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C'est pas mon idée !

lundi 31 décembre 2018

L'année 2018 de BBVA

BBVA
Ce n'est pas un secret que je puise une partie de mon inspiration dans les initiatives et démarches innovantes de l'espagnole BBVA. Alors que son président des 20 dernières années transmet le flambeau à son successeur, revenons sur quelques événements qui ont marqué son actualité en 2018, concrétisant une vision esquissée au siècle dernier.

Les services de communication de la banque ont en effet exhumé une intervention de Francisco González, datant de 1999, dans laquelle il exprime déjà sa perception d'une profonde transformation en passe d'affecter le monde, et, en particulier, le secteur financier. Il a alors compris que la mission de son entreprise consisterait à fournir à ses clients les services dont ils ont besoin, à tout moment et où qu'ils soient. Il a même vu, d'une certaine manière, que les données auraient un potentiel extraordinaire.

Conscient des difficultés que poseront les changements à venir, il prépare la stratégie qui permettra à BBVA de rester compétitive, en s'appuyant sur 3 piliers essentiels : les personnes, les valeurs et l'innovation. Dès cette époque, l'organisation toute entière se met en marche, avec l'ensemble de ses collaborateurs, pour mener la charge vers une nouvelle ère de la banque, combinant modèles technologique et humain, grâce à laquelle elle dépasserait ses concurrentes traditionnelles et les startups, juste émergentes.

Ces convictions sont intactes en 2018. BBVA a notamment démontré ses capacités à capitaliser sur les données, pour toujours offrir un service plus pertinent et plus efficace à ses clients. Après quelques hésitations, son acquisition de Madiva lui a donné les clés d'une approche différente de ses métiers, en capitalisant sur des sources d'information externes. En interne, elle a aussi mis en place un centre d'excellence, dont la vocation est d'industrialiser la valorisation des données jusqu'alors peu utilisées.

BBVA - 2018, a year to think of the future

Sur un autre plan, la notion même de service financier est également en pleine évolution au sein du groupe espagnol. Son expérimentation de paiement « invisible » et, plus encore, son compagnon mobile de l'achat immobilier sont les premiers pas concrets vers l'immersion des produits bancaires dans les parcours de vie des consommateurs et des entreprises. Ramenés à leurs statut d'outils d'aide à la réalisation des petits et grands projets de tout un chacun, ils cessent enfin de n'être que des facteurs de frustrations.

Le volet humain n'est jamais en reste, avec, par exemple, ses programmes de formation destinés à accompagner les collaborateurs – surtout ceux qui sont en contact avec la clientèle – dans l'inéluctable mutation de leurs rôles. Il faut en outre rappeler sa tentative pédagogique originale, autour d'un concept d'apprentissage collaboratif. Et, naturellement, une de ses principales préoccupations est aussi de parvenir à se convertir en une vraie entreprise technologique, aussi performante que les géants du web.

Vingt ans plus tard, les résultats atteints sont impressionnants, comme l'indique, entre autre, la part des ventes conclues en ligne et sur mobile, qui devraient être devenues majoritaires cette année. Désormais, une page de l'histoire de BBVA se tourne et la question qui brûle les lèvres est de savoir si Carlos Torres Vila, le successeur de Francisco González, saura prolonger le formidable élan engagé ou si, comme il arrive si souvent, le renouvellement de dirigeant entraînera une réorientation dommageable.

dimanche 30 décembre 2018

Vers la généralisation des GAB sans contact

US Payments Forum
Après avoir (péniblement) imposé la transition vers la carte à puce aux États-Unis, le forum américain des paiements (US Payments Forum) vise désormais une nouvelle frontière : l'intégration généralisée d'interfaces sans contact dans les automates bancaires. Mais ces efforts n'arrivent-ils pas, encore une fois, après la bataille ?

Au premier abord, l'idée a du sens. Les consommateurs prennent l'habitude de régler leurs achats simplement en présentant leur carte ou, de plus en plus, leur téléphone sur un terminal, les opérations deviennent plus rapides (surtout pour des consommateurs qui continuent de regretter l'utilisation de la piste magnétique et d'une signature), les retraits sont mieux sécurisés quand il n'est plus nécessaire d'insérer la carte dans le distributeur (et de risquer un détournement de ses précieuses informations)…

Il semble donc parfaitement logique que l'organisme de promotion de l'innovation dans le secteur publie un guide [PDF] à destination des propriétaires et des opérateurs de GAB, afin de les conseiller dans l'implémentation de cette option d'avenir. Cependant, une question vient immédiatement à l'esprit : pourquoi aura-t-il fallu attendre si longtemps pour se préoccuper de ce cas d'usage, pourtant évident, des moyens de paiement sans contact, alors qu'ils se répandent depuis plusieurs années sur le marché ?

L'interrogation est particulièrement sensible aux États-Unis, puisque le pays est en passe de finaliser la migration de son parc d'automates vers le standard de cartes à puce, engagée au cours de ces dernières années. Même s'il n'est pas nécessaire de remplacer les appareils pour leur permettre de prendre en charge les transactions sans contact, cette chronologie donne une singulière impression de cafouillage monumental

Que va-t-il se passer maintenant, y compris dans les autres pays occidentaux ? L'adaptation des GAB va peut-être se faire, en ordre dispersé, donnant à l'utilisateur l'impression qu'il vaut mieux continuer à utiliser le système qu'il connaît bien, universel, toujours disponible. Tandis que le volume d'opérations de retrait est déjà en baisse, il paraît imaginable que la généralisation de l'interface sans contact n'interviendra plus avant que le recours aux distributeurs se transforme en un acte marginal

US Payments Forum

samedi 29 décembre 2018

La confusion du paiement instantané

Instantanéité
Après avoir longtemps affirmé que leurs clients n'exprimaient aucun besoin pour des moyens de paiement plus rapides, les banques européennes ont fini par changer d'avis. Désormais, les systèmes de transfert d'argent instantané se multiplient, dans un surprenant désordre… et l'innovation attendue reste sérieusement à la traîne.

