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C'est pas mon idée !

samedi 31 juillet 2021

RBC s'emballe pour la créativité

RBC
La crise sanitaire a été l'occasion pour les créatifs de tout poil de déployer leurs talents, notamment dans les secteurs de la santé, de l'éducation et du commerce. Or l'histoire nous a appris que ces élans issus de périodes difficiles tendent à se prolonger. Voilà pourquoi RBC considère que la créativité sera LA compétence de la décennie.

Entre autres exemples du passé, pensons à la renaissance qui suivit la terrible peste noire ou, un peu plus près de nous, l'enchaînement de la première guerre mondiale et de l'épidémie de grippe espagnole sur les années folles, qui m'a inspiré un précédent billet. Cependant, au-delà des références théoriques, l'observation du marché de l'emploi contemporain montre qu'il s'agit d'une réalité palpable : la demande de compétences susceptibles de contribuer à la créativité est en forte croissance depuis 2020.

Avant la pandémie, déjà, les conditions d'une transformation profonde de la société étaient réunies, y compris autour des enjeux environnementaux, et encourageaient la tendance. Celle-ci s'est trouvée instantanément stimulée par un événement aussi imprévisible que la pandémie de COVID-19, qui a fait émerger avec puissance et dans l'urgence la nécessité de réagir et penser différemment des routines habituelles. Et les efforts devront perdurer afin de résorber les faiblesses identifiées à cette occasion.

Mais, au fait, de quoi parle-t-on exactement ? Dans l'acception de RBC (qui ressemble à ce que j'assimile généralement à l'innovation), la créativité est l'intersection entre l'inventivité, qui sert à produire des idées, et la valorisation, qui les rend utiles et en assure le succès, in fine. Les qualités requises se répartissent de la sorte sur un spectre relativement large, comprenant, d'un côté, l'originalité, le raisonnement inductif, la réflexion fluide… et, de l'autre, l'esprit critique, l'analyse, la prise de décision…

RBC - Créativité

Incidemment, ce sont ces multiples facettes qui font que, en dehors de quelques génies exceptionnels, de Léonard de Vinci à (peut-être) Elon Musk, la créativité repose plus souvent sur une approche collective (à l'échelle d'une organisation, d'une ville, d'un pays…) que sur un individu isolé. Les profils types se divisent ainsi entre visionnaires, capables de changer le monde, instigateurs, sachant détecter les lacunes à combler, penseurs, aptes à relever les défis, et battants, qui se chargent de la mise en œuvre.

Autre cliché sur le sujet, de nombreuses personnes croient que la créativité est un don et que ceux qui ne le possèdent pas doivent se résigner. En fait, elle peut s'accompagner. La manière de poser les problèmes est un point de départ, notamment par l'introduction (contre-intuitive) de contraintes ou de limites concrètes, qui aident à libérer les démarches. Il est également question ici de l'acceptation de l'échec, impérative car celui-ci est un corollaire de la prise de risque, elle-même indispensable pour progresser.

Au-delà de son importance pour les entreprises et l'économie, la créativité devient aussi un point d'attention pour les travailleurs, dans tous les domaines d'activité. En effet, à l'ère de l'automatisation à outrance, les robots s'emparent progressivement des tâches mécaniques et répétitives, réduisant les options disponibles pour les humains. Or l'esprit critique, la production d'idées… échappent, pour l'instant aux capacités de l'intelligence artificielle et offrent donc une voie idéale pour préserver son avenir professionnel.

vendredi 30 juillet 2021

La stratégie développement durable de BBVA

BBVA
Certes, toutes les institutions financières ont désormais instauré une cellule chargée de leur politique de développement durable et/ou de responsabilité sociétale d'entreprise. Mais la nouvelle division globale que vient de créer BBVA va beaucoup plus loin que ses paires, en faisant en quelque sorte de ce domaine un métier à part entière.

Dans le prolongement de ses efforts d'éducation massifs à l'attention de ses effectifs, visant à insinuer les enjeux du développement durable au cœur de toutes ses activités, le groupe espagnol semble encore une fois réhausser ses ambitions à la dimension du défi auquel le secteur fait face, avec une initiative totalement inédite (à ma connaissance). En effet, la structure dont Javier Rodríguez Soler – jusqu'alors responsable pays pour les États-Unis – prend la tête n'a certainement pas d'équivalent parmi la concurrence.

Directement rattachée au directeur général de BBVA, elle reprend, naturellement, les équipes mises en place par le passé et leurs missions. Ces dernières comprennent, classiquement, la préparation de l'agenda stratégique RSE de la banque, la définition et le suivi des plans opérationnels dans ses principales zones de transformation (finance, risques, talents et culture, données, ingénierie, organisation…), notamment en appui et en coordination des efforts réalisés au jour le jour par l'ensemble des collaborateurs.

Puis, à ces fondations minimales, vient donc s'ajouter un rôle direct dans la relation avec les clients. Il s'agit, d'une part, de concevoir des produits en rapport avec la thématique du développement durable et, d'autre part, de leur apporter un niveau de conseil spécialisé, en étroite collaboration avec les autres entités de l'établissement. En outre, la division assemblera des corpus méthodologiques et conclura les partenariats qu'elle jugera utile afin d'accroître la part de revenus correspondante partout dans le groupe.

BBVA Area of Sustainability

Transformer les risques climatiques en opportunités d'ouvrir de nouveaux marchés, vierges, à travers le déploiement de solutions innovantes, est incontestablement la manière la plus efficace de faire avancer le développement durable dans nos sociétés. Et, de toute évidence, la transition qui doit s'enclencher, autant sur le plan environnemental que dans la réduction des inégalités (par exemple), aura besoin d'immenses quantités de financements, sur lesquels la créativité a toute latitude pour s'exprimer.

En synthèse, quand BBVA fait de sa responsabilité un des 6 piliers de sa stratégie, elle ne se contente pas de communication et de mesures d'apparat. Entre, notamment, son engagement d'apporter 200 milliards d'euros (sur 8 ans) de financements dans l'économie durable, sa vision d'une inscription profonde du sujet dans la culture d'entreprise et, maintenant, sa démarche proactive au cœur de son métier, elle mérite probablement son titre de numéro 1 en Europe sur ce critère (selon l'indice Dow Jones ad hoc).

jeudi 29 juillet 2021

Comment remplacer le cœur de la banque ?

Forrester
Selon Jost Hoppermann (Forrester), le remplacement des cœurs bancaires (« core banking systems ») historiques n'est plus aujourd'hui une question de bien-fondé ou de temporalité (dont la raison voudrait qu'elle soit déjà tranchée), l'enjeu serait désormais de déterminer comment procéder afin de répondre aux attentes de notre époque.

Une architecture logicielle devenue inextricable, des technologies obsolètes, exigeant des compétences devenues rares, des experts partis à la retraite, une organisation des données dépassée, une documentation fragmentaire voire inexistante, une maintenance de plus en plus difficile et coûteuse à assurer, l'impossibilité de fonctionnement en (presque) temps réel… Autant de raisons pour lesquelles les responsables tendent (enfin !) à admettre l'inéluctable nécessité de moderniser ce composant critique.

Mais quand la décision est prise (et ceux qui la reportent prennent un risque immense), il reste donc à en définir les modalités opérationnelles. Certains choix sont relativement classiques, tels que la recherche de l'équilibre optimal entre solution du marché et développement ad hoc (en général, une combinaison des deux est requise) ou l'articulation des nouvelles briques dans le paysage informatique global, interne et externe. D'autres s'avèrent plus complexes et imposent une sérieuse prise de recul.

