstacles incitatifs (tels que l'impossibilité de réserver une salle pour une durée plus longue).

J'imagine que les dirigeants d'une multitude d'autres institutions financières, conscients des effets pervers des modèles existants, rêveraient d'instaurer de tels régimes dans leurs structures. Le facteur qui leur manque et qui permet à BBVA de franchir le pas est le même que celui qui la positionne en pointe sur tous les domaines de l'innovation : sa capacité à projeter une vision à long terme et à agir pour la matérialiser, quelles que soient les difficultés et, en particulier, la rupture à provoquer par rapport au statu quo.

lundi 25 novembre 2019

Le crédit requiert transparence et éducation

College Ave Student Loans
Plus de 1 500 milliards de dollars ! L'encours des prêts étudiant aux États-Unis atteint des sommets vertigineux, conduisant certains observateurs à prédire qu'il causera la prochaine crise financière majeure. Les racines du mal sont multiples mais un acteur du secteur souligne – ironiquement – le manque d'éducation des emprunteurs.

Selon les statistiques officielles, au quatrième trimestre 2018, 44 millions d'américains étaient concernés, dont plus d'un sur dix se trouvait en situation de défaut. Pour Joe DePaulo, fondateur et directeur général de College Ave, un établissement de crédit étudiant, il devient urgent de mieux armer les consommateurs face à une offre aux atours séduisants, plus ou moins incontournable, mais dont, souvent, ils ne comprennent pas tous les ressorts et n'appréhendent pas les conséquences à long terme.

Le problème est particulièrement criant avec une cible d'étudiants. En effet, ce sont (pour la plupart) de jeunes gens, habitués à manipuler l'argent uniquement sous forme virtuelle (via une carte, un téléphone…), donc sans aucun rapport concret à sa valeur et à ce qu'il représente d'efforts. Puis, à cette abstraction qui constitue en soi un défi pour toute une génération, il faut encore ajouter la difficulté naturelle de l'humain à se projeter vers l'avenir, par exemple le remboursement d'un prêt, décalé de plusieurs années.

Le cumul de ces deux facteurs fait implicitement du crédit une sorte de source magique de financement, dont les conditions et les paramètres sont oubliés… jusqu'à ce que les échéances surviennent. C'est ainsi que, à l'extrême, certains étudiants en arrivent à avoir l'impression que l'argent tombe du ciel et se mettent alors à dépenser sans compter, sans jamais prendre conscience qu'il leur faudra un jour payer leur insouciance.

College Ave Student Loans

Selon Joe DePaulo, la réponse à ces dérives devrait être pédagogique et la première responsabilité en incombe aux institutions financières. Alors qu'elles ont tendance à conforter les demandeurs de crédit dans leur aveuglement (y compris pour développer leurs ventes), elles devraient être beaucoup plus claires sur leurs promesses, de manière à inculquer aux emprunteurs le sérieux de leur engagement et un sens de ses implications pour leur existence à venir (sur des années, voire des décennies).

Il peut s'agir aussi bien de, simplement, donner corps au montant des mensualités futures et à la durée du contrat que de mettre l'accent sur les impacts potentiellement lourds de choix personnels tels que la décision d'abandonner ses études en cours de route, en explicitant que, dans ce cas, les perspectives de revenus d'un salarié sans diplôme transformeront la charge de la dette en un fardeau insupportable et handicapant.

Au-delà du domaine spécifique du financement du parcours scolaire, la recommandation mérite d'être déclinée dans toutes les activités de crédit. Aujourd'hui, la principale préoccupation des fournisseurs est de maîtriser leur risque de défaut à partir de critères « objectifs » quantifiés. Ils devraient également faire en sorte que leurs clients comprennent vraiment les produits qu'ils leur proposent – ce qui n'est pas aussi évident qu'il y paraît – s'ils ne veulent pas avoir de surprises à moyen ou long terme

dimanche 24 novembre 2019

Un devis d'assurance en 3 photos

Crédit Mutuel
Parce que remplir un formulaire sur son téléphone n'est pas particulièrement pratique ni agréable, le Crédit Mutuel propose désormais à ses clients (bancaires) d'obtenir un devis d'assurance automobile sans aucune saisie, avec 3 photos. Malheureusement, l'expérience est gâchée par un atterrissage bien peu technologique…

Imaginez un parcours de demande simplifié au maximum. Vous vous identifiez sur l'application mobile de la banque, puis vous choisissez l'option de calcul d'une estimation. Là, vous prenez successivement en photo votre permis de conduire, la carte grise du véhicule et le relevé d'information fourni par votre assureur actuel, et le tour est joué. Toutes les données nécessaires sont automatiquement capturées et permettent d'établir un devis en quelques instants, dont vous pouvez ajuster les paramètres.

Il ne devrait plus rester alors qu'à souscrire le produit sélectionné en un tournemain et reprendre le cours de sa vie l'esprit tranquille… Hélas, de manière incompréhensible, ce ne sera pas le cas. Il est en effet impossible de passer immédiatement à l'action depuis l'application. Les seules options disponibles pour obtenir un contrat en bonne et due forme consistent à prendre rendez-vous avec son conseiller, en agence, ou contacter un opérateur au centre d'appel, en espérant qu'ils disposent des documents déjà transmis.

Devis Assurance Crédit Mutuel

Cette rupture dans le parcours utilisateur est d'autant plus inconcevable que l'assurance automobile est suffisamment peu complexe pour pouvoir envisager aisément une souscription en libre service (qui existe chez bon nombre de concurrents du Crédit Mutuel). Et elle est tellement incongrue qu'elle a toutes les chances de réduire à néant les espoirs placés dans l'initiative sur le devis : les personnes les plus susceptibles d'adopter le procédure express seront vraisemblablement frustrées de ne pouvoir conclure.

Non seulement l'obligation de changer de canal avant l'achat constitue-t-elle une friction regrettable mais le recours à un interlocuteur humain risque également d'introduire une rupture temporelle, puisqu'il n'est pas aligné sur l'accessibilité 24 heures sur 24 et 7 jour sur 7 d'un outil en ligne. Au total, même si la préparation d'un devis se trouve accélérée, son taux de transformation aura donc peu de chances de s'améliorer sensiblement.