En France, nous avons ainsi vu successivement annoncer, ces derniers mois, la mise en place (d'abord par Arkéa [PDF]) des échanges entre particuliers avec la solution interbancaire Paylib, simplifiés par l'utilisation du numéro de téléphone mobile comme identifiant du destinataire, le lancement opérationnel du virement SEPA instantané (SCT Inst) du Conseil Européen des Paiements (EPC) et le déploiement de la plate-forme TIPS (Target Instant Payment Settlement) de la Banque Centrale Européenne.

Chacune de ces initiatives possède ses spécificités propres, mais toutes ont plus ou moins en commun de promettre aux consommateurs et aux entreprises d'exécuter des transactions en moins de 10 secondes entre deux comptes bancaires détenus dans des établissements participants au même dispositif (dans l'hexagone pour Paylib, dans l'espace SEPA pour les deux autres). Ils se positionnent de la sorte en alternative sécurisée et réactive aux règlements en espèces, par chèque ou par virement.

En réalité, la cible privilégiée des institutions financières est pourtant la carte et ses deux leaders américains, Visa et Mastercard. Les outils de virements instantanés sont donc souvent présentés comme de futurs supports au développement d'une alternative crédible, capable d'atteindre la même universalité. Or ce qui est mis en place (en ordre dispersé) pour l'instant correspond à l'infrastructure indispensable à la réalisation de cet objectif. Mais le plus difficile reste évidemment à accomplir… et à réussir.

Virement SEPA instantané

En effet, la seule capacité à finaliser un paiement en quelques secondes ne constitue pas une révolution en soi. D'une part, la possibilité de transmettre des fonds rapidement existe depuis longtemps, non seulement pour un achat auprès d'une entreprise mais aussi pour des opérations entre particuliers (outre la carte, pensons à PayPal ou Lydia…). D'autre part, l'ajout d'une option de virement instantané dans les applications bancaires ne représente qu'un avantage marginal pour une majorité d'usages, ce qui risque de rendre difficile de justifier la facturation du service qu'envisagent les banques.

Avec les nouvelles options mises à leur disposition, les acteurs du secteur sont maintenant confrontés à deux défis majeurs. Le premier consistera à clarifier l'extraordinaire confusion que crée la multiplication des solutions, qui affecte déjà les médias et qui a toute probabilité d'en freiner l'adoption. Le second, plus critique et aujourd'hui largement ignoré, est l'exigence d'inscrire le nouvel outil de transfert dans une expérience utilisateur optimale, perceptiblement supérieure à celle qui pré-existe. Dans l'attente de progrès en la matière, on s'abstiendra de parler d'innovation…

vendredi 28 décembre 2018

Un ex-consultant peut-il faire un bon CDO ?

Consultor
Relevée par un article de Consultor, la tendance est visible dans de nombreuses grandes entreprises : les postes de « Chief Digital Officer » (CDO) sont fréquemment occupés par des anciens du conseil. Avant d'en faire une tradition, les raisons d'un tel choix ne doivent pas masquer les exigences que ces profils ont plus de difficultés à assurer.

Selon une étude menée par la division strategy& de PWC auprès de 2 500 organisations dans le monde entier, environ 28% des CDO qui y sont recensés ont fait un passage dans un cabinet de conseil au cours de leur carrière et cette proportion est en forte hausse depuis un an. Il semblerait que l'évolution actuelle du rôle de ce nouveau membre des comités exécutifs, qui prend une dimension stratégique de plus en plus importante, soit, pour une large part, à l'origine de cette emprise sur le marché.

La capitalisation sur l'expérience qu'ont acquise les ex-consultants en matière de définition des orientations des entreprises et d'accompagnement des efforts de rationalisation via des programmes transverses ambitieux paraît en effet logique eu égard à la tâche qui, désormais, est (généralement) confiée aux CDO, de fixer une vision globale pour la transformation « digitale » et d'accompagner, de guider et de fédérer les innombrables initiatives prises à tous les niveaux des grandes structures.

La première précaution à prendre dans cette démarche de transition depuis le conseil devrait consister à vérifier que le prétendant au job de CDO a une approche pragmatique et personnalisée de la stratégie, et non celle, trop répandue dans certains cabinets, qui se contente de proposer des idées génériques, quasiment identiques pour tous leurs clients, sans l'indispensable feuille de route détaillée permettant leur mise en œuvre, ajustée en fonction de la culture et de l'environnement pré-existants.

La stratégie « digitale » exige de son capitaine qu'il ou elle ait une capacité à la fois à se projeter vers une cible à long terme et à articuler les étapes à respecter afin de l'atteindre, en prenant soin de coordonner des actions impliquant des métiers variés. Il faut donc bien connaître ces derniers et en appréhender les modes de fonctionnement spécifiques (même s'ils sont appelés à changer). Il existe là un enjeu de communication, sur lequel la posture d'un consultant est radicalement différente de celle d'un CDO.

Un autre point d'attention essentiel à garder en ligne de mire tient à la compétence technologique. Même s'il n'est évidemment pas question de réduire le « digital » à son volet informatique, il en est un pilier, à maîtriser absolument pour l'intégrer dans les gènes de l'organisation, ce qui est, de fait, la mission du CDO (surtout dans les institutions financières). Une vraie expérience pratique, par exemple dans une DSI, constitue alors un impératif pour initier la future acculturation du comité de direction.

