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C'est pas mon idée !

mercredi 31 janvier 2018

Des assureurs et des données (suite)

Allstate
Décidément, les compagnies d'assurance s'emballent pour les données et les usages qu'elles peuvent en faire pour rationaliser leurs modèles industriels. Après les cas polémiques que j'évoquais la semaine dernière, en voici deux autres qui, bien qu'ils paraissent légitimes, n'en soulèvent pas moins des questions lourdes de conséquences.

Commençons par le projet de l'américaine Allstate, qui souhaite capitaliser sur les travaux d'Arity, sa filiale spécialisée dans l'analyse de données de conduite, pour affiner ses modèles de calcul de risque. En l'occurrence, elle explore la possibilité de pénaliser (sur leur prime) les automobilistes qui utilisent leur téléphone au volant, après avoir déterminé, à travers l'étude de 160 millions de trajets enregistrés, que cette pratique induisait un surcoût d'indemnisation pour l'assureur pouvant atteindre 160%.

Pour ce faire, la compagnie envisage simplement d'intégrer dans son application mobile des capacités de surveillance qui lui permettent de détecter un comportement dangereux. L'approche ne pouvant pas être imposée aux clients, on peut déjà s'interroger sur sa pertinence (au-delà d'une sensibilisation un peu maladroite). Surtout, étant soumise à un accord préalable des régulateurs, elle présentera un dilemme intéressant dans les états (nombreux) dans lesquels l'acte du « text and drive » constitue une infraction

Le deuxième exemple est plus positif, puisqu'il consiste à proposer des réductions de prix aux conducteurs de Tesla qui en adoptent les fonctions de conduite assistée. Là encore, la logique des données est implacable : une administration américaine a déterminé que le taux d'accident de ces voitures avait baissé de 40% après l'introduction de cette option ! Rapidement, une startup, Root, a lancé une offre ajustée en conséquence, aux États-Unis. Plus récemment, le numéro un en ligne britannique lui a emboîté le pas.

Direct Line

Dans ce dernier cas, il suffit à l'assuré de déclarer qu'il recourt à la conduite assistée pour bénéficier d'un rabais de 5%. La démarche se veut expérimentale et vise d'abord, pour Direct Line, à mesurer l'effet réel de l'automatisme sur les usages et les risques. La petite américaine, en revanche, s'inscrit dans un mode industriel, avec une analyse en temps réel de la conduite, afin de déterminer les périodes effectives d'activation de la fonction et de moduler la prime payée en fonction des données précises ainsi collectées.

Ces multiples initiatives pointent, à plus ou moins brève échéance, vers une généralisation de la transformation du smartphone en un véritable espion personnel, utilisé pour capter les informations régissant l'accès à des services divers. Or se posera inévitablement un jour la question des limites, entre les demandes légitimes et celles qui seront perçues comme intrusives (en fonction de la sensibilité de chaque individu), entre le caractère facultatif de la pratique (indirectement imposé par la réglementation) et la pression qui peut s'exercer sur le consommateur pour la lui faire accepter…

mardi 30 janvier 2018

Accélération, de la startup au grand groupe

Banque Populaire
La découverte de l'ouvrage de Nicolas Minvielle, Martin Lauquin et Nicolas Caruso, « Accélération, dans les coulisses de l'hyper-croissance », auquel s'est associée la Banque Populaire dans le cadre de son dispositif Next Innov, m'inspire une question : les facteurs de succès des startups peuvent-ils se décliner dans les grands groupes ?

Sans prétendre à identifier les recettes magiques qui font la réussite de certains entrepreneurs (et les échecs de beaucoup d'autres), ce livre (que j'avoue ne pas avoir encore lu intégralement) offre une analyse objective approfondie des caractéristiques communes aux plus grandes réussites de l'accélération exponentielle qui constitue toute la différence entre une simple PME classique et une véritable startup. Les auteurs en ont identifié 5, toujours présentes, quel que soit le secteur d'activité considéré.

Or, aujourd'hui, les entreprises traditionnelles affirment régulièrement vouloir fonctionner comme des startups. Si ces prétentions ont une quelconque réalité, il semble légitime de vérifier si elles ont aussi adopté les attributs les plus représentatifs de leurs modèles. À défaut, ce seront autant de pistes d'amélioration que pourront trouver ici les acteurs qui désirent sincèrement progresser dans leur capacité de croissance par l'innovation (et il n'est pas indispensable que ce soit à l'échelle d'une organisation multi-nationale).

Sans surprise, la première qualité d'une startup à fort potentiel est de porter une vision radicale : les plus convaincantes sont celles dont le fondateur et l'équipe visent à transformer le monde. De toute évidence, une telle mission n'a pas fait partie des objectifs de la plupart des grands groupes depuis longtemps, et même leurs tentatives de création de nouveaux produits ont normalement des ambitions plus limitées.

La volonté et la détermination inébranlables qui accompagnent la vision, avec un socle formel de valeurs et de rites partagés contribuent à créer une culture d'entreprise qui cimente l'organisation et l'aide à avancer au fil des à-coups de l'accélération. Elle est, en particulier, une des clés du niveau extrême d'exigence qui s'exerce sur les collaborateurs, autant en matière de compétence que d'engagement.

Et dans une grande entreprise ? L'absence de culture commune commence à ressortir comme un handicap sévère, mais il faudra beaucoup de temps et d'efforts avant d'y pallier. Pour cette raison, entre autres, les salariés peu impliqués restent les plus nombreux et, surtout, ils poursuivent des objectifs personnels (généralement de promotion hiérarchique) qui ne convergent pas avec les intérêts de leur employeur.

Vient ensuite l'obsession de la mesure. Dans une startup à la recherche d'un modèle viable, les indicateurs de performance sont rois, ils sont évalués et pilotent l'activité en temps réel. En apparence, il en est plus ou moins de même dans les organisations historiques. Pourtant, il existe une différence essentielle : dans un cas, c'est toute l'entreprise qui est concernée par les mêmes indicateurs, tandis que, dans l'autre, l'écart entre la mesure et les actes du quotidien est souvent abyssal (en délai et en contenu).

Enfin, le dernier critère est celui de l'accès au financement. Celui-ci est évidemment à l'avantage des acteurs établis, à condition que les rouages décisionnels soient adaptés. En synthèse, sauf rares exceptions, les grands groupes n'ont quasiment aucune chance d'acquérir l'agilité et la capacité d'innovation des startups sans remettre en question les fondements de leur fonctionnement actuel. En attendant d'avoir opéré la transformation nécessaire, peut-être est-il préférable de confier la disruption à une entité distincte…

Accélération, par Nicolas Minvielle, Martin Lauquin et Nicolas Caruso

lundi 29 janvier 2018

Le changement de cœur de Nordea se passe bien

Nordea
Si quelques banques avaient initié, il y a une dizaine d'années, une vague de modernisation des cœurs de système informatique (« core banking »), elle s'est ensuite essoufflée et la plupart des institutions continuant à opérer des infrastructures anciennes ne se décident plus à franchir le pas. Nordea est une des rares à avoir un projet en cours.

Parce qu'il faut une certaine audace pour remettre en cause les fondations mêmes de la banque, alors qu'elles semblent encore donner toute satisfaction, elles ont été peu nombreuses à se lancer dans l'aventure. Et comme une bonne partie de ces projets (pour ne pas dire tous) ont connu des dérives importantes, de délais et de budgets, quand ils n'ont pas purement et simplement sombré dans l'échec, la frilosité vis-à-vis de chantiers pharaoniques de ce genre n'a fait que se renforcer chez les plus timorées.

Le besoin de rénovation est pourtant de plus en plus criant et les responsables informatiques s'acharnent à trouver des solutions intermédiaires qui leur permettent de réaliser les transformations nécessaires à petits pas. Hélas, les bénéfices de ces approches en demi-teinte ne sont guère probants. Nordea, qui ne voulait pas se contenter de perspectives aussi médiocres, a donc choisi la méthode « dure » et a engagé, depuis 2015, la mise en place d'un nouveau cœur (sur la base d'un progiciel).