L'idée aurait pu être brillante, cette démarche à base de photographies combinant la simplicité et la rapidité pour le client avec une meilleure fiabilité des informations collectées du côté de l'assureur (et, peut-être, une réduction de la fraude). En l'absence d'option de souscription associée (même si celle-ci n'est pas nécessairement souhaitée par tout le monde), elle n'aura probablement qu'un impact limité sur les ventes…

samedi 23 novembre 2019

RBC soutient la formation en IA… éthique

RBC
Investir dans des programmes universitaires de formation à la science des données et l'intelligence artificielle devient aujourd'hui une tactique courante parmi les institutions financières désireuses, entre autres, de s'assurer l'accès à un vivier de talents essentiels pour leur avenir. Quand RBC se lance dans dans une telle démarche, elle ne se focalise toutefois pas exclusivement sur des compétences techniques.

Le partenariat qu'engage la canadienne avec la Western University à London (dans l'Ontario), assorti d'une contribution de trois millions de dollars, vise en effet à mettre en place et développer non seulement un cursus consacré à la programmation et la pensée conceptuelle, ainsi que deux bourses en analyse de données et génie logiciel, mais également une formation focalisée plus particulièrement sur les enjeux éthiques et les implications sociales de ces nouvelles disciplines informatiques.

Par rapport à la pénurie de spécialistes opérationnels, le besoin dans ces domaines est certainement moins criant et immédiat dans les grands groupes qui, pour la plupart, n'en sont encore qu'à explorer les opportunités de l'intelligence artificielle à travers quelques expérimentations prudentes. Pourtant, les inquiétudes surgissent rapidement, suscitant parfois des emballements médiatiques suspects et des alertes régulières de la part des régulateurs craignant une montée incontrôlable des discriminations.

Or, par la nature de leurs métiers, touchant à un aspect extrêmement sensible et intime de la vie de leurs clients (l'argent), les banques sont naturellement en première ligne sur ces questions. Qu'il s'agisse pour elles de rester dans des limites acceptables de l'usage des technologies ou d'écarter le risque d'image guettant le moindre faux pas (ce qui constitue un puissant inhibiteur d'initiatives), elles ne pourront avancer sans disposer d'une stratégie cohérente, établie avec des personnes qui en maîtrisent les arcanes.

Partenariat RBC et Western University

De ce point de vue, le curriculum mis en place par la Western University devrait apporter une réponse appropriée. En les intégrant dans les équipes de science des données de l'entreprise, ses futurs diplômés pourront participer activement à la définition d'un cadre d'utilisation respectueux des valeurs et des sensibilités de chaque client et de la société en général (sans oublier la réglementation). Cela sera même, selon toute vraisemblance, un facteur d'accélération des applications de l'intelligence artificielle dans la banque.

En revanche, le plan élaboré par RBC laisse de côté un volet tout aussi important et beaucoup plus complexe du sujet, mis en lumière récemment avec l'« affaire » du sexisme de la carte Apple : l'exigence d'acculturation de l'ensemble des collaborateurs aux changements induits par les technologies. Et elle est d'autant plus sérieuse et pressante que se répandent les velléités de faire des conseillers les intermédiaires entre clients et algorithmes, imposant une compréhension des mécanismes à l'œuvre.

Une réflexion (sous la forme d'un programme de recherche ?) sur l'accompagnement des professionnels au contact de l'intelligence artificielle pourrait être un complément intéressant au dispositif tel qu'il est construit à ce jour, toujours en ligne avec son orientation sociologique. Idéalement, il pourrait aboutir à la création de corpus pédagogiques adaptés, prenant en compte toutes les dimensions nécessaires : collaboration homme-machine, explicabilité des « raisonnements », veille éthique…

vendredi 22 novembre 2019

Citi ne veut pas devenir un simple utilitaire

Citi
C'est la terreur des banques face à la montée en puissance du phénomène de plate-forme… et encore plus quand il émane des géants du web : devenir de simples fournisseurs de services utilitaires et perdre la relation avec les clients. Citi, qui bâtit actuellement une solution pour Google, est convaincue qu'elle peut défendre sa position.

La tendance émerge un peu partout, par l'intermédiaire de startups qui développent des assistants virtuels et autres outils de gestion de finances personnelles en interfaces d'une palette plus ou moins large de services ou dans les empires technologiques, pour lesquels l'enjeu est de proposer un parcours utilisateur le plus simple et transparent possible en toutes circonstances. Tous définissent un nouveau modèle de distribution qui tend effectivement à reléguer les offreurs de produits à l'arrière-plan.

Pour les établissements traditionnels, cette perspective de se voir attribuer de la sorte un rôle d'« usine bancaire » au service d'entreprises tierces qui, elles, maîtrisent le contact avec le client de bout en bout est absolument insupportable, car elle remet en cause un des fondements de leurs métiers depuis ses origines. Lutter contre un tel risque devient alors un enjeu existentiel et prend une importance inconsidérée, alors que sa réalisation est probablement inévitable et qu'il serait préférable de l'accepter.

Ainsi, quand Michael Corbat, directeur général de Citi, estime que, dans sa collaboration avec Google, il résiste au danger de la désintermédiation parce que la banque conserve son emprise sur le compte de l'utilisateur et, surtout, le contrôle des informations sur ses transactions, il ne semble pas réaliser qu'il a déjà perdu la partie : ce qui compte le plus dans la relation client n'est pas l'accès aux données financières (dont le moteur de recherche possède déjà l'essentiel de la valeur) mais une expérience globale.

Et ce qui n'est qu'un mouvement plutôt marginal aujourd'hui ne fera que prendre de l'ampleur à l'avenir, avec la généralisation prévisible de la banque invisible. Quand l'évolution permettra enfin de remettre les produits financiers à leur place naturelle de moyens au service de projets, d'envies, de rêves…, ils seront immergés dans les parcours correspondants et, même s'ils ne disparaissent pas totalement, ils ne justifieront plus l'intervention explicite d'une institution dédiée, toujours source de frictions.