Il faudrait enfin prendre garde à ne pas faire reposer l'entièreté de la stratégie de l'entreprise sur sa seule transformation « digitale », comme tendrait à le suggérer, dans certains cas, le recrutement d'un ancien consultant. La nomination d'un CDO capable de définir et, idéalement, déployer une stratégie ne peut en aucun cas se substituer à une réflexion globale, qui, au contraire, doit établir un cadre préalable à son action.

Labyrinthe

jeudi 27 décembre 2018

Une banque pour la vie sociale

B-Social
Parce qu'ils considèrent que la plupart des transactions financières correspondent à des moments d'interaction sociale, notamment chez les jeunes, les fondateurs de la startup britannique B-Social – qui vient de lever 3,2 millions de livres afin de poursuivre son développement – imaginent d'en faire une véritable banque centrée sur cette vision.

Dans son incarnation présente, ce que propose B-Social est une des ces solutions relativement classiques de suivi de dépenses collectives. Armée d'une application mobile et d'une carte Mastercard, l'utilisateur peut très facilement créer son ou ses groupes – qu'ils soient temporaires, par exemple à l'occasion d'un voyage entre amis, ou permanents, tels qu'une colocation – et répartir les frais engagés entre leurs membres, puis effectuer les virements ou les demandes de remboursement correspondants.

À plus long terme, la jeune pousse veut toutefois devenir une vraie banque, pour laquelle elle a entamé les démarches d'acquisition d'une licence auprès des autorités réglementaires du Royaume-Uni. Si, en apparence, cette évolution ressemble à une stratégie classique d'expansion destinée à matérialiser un modèle économique par ailleurs incertain (car ressortant d'une intermédiation sur les paiements), l'approche de B-Social peut également inspirer une perspective originale sur les comptes de groupes.

Accueil B-Social

En effet, au-delà des seuls partages de dépenses, qui, incidemment, en sont aussi un reflet, c'est dans une logique généralisée de petits ou grands prêts et emprunts entre proches que se projettent les concepteurs de la future néo-banque. Selon cette logique, il est alors facile d'imaginer une intégration plus ou moins transparente de facilités de crédit venant compléter les arrangements privés, en cas de nécessité. Il s'agit, d'une certaine manière, d'articuler une dimension sociale avec tous les domaines de la gestion de finances personnelles (l'épargne pourrait d'ailleurs être une autre cible).

À l'instar des plus prometteuses parmi les nouvelles entrantes du secteur, B-Social vise à incorporer l'argent et ses produits dérivés au cœur de la vie quotidienne de ses clients. En raisonnant à partir de sa propre perception, plutôt originale, des comportements et des attentes de ces derniers, elle fait le pari que ce sont les aspects relationnels sous-jacents à de nombreuses transactions qui vont lui permettre d'atteindre la symbiose désirée (en évitant de s'en tenir à une intégration superficielle dans les réseaux sociaux). Une façon radicalement différente d'envisager l'expérience de la banque…

mercredi 26 décembre 2018

Visa se positionne sur le paiement garanti

Shieldpay
Les startups européennes spécialisées dans les échanges d'argent sécurisés grâce à un tiers de confiance n'ont qu'à bien se tenir : Visa a conclu un partenariat avec la britannique Shieldpay en vue d'introduire une solution à base de paiement par carte, qu'elle veut proposer aux sites de petites annonces et autres ventes entre particuliers.

Dans la majorité des cas, au moment de conclure une transaction avec une personne privée, se pose la grande question de confiance : payer d'avance pour rassurer le vendeur (et risquer de ne jamais recevoir l'objet désiré) ou attendre la livraison pour régler son dû (et se dédouaner des acheteurs indélicats) ? Même lorsque l'opération se traite ou se finalise en face à face, il est difficile de ne pas penser aux agressions qui font fréquemment les colonnes des faits divers dans la presse.

Il est vrai que les options disponibles aujourd'hui laissent peu de choix. En dehors des plates-formes les plus importantes, qui offrent leur propre garantie, les acteurs de la vente de particulier à particulier ont tendance à laisser le problème du paiement à la charge de leurs utilisateurs. Ces derniers se résolvent donc à un paiement comptant, par virement, par carte (quand le fournisseur le permet), en espèces ou par chèque (moyennant une rencontre physique), voire par chèque de banque pour les montants élevés.

Ces derniers temps, quelques jeunes pousses se sont intéressées à ce marché, ou du moins certaines de ses niches, à l'instar de Paycar et Depopass, en France, toutes deux focalisées d'abord sur les achats de véhicules d'occasion. Leur fonctionnement consiste à agir comme séquestre des fonds jusqu'à l'accord final entre les parties. Ce modèle à rapidement attiré l'attention des banques : la première a ainsi fait entrer BNP Paribas à son capital tandis que la deuxième a été acquise par le groupe BPCE.

Accueil Shieldpay

Il ne peut évidemment être question pour Visa de laisser de la sorte échapper une catégorie de mouvements qui reste en manque de moyens de paiement adaptés. Et, grâce à son accord avec Shieldpay, l'entreprise peut apporter quelques avantages spécifiques aux consommateurs. En effet, alors que les virements mis en œuvre par les startups citées induisent des délais d'exécution (en attendant la généralisation des transferts instantanés), le recours à la carte autorise une réactivité bienvenue.

Cette caractéristique lui ouvre peut-être plus largement la porte à un usage pour tout type d'échanges, quel qu'en soit le montant. Pour le reste, le système mis en œuvre est résolument classique : l'acheteur verse le montant demandé sur le compte de Shieldpay, qui ne transmettra l'argent au vendeur que si ses deux interlocuteurs confirment la bonne fin de la transaction (ou aidera au règlement du litige, le cas échéant).