Ainsi, le nœud de la réflexion à mener consiste à s'interroger sur la forme que doit prendre le cœur bancaire – Jost ne veut plus parler de système mais de capacités – et sur son périmètre fonctionnel. En effet, la flexibilité et l'extensibilité indispensables aux applications d'aujourd'hui, dont les contours évoluent fréquemment et les usages fluctuent en permanence, ne peuvent plus se satisfaire des approches monolithiques d'autrefois… que de nombreux fournisseurs persistent pourtant à proposer à leurs clients.

Forrester – To Replace Or Not To Replace Core Banking Systems Is Not The Question

Naturellement, les grandes orientations à privilégier sont connues : conception par services élémentaires autonomes, pour une modularité maximale, découplage du stockage des données, pour rationaliser l'exploitation de leur valeur, interfaces standardisées, pour un remplacement aisé… Il faudra toutefois encore inscrire ces qualités dans un modèle de déploiement lui-même « élastique » et susceptible d'accepter les niveaux de sollicitation soutenus autant qu'erratiques de notre monde « digital ».

Il n'existe évidemment pas (hélas !) de réponse prête à l'emploi et chaque établissement devra assembler son propre édifice, en fonction de son passif, de ses ressources (y compris humaines), de sa vision pour l'avenir, de ses contraintes spécifiques… La démarche, en revanche, sera souvent similaire : il s'agira d'abord de circonscrire le domaine d'intervention global puis d'identifier les actions prioritaires (leur décomposition fine étant facilitée par les principes de modularité retenus), le plus difficile étant alors d'élaborer la feuille de route permettant une transition en douceur, si possible (?).

mercredi 28 juillet 2021

Swift s'attaque aux transferts de faible valeur

SWIFT
L'irruption de quelques sérieux trublions, (Transfer)Wise et Revolut en tête, a en une décennie secoué le marché jusqu'alors léthargique des paiements transfrontaliers individuels. Après les tentatives de riposte un peu fades lancées par une poignée de banques, dont Santander et HSBC, voici aujourd'hui celle, plus surprenante, de SWIFT.

Pendant des siècles, les échanges d'argent internationaux reposaient essentiellement sur des mécanismes de correspondants de confiance, chacun des intermédiaires intervenant dans les opérations se faisant grassement rémunérer pour l'exécution de tâches en grande partie manuelles, donc longues, entraînant des délais conséquents. Puis est apparue l'idée qu'il était possible de faire autrement : plus simple (pour toutes les parties prenantes), plus automatique, plus rapide, voire instantanément, et à coût réduit.

En parallèle, la mondialisation a créé de nouveaux besoins parmi toutes sortes de populations, depuis les globe-trotters amateurs de longs séjours dans des pays exotiques jusqu'aux PME s'approvisionnant à l'autre bout du monde, en passant par les consommateurs faisant régulièrement leurs emplettes sur des sites web étrangers. À la jonction des deux phénomènes, les vieux processus, qui suffisaient autrefois, compromettent les chances de profiter d'une activité lucrative en pleine expansion.

Voilà pourquoi les institutions financières sont tellement soucieuses de reprendre l'initiative. Il leur faut toutefois, dans ce but, remettre profondément en cause leur existant, afin de s'aligner sur les pratiques à l'état de l'art qu'ont imposé les leaders émergents, faites de transparence absolue, de frais réduits, d'immédiateté et d'expérience utilisateur optimale. Or, comme le démontrent les premières aventures des acteurs traditionnels dans ce genre d'exercice, il ne semble guère aisé d'atteindre l'excellence.

SWIFT Go – Transforming low-value cross-border payments

Avec sa solution, déjà adoptée par une sélection d'établissements (comprenant notamment BBVA, Société Générale, UniCredit, Sberbank), représentant plus de 33 millions de transactions par an, SWIFT suit évidemment les mêmes traces. En particulier, elle étale ses promesses sur toute la palette de caractéristiques requise : rapidité, facilité d'utilisation, tarifs compétitifs, sécurité… et prédictibilité totale des délais, des prix, des taux de change appliqués. Mais peuvent-elles vraiment être tenues ?

La question se pose, car SWIFT Go ne remet pas en question les fondations des échanges par correspondant. Alors, certes, le service de messagerie, dans sa version modernisée (gpi), autorise une communication plus efficace, mais il reste toujours aux banques prenant en charge les mouvements proprement dits à améliorer leur fonctionnement interne pour obtenir les bénéfices attendus, surtout de rentabilité et d'accélération. Celles qui l'adoptent ont probablement fait l'effort nécessaire mais les autres, qui permettent de couvrir la planète, sont vraisemblablement toujours à la traîne.

Le résultat sera certainement, à court et à moyen terme, un dispositif à deux vitesses. Selon les pays et les comptes de destination de leur argent, les clients se verront peut-être offrir des conditions comparables à celles des stars du secteur ou devront se contenter des temps de transfert de l'ère du télégraphe et des traitements humains, des frais élevés et autres aléas des banques non participantes… Et, en attendant que l'emprise de SWIFT Go s'étende, les nouveaux entrants continueront à prospérer…

mardi 27 juillet 2021

Le Crédit Agricole veut sortir de la préhistoire

Crédit Agricole
Ironie de l'actualité, le jour où IBM annonce une nouvelle version du système d'exploitation destiné à sa gamme de grands systèmes (les « mainframes »), le quotidien Les Échos révèle que le Crédit Agricole aurait engagé un vaste programme destiné à réduire progressivement l'emprise de ces derniers au sein de son parc informatique.

Ce sont les machines d'une autre époque, sans internet ni smartphone, dont la mission consistait à faciliter la tâche des conseillers installés à un poste fixe dans une agence physique. Cinquante ans plus tard, elles prennent toujours en charge une part importante des traitements de la plupart des institutions financières et bien que ceux-ci soient aujourd'hui radicalement différents de l'automatisation d'autrefois, sous la pression des nouvelles attentes des clients, leur modèle d'architecture reste globalement inchangé.

Certes, IBM a continuellement amélioré son produit (et son écosystème) et l'a régulièrement enrichi de capacités additionnelles (la dernière mouture de z/OS met, par exemple, l'accent sur l'intelligence artificielle). Pourtant, au fil du temps, ses utilisateurs ont dû introduire dans leur panoplie des composants supplémentaires, notamment dans le but de supporter efficacement les usages en ligne de leurs clients reposant sur des applications qui n'ont jamais été conçues ni vraiment modernisées dans ce but.

En première ligne des débats sur le poids de l'histoire, le matériel n'est pas spécialement en cause (après tout, les ordinateurs d'IBM fonctionnent bien), mais plutôt l'inertie de ses adeptes. Profitant de la stabilité de leur infrastructure, ils ont rarement rencontré une occasion de remettre en cause leur investissement et ont donc laissé s'accumuler le patrimoine logiciel qu'elle héberge sans prendre garde à son obsolescence. En revanche, dès que la question est soulevée, elle doit couvrir la pyramide dans son ensemble.

En effet, dans l'hypothèse d'une rénovation totale, il subsiste bien peu d'arguments en faveur du « mainframe » face à des générations de technologie plus récentes, aussi robustes, moins coûteuses, pour lesquelles les compétences sont (assez) facilement disponibles… Les critères brandis sont généralement suspects ou fallacieux (dont celui de la sécurité, évoqué par Les Échos, qui n'est, dans une large mesure qu'un leurre dangereux, comme le soulignent les alertes émises de temps à autres).

IBM z15

Apparemment, les décideurs du Crédit Agricole tiennent un raisonnement similaire et aboutissent désormais à la seule conclusion envisageable : l'heure est venue de dégager la banque de sa dépendance aux « mainframes » d'IBM (qui porteraient 80% de ses processus), de manière à mieux capitaliser sur les outils de pointe et, probablement, à terme, rationaliser et simplifier les fondations du système d'information (car les strates de composants successives ont souvent conduit à un galimatias inextricable).