Au lieu de croire qu'il maintient le statu quo, Michael Corbat ferait mieux d'admettre que sa banque est irrévocablement vouée à voir son positionnement changer radicalement, à moyen terme, et de profiter de son partenariat avec Google pour apprendre à trouver sa place dans la chaîne de valeur de demain. En commençant par une faculté à fournir des services faciles et rapides à intégrer dans les expériences du consommateur, puis, peut-être, en recherchant des opportunités de s'emparer de certaines d'entre elles.

Table ronde de CEO à la conférence annuelle du Bank Policy Institute

jeudi 21 novembre 2019

Oval et le crowdfunding : une double opportunité

Oval
Quand la jeune pousse d'origine italienne Oval veut accélérer son développement, elle se tourne, comme tant d'autres, vers le financement participatif (en équité). Mais, à l'occasion de sa deuxième campagne du genre, elle a décidé de viser directement les utilisateurs de son application, en intégrant le crowdfunding dans son modèle.

Depuis ses origines, sous la forme d'un « simple » outil de suivi des finances personnelles (PFM), la solution d'Oval a rapidement évolué vers sa véritable cible, pour devenir une solution d'assistance automatique, intelligente et pédagogique à l'épargne et l'investissement. Dans ce dernier registre, elle se contentait jusqu'à maintenant de proposer d'intervenir sur les actions boursières. Afin d'élargir les possibilités offertes à ses clients, elle introduit donc désormais un accès à des entreprises non cotées.

Pour ce faire, elle propose de contribuer à une sélection (à sa discrétion) de campagnes sur Seedrs, un des leaders de l'investissement participatif au Royaume-Uni. Grâce aux APIs fournies par ce dernier, l'apport de capital aux jeunes sociétés qui lèvent des fonds est aussi facile et aussi rapide que l'achat de titres sur un marché organisé, et se déroule entièrement au sein de la plate-forme mobile d'Oval. L'ambition est de démocratiser les opportunités d'investissement les plus diverses, tout en éduquant les consommateurs.

Campagne de financement d'Oval

Or, pour le lancement de cette nouvelle option, la première campagne proposée aux utilisateurs d'Oval est… celle d'Oval ! L'idée peut être considérée comme un vrai coup de génie. En effet, d'une part, elle donne de la visibilité à l'opération auprès d'une population qui devrait y être naturellement sensible, elle capte son attention au moment le plus opportun et elle simplifie au maximum la démarche de souscription (son application étant conçue pour prendre en charge les transferts de fonds, notamment).

D'autre part, la startup donne de la sorte un coup de projecteur particulier sur le crowdfunding (d'un point de vue générique), en y associant sa marque et sa présence, ce qui constitue sans aucun doute un moyen efficace d'intéresser des néophytes à un sujet potentiellement intimidant au premier abord. Sous réserve d'un accompagnement pédagogique adapté, cette première étape se transformerait alors en un produit d'appel vers, idéalement, une adoption généralisée d'une autre catégorie de supports.

Bien qu'aucun détail ne soit disponible sur l'origine des contributions, l'atteinte en deux jours de presque 90% de l'objectif (d'un million de livres) fixé pour la campagne donne à penser que la première partie du pari est réussie. Pour la suite, il restera à mesurer combien, parmi les plus de 1 000 personnes responsables de ce succès fulgurant, sont des débutants dans ce genre d'opération et combien y prendront goût…

mercredi 20 novembre 2019

KBC ouvre son app aux non clients

KBC
La belge KBC fait partie de ces banques persuadées que la popularité de leur application mobile leur offre une opportunité de développer une place de marché de services, financiers et non financiers. Désormais, elle veut croire que cette dernière peut également être attractive pour les personnes qui ne détiennent pas de compte chez elle.

Mises en place au début de 2018, les fonctions d'achat de tickets de transport et de titres restaurant, de paiement de parking, de location de vélo en libre-service… intégrées à son logiciel sont aujourd'hui utilisées par 174 000 clients (sur un total d'un million), pour un volume d'activité atteignant 200 000 transactions par mois. Ces résultats, qu'elle considère extrêmement positifs, donnent des ailes à KBC, qui prévoit donc de continuer à enrichir sa palette de partenaires et de s'adresser à une audience élargie.

Le raisonnement ne surprendra pas, tellement il se répand à grande vitesse : l'évolution des usages sur smartphone démontre une lassitude croissante vis-à-vis de l'expansion sans fin des titres disponibles sur les AppStores. Cela donne logiquement (?) à penser que l'avenir est aux plates-formes capables d'agréger tous les services utiles derrière une interface et une expérience simples et cohérentes, à l'instar des stars chinoises (WeChat en tête) qui fascinent les entreprises occidentales ces derniers temps.

Jusqu'à maintenant, les quelques banques qui s'aventuraient dans cette direction se laissaient convaincre que la fréquence des interactions de leurs clients avec leur application mobile leur procurait un levier pour les entraîner vers d'autres services. L'hypothèse reste encore largement à vérifier, eu égard aux chiffres présentés (certes flatteurs mais finalement peu extraordinaires), que KBC franchit déjà une étape supplémentaire et s'imagine déjà acteur de référence des plates-formes.

KBC Mobile

En l'état, on ne peut que s'étonner devant tant de présomption : nulle part ne ressort le moindre avantage pour le consommateur (non client) de recourir à la solution de la banque plutôt que de se tourner vers ses fournisseurs habituels et bien connus, y compris en téléchargeant leurs applications dédiées, ce qui sera infiniment plus intuitif. Ce constat est d'autant plus consternant qu'il expose une occasion manquée phénoménale.

C'est à la découverte d'un des prochains ajouts au catalogue que surgit l'incongruité : un programme de cashback permettra aux porteurs de cartes de la banque de bénéficier de primes sur leurs achats auprès d'une sélection de commerçants. Hélas, l'offre est inaccessible aux utilisateurs qui ne sont pas clients… sous prétexte que le détail de leurs dépenses ne peut être analysé, ce qui interdit de repérer les transactions éligibles.