Comme sa concurrente Mastercard, qui s'écarte de son territoire d'origine (la carte), Visa voit évoluer les habitudes et les modèles de paiement. Afin de ne pas se laisser damer le pion par les nouveaux entrants ou, dans une moindre mesure, par les nouvelles approches développées dans les institutions financières traditionnelles, il lui faut impérativement rester vigilante aux besoins de ses clients historiques et leur apporter des solutions adaptées, autant que possible en capitalisant sur ses produits existants.

mardi 25 décembre 2018

Sabadell expérimente le paiement facial

Quelques mois après BBVA, c'est au tour de Banco Sabadell d'expérimenter, dans ses locaux et auprès de quelques collaborateurs, un outil de paiement « invisible », à base de reconnaissance faciale. Avant que le concept ne se répande, voilà une occasion de s'interroger sur l'opportunité de faciliter à tel point l'expérience client…

Avec cette nouvelle initiative, c'est uniquement l'acte de paiement qui est concerné, et non l'ensemble du parcours d'achat. La première étape consiste, pour l'utilisateur, à s'enrôler, sur son propre micro-ordinateur ou téléphone portable équipé d'une caméra, en associant une capture photographique (encodée) de son visage à son compte. Par la suite, il lui suffit de se présenter devant le terminal du commerçant pour valider son règlement, sans avoir besoin de recourir au moindre accessoire, carte ou téléphone.

Selon la banque, les bénéfices attendus de cette approche vont des plus classiques – la fluidité et la rapidité d'exécution des transactions, renforcées par la faculté du système à s'adapter aux changements d'apparence (par exemple le maquillage mais aussi le vieillissement) – aux plus spécieux – la possibilité offerte aux marchands d'analyser les comportements de leurs clients, voire d'ouvrir des canaux de communication directe avec eux, qui, en réalité, ne devrait pas dépendre du moyen de paiement choisi.

Quoi qu'il en soit, un récent article du New York Times intitulé « la tech est-elle trop facile à utiliser ? » m'incite à questionner ce parfait exemple de simplification extrême d'un geste quotidien : les progrès accomplis n'iraient-ils pas trop loin ? En effet, plus que tout autre dispositif envisagé jusqu'à maintenant, la reconnaissance faciale adoptée ici présente la particularité de potentiellement faire disparaître toute initiative de la part de l'individu dans l'acte qu'il déclenche, ce qui interpelle du point de vue de la sécurité et de l'éthique.

Paiement facial de Banco Sabadell

Les cartes sans contact, déjà suspectées de pouvoir être activées à l'insu de leur porteur, conservent au moins l'avantage d'être des objets physiques sur lesquels le consommateur garde un certain contrôle. Rien de tel avec la nouvelle solution biométrique : le seul fait de montrer son visage en public devient un possible acte de paiement ! Naturellement, des garde-fous seront mis en place pour éviter les dérives, encore faudra-t-il prouver qu'ils sont assez efficaces et, surtout, qu'ils parviennent à convaincre les utilisateurs.

Mais l'enjeu essentiel est d'abord de savoir si le paiement doit vraiment devenir absolument invisible ou s'il est préférable de laisser un minimum de friction dans l'expérience. Après tout, les boutiques Amazon Go demandent à leurs visiteurs de s'identifier à l'entrée avec leur téléphone et la commande d'une voiture Uber affiche un tarif avant confirmation, bien que le règlement lui-même soit transparent. Dans sa démonstration, Sabadell semble d'ailleurs aussi imposer une interaction sur le terminal.

En apparence, le commerçant a certainement intérêt à faire oublier le moment du paiement à ses clients, autant pour les aider à surmonter un frein psychologique à l'achat que pour l'efficacité opérationnelle qu'il peut espérer en tirer. Il ne faut pourtant pas tomber dans l'excès, susceptible de générer un ressentiment puissant en cas de transaction plus ou moins involontaire et qui, incidemment, finirait probablement par susciter une réaction réglementaire. En résumé, avant de lancer leurs tests, les concepteurs de ces nouveaux systèmes se sont-ils bien assurés qu'ils répondaient à un besoin réel ?

lundi 24 décembre 2018

LCL suit ses clients sur WhatsApp

LCL
Oubliez un instant les chatbots et autres assistants virtuels, les consommateurs qui veulent entrer en relation avec un conseiller bancaire adoptent de nouvelles habitudes qu'il est aussi essentiel de prendre en compte. Pour cette raison, depuis le début du mois, LCL met un numéro de contact sur WhatsApp à la disposition de ses clients.

Il suffit de regarder autour de nous pour constater que les modes de communication évoluent. Le téléphone est loin d'avoir disparu, le SMS continue à être largement utilisé, les réseaux sociaux restent populaires et les messageries sociales (WhatsApp, Facebook Messenger…) ont toujours le vent en poupe : les entreprises – notamment les institutions financières – qui veulent maintenir le lien avec leurs clients ont donc intérêt à leur proposer toutes ces possibilités si elles veulent répondre au mieux à leurs attentes.

Dans la plupart des cas, les nouveaux canaux sont d'abord considérés comme propices au déploiement de robots plus ou moins intelligents… en perdant de vue que leur principal usage est de permettre à des personnes de dialoguer entre elles. Alors, même si rien ne prouve que ce comportement (aujourd'hui plutôt réservé à la vie privée) est susceptible de s'étendre aux échanges avec la banque, il paraît logique que le point d'entrée initial de cette dernière consiste à y installer ses moyens de contact humains.

LCL sur WhatsApp

À y regarder de près, l'initiative de LCL n'est en réalité qu'une composante naturelle d'une démarche centrée sur le client. En effet, pour qui se préoccupe sincèrement des préférences des consommateurs, il apparaît rapidement qu'offrir le choix d'un média de communication est la première manifestation d'une volonté de personnalisation de la relation, reconnaissant que tout le monde n'a pas nécessairement envie de joindre un conseiller par téléphone quand tant d'options différentes sont disponibles.