De toute évidence, un chantier brut de remplacement serait titanesque et paraît bien trop risqué pour l'entreprise. Alors, elle procèdera par étapes, dont la première, qui devrait s'étaler au moins jusqu'à 2025, comportera trois axes complémentaires : l'endiguement (éviter au maximum le déploiement de nouvelles fonctions sur le « mainframe »), la rationalisation (optimiser les usages existants) et la ré-urbanisation (migrer ce qui peut l'être sur des systèmes modernes). La sortie complète risque de se faire attendre…

Toujours est-il que, si l'initiative est confirmée, le Crédit Agricole serait une des rares institutions financières (en particulier en France) à définir et exécuter une stratégie formelle de retrait, quoique très lointaine, vis-à-vis d'un élément incontournable de l'informatique du secteur depuis un demi-siècle. La rupture avec la passivité historique observée jusqu'à maintenant marque un revirement important, qui pourrait inspirer ses principaux concurrents, tous placés dans une situation plus ou moins identique.

lundi 26 juillet 2021

Traiter chaque projet d'IA comme une innovation

Innovation
Voilà une perspective intéressante que développe Sandeep Uttamchandani pour TechCrunch : comme dans toute approche innovante, une des plus grandes difficultés rencontrées sur les projets d'intelligence artificielle (ou de science des données) consiste à savoir détecter… et abandonner les fausses bonnes idées au plus tôt.

La coïncidence malheureuse entre la pénurie de talents et la multiplication des opportunités à explorer rend le sujet d'autant plus critique : il ne peut être question de perdre du temps et dilapider des ressources précieuses sur des tentatives vouées à l'échec. Afin d'optimiser les engagements, il est donc indispensable d'introduire dans les principes méthodologiques les critères objectifs qui vont déterminer la poursuite ou l'arrêt des efforts et les jalons sur lesquels ils sont positionnés pour prise de décision.

Une fois le lancement du projet déclenché, sur la base d'une promesse de valeur pleine d'incertitudes (bien qu'elles soient rarement exprimées à ce stade, ce qui, incidemment, rend leur aveu plus délicat par la suite), il est possible d'identifier, sur la totalité de sa durée de vie, depuis sa conception jusqu'à son passage en production, 5 phases distinctes, propres au domaine de l'IA ou, à tout le moins, comportant des particularités notables, chacune se concluant alors par une évaluation et un arbitrage.

Lors de l'étape de cadrage et de définition du périmètre, tout d'abord, il s'agira d'éprouver la teneur des résultats espérés. Trop souvent, les experts se piquent de produire un algorithme extraordinaire… sans se préoccuper de savoir s'il sera vraiment utile pour l'entreprise. Dès les prémices, il est primordial de confirmer auprès des principaux intéressés la réalité du bénéfice attendu, tout en vérifiant avec les autres équipes techniques qu'il n'existe pas une alternative permettant de l'engranger à moindre coût.

Si ces filtres sont franchis, vient ensuite la deuxième épreuve, qui intervient à l'occasion de la préparation de la solution et, plus particulièrement, de la collecte des données nécessaires. Un projet d'intelligence artificielle n'a de signification qu'à la mesure de l'information qui l'alimente, dont il faut donc s'assurer qu'elle est disponible, immédiatement et durablement, que sa qualité est au niveau requis pour les objectifs visés et que sa portée est suffisamment étoffée pour un entraînement efficace.

Le troisième palier est le plus risqué. Consacré à l'élaboration du modèle, son indicateur d'achèvement est pourtant simple, puisqu'il se matérialise par la justesse des résultats produits. Hélas, outre que des aléas et des erreurs peuvent conduire à des conclusions trompeuses, qu'il faudra écarter à force de contrôles, à l'inverse, il peut être tentant de poursuivre sans fin l'atteinte d'une cible impossible. Une limite de temps d'expérimentation et de mise au point doit donc accompagner la définition du seuil de succès.

À ce stade, pour de nombreux secteurs sensibles, dont la banque et l'assurance font évidemment partie, et avant même que la réglementation ne l'impose, il convient d'ajouter une série de tests d'équité. Les algorithmes sont-ils exempts de biais ? Quels garde-fous sont en place pour se garder des déviations de cet ordre ? Le « raisonnement » appliqué est-il explicable ? L'ensemble de la chaîne de traitements respecte-t-il les exigences (y compris légales) de protection des données personnelles et de la vie privée ?

Enfin, si la réponse à ces interrogations est oui, il reste un dernier obstacle à franchir : l'aptitude au déploiement en production. Loin de se réduire à la compatibilité des environnements techniques (qui aura été anticipée au tout début), l'enjeu est de s'assurer que la solution est robuste, dans sa globalité et dans chacun de ses composants, qu'elle est optimisée sans être trop complexe… et qu'elle intègre des moyens de détection automatique de possibles dérives, assortis d'un plan opérationnel de ré-entraînement.

Comme l'enseigne l'innovation en général, l'instauration de moments formels dans le déroulement des projets au cours desquels leur viabilité est analysée, de manière relativement mécanique, est un excellent moyen pour leurs protagonistes de sortir la tête de l'eau et, le cas échéant, admettre plus facilement et plus précocement l'inévitabilité d'une déconvenue. Non seulement la productivité s'en ressentira-t-elle mais, en outre, les individus affectés seront plus enclins à adopter une attitude positive face à l'échec.

Cimetière

dimanche 25 juillet 2021

Venmo devient moins social

Venmo
Depuis ses lointains débuts, en 2010, la solution de paiement de Venmo se distinguait de ses innombrables concurrentes par sa dimension sociale. Avec la toute nouvelle mouture de son application mobile, qui sacrifie son fil public des transactions, c'est donc une composante importante – quoique polémique – de son ADN qui disparaît…

L'idée était née en pleine explosion du phénomène de réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) et consistait en une déclinaison du concept sur les échanges d'argent entre amis, faisant de ceux-ci le support d'une discussion ouverte au monde entier. Naturellement, au fur et à mesure de l'extension des fonctions incluses, par exemple avec l'introduction de capacités de règlement dans les commerces, y compris grâce à une carte de débit, le principe initial devenait plus intrusif et, donc, moins attractif.

Au cours de son évolution, Venmo a progressivement ajusté le tir. Son choix de configurer par défaut le partage d'information en mode public, régulièrement contesté, voire décrié, lui a notamment valu d'attirer l'attention du régulateur et, plus récemment, ses faiblesses en matière de protection de la vie privée ont été mises en lumière par une équipe de journalistes à travers la découverte, relativement facile, d'un compte (plus ou moins secret, ou, en tous cas, à vocation privée) du président américain Joe Biden.

La dernière incarnation de l'application met donc un terme aux critiques les plus pressantes. S'il subsiste une option de diffusion publique, qui laisse toujours la totalité de ses opérations visibles aux visiteurs du profil de l'utilisateur, connus et inconnus, désormais, le seul moyen d'animer une conversation sociale avec Venmo est limité à son cercle de proches, qu'il définit formellement et dont il a le plein contrôle.

Venmo App

En guise de justification de son geste, la filiale de PayPal souligne, avec justesse, le peu d'intérêt qu'il y a à pouvoir interagir globalement, autour des questions d'argent, avec les plus de 70 millions d'adeptes de ses produits. Il semble en effet beaucoup plus raisonnable de restreindre le champ à la famille et aux amis. La prise de conscience est tardive mais elle sera probablement bienvenue. Incidemment, ne devrait-elle pas également questionner les pratiques des plates-formes sociales généralistes ?

Plus profondément, Venmo marque ici son changement de stratégie, engagé depuis plusieurs années. Son approche d'origine – il s'agissait d'abord d'un véritable réseau social dont les contenus s'orchestraient autour d'événements financiers personnels considérés dignes d'être communiqués et de susciter un dialogue – a laissé la place à un outil de paiement à la portée universelle (autant que possible), assorti d'une faculté de partage avec une communauté choisie, de plus en plus anecdotique.