Là résiderait pourtant la véritable opportunité de KBC : en proposant à quiconque de connecter ses comptes, quel qu'en soit l'établissement teneur, grâce aux dispositions réglementaires européennes de la DSP2, elle serait en mesure de faire profiter à tous des avantages qu'elle a à faire valoir. Elle aurait alors une véritable chance d'attirer des utilisateurs vers son application… et peut-être même, en s'inspirant de l'exemple de Moven et de son modèle d'« essai avant l'achat », vers ses produits bancaires…

mardi 19 novembre 2019

Le conseiller bancaire de demain sera un robot

Westpac
L'australienne Westpac pourrait n'être que la énième banque proposant un assistant virtuel destiné à répondre aux questions les plus fréquentes de ses clients. Son directeur général en présente cependant une vision qui détonne parmi ses pairs, puisqu'il considère que les robots de ce genre constituent l'avenir du conseil financier de proximité.

Bien sûr, Red, le chatbot qu'elle a mis en place avec la collaboration d'IBM et de sa technologie Watson, a encore d'immenses progrès à accomplir avant d'atteindre un tel objectif. Aujourd'hui, il se contente essentiellement de traiter, en langage naturel, les problèmes de la banque du quotidien. Et si ses concepteurs se félicitent de ses résultats – 70% de réponses satisfaisantes, apportées sans nécessiter une intervention humaine, sur environ 1 millions d'interactions comptabilisées durant un peu plus de 6 mois –, ceux-ci montrent également la difficulté à exceller, même sur des cas d'usage simples.

Il n'en reste pas moins, dans l'esprit de Brian Hartzer, que ces agents intelligents seront demain le moyen de recréer la relation personnelle qui existait dans les établissements d'antan et qui a maintenant disparu, sans espoir de retour à l'identique. Seuls des outils logiciels, armés de puissants algorithmes à base d'analyse de données, parviendront à appréhender les besoins spécifiques de chaque client et fournir les solutions appropriées. Les chatbots actuels en sont l'avant-garde et ils évoluent extrêmement vite.

Red - Assistant virtuel de Westpac

Le raisonnement devrait être une évidence dans toutes les institutions financières. En effet, la connaissance du client s'est déplacée avec la transition « digitale » : autrefois captée, enregistrée et traitée par les conseillers qui assuraient le seul point de contact, elle est désormais principalement issue de l'utilisation des applications web et mobiles, les échanges avec les centres d'appel et en agence n'offrant plus que de rares opportunités de confirmation ponctuelle d'une partie de l'information, souvent avec retard.

Or le conseil personnalisé et contextuel qui fait la valeur de la banque – quand elle ne se contente pas de voir son métier comme de la vente quasi forcée de produits – dépend entièrement, depuis toujours, de la compréhension de la situation de l'individu, de ses attentes et de ses projets. Ce rôle se déplace donc de la même manière et revient ainsi logiquement aux algorithmes capables d'exploiter les données collectées et de restituer les recommandations à travers les canaux privilégiés de notre époque.

Au bout du compte, même dans l'hypothèse où le client préfère dialoguer avec une personne (mais acceptera-t-il longtemps les contraintes d'horaire et de lieu associées, pour un service similaire ?), la relation sera nécessairement pilotée par logiciel (et par l'intelligence artificielle), car il n'est d'autre solution pour transformer l'information presque exclusivement numérique qui la façonne. C'est la réalité que semble avoir comprise Westpac et qui devrait orienter les stratégies de toutes les institutions financières…

lundi 18 novembre 2019

La carte Apple est-elle sexiste ?

Apple
Il a suffi d'un tweet (ou deux) pour enflammer les réseaux sociaux, lancer une vague d'indignation dans la presse… et même déclencher une enquête officielle ! Pourtant, les accusations de discrimination à l'encontre de la carte de crédit d'Apple n'ont probablement aucun fondement, même si des erreurs ont réellement été commises.

Bien sûr, au premier abord, la révélation a de quoi scandaliser : dans un couple dont les finances sont entièrement partagées, l'homme obtient un plafond de crédit 20 fois supérieur à celui de sa compagne ! Voilà un exemple de sexisme insupportable, n'est-ce pas ? Et bien non. En réalité, quelle que soit l'énormité des faits, rien ne permet de soutenir une telle hypothèse, qui supposerait une faute extraordinairement improbable de la part d'Apple ou de Goldman Sachs (l'émetteur de la carte).

La loi est très claire dans la plupart des pays développés (dont les États-Unis) quand elle affirme expressément que les consommateurs doivent être traités de manière identique quel que soit leur sexe (et cette règle est souvent applicable à d'autres facteurs, ethniques par exemple). En conséquence, les entreprises qui exploitent des algorithmes pour prendre des décisions sont contraintes d'écarter ces critères de leurs modèles et il est quasiment inimaginable que le calcul du score de crédit de la carte Apple y ait dérogé.

En revanche, l'anomalie constatée peut avoir une multitude d'autres causes. Ainsi, chaque demande de souscription étant traitée individuellement, elle peut être due, par exemple, à des informations incomplètes fournies lors du dépôt du dossier et/ou à des anomalies dans les logiciels d'analyse – qui ne seraient pas totalement surprenantes de la part de novices du secteur (Godlman Sachs n'ayant pas d'expérience en la matière) – sans que celles-ci ne soient directement liées au sexe du (ou de la) client(e).

Apple Card

Le cas en question permet de s'arrêter un instant sur les idées fausses qui circulent allègrement sur les algorithmes et leurs failles supposées, puis, au-delà, sur les difficultés de concilier traitements des données et équité. En effet, il s'avère, d'après une étude scientifique [PDF] très sérieuse, que les femmes seraient avantagées si le sexe était pris en compte dans les décisions d'attribution d'un crédit (automobile, en l'occurrence), simplement parce qu'elles sont statistiquement moins sujettes à faire défaut.

La perception publique des biais de l'analyse de données est donc fondamentalement contredite par l'expérience. Malheureusement, l'absence d'explication immédiate – les opérateurs du support d'Apple n'ayant d'autre réponse que d'incriminer le logiciel – à ce qui ressort comme une injustice laisse libre cours à tous les fantasmes, susceptibles d'engendrer des conséquences graves pour les entreprises. Seule une transparence totale sur les mécanismes mis en œuvre pourra éviter la défiance généralisée.