À l'occasion de la présentation de ses résultats [PDF] de 2017, elle faisait un point sur l'avancement de l'initiative, à mi-parcours (son achèvement étant prévu en 2020). Or, contre toute attente, les réalisations progressent dans les délais prévus (le déploiement d'un premier module auprès des clients est imminent) et dans l'enveloppe budgétaire allouée (qui se mesure en centaines de millions d'euros annuels). Certes, il reste encore beaucoup à accomplir mais un exploit de cet ordre a rarement été vu dans l'histoire.

Peut-être l'expérience des pionniers aura-t-elle aidé Nordea et ses fournisseurs à éviter de répéter leurs erreurs (souvent liées à une sous-estimation des efforts d'intégration), toujours est-il que la preuve pourrait bientôt être faite que le remplacement d'un cœur bancaire n'est pas automatiquement voué au désastre. L'exemple ainsi offert ne pourrait-il pas alors donner une impulsion à toutes les banques qui hésitent encore à s'engager dans la même voie, dont la décision est difficile à prendre mais inévitable.

Nordea

dimanche 28 janvier 2018

JPMorgan en pleine régression ?

JPMorgan Chase
Parmi les différentes stratégies que les banques américaines mettent actuellement en place pour utiliser la manne financière que leur offre Donald Trump avec sa réforme fiscale, celle de JPMorgan Chase est sans contexte la plus « insolite », puisqu'elle comprend, entre autres, une extension massive de son réseau d'agences.

Entre les baisses de charge attendues et la croissance soutenue de son activité, la banque disposera, sur les 5 prochaines années, d'un pactole de 20 milliards de dollars dont elle compte investir une partie dans l'ouverture de 400 agences dans des zones où elle n'est pas présente à ce jour (telles que Washington, Philadelphie ou Boston), à comparer à son réseau existant d'environ 5 100 implantations, réparties dans 23 états. Le développement s'accompagnerait de quelques 3 000 recrutements supplémentaires.

Alors que toutes les banques du monde tendent à réduire leur nombre de points de vente, l'initiative a de quoi surprendre. Même si, au premier abord, l'idée de pénétrer de nouveaux marchés paraît justifier le besoin d'une présence physique, un minimum de réalisme devrait faire rapidement abandonner le projet. Après tout, combien de clients seront tentés de changer d'établissement grâce à la proximité d'une agence, qui, dans la plupart des cas, sera installée dans une zone urbaine déjà bien desservie ?

Et l'impression que donne la banque (avec son PDG Jamie Dimon) de cruellement manquer de vision est renforcée quand on réalise que, dans son annonce, elle ne mentionne aucun effort spécifique en matière de technologies. Aucune refonte des cœurs de système, pas de remise à plat de la banque à distance (par exemple pour offrir un service véritablement omni-canal)… Le besoin d'investissement massif dans ces domaines n'est donc toujours pas intégré par les dirigeants d'ancienne génération.

L'opportunité tendait pourtant les bras à JPMorgan Chase. Son désir d'expansion géographique, soutenu par des moyens financiers conséquents, aurait pu créer les conditions idéales pour préparer la banque de demain. Plutôt que de prolonger un modèle antique centré sur son réseau, sans d'ailleurs même envisager sa modernisation, n'aurait-il pas été plus judicieux d'expérimenter une nouvelle approche, fondée sur des technologies de pointe et conçue pour devenir le socle de son renouveau ?

Malheureusement, le choix que fait JPMorgan Chase ne fait que refléter la difficulté pour une vieille institution à admettre que ses pratiques « ancestrales » ne pourront survivre éternellement. Avec son attitude passive, qui tient de la fuite en avant, elle ne fait que se rapprocher du moment où elle ne sera plus pertinente dans un monde qui aura avancé sans elle. Je soupçonne que son projet d'ouverture de 400 agences entre 2018 et 2022, qu'il ait été mené à terme ou non, reviendra la hanter dans quelques années…

Agence Chase

samedi 27 janvier 2018

Pretto facilite la recherche de crédit immobilier

Pretto
Ce n'est pas tous les jours que j'apprends que « C'est pas mon idée ! » a inspiré la création d'une startup, aussi suis-je à la fois fier et ravi de vous présenter Pretto, un nouveau comparateur-courtier de crédit immobilier dont l'idée est née, selon ses fondateurs, de la lecture de mon billet de septembre 2016 sur le chatbot britannique Habito.

Même si son service n'est pas proposé sous la forme d'un chatbot, comme son modèle, Pretto a retenu l'idée qu'il était possible de rendre simple, compréhensible et transparent un produit financier généralement considéré comme complexe. Avec cette conviction, qui en guide la conception de A à Z jusqu'à l'obsession, sa plate-forme permet de trouver en quelques instants une solution adaptée à chaque besoin et à chaque situation, en posant moins d'une trentaine de questions au demandeur.

En apparence, on peut croire que Pretto n'est qu'un comparateur d'offres comme les autres. En effet, le traditionnel simulateur commence par consolider les caractéristiques du projet à financer et des informations sur la situation de l'emprunteur. Toutefois, quelques précisions requises – par exemple, le type d'emploi occupé – laissent entrevoir un degré de personnalisation avancé, prenant en compte des conditions spécifiques – telles que celles réservées à des travailleurs indépendants ou des entrepreneurs.

Surtout, cette phase d'approche – qui se termine par la présentation d'une série de solutions (anonymisées) sélectionnées par les algorithmes de la startup à partir des données collectées auprès d'une longue liste d'établissements de crédit – s'enchaîne avec le véritable métier et la vraie source de différenciation de Pretto : le courtage.

Accueil Pretto

Sa première particularité est l'affichage clair des règles du jeu : aucun frais supplémentaire n'est facturé à l'emprunteur, la plate-forme lui rappelant que les banques reversent une commission aux apporteurs d'affaires. D'autre part, elle ne se contente pas de mettre en relation un client avec un fournisseur de crédit. Elle accompagne la constitution du dossier, sous forme entièrement dématérialisée (avec photos des justificatifs), qu'elle se charge ensuite de soumettre aux établissements retenus.

L'ensemble de ces démarches est menée avec l'assistance d'un conseiller dédié, qui reste disponible pendant toute la durée de la procédure, par téléphone, par SMS ou par messagerie. Je ne suis pas entièrement convaincu que ce contact humain soit toujours indispensable, mais, outre son rôle de réassurance et, peut-être, de conformité aux exigences réglementaires de connaissance client, il permet d'approfondir le projet, par exemple en matière de fiscalité, d'assurance ou d'accès à des prêts aidés.

Sans être parfait (et je ne doute pas qu'il soit encore en pleine évolution), le service de Pretto offre une belle leçon : que les produits soient réellement complexes ou non, la priorité devrait toujours être de les rendre simples pour les clients, en éliminant les frictions dans leurs parcours, en misant sur une transparence totale et en concentrant les efforts sur les critères qui comptent, afin de les aider à prendre une décision éclairée.

vendredi 26 janvier 2018

Botkeeper, le chatbot comptable

Botkeeper
Dans l'état actuel de maturité de l'intelligence artificielle, ses domaines de prédilection sont ceux dans lesquels il existe un taux élevé de tâches répétitives, requérant peu d'expertise humaine. La comptabilité des entreprises est ainsi une candidate idéale, qui a logiquement inspiré la création de « botkeeper », un service hybride d'un nouveau genre.

Même si elle n'est pas toujours facile à maîtriser, la comptabilité est une de ces disciplines dont une grande partie de l'activité est consacrée à des fonctions routinières, obéissant à des règles rigoureuses et immuables. Elle se prête donc naturellement à une automatisation. Les capacités d'auto-apprentissage disponibles actuellement sur le marché permettant de modéliser les règles à appliquer dans ces cas récurrents, ce qui n'était jusqu'alors qu'une promesse futuriste peut désormais se concrétiser.