Du point de vue de Venmo, cette réorientation répond à la fois à une nouvelle réalité de son marché, entre autres en termes d'attentes de ses clients et de paysage concurrentiel, et à une certaine progression de la maturité du grand public vis-à-vis des réseaux sociaux, l'engouement le cédant rapidement à la lassitude et, parfois, à l'aversion. Là encore, la réflexion mériterait d'être étendue aux géants du domaine : leur emprise mondiale, en particulier, ne risque-t-elle pas d'être le déclencheur de leur futur déclin ?

samedi 24 juillet 2021

L'open banking pour aider les clients en difficulté

Nationwide
Quand un de ses clients se trouve en difficulté avec ses finances personnelles, le premier obstacle que rencontre Nationwide lors de la recherche de solutions est l'élaboration d'un panorama complet et objectif de sa situation réelle. Grâce à son partenariat avec OpenWrks, l'« open banking » lui fournit désormais une solution optimale.

Imaginez le cas d'une personne ou d'une famille qui, par exemple, ne rembourse plus les échéances de ses emprunts ou qui accumule les découverts, mois après mois. Dans le cadre de ses mesures de protection, la banque va alors remettre le dossier entre les mains de ses équipes de recouvrement et de redressement, afin de concevoir et déployer un plan de remédiation. Encore faut-il, au préalable, qu'elles disposent d'un aperçu extensif et précis des engagements en cours et des ressources existantes.

La collecte des informations nécessaires peut s'avérer complexe, en particulier à l'ère contemporaine de la multiplication des offres de crédit et de paiement fractionné. En fait, l'absence de vue consolidée de la position financière est fréquemment un facteur d'entraînement dans une spirale infernale. Et, quand les conseillers de Nationwide entrent en piste pour lancer une procédure de sauvetage, ils consacrent un temps précieux à tenter d'établir ce bilan initial avant de pouvoir entamer la moindre démarche concrète.

Heureusement, donc, l'outil d'OpenWrks vient maintenant à leur rescousse, au moins pour les clients qui ont accès et ne sont pas récalcitrants aux services en ligne. En amont de leur premier rendez-vous avec la banque, ils sont invités à réaliser un check-up global. Pour ce faire, un agent conversationnel intelligent les guide pas à pas au fil d'un parcours destiné à extraire et analyser les données utiles de leurs comptes (et autres sources importantes), de manière à dresser un état des lieux pertinent.

Nationwide partners with OpenWrks

Naturellement, l'objectif pour Nationwide est de renforcer son efficacité opérationnelle dans un domaine où l'enjeu majeur est d'abord de limiter les pertes. Libérer ses collaborateurs de tâches lourdes et fastidieuses afin qu'ils puissent accorder en priorité leurs efforts à la définition de solutions profite de la sorte simultanément aux bénéficiaires, qui obtiennent des réponses plus rapides et mieux personnalisées (aussi grâce aux données plus fiables), et à l'institution, qui en retire des économies substantielles.

Avec cette initiative, Nationwide valorise sa stratégie « Open Banking for Good », instaurée en 2019, en capitalisant sur le partenariat conclu à l'époque avec OpenWrks (entre autres). Elle démontre ainsi aux sceptiques les opportunités tangibles que recèle l'ouverture des données dans un secteur d'activité où, certes, il ne faut pas espérer une rentabilité directe, mais où les investissements sont habituellement faibles alors que les besoins sont considérables et les retombées à long terme potentiellement attractives.

vendredi 23 juillet 2021

Les algorithmes sont-ils devenus autonomes ?

Facebook
La passe d'armes qui a eu lieu il y a quelques jours entre le président des États-Unis, accusant les réseaux sociaux de contribuer aux décès du COVID, et Facebook, rétorquant par un étalement de ses actions en faveur de la vaccination, m'amène à cette question existentielle : les algorithmes qui régissent nos vies sont-ils encore sous contrôle ?

D'un côté, Joe Biden s'inquiète de la désinformation qui se propage toujours aussi rapidement sur le web. De l'autre, les acteurs visés affirment déployer des efforts considérables afin, entre autres, de ré-équilibrer les débats, de supprimer des millions de fausses nouvelles et de limiter la visibilité de contenus contestables. Qui a raison ? Le premier, malheureusement. Car, en dépit de leurs actions de surface, Facebook et ses compères laissent leurs logiciels propager et amplifier ce qui leur rapporte le plus.

La logique mise en œuvre n'est pas l'apanage de ces plates-formes, qui ne font qu'appliquer les recettes du sensationnalisme réussissant si bien à certains médias traditionnels. Leur seul « mérite » est de les avoir automatisées. Grâce à la mise en avant systématique des sujets polémiques, des débats enflammés, des photos et vidéos choc…, dont l'infox constitue un des des moteurs les plus puissants, elles s'assurent de la fidélité, voire l'addiction, de leurs utilisateurs… et développent ainsi leurs revenus.

Quelles que soient les mesures prises pour modérer les enragés qui vont trop loin, jamais Facebook n'évoque la possibilité de corriger les programmes qui encouragent à outrance des dérives considérées acceptables, alors qu'elles représentent, de toute évidence, l'essentiel du problème. Tout se passe comme si l'entreprise s'ingéniait à mettre tout en œuvre au niveau humain pour maîtriser la situation… tandis que ses algorithmes auraient acquis une existence propre et qu'ils n'obéiraient plus à leurs géniteurs !

Facebook – Moving Past the Finger Pointing?

Sur cet arrière-plan, la proposition par la Commission Européenne d'élaborer une réglementation autour de l'intelligence artificielle, qui met spécifiquement en exergue les enjeux de confiance, prend un relief particulier. Le citoyen pourrait en effet légitimement espérer qu'un tel texte oblige les réseaux sociaux à éclairer (à défaut d'éliminer) les manipulations que leurs outils orchestrent afin d'accroître leurs profits coûte que coûte. Mais est-on bien sûr que le projet présenté réponde à un besoin de cet ordre ?

Malheureusement, avec son insistance à encadrer la technologie avant les usages, l'ébauche actuelle s'engage dans une voie dangereuse… qui tend à devenir une tragique habitude (la blockchain a subi un traitement similaire). Ainsi, les systèmes de Facebook pourraient tomber sous le coup de la loi s'ils sont pilotés par des modèles de « machine learning »… mais y échapperaient s'ils recourent uniquement à une approche statistique basique (potentiellement suffisante), qui peut pourtant être aussi nuisible.

Encore une fois, il semblerait que le législateur se trouve complètement dépassé par la réalité du monde moderne, entraînant l'Europe dans une surenchère de règles qui ne parviendra vraisemblablement pas à éviter les risques identifiés initialement, relevant d'abord des comportements des entreprises, mais qui, en revanche, par son ciblage explicite de techniques prometteuses, découragera bien l'innovation sur le continent.

jeudi 22 juillet 2021

AmEx s'aventure dans la planification financière

American Express
Depuis plusieurs années, American Express pressent le ralentissement de son métier historique et explore les opportunités de diversifier ses activités, notamment en capitalisant sur les startups dans lesquelles sa branche de capital-risque AmEx Ventures investit. Parmi celles-ci, BodesWell la fait entrer sur le terrain de la planification financière.

Il n'est question, pour l'instant, que d'une modeste expérimentation, dans laquelle sont recrutés 25 000 clients du spécialiste des cartes de crédit aux États-Unis. Lancée au début de ce mois, elle est prévue pour durer environ 6 mois. À l'issue de cette période, selon les résultats obtenus, principalement en termes d'engagement des utilisateurs et de valeur perçue, le déploiement pourrait être généralisé. Naturellement, à ce stade précoce, le modèle économique potentiellement applicable à terme n'est pas défini.