Il restera ensuite à nous pencher, avec Galina Andreeva [PDF], sur la pertinence de notre approche traditionnelle de la lutte contre les discriminations. Faut-il maintenir des protections assurant l'égalité ou l'équité ? Faut-il focaliser l'attention sur les traitements ou sur leurs résultats ? Et comment tous ces aspects pourront-ils être effectivement contrôlés avec la propagation de l'intelligence artificielle dans notre vie quotidienne ?

dimanche 17 novembre 2019

Lydia se mue en plate-forme

Lydia
De la simple application d'échange d'argent entre amis qu'elle était à l'origine, Lydia avait d'abord évolué vers un porte-monnaie mobile universel. Aujourd'hui, avec le lancement de son « Marché » et la mise en place de partenariats divers et variés, elle esquisse sa future mutation en plate-forme universelle de services (financiers).

Dans une approche plus souvent rencontrée dans les néo-banques (par exemple Starling Bank, au Royaume-Uni), la jeune pousse vient donc d'ajouter une nouvelle section à son logiciel, où l'utilisateur retrouve une poignée d'offres complémentaires à sa propre solution. Celles-ci vont de simples références d'affiliation, se contentant de renvoyer vers un fournisseur tiers (parfois assorties d'une promotion spécifique), jusqu'à des outils pratiques plus ou moins intimement intégrés au sein de l'expérience existante.

Dans la première catégorie, la moins intéressante, figurent notamment les ouvertures de comptes auprès d'Orange Bank et Hello Bank! (avec leurs primes de bienvenue) : dans les deux cas, le mobinaute est connecté aux sites web de l'établissement choisi, où il procède aux démarches standards. À un stade intermédiaire, les propositions d'assurance habitation (avec Luko, naturellement) et de renégociation des abonnements d'énergie et de télécommunication (avec Papernest) sont assistées, grâce au pré-remplissage des informations connues dans les formulaires de souscription.

Enfin, au niveau le plus abouti, en particulier pour les demandes de (petits) prêts instantanés (déléguées à Banque Casino), la négociation d'une indemnisation sur les retards de vol aérien (avec AirHelp), l'achat de cartes cadeaux et l'assurance de smartphone (avec CNP assurances), les procédures se déroulent entièrement dans l'application de Lydia, y compris, bien évidemment, le paiement (et les remboursements, le cas échéant), de manière à simplifier au maximum le parcours client.

Le Marché de Lydia

Avec son « Marché », la startup se rapproche un peu plus d'un véritable modèle de banque plate-forme, qui prend énormément de sens pour sa cible privilégiée de jeunes consommateurs : conquis très tôt par ses capacités de paiement P2P, la solution les accompagne maintenant tout au long de leur prise de maturité financière, à leur rythme, avec sa « méta-carte » (et ses avantages exclusifs), puis les produits additionnels destinés à leur faciliter la vie quotidienne, dont le nombre devrait croître rapidement.

Il est facile de percevoir à travers cette description à quel point l'approche retenue représente une menace pour les acteurs traditionnels (ou une opportunité pour qui s'en saisit). Non seulement Lydia est-elle en mesure – par l'agilité inscrite dans son ADN – d'inclure très facilement dans son catalogue de nouveaux services utiles et susceptibles de répondre à une multitude de besoins différents, mais, surtout, son architecture ouverte lui permet d'offrir une expérience fluide et transparente avec ses partenaires (ce que la banque n'est souvent même pas capable de faire entre ses propres lignes de produits).

samedi 16 novembre 2019

Digiserv, la startup de BNP Paribas au Maroc

BNP Paribas
Au Maroc, BNP Paribas et sa filiale locale, BMCI, ont lancé une nouvelle démarche expérimentale dont l'objectif est de concevoir des services dans des domaines adjacents à leur cœur de métier. Afin de libérer la créativité et de favoriser l'agilité, elles ont choisi de confier leurs projets à une véritable startup qu'elles ont fondé pour l'occasion.

La structure, baptisée Digiserv, présentait officiellement le mois dernier ses deux premières réalisations, actuellement dans un état embryonnaire, tout en affirmant son ambition de s'installer durablement dans le paysage « digital » marocain avec, à terme, une large palette d'outils en ligne ou mobiles susceptibles de répondre à de multiples besoins de la population. Et, même si certains d'entre eux portent une certaine connotation financière, il n'est aucunement question – en tous cas à ce stade – de les relier d'une quelconque manière aux offres ou produits bancaires du groupe.

Nous avons donc, d'un côté, Bricall, une plate-forme web dédiée à la mise en relation des habitants de Casablanca et Marrakech (en attendant le déploiement sur des villes supplémentaires) avec des artisans (électriciens, plombiers, peintres, maçons…). Chaque professionnel y dispose d'une fiche profil, indiquant ses spécialités et fournissant des photos illustratives des chantiers qu'il a réalisés. Les visiteurs peuvent alors le contacter directement (par téléphone) ou déposer sur le site une demande de prestation. Un incontournable système d'évaluation par les utilisateurs complète le dispositif.

Bricall

L'autre solution mise en place (exclusivement sur le web, elle aussi), Dayra, est un outil extrêmement simple de gestion de tontine (appelée « daret », dans sa déclinaison marocaine) : il propose à quiconque de créer une cagnotte, d'y inviter les participants souhaités, puis de suivre les collectes et les versements, à l'exclusion de toute prise en charge des conditions contractuelles et des transferts d'argent effectifs.

Les deux projets sont animés selon une approche itérative et il faut donc considérer que les résultats visibles à ce jour ne sont que des « MVP » (produit minimum viable), destinés à mesurer l'appétence du public pour les concepts et l'intérêt de poursuivre leur développement. Conformément à cette logique, les services devraient s'enrichir rapidement, en particulier, espérons-le, en leur intégrant des possibilités de paiement, ce qui serait la moindre des choses de la part d'une filiale d'institutions financières.