Alors que des outils spécialisés sont déjà apparus (par exemple pour la réconciliation automatique des règlements de factures), la solution proposée par « botkeeper » offre un service universel. Pour ce faire, elle combine le chatbot, capable de prendre en charge le travail courant, et une équipe d'experts comptables humains, dont les rôles comprennent l'aide à l'apprentissage et le contrôle des automates, le traitement des opérations trop complexes… et la gestion des demandes spécifiques des clients.

En pratique, le nouvel utilisateur du système se voit affecter un assistant intelligent, accessible par mail ou par tchat, et, comme dans le cas d'un cabinet traditionnel, un comptable dédié. Assistés de ce « coach », les algorithmes prennent en compte ses requêtes écrites et gèrent en toute autonomie les flux financiers capturés grâce à une connexion directe aux systèmes des banques et des établissements de carte de crédit. Ils assurent l'enregistrement des écritures, les réconciliations, l'envoi de factures…

Accueil Botkeeper

L'ensemble est intégré avec les logiciels comptables traditionnels (Xero et Quickbook Online, à ce jour), auxquels il ajoute en outre une puissante surcouche d'analyse, destinée à accompagner l'entreprise dans son pilotage. Par ailleurs, parce que des métiers distincts répondent à des règles et des habitudes différentes, « botkeeper » propose des variantes de son chatbot pour quelques spécialités particulières, telles que la restauration, les soins dentaires, l'édition de logiciel, les salles de sport…

Cet exemple représente en quelque sorte l'archétype de l'invasion de l'intelligence artificielle dans l'environnement professionnel : en confiant les tâches « mécaniques » rébarbatives à des automates, les experts se réjouissent de pouvoir exercer leur talent sur des sujets plus intéressants, tandis que les traitements comptables sont accélérés, plus fiables et moins coûteux. En apparence, le projet bénéficie à tout le monde et se veut d'autant plus rassurant qu'il laisse une place de choix à l'humain.

Des questions cruciales sont pourtant posées par la perspective que dessine « botkeeper ». Pour commencer, comment se formeront les experts de demain, qui, aujourd'hui, acquièrent leur expérience en gérant des tâches progressivement plus sophistiquées, si des robots prennent leur place dans cette phase d'apprentissage ? À plus long terme, pourquoi faudrait-il croire que les algorithmes ne parviendront pas à maîtriser toutes les arcanes de la comptabilité, ne laissant aux hommes qu'une responsabilité de communication avec les clients quand ces derniers le demandent ?

jeudi 25 janvier 2018

Ces assureurs qui abusent des données

Admiral
Alors que les usages de données en tout genre pour améliorer les analyses de risque sont encore en pleine expansion dans le secteur de l'assurance, les premiers cas de dérives inquiétantes apparaissent déjà, soulignant l'urgence d'une réflexion en profondeur sur les enjeux éthiques et sur les solutions à mettre en place pour éviter le pire.

L'alerte nous vient de Grande-Bretagne et vise au premier chef Admiral, une compagnie qui n'en est pas à ses premiers déboires dans l'exploitation agressive de l'information, ayant été épinglée en 2016 pour son usage des données de profil de ses clients sur Facebook. Cette fois, ce sont ses pratiques en matière de tarification qui suscitent des interrogations, dans deux occurrences distinctes, l'une résultant d'une enquête du régulateur (la FCA), l'autre étant à porter à l'actif d'un quotidien (le Sun).

Dans le premier cas, ce qui suscite l'attention est l'influence du domaine de messagerie du client sur le prix de son assurance. Celui qui fournit une adresse Hotmail (mr.x@hotmail.com) paye en effet son contrat jusqu'à 30 livres sterling plus cher que celui qui possède un compte GMail (mr.y@gmail.com). Les responsables d'Admiral n'hésitent pas à confirmer cette différence, qui concerne d'ailleurs d'autres fournisseurs que Hotmail, en indiquant que leurs recherches établissent un risque plus élevé pour ces personnes.

Le deuxième exemple est potentiellement plus polémique puisqu'il semblerait qu'une même police puisse être proposée avec un écart de tarif de presque 1 000 livres, selon que le souscripteur s'appelle John Smith ou Mohammed Ali (les pseudonymes utilisés par les journalistes). Là également, bien qu'aucune réaction officielle ne soit mentionnée, il est probable que c'est une analyse statistique qui conduit à cette différence, repérée aussi, quoique dans des proportions plus modérées, chez d'autres assureurs.

Ces pratiques, réelles ou supposées, soulèvent deux types de questions existentielles. Tout d'abord, la FCA émet un doute sur la validité de l'hypothèse retenue pour introduire une discrimination par les adresses mail. Plus précisément, et le raisonnement est généralisable à d'autres informations, il est possible qu'existe une corrélation dans les données que possède l'assureur mais elle n'implique pas nécessairement le lien de causalité qui justifierait de retenir un tel critère dans la fixation du tarif.

Plus difficile à gérer, le deuxième sujet est celui de l'éthique. Car, même si les modèles mathématiques mis en œuvre sont corrects, quelle est la limite raisonnable à leur application ? Les approches d'assurance basée sur l'usage, mesurant le comportement du conducteur, ouvraient le débat alors que leur adoption était soumise à un accord explicite et l'installation d'un équipement spécifique. Quels seront demain les recours des consommateurs face à des décisions dont ils ne connaitront pas les motivations ?

En prolongeant encore la réflexion, arrive inévitablement le sujet de la nature même du produit d'assurance : que devient son principe originel de mutualisation des risques si, au fil de l'application d'algorithmes de plus en plus pointus sur une masse de plus en plus importante d'information, le prix payé par chaque client est ajusté à son risque individuel ? Cette perspective est-elle acceptable ? Ou faut-il prendre les mesures pour éviter d'en arriver là ? Dans ce dernier cas, le cas d'Admiral signale une urgence…

Admiral

mercredi 24 janvier 2018

ABN AMRO est inspirée par la FinTech

Franx
Les banques historiques peuvent répéter qu'elles ne craignent pas la menace des startups de la FinTech, certaines d'entre elles ont au moins l'intelligence d'en tirer une inspiration utile pour leurs propres activités. Le lancement de la nouvelle offre Franx par ABN AMRO ressemble fort à un exemple de ce genre de démarche.

Franx est un « simple » compte courant destiné aux quelques 50 000 petites et moyennes entreprises néerlandaises qui réalisent plus ou moins régulièrement des échanges en dehors de la zone Euro. Il leur propose une solution inédite qui leur permet, sur la base d'un IBAN unique, d'encaisser et de payer en 26 devises différentes. Naturellement, la plate-forme – dont les fonctions peuvent être personnalisées – permet également de suivre les marchés de devises et d'exécuter des opérations de change.

Franx intègre en outre une option de couverture des risques de change, dont il faut espérer qu'elle est simple à appréhender pour des responsables de PME probablement dépourvus d'expérience approfondie de ces problématiques. L'objectif d'ABN AMRO à travers cette initiative est de fournir un service capable de répondre à tous les besoins de la cible de clientèle visée (qui peut, en l'occurrence, être qualifiée de niche) en adaptant au mieux les produits et les modalités d'accès à son profil et ses contraintes.

Accueil Franx

En ce sens, la démarche de la banque s'apparente à ce qu'on pourrait attendre d'une startup. Ce n'est pas tout à fait un hasard, car Franx s'inscrit dans une série d'initiatives FinTech (elle en est la troisième instance), qui voit la création de filiales séparées, mixant des compétences financières et « digitales » afin de répondre à la demande croissante pour des solutions en libre service, sans abandonner les clients qui préfèrent un modèle de conseil et d'expertise plus traditionnel toujours disponible chez ABN AMRO.