Le principe consiste, on s'en doute, à fournir aux 85 millions de citoyens américains qui n'y ont aujourd'hui pas accès, un conseil de proximité pour toutes les dimensions de leur gestion budgétaire. L'approche retenue est classique : bien que ce ne soit pas obligatoire (il est aussi possible de se contenter d'un mode déclaratif), l'utilisateur est invité à connecter l'ensemble de ses comptes bancaires afin d'établir une analyse de sa situation et, partant, de l'accompagner dans la réalisation de ses ambitions et de ses rêves.

Concrètement, le logiciel dresse d'abord un panorama complet de l'avenir prévisible, prenant en considération le patrimoine et les dettes existants, les revenus et les dépenses moyens, ainsi que des scénarios de progression sur les deux volets. Il reste alors à positionner les grands projets de vie sur le calendrier – premier emploi, achat de résidence, agrandissement de la famille, promotions dans l'entreprise, retraite… – et les algorithmes proposent une stratégie optimale pour atteindre les objectifs fixés.

BodesWell – Financial Planning for Everyone

La promesse de démocratisation de BodesWell, à laquelle adhère donc American Express, est, sans surprise, de procurer à tous des outils d'assistance opérationnelle, capables d'alerter en cas de dérive et de suggérer les gestes pertinents au bon moment, afin de mieux piloter leur argent, à l'égal, ou presque, des privilégiés qui possèdent les moyens de s'offrir les services d'un professionnel, qu'il s'agisse d'un expert dédié ou, à tout le moins, d'un conseiller bancaire compétent et disponible (ce qui devient rare).

Cette sorte de capitulation des acteurs traditionnels – qui, souvent, n'en prennent pas véritablement conscience et, en conséquence, ne ressentent pas le besoin de combler le vide laissé – crée justement une occasion idéale pour American Express de prendre pied dans un domaine essentiel et extrêmement attractif. En effet, que le produit final soit gratuit ou payant, s'il atteint sa cible, sa valeur ajoutée réside avant tout dans la dépendance et la fidélité qu'il induit chez les clients et dans la connaissance intime qu'il favorise de leurs comportements, de leurs espérances, de leurs priorités…

Les banques qui se gargarisent de leur faculté d'apporter aux consommateurs un conseil de qualité, en particulier à travers leurs réseaux d'agence, devraient prendre garde au délitement sournois de leur modèle. Bientôt (si ce n'est déjà le cas), les logiciels tels que celui de BodesWell seront plus efficaces que les jeunes recrues, mal rémunérées et pressées de changer de métier, qu'elles essaient de faire passer pour des spécialistes. Si elles ne préparent pas très rapidement la relève, elles risquent l'obsolescence.

mercredi 21 juillet 2021

Afterpay, du BNPL au compte bancaire

Afterpay
Encore une startup de la FinTech qui lance un compte bancaire ! L'annonce [PDF] d'Afterpay serait facile à ignorer… si elle n'émanait pas d'un des leaders mondiaux du paiement fractionné (BNPL), qui se positionne de la sorte parmi les premiers de sa catégorie à proposer à ses utilisateurs un outil de pilotage de leurs finances personnelles.

Dans une première phase expérimentale, Money by Afterpay est destiné uniquement à ses propres collaborateurs, qui vont donc jouer les cobayes afin de valider son principe et aider à affiner ses fonctions, dans l'optique d'un déploiement généralisé à l'horizon du mois d'octobre. Certaines caractéristiques sont susceptibles d'évoluer d'ici là mais les grandes lignes du projet sont fixées, dont, notamment, l'exigence d'être préalablement enregistré sur la plate-forme de BNPL pour accéder aux nouveaux services.

Du point de vue du contenu, les fondations de Money by Afterpay reposent classiquement sur un compte de dépôt, une carte de débit physique et un porte-monnaie virtuel, qui devraient être gratuits. En complément, sur la foi d'une étude qui confirme que les jeunes adultes (australiens) expriment leur difficulté à mettre de l'argent de côté en vue de préparer leur avenir, la solution permet d'ouvrir jusqu'à 15 comptes d'épargne rémunérés distincts, chacun pouvant correspondre à un rêve ou un objectif spécifique.

Naturellement, une inévitable application mobile est fournie pour le pilotage standard – suivi des soldes, des transactions et des intérêts, exécution de virements… Adoptant une vocation universelle, elle embarque également toutes les options associées au paiement différé – contrôle du crédit disponible, échéances de remboursement à venir et commandes en cours (le concept d'Afterpay se présentant, en effet, comme une sorte de place de marché de e-commerce à laquelle elle adosse son produit de financement).

Money by Afterpay

Au-delà de sa panoplie basique, commune à tant de néo-banques, ce qui retient l'attention avec la démarche d'Afterpay est son ambition sous-jacente d'accompagner ses utilisateurs dans une gestion optimale de leur budget et l'assimilation de comportements plus sains. Il n'est plus question ici de laisser le consommateur dépenser sans réfléchir en profitant des facilités de paiement. Celles-ci s'inscrivent dans une perspective à 360° et l'impact de chaque décision est immédiatement répercuté sur la situation globale.

L'incarnation actuelle de l'offre m'inspire toutefois deux regrets. L'un, mineur, concerne la séparation en deux applications des services d'Afterpay, certes justifiée par leurs cibles radicalement différentes. L'autre, plus gênant, tient au choix d'imposer l'ouverture d'un compte, qui, de plus, doit être le compte primaire du client pour tirer pleinement parti des avantages promis, alors qu'une approche par agrégation semblerait plus efficace. Il est vrai que, par ce moyen, la jeune pousse encourage la fidélité de ses adeptes.

En pleine expansion du BNPL, dans le monde entier, au point que certains régulateurs s'inquiètent de la tendance et de son incidence possible sur le surendettement, il est rassurant de voir qu'un acteur important (présent en Australie, d'où provient cette actualité, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni) se préoccupe enfin un tant soit peu du bien-être financier de ses usagers. Il reste à espérer que ces premiers efforts seront enrichis et qu'ils entraîneront le reste de l'industrie…

mardi 20 juillet 2021

Square lance sa banque

Square
Si la toute dernière annonce de Square cause la surprise, ce n'est pas par son contenu mais par le temps qu'elle aura mis à mûrir ! Car, depuis ses lointains premiers pas dans l'encaissement sur mobile, en passant par le crédit et la carte de débit à destination des professionnels, l'arrivée de son offre bancaire devenait progressivement une évidence.

Douze ans après ses débuts, la jeune pousse reste étonnamment fidèle à sa vision d'origine de faciliter la vie des (très) petits commerces. En effet, Square Banking est conçue spécifiquement pour ses millions de clients existants qui opèrent une boutique (physique, pour la plupart) seuls ou en famille et qui ont tendance à combiner (voire mélanger) la trésorerie de leur société et leurs finances personnelles dans leurs pratiques quotidiennes. Cette simple caractéristique la rend déjà relativement unique.

Une autre particularité importante de la solution, surtout en comparaison des nombreux nouveaux entrants sur le segment des TPE, est d'inclure d'emblée une gamme de produits étendue. À la carte Square, disponible depuis plus de deux ans, qui donne accès instantanément aux sommes encaissées avec la plate-forme de la marque, s'ajoute naturellement un compte de dépôt, toujours sans frais, autorisant notamment les règlements de fournisseurs et autres dépenses par virement avec le même avantage.

Le financement fait également partie de l'ensemble. Sous son nouveau nom de Square Loans, il conserve les principes de fonctionnement qui ont fait son succès jusqu'à maintenant (avec 460 000 bénéficiaires à date) : une éligibilité déterminée par l'analyse de l'historique des ventes, telles qu'elles ressortent des transactions enregistrées, des propositions de prêt proactives, contextuelles et personnalisées et un mode de remboursement indolore par prélèvement d'une fraction plafonnée du chiffre d'affaires.