À défaut d'informations plus précises sur l'organisation de Digiserv, on peut cependant s'interroger sur sa finalité réelle. S'agit-il vraiment de rechercher des pistes de diversification pour la banque, à travers la construction d'une collection d'applications pratiques (qui mériteraient alors de s'inscrire dans une stratégie globale cohérente) ? Ou bien faut-il plutôt y voir l'installation d'un environnement expérimental où les collaborateurs peuvent découvrir un autre mode de travail, à l'occasion d'un projet concret ?

vendredi 15 novembre 2019

Un partenariat qui en dit long

Xero
En quelques années, TransferWise est devenu un leader incontournable des transferts internationaux. Sa nouvelle collaboration, au Royaume-Uni, avec la plate-forme de comptabilité en ligne Xero donne maintenant à penser que son excellence lui procure également un avantage considérable dans le domaine des paiements domestiques.

Pour les PME, aujourd'hui, le règlement et le traitement des factures des fournisseurs font partie des activités les moins automatisées de la gestion d'entreprise. La faute en revient à des systèmes bancaires archaïques qui, au mieux, acceptent de prendre en charge (en général à grands frais) des paiements par lots, à condition de préparer des fichiers d'instructions dans un format propriétaire ou, au pire, exigent de formuler et transmettre des ordres de virement unitaires au sein de leurs applications.

Face à ce fonctionnement d'un autre temps, Xero, qui souhaite simplifier la vie des entrepreneurs et de leurs directeurs financiers, a donc imaginé un service qui leur permettrait, depuis son interface, de déclencher en un clic le paiement d'une (ou plusieurs) facture(s) enregistrée(s) à partir du compte bancaire de leur choix, d'appliquer au passage un filtre de détection de fraude, de réceptionner la confirmation de l'exécution et de réconcilier automatiquement les opérations dans les livres. Évident, n'est-ce-pas ?

Xero – Pay with TransferWise

Or il semblerait qu'aucun établissement historique ne soit à ce jour en mesure de proposer dans des conditions raisonnables la solution qui rende possible une telle vision (qui ne paraît pourtant pas très complexe à implémenter) puisque c'est TransferWise – dont ce n'est évidemment pas le métier, bien qu'elle en possède les capacités, par essence – qui a été retenue pour gérer les transferts au niveau opérationnel.

La présentation de l'initiative donne de précieuses indications sur les critères qui ont probablement fait pencher la balance vers la startup. En premier lieu, l'intégration par API est soulignée, aussi bien pour l'envoi des ordres que pour la collecte des confirmations, et il s'agit d'un facteur de rapidité et de souplesse de mise en œuvre, que TransferWise sait offrir nativement tandis que les banques traditionnelles sont toujours en retard sur le sujet (et, souvent, se posent encore la question de son opportunité !).

Qu'un acteur comme TransferWise parvienne, sur son activité principale, à conquérir plus de 15% de parts de marché au détriment des banques devrait, en principe, inquiéter ces dernières, à moins qu'elles n'estiment que ce domaine n'est pas stratégique pour leur avenir (?). Quand le même réussit à s'imposer sur un secteur adjacent, où, selon toute vraisemblance, il ne fait guère d'efforts commerciaux, ne serait-il pas urgent de remettre en cause les modèles historiques ? Ne faudrait-il pas commencer à paniquer ?

jeudi 14 novembre 2019

Un pas vers la facturation du conseil humain ?

Caisse d'Épargne
À l'occasion du renouvellement de son offre commerciale, désormais présentée sous la forme de forfaits à trois vitesses, la Caisse d'Épargne introduit discrètement une option qui pourrait esquisser une révolution dans la gestion de la relation client. Le fardeau des réseaux d'agences commencerait-il à imposer la recherche de solutions pérennes ?

Le principe des « Formules », déclinées en deux versions, familiale et individuelle (elle-même avec une variante à tarif réduit pour les jeunes), consiste simplement à proposer un ensemble de services pour un prix fixe (malheureusement non précisé, tant pis pour la transparence), du plus économique (« Initial ») au plus complet (« Optimal » avec cartes Visa Platinum, assurances, virements instantanés illimités…), en passant par l'intermédiaire (« Confort » avec cartes Visa Premier et assurances).

Ce qui surprend dans cette présentation est le dernier avantage mis en avant sur la formule la plus onéreuse et, évidemment, absent des autres : « accès à un conseiller par téléphone sur horaires étendus ». Là encore, il est impossible de connaître la plage en question ni l'étendue des services mis à disposition selon ce mode, mais il semblerait donc que la Caisse d'Épargne considère dorénavant que, dans certaines circonstances, le contact avec un banquier humain ne fait plus partie de son offre de base.

Les Formules Caisse d'Épargne

Certes, on est bien loin des anciennes tentatives de quelques institutions américaines d'instituer une facturation des visites en agence, mais l'initiative reste notable car elle va automatiquement inscrire dans l'inconscient des consommateurs la notion de la valeur de l'accès à un conseiller. Par la suite, une fois ce premier pas franchi et les clients ainsi conditionnés, il deviendrait alors beaucoup plus facile de justifier la mise en place d'une tarification pour, par exemple, tous les rendez-vous avec un spécialiste…

Ce n'est pas un secret que les banques traditionnelles, et plus encore les mutualistes, sont confrontées à un défi colossal de la rentabilité de leurs réseaux physiques, alors que la fréquentation est en baisse constante, sans aucun espoir de renversement de tendance. L'idée de faire payer directement le conseil de proximité fait naturellement partie des possibilités explorées pour le relever et des enquêtes tâtent déjà le terrain (comme, récemment, celle de Deloitte), avec des résultats plutôt encourageants.

Néanmoins, la crainte de s'attirer les foudres du grand public en mettant en place une telle politique retient (et retiendra longtemps) les velléités de passer à l'action. En attendant, il faut probablement s'attendre à un développement de démarches similaires à celle de la Caisse d'Épargne, qui servent à la fois à valider l'acceptation du principe, dans une logique expérimentale, et à induire un effet d'accoutumance à long terme…

mercredi 13 novembre 2019

La banque qui veut se faire aussi grosse que WeChat

Banco Inter
Le modèle asiatique des « super apps » mobiles, dont WeChat est probablement la plus emblématique, ne cesse d'inspirer des institutions financières désireuses d'étendre leur présence dans la vie de leurs clients. C'est au Brésil, par l'intermédiaire du trublion local Banco Inter, qu'émerge maintenant la prochaine tentative de le décliner.