En complément, et bien que quelques défauts de grande structure subsistent (par exemple sur le manque de transparence des taux de change), Franx laisse entrevoir la possibilité que son concept ait été fortement inspiré par des jeunes pousses existantes – je pense immédiatement à Kantox ou, dans une moindre mesure, TransferWise. Il faut admettre qu'il est (tristement) rare que des banques parviennent à s'approprier des idées innovantes de la FinTech et peut-être sa séparation du vaisseau amiral aide-t-il la petite équipe qui est à l'origine du projet à se frotter à cette concurrence directe.

mardi 23 janvier 2018

Chassez le naturel (de la banque)…

Zelle
On ne peut nier que certaines banques font des efforts pour se transformer et mieux répondre aux attentes de leurs clients, essayant même de répliquer les meilleures pratiques des startups pour ce faire. Hélas les vieux réflexes ont la vie dure : il arrive toujours (?) un moment où le vernis craque et fait ressurgir leurs travers endémiques.

La revue American Banker relatait récemment un cas typique de ce fléau de l'innovation, généralisé dans pratiquement tous les grands groupes de la planète. Au cœur de l'« affaire » figure Zelle, une solution de paiement entre particuliers (« P2P ») créée par un consortium de banques américaines, qui permet simplement à tout détenteur d'un compte, dans n'importe quel établissement du pays, d'envoyer et de recevoir de l'argent (en temps réel) en fournissant le numéro de téléphone ou l'adresse mail de son correspondant.

Après des débuts difficiles (sous le nom de clearXchange) à partir de 2011, le nouveau lancement commercial à l'automne dernier a rencontré son public et, étonnamment, les utilisateurs du service se dénombrent désormais en millions. Sur un marché dominé par Venmo, la filiale de PayPal, ce succès semble confirmer que, pour une fois, les institutions historiques parviennent à faire aussi bien qu'une jeune pousse de la FinTech, en offrant à leurs clients un outil pratique, rapide, convivial et adapté à leurs besoins.

Hélas, le paysage n'est pas entièrement rose. Il suffit de consulter les avis d'utilisateurs sur les App Stores mobiles pour se rendre compte que quelque chose cloche : même si la note moyenne n'est pas catastrophique, le nombre de commentaires négatifs est beaucoup trop élevé. Et le problème le plus fréquemment cité est effectivement gênant puisque des destinataires de fonds expliquent être dans l'incapacité de créer un compte Zelle afin de pouvoir collecter leur dû. Autrement dit, ils n'ont pas accès à leur argent !

Accueil Zelle

Selon une dirigeante de Zelle interrogée par la rédaction d'American Banker, la raison de ces plaintes est parfaitement connue : parce que les transferts d'argent sont quasiment instantanés, la procédure d'enrôlement fait l'objet d'une validation d'identité et de contrôles anti-fraude extrêmement rigoureux, qui, malheureusement, induisent parfois des rejets abusifs. Et d'ajouter que les occurrences d'incidents de ce genre sont peu fréquentes et que la plupart des utilisateurs sont totalement satisfaits.

Voilà un discours typique de banquier, insupportable au XXIème siècle ! Même s'il ne s'agit que de quelques cas isolés, il n'est pas tolérable de laisser des consommateurs sans moyen de retirer leur argent, sans aucune solution de repli et sans la moindre information ou la plus petite alerte préalable. Les justifications de sécurité et de protection sont peut-être légitimes mais il faut bien avoir une mentalité d'entreprise antédiluvienne pour mépriser à tel point les exigences de qualité de l'expérience client.

Comment réagirait une startup (performante) dans des circonstances similaires ? La première règle appliquée serait la transparence. Si des incidents se produisent et que leurs causes sont connues (plus ou moins précisément), les utilisateurs sont prévenus par avance et, lorsqu'ils en sont victimes, ils obtiennent une explication claire et sont orientés vers une procédure de secours. Enfin, naturellement, des efforts sont engagés afin de résorber le problème à la racine. Mais tout ceci n'est-il pas une évidence ?

Apparemment non, et la logique de la majorité (ou de l'acceptation d'une part de « rebut ») dans la distribution des services continue à prévaloir au sein des institutions financières, qui ne semblent pas se rendre compte que l'exclusion d'une infime minorité de clients peut tout de même avoir des conséquences dramatiques à l'ère de la communication universelle. À ce rythme d'intégration des enjeux du monde moderne, la FinTech n'est pas près d'être rattrapée par les banques traditionnelles…

lundi 22 janvier 2018

Les chatbots deviennent plus intelligents

KBC K'ching
Quelques mois seulement après l'apparition des premiers chatbots bancaires, expérimentaux, il semblerait qu'une deuxième génération de solutions soit déjà en train d'émerger, aussi bien dans des startups de la FinTech que dans des banques traditionnelles, avec de nouvelles promesses de richesse fonctionnelle et de convivialité.

L'actualité récente tend à confirmer que les automates maladroits des débuts sont maintenant dépassés. Ainsi, la solution du comparateur britannique Nuvo, intégrée dans Facebook Messenger, permet de trouver le meilleur crédit pour un besoin précis à travers une véritable conversation qui, de surcroît, peut être interrompue et reprise à tout moment sans perte de contexte : le robot est désormais doué de mémoire et, tout comme un conseiller humain, il est capable de suivre un raisonnement dans la durée.

Autre exemple de changement d'échelle dans les capacités des outils de ce début 2018, le chatbot Ceba de l'australienne Commbank (Commonwealth Bank of Australia), déployé progressivement auprès des 6,2 millions de clients utilisant son application mobile (au cœur de laquelle il est hébergé), se vante de prendre en charge 200 tâches financières différentes, dont il affirme comprendre environ 60 000 manières distinctes de les solliciter, ce qui est évidemment un facteur important de satisfaction.

Dernier cas, sur lequel je souhaite m'attarder un peu plus, bien qu'il soit loin d'être abouti (puisque, en particulier, il ne fait que prodiguer des recommandations et, à défaut de connexion directe aux systèmes de la banque, ne peut pas exécuter lui-même d'opérations) : K'Ching de la belge KBC. L'objectif de ce chatbot, motorisé par la technologie Watson d'IBM, est en effet sensiblement différent de ses congénères, car il contribue à une expérience personnalisée pour une cible de clients spécifique.

KBC K'ching

En l'occurrence, K'Ching est d'abord une application mobile destinée aux plus jeunes détenteurs de compte dans la tranche d'âge des 10-24 ans à laquelle s'adresse l'offre correspondante (sachant que les plus âgés ont à leur disposition l'application « standard » de KBC). En conséquence, sa conception est entièrement axée sur les attentes des adolescents, avec des mécanismes inspirés de leurs plates-formes favorites : affectation de photos et de surnoms aux contacts, possibilité de changer de thème graphique…

Dans cette logique, l'interface conversationnelle proposée par le chatbot constitue un incontournable, directement alignée avec les habitudes de ses utilisateurs privilégiés. Mais cette ambition requiert une attention particulière à un aspect du comportement « normal » des 15-17 ans qui en sont les principaux adeptes : leur langage et leur manière de communiquer – mélangé d'abréviations, d'expressions originales, d'emojis – différents de ceux de leurs aînés doivent non seulement pouvoir être compris mais également adoptés par l'automate lui-même pour inspirer confiance et fidélité.

En dépit de statistiques globales encore relativement modestes (120 000 questions posées par 24 000 clients en 8 mois, dans une version exclusivement en flamand, toutefois), le fait que de nombreuses conversations durent plus de 15 minutes semble valider l'approche de KBC… et les progrès rapides de l'intelligence artificielle en matière d'empathie avec les personnes, ce qui reste bien entendu le défi le plus critique de la mise en œuvre de chatbots dans la relation client et la clé de leur acceptation.

dimanche 21 janvier 2018

Yahoo attaque la banque !