Square Banking

Enfin, parce que les entrepreneurs ont besoin d'encouragements pour mettre de l'argent de côté, la dernière composante (à ce jour) de Square Banking est un compte d'épargne possédant quelques originalités. Il peut, par exemple, être alimenté automatiquement par un pourcentage prédéterminé de chaque vente réalisée. Il permet aussi de créer des réserves thématiques – pour les impôts et taxes à venir, pour un imprévu, pour le renouvellement d'un équipement… – qui aident à entretenir les bonnes habitudes.

Square se positionne immédiatement comme un redoutable concurrent des banques traditionnelles, sur un marché largement négligé par ces dernières. Après avoir réussi un pari similaire sur la facturation et l'encaissement, elle élargit aujourd'hui son champ d'action dans un autre domaine stratégique, en cherchant d'abord à répondre aux besoins profonds de sa cible, en assemblant une offre cohérente et intégrée et en éliminant les frictions habituelles. Comme, en outre, elle s'adresse prioritairement à ses utilisateurs actuels, dont elle a déjà conquis la confiance, elle pourrait s'imposer rapidement…

lundi 19 juillet 2021

Risque environnemental et crédit hypothécaire

Leeds Building Society
Directement concernées par l'évolution des menaces engendrées par le changement climatique, les compagnies d'assurance intègrent de plus en plus souvent le risque environnemental dans leurs couvertures habitation (entre autres). Les établissements de crédit hypothécaire commencent à leur tour à prendre conscience de leur exposition…

Pionnière en la matière, la structure mutualiste britannique Leeds Building Society s'appuie sur son partenariat historique avec le spécialiste de l'analyse du marché immobilier Hometrack pour ajouter cette dimension à sa palette. Ce dernier avait en effet annoncé, en janvier dernier, le lancement d'un produit complet et cohérent, dédié à la mesure des impacts climatiques sur les habitations, assis sur les expertises sectorielles complémentaires de deux autres entreprises, Ambiental et Terrafirma.

L'objectif de la démarche de la Leeds Building Society consiste à inclure désormais les considérations environnementales au cœur de ses activités de crédit hypothécaire. Naturellement, elles touchent en premier lieu ses processus d'entrée en relation. Avant d'accorder un prêt, l'institution prendra ainsi en compte dans son estimation de la valeur du bien sous-jacent les aléas liés aux bouleversements météorologiques, à la fois immédiats et tels qu'ils peuvent être projetés dans la durée de l'opération envisagée.

La deuxième utilisation de la solution, tout aussi critique, notamment parce qu'elle répond à des exigences réglementaires émergentes, vise à maintenir une surveillance continue de l'exposition globale du portefeuille de l'établissement, qui vient de la sorte ajouter les facteurs environnementaux aux critères classiques de pilotage de risque financier, en vigueur depuis toujours dans le secteur, tels que les tendances de l'équilibre entre offre et demande, des prix de la construction, de la solvabilité des emprunteurs…

En pratique, les modèles concoctés par Hometrack et ses auxiliaires se veulent simples à implémenter pour les opérateurs de crédit, et plus particulièrement dans leurs systèmes d'évaluation et de décision automatisées. Dans ce but, une fois les dangers identifiés et détaillés (par exemple la sensibilité aux inondations, aux glissements et affaissements de terrain, à l'érosion des côtes, aux incendies de forêt…), ils convertissent ces observations en leur incidence comptable nette sur la valeur de la propriété, en livres sterling.

Avec l'aggravation des dérèglements climatiques, l'initiative déployée par la Leeds Building Society devrait rapidement devenir un standard incontournable dans les institutions financières du monde entier. En revanche, je regrette que son approche, telle qu'elle est décrite, laisse de côté le consommateur, qui constitue pourtant un maillon clé de la chaîne des responsabilités. Au-delà de la seule maîtrise interne des risques, les mêmes outils mériteraient d'être également mis à la disposition des premiers intéressés, pour leur information… et, surtout, pour les encourager à agir, concrètement.

Leeds Building Society – Mortgages

dimanche 18 juillet 2021

Citi attaque Robinhood de front

Citi
Longtemps après quelques géants du domaine, sous la pression persistante des trublions tels que Robinhood, Citi annonce à son tour le lancement d'une plate-forme de trading personnel (presque) sans frais ni commissions. La valeur stratégique d'une telle démarche, purement défensive, devient pourtant de plus en plus difficile à justifier.

Le principe n'a plus rien d'original. Intégré à leur application mobile habituelle, le module Citi Self Invest propose aux clients de la banque, après l'ouverture d'un compte titres, d'acheter et vendre des actions et des fonds indiciels (en attendant l'arrivée prochaine d'autres instruments collectifs), sans minimum d'investissement, sans coût (hormis les frais de gestion des ETF). Pour faire bonne mesure, l'ensemble s'accompagne de contenus informationnels et éducatifs, dont on peut toutefois craindre qu'ils s'avèrent relativement génériques (comme dans le cas, récent, de CommBank).

Mais pourquoi Citi s'aventure-t-elle dans une telle direction ? Selon toute vraisemblance, elle cède à un réflexe commun à l'ensemble du secteur. Ainsi, les institutions financières, confrontées à la concurrence d'une nouvelle génération d'acteurs, commencent par décrier le modèle gratuit qu'ils mettent souvent en place dans leur phase de conquête initiale… Puis, se sentant menacées par leur croissance exponentielle, elles adoptent la même tactique, sans nécessairement se poser la question de leur cible à terme.

Le raisonnement sous-jacent est trivial et semble imparable. Sûrs de leur puissance, les grands groupes estiment qu'ils sont en mesure de prendre les startups à leur propre jeu, leurs moyens colossaux leur permettant de soutenir une bataille acharnée des tarifs, jusqu'à la victoire, certaine, face à des entreprises en déficit structurel permanent. Or cette perception souffre de quelques approximations et de plusieurs fausses hypothèses, qui mettent sérieusement en doute les conclusions auxquelles elle aboutit.

Citi Self Invest

La première erreur, classique, consiste à croire que la gratuité est l'unique stratégie des nouveaux entrants alors qu'il ne s'agit généralement que d'une étape ou d'une composante sur le chemin de la définition d'une équation économique différente, destinée principalement à réduire la friction d'acquisition massive de clientèle. En conséquence, il sera toujours hasardeux de chercher à étouffer un adversaire en l'attaquant sur un aspect qui ne figure pas (seul) au cœur de sa différenciation sur le marché.

Deuxième méprise, l'impact de la gratuité sur une jeune pousse, dont la technologie et les processus optimisés lui procurent une efficacité opérationnelle incomparable, est infiniment plus faible (d'un ordre de grandeur, à tout le moins) que la même approche dans un établissement traditionnel, qui n'a pas envisagé au préalable de remettre à plat ses méthodes de travail et continue à s'appuyer sur un système d'information historique, avec ses multiples limitations nécessitant des interventions humaines régulières.

Enfin, non seulement les capitaux engagés pour maintenir une politique de prix attractive sont-ils comparativement modérés, mais il se trouve en outre que, après un creux au cœur de la crise sanitaire, la période actuelle redevient propice à des levées de fonds importantes, qui donnent de l'air à ces acteurs. À l'inverse, les banques se trouvent, elles, dans une conjoncture où elles sont plutôt à la recherche de sources de revenus. L'heure est donc particulièrement mal choisie pour riposter avec des produits gratuits !