Le raisonnement est toujours similaire. Alors que le nombre de titres disponibles sur les app stores ne cesse de croître, les usages des mobinautes se concentrent sur une poignée d'applications, dont celles des banques figurent généralement parmi les trois principales. Il est alors tentant d'exploiter cette popularité pour répliquer le succès des mega-plates-formes chinoises, en concentrant en un espace unique et cohérent toutes sortes de fournisseurs de produits et services, comme dans un supermarché virtuel.

Pour son lancement, d'abord à titre expérimental, la « super app » de Banco Inter se présente donc comme un substitut à son logiciel classique, dont les fonctions de consultation des comptes, de transfert d'argent, de gestion d'investissements… sont complétées par un portail d'une soixantaine de boutiques, couvrant des catégories aussi variées que la maison, la technologie, la mode, les loisirs, les transports, le voyage… En outre, pour mieux attirer les clients, la banque promet de leur reverser une partie de la rémunération qu'elle perçoit de ses partenaires, sous forme de « cashback ».

Banco Inter – Experimente o Super App

L'objectif visé par Banco Inter avec cette initiative est double. D'une part, en lançant la première solution du genre au Brésil, elle espère attirer massivement et à moindre frais de nouveaux clients – son ambition est de passer de 3,7 millions aujourd'hui à 8 millions d'ici la fin de 2020. D'autre part, elle souhaite encourager les personnes qui viendront dépenser sur sa place de marché à recourir plus fréquemment et plus régulièrement au crédit, dont l'accès sera évidemment facilité grâce à son approche intégrée.

Il reste tout de même à voir si les consommateurs se laissent effectivement séduire par l'idée de réaliser leurs achats dans une application fournie par leur banque. À tout le moins, les précédents dans d'autres régions (Pologne, Turquie…) ne donnent pas l'impression que la partie est aisée. Cela n'a finalement rien de très surprenant, car les exemples asiatiques ne peuvent guère être reproduits à l'identique, à une époque différente, dans un contexte différent (notamment en matière de vente en ligne).

Par ailleurs, il conviendrait, en amont, de s'interroger sur le sens profond de la popularité des applications bancaires avant de considérer que leur fort taux d'utilisation est un atout pour y introduire des services non financiers. En effet, si, comme j'en suis convaincu, la première motivation des clients est de vérifier l'état de leurs comptes, ce qui ressort plutôt d'une contrainte, ils auront certainement quelques blocages psychologiques à associer le même geste à l'expérience en principe plaisante du shopping…

mardi 12 novembre 2019

BMO gère les factures de ses clients

BMO
Pour les millions de consommateurs (dont la majorité des français) qui préfèrent se libérer de toute contrainte dans le règlement de leurs factures, les fournisseurs proposent (et, parfois, imposent) des options de prélèvement automatique. Pour ceux qui aiment garder le contrôle, la canadienne BMO a imaginé une solution simple et efficace.

Avec QuickPay, hélas disponible uniquement, à ce jour, pour une petite vingtaine de fournisseurs (de télécommunications, énergie et autres services), l'utilisateur n'a qu'à envoyer sa facture sous forme électronique (après l'avoir numérisée ou photographiée, au besoin) à l'adresse de messagerie du service. Immédiatement, les algorithmes de la banque en analysent le contenu en détail et préparent le paiement correspondant. Une demande de confirmation, rappelant le montant et le bénéficiaire, est alors émise par SMS, à laquelle il suffit de répondre « PAY » pour finaliser l'opération.

Apparemment triviale, cette fonction ne l'est pas autant qu'il y paraît. Outre les technologies de reconnaissance de caractères et d'apprentissage automatique mises en œuvre afin d'extraire les informations utiles des documents transmis, l'identification du compte à débiter est également réalisée sans aucune intervention manuelle, à partir de l'adresse mail émettrice (en espérant que des filtres détectent les tentatives de fraudes et d'abus) et des règlements enregistrés précédemment pour les mêmes entreprises.

BMO QuickPay

En prolongeant le principe de QuickPay, il est aisé d'imaginer d'autres bénéfices potentiels que le seul gain de temps que le dispositif procure. En premier lieu, il devrait aider à ajuster la gestion de trésorerie en maîtrisant les échéances des factures (qui font partie des données extraites), ce qui permettrait non seulement de payer ces dernières au juste moment mais aussi d'affiner le suivi budgétaire de l'utilisateur (par exemple en le tenant au fait de ses disponibilités réelles). D'autre part, la banque pourrait profiter de l'opportunité pour assurer l'archivage des documents qui lui sont confiés.

Au-delà de ces bases, avec un peu de travail supplémentaire, il serait envisageable de concevoir un mécanisme de surveillance préventif sur les dépenses récurrentes, à l'instar de ceux que déploient aujourd'hui quelques startups ici et là. Cependant, au lieu d'alerter le client après qu'il ait réglé un montant inhabituel, BMO serait cette fois en mesure de le prévenir en amont, dès la réception de sa facture, lui laissant de la sorte le temps de s'assurer que tout est normal ou, le cas échéant, de formuler une réclamation.

En perspective, la banque pourrait développer un véritable accompagnement du consommateur dans sa vie quotidienne à partir de cette initiative, en combinant automatisation des services (jusqu'à l'affranchir de toute préoccupation administrative) et conseil personnalisé (qui, en particulier, attire son attention sur ce qui importe vraiment). Enfin, il semblerait logique de décliner l'approche à destination des petites entreprises, qui sont peut-être encore plus demandeuses d'assistance dans leurs tâches de gestion.

lundi 11 novembre 2019

J.P. Morgan s'éveille à la menace des géants technologiques

J.P. Morgan
Si vous ne pouvez les vaincre, rejoignez-les ! Telle pourrait être la devise de J.P. Morgan quand, après avoir longtemps manifesté ses inquiétudes face à la montée en puissance des géants technologiques dans les métiers de la finance, elle choisit maintenant, selon le magazine Forbes, de développer une offre spécifique à leur adresse.