Tanda
Bien que son aura ait sensiblement diminué au cours des dernières années, Yahoo (renommée Oath depuis son acquisition par Verizon) n'en reste pas moins un géant du web et sa nouvelle application Tanda représente une incarnation, pour le moins intéressante, de la menace que ces acteurs font progressivement peser sur le secteur financier.

En ciblant les jeunes adultes avec une solution d'épargne et de crédit qui joue intelligemment sur leurs réflexes collaboratifs et sociaux afin de répondre aux défis de leur vie quotidienne, Tanda peut en effet être considérée, dans une certaine mesure, comme une concurrente sérieuse des cartes de crédit classiques (et parfois pernicieuses). Et, comme elle introduit en outre une perspective pédagogique des bonnes pratiques de gestion financière au cœur de son approche, elle a tout pour séduire…

Mais de quoi s'agit-il ? En pratique, Tanda est une simple déclinaison du système de tontine traditionnel. Le nouvel utilisateur est donc invité à constituer ou rejoindre un groupe de 5 ou 9 personnes, dans le but de créer une cagnotte en commun : toutes les deux semaines ou tous les mois, chacun contribue une somme identique et l'un des membres, à tour de rôle, collecte la totalité des dépôts ainsi accumulés. À ce dispositif de base, Yahoo ajoute quelques fonctions pour plus de sécurité et d'engagement.

En particulier, plusieurs mécanismes sont mis en place pour établir la confiance indispensable entre les membres d'une tontine (assurée par la relation de proximité dans le modèle d'origine). En premier lieu, l'identité des participants est rigoureusement contrôlée lors de l'enrôlement (par le partenaire en charge des transferts financiers, Dwolla). Surtout, Tanda gère un équivalent social relativement sophistiqué d'un score de crédit de ses utilisateurs, qui lui permet de garantir la subrogation en cas de défaut.

Accueil Tanda

Cette notation évolue au fil des usages : partant d'un niveau minimal à l'inscription, elle s'accroît au fil des cagnottes menées avec succès et se trouve pénalisée par les incidents (retards dans une contribution, retrait prématuré d'un groupe…). Or, au moment d'entrer dans un groupe, chaque participant peut choisir sa position dans l'ordre des remboursements mais les premières places (qui donnent accès à un vrai substitut à un crédit) sont réservées à ceux qui ont un score élevé, et sont donc les plus fiables.

Toujours selon cette même logique de maîtrise des risques, Tanda limite également le montant des cagnottes accessibles selon le score des contributeurs, le maximum de 2 000 dollars étant réservé aux utilisateurs « premium ». Dans un autre registre, d'incitation aux comportements financiers responsables, l'application prélève une commission sur les deux premiers versements (ceux qui correspondent à une avance) et, inversement, offre un bonus de 2% à celui qui choisit d'être le dernier bénéficiaire.

Jusqu'à ce jour, les incursions des géants du web dans l'univers de la finance personnelle sont restées plutôt discrètes. L'initiative de Yahoo est pourtant représentative du potentiel de ces acteurs, entre leur large base de clients fidèles et leur capacité à capitaliser sur la culture des jeunes générations. Il ne faut pas s'y tromper : d'une manière ou d'une autre, le mouvement prendra de l'ampleur et risque de surprendre les institutions qui ne s'y seront pas préparées en apprenant à manier les « codes » du monde moderne.

samedi 20 janvier 2018

L'innovation, sport d'équipe ou individuel ?

Deutsche Bank
Voilà un intéressant débat que soulève Deutsche Bank à travers sa nouvelle pensée de la semaine sur Twitter. Derrière un titre surprenant et contre-intuitif – l'innovation n'est pas un sport d'équipe –, se cachent quelques idées qui méritent un instant d'attention, ne serait-ce que parce qu'elles posent des questions rarement abordées dans les entreprises.

Le message relayé par la banque est en fait celui de Verena Bahlsen, fille du dirigeant actuel du groupe alimentaire Bahlsen, qui vient elle-même de créer une nouvelle activité. Ce qu'elle sous-entend à travers son slogan percutant, c'est qu'il serait plus facile pour une structure familiale d'innover car, contrairement à une entreprise cotée en bourse ou une startup, elle n'a de comptes à rendre à personne pour se lancer dans une aventure à l'issue incertaine telle que l'innovation : le « chef » peut décider seul.

Dans un certain sens, l'affirmation de Verena Bahlsen est tout à fait incontestable : il est définitivement plus expéditif et plus simple de démarrer un projet quand on est seul maître à bord que quand on doit au préalable obtenir un accord d'associés, d'actionnaires et/ou d'investisseurs. Une variante de ce raisonnement est d'ailleurs fréquemment citée dans les grands groupes, selon laquelle il serait impossible d'y développer une culture d'innovation si la volonté n'en est pas d'abord initiée et portée par le PDG.

Mais le pouvoir de décision individuel suffit-il à garantir le succès ?

Innovation ist kein Teamsport

Naturellement, une fois l'initiative lancée, il faudra généralement rassembler une équipe pour son exécution et l'amorçage solitaire se transforme donc rapidement en effort collectif. Mais, surtout, il est possible d'envisager la démarche différemment. En effet, l'innovation est d'abord un exercice de conviction. À un moment ou un autre, il faudra au moins parvenir à persuader des clients d'adopter le produit qu'on veut leur proposer. Or il est utile de se confronter à cette réalité le plus tôt possible dans le parcours.

Les conditions ne seront pas toujours optimales – par exemple, dans le cas où il faudra négocier avec un directeur traditionaliste dans une entreprise centenaire plutôt qu'avec un capital-risqueur qui vient d'investir dans une jeune pousse technologique – mais la nécessité de présenter son idée et de devoir séduire avec elle un interlocuteur a priori indifférent a aussi d'indiscutables vertus, pour une première validation de son opportunité et afin d'identifier rapidement les éventuels ajustements nécessaires.

En ce qui me concerne, je persiste à penser que l'innovation ne peut être qu'un sport d'équipe. Bien qu'il soit infiniment plus confortable de ne pas avoir à défendre son projet avant de le commencer, la confrontation au scepticisme, aux questions gênantes, aux hypothèses pessimistes… est salutaire. Et, inversement, le besoin de recueillir un accord, le fait d'être challengé ou l'absence de dirigeant visionnaire… ne doivent point être utilisés, ainsi qu'on le voit trop souvent, comme excuses pour ne rien tenter.

vendredi 19 janvier 2018

Non, le DSI n'est plus sponsor de l'innovation

Gartner
N'en déplaise à ceux qui, comme on peut encore le lire régulièrement, persistent à croire que la Direction des Systèmes d'Information a vocation à entraîner le reste de l'entreprise dans l'adoption des nouvelles technologies, la révolution « digitale » entraîne nécessairement une autre distribution des responsabilités en matière d'innovation.

L'approche était logique il y a 40 ans. L'informatique était alors l'innovation en soi, elle n'était maîtrisée que par des spécialistes, à qui on confiait la mission d'identifier les meilleures opportunités d'utilisation (quasi exclusivement à des fins d'automatisation de tâches manuelles) et leur mise en œuvre opérationnelle. Ce modèle historique a perduré jusqu'à maintenant, en particulier dans les services financiers, parce que, dans une certaine mesure, la technologie n'intéressait pas les dirigeants des lignes métier.

Aujourd'hui, cependant, la roue tourne : il devient évident que l'organisation dans son ensemble doit porter la transformation « digitale » et l'innovation, et que les exigences de réactivité et de flexibilité imposent à chacun de savoir répondre rapidement aux attentes des clients, en sachant capitaliser sur toutes les ressources disponibles. Le rôle incombera donc de plus en plus aux équipes qui sont en première ligne de dompter et exploiter les technologies afin de satisfaire les besoins de manière optimale.