Il faut tout de même souligner que l'effort mériterait d'être prolongé car la banque ne procure, a priori, qu'un accès à son centre d'appel via WhatsApp, alors que le raisonnement de l'alignement sur les attentes des clients laisse imaginer que ceux-ci désirent probablement pouvoir également converser avec leur conseiller attitré avec le même outil. Bien sûr, une telle hypothèse suppose que les collaborateurs de la banque soient formés et acceptent de se plier aux exigences de leurs interlocuteurs…

dimanche 23 décembre 2018

Triviale donc géniale, l'épargne sur seuil

Astra
L'agitation médiatique actuelle autour de l'intelligence artificielle – alors que celle-ci ne sort guère des laboratoires des institutions financières (comme le souligne un document de réflexion publié par l'ACPR) – peut faire oublier que des solutions simples suffisent souvent à aider les consommateurs à mieux gérer leurs finances personnelles.

Les outils destinés à faciliter les gestes d'épargne semblent particulièrement touchés par ce phénomène. Aux côtés de l'approche traditionnelle, qui consiste à programmer un virement périodique depuis le compte courant vers une cagnotte mise en place pour réaliser un projet futur, quelques plates-formes usent d'apprentissage automatique pour prédire la trésorerie et optimiser ce qui est mis de côté. Hélas, ces dernières restent rares car complexes à mettre en œuvre et potentiellement intimidantes.

Une jeune pousse américaine, Astra, vient d'ajouter une nouvelle option à son application de pilotage des finances personnelles qui rappelle opportunément qu'il existe (au moins) une solution intermédiaire, à la fois rassurante – pour l'utilisateur comme pour ses concepteurs – et un peu plus sophistiquée que l'alimentation à date fixe. Sous le nom de « sweep », il s'agit de mettre en place un transfert récurrent, toujours à échéance pré-déterminée, des excès de liquidité, en fonction d'un seuil défini par le client.

Astra sur iPhone

Au premier abord, l'annonce d'une « innovation » aussi triviale m'a parue dérisoire… jusqu'à ce que je réalise que, effectivement, ce genre de mécanisme est exceptionnel dans les applications bancaires (en existe-t-il même un autre exemple ?). Il faut donc croire que ce ne sont pas les obstacles techniques qui empêchent les institutions financières de déployer des solutions permettant aux consommateurs d'optimiser leur épargne : que coûterait d'ajouter un mécanisme de seuil aux services de virement ?

Le constat est finalement toujours le même : le principal défaut des banques est de ne pas parvenir à se mettre à la place de leurs clients afin de comprendre leurs besoins. En l'occurrence, le concept de la mise en réserve automatique de l'argent disponible tout en préservant une marge de sécurité ne requiert pas un extraordinaire effort d'imagination pour le commun des mortels, mais il n'entre pas dans le champ des opportunités pour une entreprise qui reste exclusivement focalisée sur ses produits.

En synthèse, il est parfaitement inutile de s'enthousiasmer pour les applications de l'intelligence artificielle au service de la gestion de finance personnelle si une révolution de l'état d'esprit sous-jacent n'est pas préalablement opérée. Ou, pour l'exprimer différemment (et plus simplement), il vaut mieux consacrer beaucoup plus d'énergie à identifier les vraies problématiques auxquelles sont confrontés les clients dans leur vie courante plutôt qu'à fournir des réponses à des questions qui ne sont pas posées.

samedi 22 décembre 2018

L'imagerie aérienne s'impose dans l'assurance

Allstate
Depuis quelques jours, l'américaine Allstate a rejoint la liste grandissante des compagnies d'assurance qui exploitent l'imagerie aérienne dans le but d'améliorer la relation avec ses clients, aussi bien lors de la souscription que dans la prise en charge des sinistres, en particulier dans les cas de plus en plus fréquents de catastrophe naturelle.

C'est dans le domaine de l'habitation qu'Allstate introduit, en collaboration avec une entité spécialisée, le Geospatial Intelligence Center (GIC), l'imagerie au cœur de ses opérations courantes. Ainsi, d'une part, elle dispose d'un accès à une base de données régulièrement actualisée de photographies en 3D des résidences érigées aux 4 coins du pays, grâce auquel elle peut proposer un contrat personnalisé sans déclencher une inspection préalable, gagnant de la sorte plusieurs jours sur son processus habituel.

D'autre part, la surveillance spécifique qui est dépêchée sur les lieux après un sinistre – dont la vocation première est d'évaluer les dommages – lui donne également l'occasion de transmettre des photographies de leur logement immédiatement après la fin de l'événement aux personnes qui auront dû l'évacuer préventivement à l'occasion d'un incendie ou d'un ouragan majeur. Cet engagement à les informer est considéré comme un facteur important pour convaincre les victimes potentielles de se mettre à l'abri.

Au-delà de l'usage par Allstate de capacités aériennes – qu'il s'agisse de drones, d'avions classiques ou d'imagerie satellite, d'ailleurs complétés par des dispositifs terrestres – qui commence à se répandre dans le secteur (on pensera par exemple à la réponse de sa filiale Esurance au passage de Harvey), ce qui est particulièrement notable dans l'initiative est son recours à des ressources développées et distribuées par une organisation portée par l'ensemble de l'industrie, le National Insurance Crime Bureau (NICB).

En effet, l'existence même d'une structure commune (sous forme d'association à but non lucratif) destinée à assurer cette fonction semble signaler un intéressant changement de perspective dans l'univers de l'assurance : il ne s'agit plus de considérer l'imagerie aérienne (y compris les technologies d'analyse associées) comme un élément de différenciation concurrentielle mais d'en faire une composante incontournable du métier, qu'il est donc préférable de partager pour une meilleure efficacité.

