Depuis ses lointains débuts, en 2010, la solution de paiement de Venmo se distinguait de ses innombrables concurrentes par sa dimension sociale. Avec la toute nouvelle mouture de son application mobile, qui sacrifie son fil public des transactions, c'est donc une composante importante – quoique polémique – de son ADN qui disparaît…
L'idée était née en pleine explosion du phénomène de réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) et consistait en une déclinaison du concept sur les échanges d'argent entre amis, faisant de ceux-ci le support d'une discussion ouverte au monde entier. Naturellement, au fur et à mesure de l'extension des fonctions incluses, par exemple avec l'introduction de capacités de règlement dans les commerces, y compris grâce à une carte de débit, le principe initial devenait plus intrusif et, donc, moins attractif.
Au cours de son évolution, Venmo a progressivement ajusté le tir. Son choix de configurer par défaut le partage d'information en mode public, régulièrement contesté, voire décrié, lui a notamment valu d'attirer l'attention du régulateur et, plus récemment, ses faiblesses en matière de protection de la vie privée ont été mises en lumière par une équipe de journalistes à travers la découverte, relativement facile, d'un compte (plus ou moins secret, ou, en tous cas, à vocation privée) du président américain Joe Biden.
La dernière incarnation de l'application met donc un terme aux critiques les plus pressantes. S'il subsiste une option de diffusion publique, qui laisse toujours la totalité de ses opérations visibles aux visiteurs du profil de l'utilisateur, connus et inconnus, désormais, le seul moyen d'animer une conversation sociale avec Venmo est limité à son cercle de proches, qu'il définit formellement et dont il a le plein contrôle.
En guise de justification de son geste, la filiale de PayPal souligne, avec justesse, le peu d'intérêt qu'il y a à pouvoir interagir globalement, autour des questions d'argent, avec les plus de 70 millions d'adeptes de ses produits. Il semble en effet beaucoup plus raisonnable de restreindre le champ à la famille et aux amis. La prise de conscience est tardive mais elle sera probablement bienvenue. Incidemment, ne devrait-elle pas également questionner les pratiques des plates-formes sociales généralistes ?
Plus profondément, Venmo marque ici son changement de stratégie, engagé depuis plusieurs années. Son approche d'origine – il s'agissait d'abord d'un véritable réseau social dont les contenus s'orchestraient autour d'événements financiers personnels considérés dignes d'être communiqués et de susciter un dialogue – a laissé la place à un outil de paiement à la portée universelle (autant que possible), assorti d'une faculté de partage avec une communauté choisie, de plus en plus anecdotique.
Du point de vue de Venmo, cette réorientation répond à la fois à une nouvelle réalité de son marché, entre autres en termes d'attentes de ses clients et de paysage concurrentiel, et à une certaine progression de la maturité du grand public vis-à-vis des réseaux sociaux, l'engouement le cédant rapidement à la lassitude et, parfois, à l'aversion. Là encore, la réflexion mériterait d'être étendue aux géants du domaine : leur emprise mondiale, en particulier, ne risque-t-elle pas d'être le déclencheur de leur futur déclin ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Afin de lutter contre le spam, les commentaires ne sont ouverts qu'aux personnes identifiées et sont soumis à modération (je suis sincèrement désolé pour le désagrément causé…)