La DSI, de son côté, a d'autres chats à fouetter. Avec quelques décennies de passif logiciel à gérer, sa priorité est de veiller au bon fonctionnement des applications existantes et à l'efficacité des processus industriels du Système d'Information. En parallèle, comme toutes les autres directions de l'entreprise, elle doit aussi innover. Mais il s'agit, en l'occurrence, d'explorer, expérimenter et déployer des solutions qui lui permettent de mieux répondre à ses objectifs de fiabilité, de robustesse, de sécurité…

La rupture peut paraître difficile à accepter pour ceux qui ont connu une autre époque, mais il leur faudra se rendre à l'évidence : deux métiers radicalement différents ont progressivement émergé de la mutation technologique et il ne serait pas raisonnable d'intégrer sous une même gouvernance le maintien en conditions opérationnelles du cœur de réacteur d'une banque et le pilotage de la transformation « digitale » et de l'innovation. Et c'est pourquoi, en attendant sa diffusion dans toute l'entreprise, ce dernier est dorénavant confié à une structure spécifique et à son responsable dédié, le CDO.

Concept

jeudi 18 janvier 2018

Revolut se lance dans l'assurance

Revolut
Avant de se transformer en néo-banque, Revolut était (et reste) avant tout la plate-forme financière des globe-trotters. Quoi de plus normal, en conséquence, pour elle que d'intégrer une assurance voyage au sein de son offre ? Mais, trublion oblige, sa solution se démarque de (presque) tout ce qui existait jusqu'à maintenant dans le domaine.

Les clients de Revolut se déplacent en moyenne 13 jours par an dans un pays étranger. Les produits d'assurance traditionnels – dont la souscription n'est généralement prévue que sur des périodes pré-déterminées, plutôt longues (fréquemment à l'année), et à un coût relativement élevé – sont donc peu adaptés aux besoins d'une majorité d'entre eux. C'est pourquoi la jeune pousse leur propose désormais une couverture médicale et dentaire facturée à la journée, à partir de moins de 1£ ou 1€, et d'accès simplissime.

Il suffit en effet au consommateur d'activer, à tout moment, l'assurance dans l'application mobile de Revolut pour initialiser sa mise en place : dès cet instant, tout franchissement de frontière détecté par le mécanisme de géolocalisation du logiciel enclenche (ou suspend, au retour) automatiquement la police, et sa facturation. En option, il est également possible d'étendre le contrat à ses proches ou d'inclure une couverture spéciale pour les sports d'hiver (moyennant un supplément de prime, bien sûr).

Assurance Revolut

En synthèse, l'ambition de Revolut est de fournir à ses clients la tranquillité d'esprit que procure, par définition, une assurance, en leur garantissant de payer le juste prix selon leur usage et en réduisant au maximum les complications administratives grâce à un processus totalement transparent, finalisé en deux clics (bien que, de ce point de vue, il semblerait que la gestion de sinistre, pilotée classiquement par l'intermédiaire d'un centre d'appel, ait encore quelques progrès à faire). Pour les grands voyageurs, il existe d'ailleurs un forfait annuel, qui est en outre intégré dans l'offre de compte premium.

En dépit de quelques écarts de parcours parfois moins clairs (par exemple l'ajout de capacités d'achat et revente de crypto-devises), cette nouvelle initiative nous rappelle la stratégie de Revolut : en partant d'un segment de clientèle identifié (en l'occurrence, les personnes amenées à se déplacer à l'étranger), il s'agit d'offrir une expérience utilisateur intégrée, capable de satisfaire tous ses besoins financiers, de la manière la plus simple, transparente et économique possible. L'opposé d'une banque universelle…

mercredi 17 janvier 2018

Lunchr optimise l'« expérience déjeuner »

Lunchr
Soixante-dix ans après son invention, le titre restaurant, devenu une véritable institution pour des millions de salariés français (entre autres), est en passe de connaître sa révolution « digitale » avec le lancement de Lunchr, qui ne se contente pas d'adopter un support de paiement moderne mais revisite la totalité de l'expérience utilisateur.

Quiconque, consommateur ou commerçant, a déjà utilisé un ticket restaurant, un chèque déjeuner ou l'une de ses autres déclinaisons commerciales – sous forme imprimée, de carte à puce ou même sur smartphone (avec Apple Pay, chez Edenred) – a certainement vécu les frustrations de l'acceptation incertaine dans les points de vente, du rendu de monnaie interdit, du crédit insuffisant ou du dépassement de plafond imposant de régler ses dépenses en deux fois en faisant perdre son temps à tout le monde…

Avec Lunchr, toutes ces petites irritations du quotidien seront oubliées, progressivement. Par exemple, son support est une carte Mastercard, immédiatement compatible avec les terminaux de paiement de plus de 180 000 restaurants et autres boutiques d'alimentation dans l'hexagone. À terme, il devrait aussi être possible de compléter les allocations réglementées par un mécanisme de « top-up » permettant de n'avoir à utiliser qu'un moyen de paiement quelle que soit la situation du compte de titres restaurant.

Mais Lunchr introduit une rupture bien plus importante en abordant le marché avec une perspective inédite. Sa solution n'est en effet pas considérée comme un simple instrument de paiement, elle se positionne comme un assistant complet de l'organisation du déjeuner des salariés. Pour ce faire, la startup capitalise sur son application mobile existante – publiée depuis plus d'un an –, qui permet de rechercher un restaurant, de pré-commander et pré-régler un repas… et aussi de bénéficier de promotions.

Accueil Lunchr

Ce dernier aspect souligne d'ailleurs une dimension sociale de l'approche de Lunchr, visant à catalyser les relations entre collaborateurs dans les entreprises. Dans cette optique, l'application prend en charge les commandes de groupe, qui peuvent donner lieu aux réductions promises (jusqu'à 30%), tout en intégrant le principe du paiement individuel. L'ambition est de contribuer de la sorte à la vie communautaire, à des rencontres impromptues (on n'est pas loin du concept de Never Eat Alone)…

Par sa thématique spécifique, jusqu'à maintenant vierge de toute disruption, et en attendant que la tendance n'affecte l'ensemble du secteur (des paiements et au-delà), le domaine des titres restaurant se prête naturellement à une transition vers l'immersion (presque) invisible des services financiers au cœur de l'expérience utilisateur. Lunchr propose ici une brillante démonstration de la faisabilité de ce principe grâce aux technologies modernes et de ce qu'il peut apporter concrètement au consommateur.

mardi 16 janvier 2018

Faciliter la navigation dans la banque mobile

BBVA Compass
Confortée dans sa stratégie par l'explosion de ses ventes « digitales », BBVA se trouve maintenant confrontée à un terrible dilemme : d'un côté, elle est convaincue qu'elle doit offrir l'ensemble de son catalogue sur tous les canaux de distribution, mais, de l'autre, elle peut craindre de rendre son application mobile peu conviviale par excès de richesse.

Avec la nouvelle version de sa solution, déjà fréquemment distinguée comme l'une des plus performante du marché, la filiale américaine du groupe espagnol expérimente une approche originale. À tout moment et où qu'il se trouve dans sa navigation, l'utilisateur peut en effet accéder à un moteur de recherche des options disponibles : il lui suffit de saisir quelques caractères de ce qu'il souhaite accomplir (ou consulter) et, aussitôt, une liste de fonctions correspondantes lui est présentée, à partir de laquelle il est guidé instantanément et sans effort vers celle qu'il désire.

Cette nouvelle capacité procure un double bénéfice. Non seulement permet-elle de rendre plus facile l'accès à des opérations qui, parce qu'elles sont rarement utilisées, sont enfouies dans une succession inextricable de menus obscurs, mais, en outre, si elle est mise en œuvre intelligemment, elle ouvre la possibilité d'une meilleure compréhension mutuelle entre la banque et ses clients, en évitant d'exiger de ces derniers d'apprendre le jargon du secteur, comme l'illustrent à l'envi les sites et applications courants.