Il reste toutefois à noter que la mutualisation des moyens n'exclut pas l'innovation. En l'occurrence, Allstate a développé une option originale – l'envoi de photographies post-catastrophe naturelle – au-dessus d'un système dont l'objectif initial est principalement de fournir une assistance à l'évaluation des sinistres et à la lutte contre la fraude. Une fois ouvert l'accès aux données, leur utilisation peut laisser libre cours à l'imagination

Drone

vendredi 21 décembre 2018

Oui, la blockchain est un problème écologique !

Utocat
En temps normal, c'est un texte que j'aurais ignoré. Malheureusement, il m'a été adressé personnellement et il me choque profondément : cette tribune rédigée au nom d'Utocat, titrée « non, la blockchain n'est pas le gouffre énergétique qui va sceller définitivement le sorte de la planète » est un révélateur de ce qui, justement, conduit l'humanité vers une catastrophe environnementale de plus en plus inévitable.

L'argumentaire développé par l'auteure, responsable de la communication de l'éditeur de solutions technologiques pour les institutions financières, repose presque exclusivement sur des comparaisons. Ainsi, si les usages des cryptomonnaies et des blockchains dans le monde sont effectivement consommatrices d'électricité, ce ne serait (presque) rien face au gouffre de ressources naturelles que représente l'extraction d'or et au volume massif des émissions de gaz à effet de serre dues aux usages numériques.

Avant de revenir sur les défauts tragiques de ce raisonnement, écrasons immédiatement l'excuse spécifique qui voudrait que la plupart des usages, et en particulier ceux auxquels contribue Utocat, concernent des blockchains privées, par nature moins gourmandes en énergie. C'est oublier un peu vite que 99% des ces applications n'exploitent en rien les bénéfices supposés du concept et pourraient donc opérer sur des bases de données traditionnelles, considérablement moins nocives pour l'environnement.

Abordons maintenant la relativisation qui occupe l'essentiel du texte. Le premier motif du courroux qu'il m'inspire est sa stratégie de détournement de l'attention du lecteur. Il me semble relativement malhonnête de tenter de minimiser le problème de la blockchain en se référant à des activités qui, en réalité, n'ont aucun rapport avec elle : même le sujet de l'or n'est pas pertinent, si on met en regard ses utilisations variées du métal précieux avec la spéculation sur les cryptomonnaies et les applications d'entreprise !

Enfin, quels que soient les désastres écologiques qui perdurent dans d'autres domaines, l'enjeu de l'écologie ne peut JAMAIS se résumer à chercher à faire un peu mieux que les mauvais élèves. Seule une volonté de minimiser inconditionnellement l'impact de la moindre application est susceptible de nous mener dans la bonne direction. Or, il faut bien reconnaître que la blockchain ne s'inscrit pas aujourd'hui dans une telle perspective et que la seule invocation d'hypothèses d'évolution non validées, voire contestées, ne suffit pas à progresser (par exemple les mécanismes « proof of stake »).

En conséquence, les acteurs du secteur devraient consacrer moins de temps à essayer de se justifier et plutôt faire porter leurs efforts sur la conception et la mise en œuvre de vraies solutions opérationnelles, compatibles avec les enjeux de notre époque (notons que l'alibi d'une utilisation d'énergie verte pour miner les cryptomonnaies n'est guère plus valable quand on considère – logiquement – la question à l'échelle de la planète). Et cette injonction ne s'adresse évidemment pas qu'à l'écosystème de la blockchain…

Utocat – Blockchain

jeudi 20 décembre 2018

Et la meilleure banque est…

Trophée
Dans un marché concurrentiel mais qui, en dépit des dispositifs destinés à faciliter la mobilité, voit finalement peu de mouvements des clients, la question se pose : quelle est la meilleure banque ? Les comparatifs désignent les moins chères, on peut apprécier la relation avec son conseiller, les startups sont rafraîchissantes… mais la meilleure ?

Inutile de chercher plus longtemps : comme l'ont compris depuis longtemps les millions de consommateurs insatisfaits mais qui se résignent à maintenir leurs comptes dans le même établissement au fil des ans, aucune n'est véritablement meilleure qu'une autre. Elles proposent toutes les mêmes produits (à des prix souvent proches, en dehors de périodes promotionnelles), tandis que les quelques innovations qu'elles introduisent parfois ne changent pas la face du monde (et sont rapidement répliquées).

Tristement, les néo-banques ne parviennent pas plus à faire émerger une différence significative. Avec un catalogue généralement réduit, composé des mêmes solutions que leur aînées, elles se battent d'abord, elles aussi, sur leur politique de frais réduits (voire de gratuité). La qualité de leur expérience mobile, qui constitue leur avantage principal, séduit suffisamment pour capter des utilisateurs curieux (qui s'avèrent nombreux), mais ceux-là vont rarement, toutefois, jusqu'à en faire leur fournisseur primaire.

Le moyen de sortir du lot est pourtant à la portée de celle – ancienne ou nouvelle – qui voudra enfin se pencher sérieusement sur les attentes de ses clients en matière de conseil. Apprendre à les connaître intimement, savoir anticiper leurs besoins, être prêt à concocter des réponses qui prennent en compte leur contexte et leurs préférences… Ces capacités peuvent être délivrées par des conseillers mais elles s'appuieront nécessairement sur des briques technologiques… qu'il ne reste qu'à bâtir et déployer !

L'actualité du moment (en France) nous offre un parfait exemple d'opportunité qui vaudrait d'être explorée. En plein débat sur le pouvoir d'achat, la directrice générale du groupe Engie, Isabelle Kocher, explique sur les médias comment son entreprise s'engage à financer l'installation de chaudières neuves chez ses clients équipés de matériels anciens, en leur promettant que le coût d'investissement, lissé mensuellement, sera entièrement compensé par les économies réalisées sur la consommation de gaz.