Le pire cauchemar pour les institutions financières des pays occidentaux serait l'émergence sur leur territoire d'acteurs aussi puissants que WeChat et Alibaba, dont la prise de position dominante sur les paiements – qui restent le point d'entrée principal dans une relation bancaire – représenterait une menace existentielle. Aussi une stratégie de contre-feu paraît-elle pertinente à J.P. Morgan, afin, d'abord, de sauvegarder ses activités de flux puis, plus largement, préserver le contact avec ses clients.

En pratique, la tentation est immense pour les plates-formes de commerce en ligne de créer leur propre porte-monnaie virtuel, dans lequel des fonds peuvent être déposés et utilisés en circuit fermé. A minima, l'objectif qu'elles viseraient de la sorte serait de s'affranchir, au moins en partie, des frais de transactions qu'elles doivent supporter avec des solutions traditionnelles. J.P. Morgan leur proposera donc un produit clés en main, cédant un peu sur ses prérogatives mais limitant le risque de désintermédiation.

Il est facile d'imaginer, par exemple, que la banque consente des conditions tarifaires avantageuses, le plus important pour elle étant de conserver le contrôle sur les échanges – et plus encore les données associées – et de rester ainsi au premier plan dans l'esprit du consommateur. D'une certaine manière, plus insidieuse, il s'agit également d'éviter que les acteurs concevant leur propre moyen de paiement ne prolongent leurs velléités d'émancipation vis-à-vis du système vers d'autres domaines (crédit, assurance…).

Il en faudra cependant beaucoup plus pour convaincre les géants que cible (semble-t-il) plus particulièrement J.P. Morgan – Amazon, eBay, Uber, AirBnB… – d'abandonner leurs éventuels plans de déploiement de solutions propriétaires, qui leur garantissent une autonomie totale. L'argument clé serait alors la faculté native de la banque à intégrer une approche transfrontalière des paiements : un partenaire unique fournissant un outil universel qui prend en charge les flux d'argent dans le monde entier.

La bataille promet malgré tout d'être rude, car la concurrence ne manque pas, qu'on se tourne du côté des spécialistes (à l'instar de PayPal) ou, de plus en plus, vers les initiatives des plates-formes elles-mêmes, comme l'illustre la rupture que tente d'introduire Facebook avec Libra. Les avantages des établissements historiques face à de tels adversaires deviennent minces tandis que leur capacité d'exécution reste un handicap…

J.P. Morgan Chase

dimanche 10 novembre 2019

BBVA explore la banque des objets connectés

BBVA
Dans la plupart des institutions financières qui s'intéressent au phénomène des objets connectés, le premier objectif visé consiste à identifier des applications utiles pour leurs activités existantes. Dans le cas de BBVA, il s'agit maintenant d'explorer en quoi leur développement va inéluctablement conduire au besoin de réinventer ses métiers.

L'introduction de capacités de calcul, de stockage de données et d'interactions en ligne dans une multitude d'équipements du quotidien – des machines à laver aux automobiles, en passant par les compteurs électriques et les habitations – permet d'imaginer une multitude de services pratiques et utiles, à destination des consommateurs, des entreprises, des gouvernements, de la société… Dans le secteur financier, la possibilité de capter de l'information à la source afin d'évaluer un risque à assurer en temps réel, par exemple, est déjà une réalité et bien d'autres émergent chaque jour.

Cependant, ce qui passionne dorénavant les équipes de BBVA NDB (pour « New Digital Businesses ») – l'entité du groupe espagnol dédié à tout ce qui concerne la disruption de l'industrie bancaire – est d'aborder les évolutions technologiques sous l'angle de leur impact sur le monde qui nous entoure et comment cette mutation va, à son tour, imposer la mise en place de nouveaux modes de fonctionnement dans la gestion des comptes, le traitement des paiements, la souscription d'assurances, l'octroi de crédits…

Un scénario évoqué, particulièrement parlant, est celui de la mobilité du futur, projetée dans un univers où la logique de propriété a cédé la place à un concept de « véhicule as a service ». L'idée est loin d'être nouvelle mais – sauf pour illustrer des conférences sur les transformations auxquelles ils faut se préparer – elle n'avait, jusqu'alors, jamais conduit à des études sérieuses sur ses implications pour la banque. Et ce n'est qu'un exemple, tout comme l'avenir de la location immobilière, pour en citer un deuxième.

BBVA - Exploring the bank of connected things

Une caractéristique commune dans tous ces cas est la prise d'autonomie des « choses », grâce aux données qu'elles collectent et aux opportunités qu'elles ouvrent. Un taxi (sans chauffeur) qui encaisse les courses qu'il réalise et qui règle ses recharges d'électricité n'est plus un fantasme de science-fiction. Idem pour l'appartement qui équilibre son budget entre frais d'entretien, charges de copropriété et loyers perçus (entre autres). Dans cette vision, chaque équipement requiert son propre porte-monnaie.

Du point de vue de BBVA, il s'agit là, après son ambition de conquérir un milliard de clients (humains), d'une autre frontière à franchir : devenir la banque de milliards d'objets connectés. Cependant, pour en arriver là, elle sait qu'il lui reste beaucoup à faire. La première étape est de comprendre quels sont les services financiers nécessaires – outre les paiements et le compte de dépôt associé, l'assurance est une évidence – et dans quelles conditions et sous quelle forme ils seront mis en œuvre.

Un aspect spécifique du sujet paraît susceptible de créer des défis extraordinairement complexes et est à ce titre au cœur des questionnements de BBVA : l'identité des objets. La connaissance des clients (« KYC ») constitue aujourd'hui un enjeu majeur dans les institutions financières, notamment dans le cadre de la lutte contre la fraude et la criminalité. Comment se transpose-t-il dans un contexte où ce seront demain des composants électroniques qui détiendront des comptes et souscriront des produits ?

Ces réflexions peuvent sembler prématurées, simples hypothèses amusantes à manipuler dans un jeu de rôle futuriste, sans rapport avec la réalité. Pourtant, les besoins commencent à surgir et les problématiques soulevées portent tellement de conséquences que leurs solutions prendront des années à être formulées. Les banques qui ne font pas l'effort maintenant de se livrer à l'exercice auront d'immenses difficultés à s'adapter quand leur environnement aura changé, plus vite qu'elles n'y comptaient.