Fondamentalement, le choix des banques d'affronter la FinTech sur son terrain de prédilection paraît assez incompréhensible (sauf pour celles qui ont profondément réussi leur mutation « digitale », mais elles sont bien rares). Elles ont tout intérêt à essayer de contrer l'offensive en mettant en avant leurs forces spécifiques, à commencer – comme l'illustre par exemple cette initiative de Belfius – par leur capacité de conseil de proximité, qu'il faudrait toutefois remettre à niveau pour qu'elle soit réellement convaincante.

samedi 17 juillet 2021

L'open banking pour surveiller les crédits

NIBC Bank
Si l'analyse de l'historique de leurs transactions est en passe de devenir un moyen standard d'estimer la fiabilité des emprunteurs, les opportunités de la banque ouverte (« open banking ») sur le reste du cycle de vie du crédit sont plus rarement explorées. Elles offrent pourtant des avantages irrésistibles, surtout en ces périodes d'incertitudes.

La néerlandaise NIBC Bank, qui distribue ses produits financiers par l'intermédiaire d'institutions tierces, a récemment engagé une collaboration avec Salt Edge afin de mettre en place, comme tant d'autres, de nouveaux mécanismes de filtrage des bénéficiaires de ses prêts, basés sur un accès direct à leurs comptes. Cependant, sa communication laisse entendre (sans certitude… mais projetons-nous !) qu'elle maintient le lien avec ces sources dans le but de surveiller la qualité de son portefeuille dans la durée.

L'enjeu est, évidemment, d'autant plus important dans le contexte de la crise sanitaire et de son impact global sur les capacités des consommateurs à faire face à leurs échéances, en particulier sur les crédits hypothécaires (de montants importants et à long terme) qui sont une des spécialités de l'établissement. Une bonne gestion lui impose d'évaluer aussi précisément que possible son exposition au risque de défaut sur l'ensemble du stock existant et son évolution au fil des événements systémiques.

Logiquement, l'étude de la situation financière du client lors de la conclusion de l'opération devrait donc s'accompagner d'un suivi jusqu'à son arrivée à maturité. Au niveau élémentaire, il pourrait s'agir d'émettre une alerte préventive en cas de détection de difficultés susceptibles d'affecter un individu (invitant par exemple un conseiller à prendre contact avec lui pour rechercher des solutions au plus tôt). À l'échelle de la banque, il sera plutôt question de prendre le pouls général de la population qu'elle sert.

Bien sûr, il convient, dans ce but, de faire admettre aux emprunteurs le principe d'une visibilité permanente sur leurs comptes afin de contrôler régulièrement les tendances sur leur solvabilité. Peut-être le bénéfice potentiel peut-il justifier, de la part de l'établissement de crédit, d'accorder des conditions préférentielles à ceux qui acceptent une telle option ? L'avantage d'une approche statistique, suffisant au pilotage des risques, est que son efficacité s'accommodera aisément d'un échantillon limité de volontaires.

L'initiative de NIBC ne résonnera probablement pas auprès des grands groupes (notamment français) dont les modèles universels les ont habitués à une clientèle plus ou moins captive dont ils gèrent quasiment toute la vie financière, ce qui leur permet, du moins en théorie, d'instaurer une vigie interne. Néanmoins, la multiplication des offres disponibles sur le marché (pensez au « BNPL » !) transforme les comportements, complexifie l'analyse des risques… et suggère de recourir à d'autres méthodes.

NIBC Bank

vendredi 16 juillet 2021

Temenos découpe la banque en micro-apps

Temenos
Parce que, à l'ère de la personnalisation généralisée des expériences, il n'est plus envisageable de distribuer la même solution à tous les utilisateurs, l'éditeur de progiciel bancaire Temenos propose désormais aux institutions financières une approche totalement modulaire de la création d'applications web et mobiles, à base de « micro-apps ».

Certes, les systèmes informatiques des banques modernes sont depuis longtemps – au moins en théorie – conçus sous forme de composants techniques élémentaires (micro-services), relativement indépendants les uns des autres, de manière à en garantir la flexibilité. Ce qu'ajoute aujourd'hui Temenos à sa plate-forme Infinity est un paradigme similaire sur des modules encapsulés au sein d'une interface graphique prédéfinie, prêts à assembler visuellement pour constituer une application composite cohérente.

Imaginez que vous ayez identifié des segments de clientèle exprimant des attentes différentes vis-à-vis des services « digitaux » que vous mettez à leur disposition. Grâce aux micro-apps, vous pouvez facilement concocter, par exemple, une solution adaptée aux jeunes adultes, comprenant gestion de compte courant, suivi budgétaire, alertes, paiements entre amis…, et une autre destinée à leurs aînés, qui privilégiera plutôt, outre le socle essentiel, l'encaissement de chèque à distance, la localisation d'agence…

Leurs fonctions s'appuyant sur des fondations communes, la multiplication des versions d'application n'engendre pas de complexité supplémentaire dangereuse dans l'architecture globale. Au contraire, le modèle intègre la possibilité de faire évoluer chaque micro-app isolément des autres, sans danger collatéral, ce qui permet à la fois de mieux maîtriser les mises à jour, dont la portée est circonscrite, et d'ajouter, supprimer ou remplacer des services simplement, y compris dans une plate-forme tierce.

Temenos Infinity Micro Apps

Si les avantages de l'initiative sont clairs et attractifs du côté des départements informatiques, les bénéfices évoqués pour les clients me laissent plus perplexe. En effet, le principe de déclinaisons distinctes, par cible, des applications repose nécessairement sur une segmentation à grande maille, qui, par essence, ne peut pas satisfaire chaque individu. Dans ces conditions, la capacité convaincra-t-elle les banques d'abandonner leur habitude d'inclure toutes les options disponibles afin d'éviter les frustrations ?

Une idée qui pourrait être développée pour tenter de répondre à l'exigence ultime d'une expérience ajustée à chaque client consisterait à autoriser celui-ci à construire lui-même son application idéale, en organisant à sa guise les éléments qu'il juge utiles. Malheureusement, même s'il était envisageable de fournir un outil suffisamment accessible pour rendre une telle hypothèse réaliste, la longue histoire des logiciels à configurer montre que les consommateurs ne profite guère de ce genre d'opportunités.

En revanche, ces micro-apps ouvrent une perspective beaucoup plus intéressante, en direction de la banque invisible : il s'agirait alors non plus de les concentrer dans une plate-forme dédiée mais de les enfouir dans les parcours du quotidien, en mettant en avant l'information ou le produit nécessaire au moment le plus pertinent. Il paraît peu probable que Temenos ait pris en considération ces scénarios… alors qu'ils représentent certainement la meilleure orientation à prendre avec les efforts de modularisation.

jeudi 15 juillet 2021

YuLife renverse le concept d'assurance décès

YuLife
L'assurance décès fait certainement partie des produits les moins affriolants de la terre, ce qui la rend difficile à vendre quand bien même ses vertus sont incontestables. Afin de contourner l'obstacle, la jeune pousse britannique YuLife en renverse totalement le principe en misant tous ses efforts sur… le bien-être et le prolongement de la vie.

Le principe retenu fait écho à celui qui se développe progressivement dans le domaine médical : au lieu de se contenter de distribuer les indemnités promises en cas de disparition du souscripteur (ou de survenue d'une maladie), tout le monde a intérêt à éviter, ou, à tout le moins, repousser l'événement couvert le plus longtemps possible. Pour ce faire, rien de tel que la mise en place d'un programme de coaching destiné à maintenir la personne en bonne santé et faire en sorte qu'il soit effectivement adopté.

En sus d'une révision des modèles actuariels en vigueur dans le secteur, qui, selon les fondateurs de YuLife, sont sérieusement datés, la startup se concentre donc sur cet objectif de réduire les causes de mortalité prématurée parmi ses adeptes. Elle recourt à des méthodes relativement classiques en la matière, avec une approche de stimulation de comportements plus sains dans la vie quotidienne, assortie de quelques mécanismes de ludification destinés à maintenir l'engagement des utilisateurs dans la durée.