Voilà exactement le genre de suggestion que les consommateurs devraient recevoir de la part de leur banque. Après tout, celle-ci connaît (plus ou moins) leurs conditions de résidence et elle est en position d'évaluer leurs dépenses d'énergie. Elle devrait alors être la mieux placée pour proposer spontanément les produits financiers personnalisés permettant d'envisager un remplacement dans des conditions optimales pour chaque foyer. En l'occurrence, Engie lui damera le pion avec une approche plus triviale…

La première enseigne qui inscrira sa relation client dans une telle logique méritera incontestablement le titre de meilleure banque. En attendant cette vraie révolution, ne cherchez plus et résignez-vous à trouver le même service partout, avec, tout au plus, quelques économies à faire chez l'une, un interlocuteur plus à l'écoute chez l'autre ou une application mobile plus agréable à utiliser chez une troisième.

Clones

mercredi 19 décembre 2018

AXA et les startups, c'est du sérieux !

AXA
Pendant que continuent à se propager les discours béats sur les bénéfices mutuels des collaborations entre grands groupes et startups, sans résultats concrets visibles, AXA France a initié depuis quelques mois une démarche pragmatique et opérationnelle, dont un des temps forts avait lieu ce 18 décembre au Hub Bpifrance.

Au premier abord, le défi « Startup Discovery 2018 » lancé par les équipes d'innovation de la compagnie d'assurance en septembre dernier ressemblait à un concours de jeunes pousses comme il en est annoncé presque quotidiennement. Cependant, contrairement à la plupart des exercices de cet acabit, l'objectif ne se limiterait pas, cette fois, à récompenser une ou deux entreprises puis à les oublier aussitôt, mais à sélectionner trois partenaires pour la mise en œuvre effective de concepts innovants.

La première manifestation de l'ancrage de l'initiative dans la réalité apparaît avec le choix des thèmes proposés aux participants. Ils ont été élaborés directement par les responsables des différents métiers de l'entreprise, à partir des faiblesses et des déficiences connues (émanant par exemple des retours de clients) – dans la prévention, la santé et le bien-être, les processus de souscription, la prise en charge des sinistres, la gestion de la conformité… – auxquels ils souhaitent apporter de vraies réponses.

En dépit d'une méfiance grandissante des entrepreneurs vis-à-vis de ce genre d'événements (qui ont parfois tristement tendance à les détourner de leur véritables priorités), la promesse différente formulée par AXA a attiré 413 candidatures issues de 46 pays, parmi lesquelles 67 dossiers ont été pré-sélectionnés et évalués plus précisément. La liste a enfin été réduite à 10 finalistes, qui étaient donc présents ce mercredi à Paris pour convaincre un jury composite de passer à la phase d'exécution de leur projet.

Finalistes Startup Discovery 2018

Pour cette étape importante, la spécificité de l'approche s'exprimait encore. Ainsi, si le format respectait l'incontournable séquence de « pitches », il ne pouvait être question de présentations génériques des solutions des startups. Chacune défendait en réalité une proposition complète (budget compris, jusqu'à 150 000 €) en vue du développement et de l'implémentation d'un pilote. Celle-ci avait été soigneusement préparée, au cours du mois précédent l'événement, en étroite coopération avec les équipes internes.

Au vu de l'ambition portée depuis le début, les lauréats ont logiquement été désignés non seulement en fonction de l'originalité de leur offre et de son adéquation aux besoins d'AXA, mais également en tenant compte de la faisabilité des déploiements envisagés, notamment en termes d'intégration. Les 3 heureux élus sont :
  • Tractable, pour l'introduction d'un moteur d'analyse automatique, sur photo, des dommages aux véhicules ;
  • AlloMedia, pour capter les conversations dans les centres d'appel et améliorer les interactions avec les clients ;
  • Risk Attitude, pour fournir aux agents un outil de cartographie instantanée des risques majeurs menaçant une PME.

Commence maintenant la dernière phase, qui consiste à exécuter le projet imaginé avec ces 3 jeunes pousses. L'engagement de la compagnie est d'aider à la création d'une solution opérationnelle, de valider la valeur qu'elle apporte, sur la base d'indicateurs de succès déterminés (collaborativement) en amont et, en cas de résultat satisfaisant (sur ce seul critère), de passer à la mise en production. Et, dans une tentative d'intégration des contraintes des startups, cette décision finale devrait intervenir sous 6 mois…

Rendez-vous l'été prochain pour, espérons, une série d'innovations dans l'offre d'AXA !

mardi 18 décembre 2018

Le client d'abord : slogan ou réalité ?

Gartner
Toutes les grandes entreprises affirment désormais qu'elles placent le client au centre de leurs préoccupations. Pourtant, dans bien des cas, le principal intéressé ne voit pas la différence avec l'ère précédente du « produit roi ». Hank Barnes, analyste pour Gartner, propose 3 critères simples permettant de vérifier la réalité derrière la promesse.

L'évaluation de la sincérité des annonces en la matière n'est pas aussi facile à évaluer qu'on l'imaginerait car il ne peut être uniquement question de répondre favorablement à toutes les demandes des clients : l'entreprise n'y survivrait pas longtemps. Et s'il faut constamment mettre en balance les intérêts parfois contradictoires des parties prenantes, on voit bien qu'il n'existe pas de règles absolues, donc pas d'indicateurs définitifs. En revanche, il est possible de s'assurer que les clés de la démarche sont présentes.

La première d'entre elles, selon Hank, consiste à contrôler l'existence d'un profil de client type connu et compris par (presque) tous les collaborateurs. Son rôle est de garantir le partage, à l'échelle de l'organisation, d'une vision commune des caractéristiques, des préférences, du contexte, des attentes… de la personne (ou de l'entreprise) dont on cherche systématiquement à satisfaire les besoins. Il s'agit de focaliser les efforts sur une cible précise, à laquelle tout le monde adhère.