Grâce à un moteur de recherche un tant soit peu sophistiqué (qui devrait, notamment, s'affiner et s'enrichir continuellement), il devient ainsi possible d'imaginer que chaque personne utilise son vocabulaire habituel pour accéder en deux gestes à n'importe quelle fonction, information, produit ou service de l'univers de la banque…

BBVA Compass Mobile

Quelques établissements (par exemple ING) préfèrent – avec le même objectif de simplifier la navigation au sein de leurs plates-formes – placer la priorité sur les assistants vocaux. Il faut néanmoins admettre que tous les utilisateurs ne seront pas nécessairement à l'aise avec l'idée de parler de leurs finances personnelles à haute voix, ne serait-ce que parce que certains contextes ne s'y prêtent pas. Et, autre approche en vogue, une interface conversationnelle représente un projet bien plus conséquent…

Diverses solutions, plus sophistiquées, seraient également envisageables au sein d'une application bancaire : je reste, en particulier, surpris que l'introduction de techniques prédictives pour anticiper les besoins des consommateurs (comme l'esquissait Ally Bank dès 2015) n'ait pas connu plus de succès. Toujours est-il que, dans une ère qui demande à se mettre à la place du client, BBVA Compass fournit une brillante démonstration d'une initiative peu coûteuse – presque triviale – pour répondre à une frustration largement répandue, que la plupart de ses concurrentes ignorent depuis trop longtemps.

lundi 15 janvier 2018

La mutation digitale de BPCE passe par l'humain

BPCE
En novembre dernier, le Groupe BPCE n'était pas la première institution financière à présenter un plan stratégique pour accompagner sa nécessaire transformation « digitale ». Son contenu lui-même n'était pas très original. En revanche, sa mise en place d'un accord pour le développement des compétences des collaborateurs est plus inédit.

Bien sûr, toutes les grandes entreprises se veulent rassurantes auprès de leurs salariés quand elles évoquent les mutations de notre époque. Malheureusement, ce ne sont souvent que des promesses sans lendemain et les mesures concrètes qui les suivent sont, au mieux, symboliques. En comparaison, les six engagements que prend BPCE avec ses partenaires sociaux font figure d'exception… alors qu'ils devraient représenter un passage obligé pour la survie des organisations traditionnelles au XXIème siècle.

Tous les enjeux de la transition à l'ère « digitale » sont couverts par l'initiative. L'appropriation des nouvelles technologies figure évidemment de manière proéminente au programme mais elle côtoie aussi l'exigence de faire progresser l'esprit de service – indispensable, et pourtant trop souvent oublié, dans une vision centrée sur le client – ou l'introduction de pratiques managériales rénovées, l'adaptation de l'expérience collaborateur, sans négliger l'épineux et néanmoins incontournable sujet de la mobilité.

Le mérite de BPCE à travers cette approche est de mettre fin à une habitude universelle dans les grands groupes d'occulter (volontairement, dans la plupart des cas) le besoin profond de faire évoluer les modes de gestion des « ressources humaines » dans un monde en mutation. Ainsi, quand tout le monde affirme que, demain, chacun d'entre nous devra être en apprentissage permanent et changer de métier régulièrement, quelle banque commence dès maintenant à revoir ses budgets de formation à la hausse ?

Comment prétendre améliorer la qualité de service rendu au client sans effort particulier pour inculquer aux conseillers (et autres salariés) ce que cela implique dans leur rôle au quotidien ? Comment développer l'agilité et la flexibilité de l'organisation sans généraliser une relation de confiance et un modèle hyper-collaboratif dans les groupes de travail ? Comment espérer plus d'efficacité sans fournir des outils ultra-performants ? Et, à terme, comment envisager une coopération harmonieuse avec des solutions à base d'intelligence artificielle sans y préparer les salariés dès aujourd'hui ?

Il ne faut pas être naïf, l'accord conclu par BPCE ne résoudra pas toute les difficultés d'un coup de baguette magique et le vœu d'Yves Tyrode, son directeur du digital, de ne laisser personne au bord de la route ne sera pas aisé à combler. Il faudra beaucoup d'énergie pour parvenir à une nouvelle situation stable, dans un modèle d'entreprise réinventé. Mais le groupe aura plus de chance de réussir que ses concurrents qui préfèrent ne rien changer à leurs pratiques (ou seulement de manière superficielle) et qui, de la sorte, trahissent leurs employés et, indirectement, leurs clients et actionnaires.

Plan stratégique de BPCE

dimanche 14 janvier 2018

La Lituanie prépare un bac à sable blockchain

Banque de Lithuanie
Probablement inspirée (et peut-être un peu agacée) par sa voisine estonienne, la Banque centrale de Lituanie annonce qu'elle prépare un bac à sable réglementaire et technologique afin de promouvoir le développement de solutions à base de blockchain. Au-delà de son emprunt aux tendances à la mode, une telle initiative a-t-elle un sens ?

Considérant que la technologie blockchain présente un gigantesque potentiel dans tous les domaines qui requièrent un haut niveau de sécurité et de crédibilité lors de la transmission d'information, par exemple pour les échanges monétaires ou la gestion de vote électronique, la banque centrale mettra en place une infrastructure spécifique destinée à toutes les entreprises, lituaniennes ou étrangères, désireuses de conduire des recherches et/ou concevoir des solutions à destination du secteur financier.

Accompagnée d'un support réglementaire (incluant notamment une assistance sur l'identification des textes applicables), la plate-forme technique, baptisée LBChain, accueillera les projets candidats à la discrétion de la banque centrale, selon des critères qui restent à préciser. Il est vrai que le dispositif n'en est qu'à ses balbutiements : actuellement en attente de confirmation d'une contribution à son financement par l'Union Européenne, son lancement opérationnel n'est pas attendu avant 2019.

LBChain

Si l'ambition des autorités lituaniennes de faire de leur place financière un espace d'accueil de la FinTech européenne est compréhensible, la méthode retenue pose question, au point de s'interroger même sur la compréhension de la blockchain qu'ont les responsables de l'initiative. Passons rapidement sur les doutes habituels vis-à-vis d'une implémentation privée, poussée ici dans ses extrémités puisque, apparemment, elle est entièrement contrôlée par une autorité centrale, ce qui paraît contradictoire jusqu'à la caricature avec le principe de confiance distribuée du concept originel.

Plus étonnant, la Banque de Lituanie se positionne sur une mise en œuvre technique de sa LBChain mais elle se cantonne à une version expérimentale, dans le cadre de son bac à sable, sans jamais évoquer le moindre passage en production. Or, soit elle n'a pas de visée sur l'industrialisation et les entreprises n'ont alors probablement que faire d'un énième fournisseur de solution logicielle, dans un marché déjà riche, soit elle veut maîtriser les déploiements mais en ne donnant aucune orientation en la matière, elle expose une immaturité consternante, et dissuasive pour d'éventuels candidats.

En prenant du recul, ce cas démontre la difficulté pour les banques centrales – en particulier celles qui, en Europe, voyant certaines de leurs prérogatives naturelles préemptées par la BCE, explorent de nouvelles pistes pour asseoir leur légitimité – à s'inscrire dans le monde « digital » moderne : en complément de leur rôle régalien, elles tentent de prendre pied dans un univers de technologie où elles manquent cruellement d'expertise pour être convaincantes et espérer séduire des « clients ».

samedi 13 janvier 2018

Le rêve technologique de Ping An

Ping An
Parfaitement conscientes que leurs activités reposent essentiellement sur l'informatique, toutes les institutions financières portent l'ambition de devenir des entreprises technologiques, aussi performantes que les géants du web. Certaines d'entre elles – à l'instar de la chinoise Ping An – prennent même cette perspective au pied de la lettre…

Quelle banque ou compagnie d'assurance n'a pas encore fait sa profession de foi, affirmant que l'évolution du monde l'oblige à se transformer et devenir comme un Google ou un Amazon du secteur ? Dans la plupart des cas, il s'agit cependant d'adapter les manières de travailler, en particulier par l'adoption d'outils plus modernes et de pratiques plus agiles. Quelques-unes considèrent toutefois qu'elles peuvent devenir fournisseurs de technologie. Plus extrême, Ping An veut en faire un pilier de son modèle.