Son application mobile propose ainsi aux assurés de suivre un parcours au sein de différents environnements (« Yuniverses ») au cours desquels ils sont invités à réaliser diverses activités simples (marche à pied, bicyclette, méditation…), éventuellement avec l'assistance de solutions complémentaires (FitBit, Garmin…) qu'ils peuvent obtenir à des conditions avantageuses. Les progrès enregistrés sont récompensés par des « Yucoins » qui pourront être ultérieurement convertis en bons d'achat (Amazon…).

Accueil YuLife

Quelques fonctions complémentaires originales, directement inspirées par les antécédents des concepteurs dans l'univers du jeu vidéo, contribuent à fidéliser les utilisateurs. Par exemple, les exercices suggérés sont adaptés selon les préférences de chaque individu, notamment à travers l'analyse de ceux qu'ils semblent apprécier le plus ou qu'ils réalisent le plus rapidement. Une autre voie explorée est celle de l'émulation entre participants : les produits étant distribués auprès des employeurs, des comparaisons de performance sont établies entre les salariés d'une même entreprise.

Le changement que YuLife introduit dans son métier est beaucoup plus radical qu'il n'y paraît, puisqu'il transforme une assurance traditionnellement oubliée aussitôt achetée en un véritable média d'accompagnement, de proximité, du consommateur et de son bien-être. La finalité des primes versées n'est plus alors de garantir un capital à ses proches en cas d'accident fatal (ou bien des revenus en cas d'incapacité de travail, ou encore une indemnité en cas de maladie grave, pour ses autres solutions) mais, en priorité, d'apprendre à, autant que possible, éviter de telles mésaventures.

mercredi 14 juillet 2021

Le risque IT croît dans les banques européennes

Banque Centrale Européenne
Chaque année, la Banque Centrale Européenne interroge une centaine d'institutions financières sur leur perception de leur situation en termes de risques informatiques et de cybersécurité. La dernière livraison de ses résultats, pour le millésime 2019 (donc avant la pandémie), tend à signaler une légère dégradation sur plusieurs domaines clés.

À une échelle macroscopique, toutes les dimensions du sujet semblent inquiéter davantage que les années précédentes les responsables des établissements consultés : disponibilité des systèmes, intégrité des données, externalisation, transformation et sécurité. Dans une certaine mesure, s'agissant d'une auto-évaluation, cette évolution reflète aussi une meilleure appréhension des questions posées et, peut-être, une conscience plus aigüe des défis à relever. Mais les problèmes soulevés restent entiers.

Sans surprise, hélas, le premier d'entre eux relève de l'obsolescence, qui affecte, à des degrés divers, les fonctions critiques de presque 4 entreprises sur 5 (78%). Au total, ce sont plus de 33 000 systèmes impliqués dans leurs activités essentielles qui sont considérés en fin de vie, soit une moyenne de 420 par banque concernée. Plus fâcheux, rien ne démontre que des efforts systématiques soient consacrés au remplacement de ces composants, d'autant que les progrès constatés sur le front des incidents (en baisse, autant en nombre qu'en sévérité) procurent un sentiment trompeur de maîtrise.

Un indicateur susceptible de confirmer le manque d'engagement dans cette nécessaire modernisation se révèle avec la classique répartition des budgets informatiques entre fonctionnement (« run ») et transformation (« change »), qui penche toujours plus vers le premier (atteignant désormais 60%). Avec de tels ratios, la relève des vieux systèmes représente la portion congrue (16% des nouveaux projets critiques) face à l'urgence ressentie de la « digitalisation », qui se renforcera encore en 2020 avec la crise sanitaire.

ECB Report on IT Risk in Banking

Autre cause potentielle de pessimisme, une certaine perte de contrôle paraît toucher les enjeux de sécurité. Par exemple, 40% des institutions admettent avoir été victimes d'au moins une cyberattaque réussie en 2019 (contre 28% en 2018) et, là également, il faut craindre que l'année écoulée ait significativement aggravé les risques, notamment en raison de la généralisation du télétravail. D'autres facteurs sont plus rassurants au premier abord, mais sans convaincre, à l'instar du nombre de failles non résolues un an après leur découverte, persistant à un niveau (trop) élevé bien qu'en forte diminution.

À l'occasion de cette édition de l'étude, la BCE met de nouveau à l'épreuve sa préoccupation récurrente vis-à-vis de l'expertise technologique des conseils d'administration. Les conclusions sont édifiantes et valident l'avantage acquis de la sorte : les banques ayant nommé trois spécialistes informatiques ou plus à leur « board » investissent plus (1,5 fois) dans leur infrastructure de sécurité, beaucoup plus (2 fois) dans l'infonuagique et sont bien plus réactives (quasiment 5 fois) en cas d'attaque.

Il serait facile d'ignorer les dérives progressives mises en lumière par l'exercice de la BCE tant elles semblent marginales et, souvent, explicables rationnellement. Pourtant, une prise de recul sur les observations successives dégage une perspective troublante pour l'avenir : alors que l'informatique est absolument stratégique pour les entreprises de la finance, elle devient une source de fragilité de plus en plus flagrante et aucun plan d'ampleur n'est apparemment organisé pour résorber ses faiblesses structurelles.

mardi 13 juillet 2021

MX voit du bien-être financier partout

MX
Il sont de plus en plus nombreux, aux quatre coins de la planète, ces agrégateurs de comptes bancaires qui souhaitent dépasser leur mission originelle de fournisseur de données brutes et ainsi remonter dans l'échelle de la valeur. Pour plus d'impact, l'américain MX développe maintenant différentes méthodes permettant d'intégrer ses services.

Après une première approche à destination des institutions financières, l'entreprise applique désormais son expertise de l'analyse des transactions à la production d'information déterminante pour évaluer et, potentiellement, améliorer le bien-être du consommateur : suivi de l'évolution du comportement, prédiction de tendance budgétaire, suggestion d'épargne, détection de paiement en double ou d'abonnement superflu…, autant de contenus qui enrichissent les simples listes d'opérations habituelles.

Fidèle à son modèle historique, MX fournit l'accès à cette connaissance intelligente par l'intermédiaire d'API, grâce auxquelles les entreprises peuvent contrôler précisément la manière dont elles la présentent à leurs utilisateurs. Mais une autre option est également disponible, en particulier à l'intention des organisations qui ne se font pas spécialité de la gestion des finances personnelles : ce sont des « widgets », composants visuels prêts à déployer en quelques gestes dans n'importe quelle page web ou application mobile.

MX Financial Insights Widget

Outre la promesse aux acteurs qui les implémentent sur leurs sites de stimuler de la sorte l'engagement de leurs visiteurs, l'ambition visée par la startup, notamment à travers ses efforts de facilitation de leur mise en œuvre, serait de voir ses fragments d'information – qui représentent aussi de puissants facteurs d'aide à la décision – installés partout où, par leur positionnement et par leur adaptation à un contexte approprié, ils sont susceptibles d'exercer un impact positif sur la santé financière de l'individu concerné.

Pour ne prendre qu'un exemple, imaginons une solution de paiement en ligne (s'appuyant sur une API d'initiation de paiement, pour faire bonne mesure) qui serait accompagnée d'un aperçu instantané de la prévision de son solde de compte à 30 jours afin de l'alerter, le cas échéant, d'un risque de dépassement ou, dans une hypothèse plus réaliste (hélas), de manière à l'encourager à recourir à une offre de règlement en plusieurs fois. Une multitude de cas d'usage semblables peuvent être aisément envisagés.

À mi-chemin entre les outils de PFM autonomes et les fonctions dédiées conçues par les banques pour leurs propres applications généralistes, MX explore une voie intermédiaire pour l'optimisation du bien-être financier, en proposant d'en immerger les principes au cœur des parcours du quotidien, là où ils ont le plus de chances, notamment, d'influencer les gestes de consommation. Il reste cependant à voir si ceux auxquels elle s'adresse reconnaîtront l'opportunité ou n'y verront qu'un risque de freiner leur activité…