Jalouse des niveaux de valorisation des stars de son marché, Alibaba et Tencent, qui sont aussi désormais ses concurrentes directes, la géante de la finance traditionnelle vise, à terme, à générer la moitié de ses revenus grâce à la commercialisation de sa technologie. Ayant investi des milliards dans la rénovation de ses systèmes, elle a déjà commencé à distribuer plusieurs de ses solutions à d'autres acteurs, en Chine et dans le monde. Mais cela ne représente pour l'instant qu'une goutte d'eau dans son bilan.

Si son objectif peut paraître démesuré, Ping An a tout de même quelques atouts à faire valoir, qui justifient un portefeuille conséquent de 2 400 clients pour sa division OneConnect, dédiée à ce pan de son activité. En effet, les produits qu'elle propose font partie des meilleurs de leur catégorie : par exemple, une plate-forme de banque en ligne (intégrant l'authentification biométrique) qui promet un déploiement en 6 semaines et une solution de gestion des sinistres (avec évaluation des dommages via vidéo) contribuant à une marge en assurance supérieure de 2,8% à la moyenne de l'industrie.

Prétentions boursières mises à part, la stratégie de Ping An esquisse une des tendances qui devraient façonner l'évolution du secteur financier dans les prochaines années. Face à une pression croissante sur les prix, justement entretenue par les géants de l'internet et les nouveaux entrants, les institutions financières sont contraintes de maîtriser leurs coûts tout en renforçant leur excellence technologique. Une option pour gérer cette difficile équation consiste à faire de cette dernière la base d'un modèle économique.

Certes, l'idée que Ping An devienne un fournisseur de solutions pour des établissements concurrents – plus ou moins directs – peut surprendre. Selon toute vraisemblance, l'entreprise a choisi cette voie en considérant que la principale menace qui la guette est celle d'Alibaba et Tencent et qu'elle lui impose de penser le marché autrement.

Information repérée grâce à Fabien (merci !)

Ping An

vendredi 12 janvier 2018

Belfius vise les opportunités de la DSP2

Belfius
Malgré l'agitation de ces derniers mois, la nouvelle directive des services de paiement (DSP2) entre en vigueur demain (j'écris le 12 janvier 2018) et le compte à rebours est déclenché pour l'ouverture des données bancaires aux acteurs tiers. Si de nombreuses institutions financières n'y voient qu'une menace, d'autres innovent, à l'instar de Belfius.

Pour une majorité de banques, les obligations créées par le texte européen sont en effet vécues comme un traumatisme, pour de multiples raisons, plus ou moins légitimes : perception d'une obligation de favoriser la concurrence, rupture avec un certain culte du secret, craintes pour la sécurité des informations, difficultés et coûts de mise en œuvre… Obnubilées par ces risques, elle n'ont pas voulu entendre les observateurs qui (comme moi) suggéraient que la DSP2 procurait aussi de nouvelles opportunités.

Aujourd'hui, les rares banques qui ont dépassé leurs frustrations et ont exploré les moyens de profiter de l'évolution réglementaire commencent pourtant à poindre leur nez et démontrent que l'hypothèse était réaliste. Aux côtés des initiatives de startups (telles que Starling Bank), la place de marché d'API de BBVA, ouverte en mai dernier, en était une première illustration. La promesse par Belfius d'agréger tous les comptes de ses clients (quelle qu'en soit la banque) dans son application mobile en est une autre.

L'idée peut paraître relativement banale puisqu'elle a déjà été implémentée par plusieurs banques dans le monde (en France, Boursorama, par exemple, était pionnière). Mais, d'une part, aucune ne semble avoir franchi le pas en Belgique, à ce jour. D'autre part, Belfius prolonge sa démarche jusqu'aux limites permises par la nouvelle réglementation, en offrant à ses clients la possibilité d'intégrer les comptes détenus dans tous les pays européens et la capacité d'émettre des paiements depuis tout compte connecté.

Nouveautés Belfius

Ainsi enrichie, l'application mobile de Belfius porte l'ambition de devenir une véritable arme de conquête et de fidélisation des clients. La stratégie consiste « simplement » à proposer aux consommateurs de réaliser 99% de leurs opérations financières (consultation des soldes et de l'historique de transactions et exécution de paiements) sur la « meilleure » plate-forme du marché, quel que soit l'établissement teneur du compte. La banque peut ainsi espérer monopoliser la relation et accaparer le 1% d'actes restants, qui correspond essentiellement à des ventes à forte valeur ajoutée.

Grâce à la DSP2, Belfius va donc initier une offensive concurrentielle sur la qualité de son expérience en ligne et mobile, auprès de ses clients multi-bancarisés. Autrement dit, plutôt que de se plaindre et se poser en victime des exigences d'ouverture de ses services, elle préfère considérer que l'« open banking » est une tendance incontournable, attendue (indirectement) par les clients, et qu'elle représente une excellente occasion de prendre de l'avance sur le développement de la banque de demain.

Actualité signalée par Éric (merci !)

jeudi 11 janvier 2018

Carapass, l'assurance qui cache un coach

Carapass
Quand Boursorama lance [PDF] une assurance automobile innovante, elle met d'abord en avant son modèle de tarification au kilomètre. Mais ce n'est pourtant pas sa seule originalité et l'application mobile qui l'accompagne joue probablement un rôle aussi important dans la stratégie de la banque, en abordant la prévention de manière inédite.

Le produit Carapass est destiné aux conducteurs – principalement citadins – qui utilisent peu leur voiture. Il leur propose donc une facturation liée à l'usage, reposant sur un forfait fixe (modeste) pour la couverture (réglementaire) du véhicule à l'arrêt et une prime mensuelle directement proportionnelle à la distance parcourue (jusqu'à un plafond de 12 000 kilomètres annuels). Ère « digitale » oblige, la souscription se déroule entièrement en ligne en 6 questions et 5 minutes, signature électronique comprise.

Le fonctionnement du produit repose naturellement sur l'installation dans l'automobile d'un boîtier connecté « OBD » (branché sur le port de diagnostic), chargé de collecter les distances parcourues. Or Boursorama profite de cet équipement pour offrir une application mobile qui permet non seulement de suivre en temps réel le montant des primes dues (et de les comparer sur différentes périodes) mais également de retrouver les détails des trajets réalisés… et une analyse des paramètres de conduite dérivée des informations de vitesse, d'accélération et de freinage aussi recueillies par le dispositif.

Carapass pour iPhone

Certes, les applications de ce genre ne sont pas nouvelles et elles ont des vertus reconnues en matière de sécurité (et donc de réduction des risques, ce qui importe pour un assureur) car le seul fait de mesurer son comportement influe sur celui-ci. Malheureusement, leur adoption est souvent limitée : soit il s'agit de solutions autonomes qui n'intéressent pas les consommateurs, soit elles sont intégrées dans une approche « Pay How You Drive » (prix selon la qualité de conduite) dont beaucoup se défient.

Avec l'assurance Carapass, l'automobiliste est déjà incité à utiliser l'application pour maîtriser sa facture mensuelle. Dès lors, il lui faudra un minimum d'efforts additionnels pour consulter le « coach » de conduite intégré et bénéficier de ses conseils. Boursorama peut ainsi espérer capitaliser plus largement que ses concurrentes sur les changements de comportement qu'il induit chez ses clients, à partir d'une offre tarifaire attractive mais non polémique (car incontestablement objective) et sans paraître indûment intrusive.

Si l'assurance au kilomètre constitue la nouveauté la plus visible de l'initiative, il ne faut pas négliger l'impact profond que pourrait avoir la généralisation de l'usage des systèmes d'analyse de comportement au volant sur la sécurité routière