Le deuxième point d'attention réside dans la sélection des priorités de développement. Si les questions posées et si l'argumentaire élaboré pour justifier la décision de lancement d'un nouveau produit concernent d'abord les revenus de l'entreprise, le changement de perspective n'a pas abouti. Si, au contraire, c'est la valeur apportée au client et la manière dont elle peut lui être démontrée qui sont au cœur des premiers débats (sans ignorer les retombées pour l'entreprise, naturellement), la direction prise paraît meilleure.

Enfin, la dernière preuve de la qualité de l'approche, et probablement la plus importante, à mon sens, est la mise en place d'un environnement propice à la collecte permanente des avis, des commentaires, des plaintes et des demandes des clients, à travers des dispositifs variés, stimulant une large participation. L'objectif poursuivi ici n'est pas le suivi de la qualité de service mais de mieux connaître les clients et identifier les changements à apporter et les innovations à introduire afin de renforcer leur satisfaction.

Ces 3 principes semblent triviaux mais, étonnamment, ils sont mis en défaut dans d'innombrables entreprises qui se veulent « obsédées par le client ». En particulier, il suffit souvent d'interroger les concepteurs de produits – par exemple ceux qui sont en charge des plates-formes web et des applications mobiles des institutions financières – sur leur perception de l'individu à qui ils les destinent pour se rendre compte que celui-ci ne correspond en rien à l'humain en chair et en os qui les utilisera effectivement.

Tapis rouge

lundi 17 décembre 2018

ING met de l'IA dans sa gestion de risques

ING
Afin d'aider ses gestionnaires de risques à surveiller la fiabilité des clients auxquels elle accorde des crédits, ING a conçu et développé un « système d'alerte avancée » qui intègre, à la manière d'un LEGO, un ensemble de briques technologiques fournies par Google, dont ses plates-formes de cloud computing et d'intelligence artificielle.

Pour une institution financière, le risque de contrepartie – qui reflète la confiance qu'elle a en la capacité d'un client à, par exemple, rembourser un emprunt qu'il a contracté – se distingue de la plupart des autres catégories de risques (de taux, de change…) par son caractère fondamentalement qualitatif et, par conséquent, l'impossibilité de le mesurer à partir d'une série d'indicateurs objectifs. Pour cette raison, il est largement confié à des analystes qui exploitent les informations à leur disposition pour former leur jugement.

Or les récents progrès de l'intelligence artificielle (ou, du moins, de l'apprentissage automatique) permettent désormais d'envisager de confier à des machines l'exploration et la compréhension de textes et de documents. ING s'est donc logiquement penchée sur les possibilités d'automatiser, au moins partiellement, son activité de suivi du risque de contrepartie. Elle s'est alors naturellement tournée vers Google, qui possédait les composantes nécessaires pour assembler rapidement la solution imaginée.

Qu'on y pense : Google Actualités pour un accès instantané à la presse du monde entier, Google Traduction pour une analyse multilingue, Google Cloud pour une mise en œuvre rapide, Google AI pour une palette d'outils d'intelligence artificielle prêts à l'emploi… Une connexion aux données de marché en temps réel de Thomson-Reuters est tout ce qu'il manquait pour que l'équipe – constituée d'experts des risques d'ING, d'un architecte, de spécialistes des données, d'un développeur et d'un designer – puisse démarrer.

Early Warning System ING

Grâce à ces éléments, PWC, qui accompagnait la banque dans son projet, a mis sur pied un démonstrateur convaincant en 2 semaines, tandis que l'étape suivante, une preuve de concept (PoC) opérationnelle a demandé moins de 3 mois. Aujourd'hui, ce premier système aide quelques gestionnaires à détecter automatiquement les informations pertinentes pour l'évaluation de la qualité d'emprunteur des grands comptes, des administrations et des institutions financières, parmi environ 80 000 articles quotidiens.

L'objectif est maintenant de déployer l'application auprès de tous les collaborateurs concernés, ce qui exige au préalable une intégration étroite avec les processus existants et avec le Système d'Information de la banque, ainsi qu'une campagne de formation. Surtout, en cible, le responsable de la gestion de portefeuille espère que le raffinement des algorithmes et des modèles analytiques aboutira à une véritable prédiction des risques, en continuant toutefois à laisser la prise de décision finale à l'humain.

dimanche 16 décembre 2018

Transformer la banque dans le « bon » ordre

Which? UK
Une enquête de l'association britannique de défense des consommateurs Which? sur les réactions des consommateurs face à la réduction accélérée de la densité des réseaux d'agences met en relief un hiatus dans les démarches de transformation des banques, qui ne fournissent pas toujours les alternatives que demandent leurs clients.

Le sondage réalisé auprès de plus de 2 000 adultes représentatifs de la population produit les résultats habituels de ce genre d'exercice. Par exemple, plus de 8 sur 10 estiment que les agences actuelles devraient être maintenues ouvertes afin de répondre aux attentes de ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas utiliser les autres médias à leur disposition. En même temps, la seule statistique de fréquentation restituée est la proportion (86%) de ceux qui ont visité une agence… au moins une fois dans l'année.

Naturellement, s'ils ne s'y rendent pas plus fréquemment (ce qui semble sous-entendu), il est difficile pour les banques de justifier le maintien d'une présence étendue sur des territoires où elles comptent, au mieux, quelques centaines de clients. On retombe toujours sur la sorte de schizophrénie des consommateurs qui voudraient avoir un conseiller en bas de chez eux mais ne le consultent pratiquement jamais. Et la possibilité de réaliser les opérations essentielles dans les bureaux de poste (retraits et dépôts d'espèces et de chèques) ne satisfait pas leur besoin de proximité avec l'enseigne.

Mais une question posée par Which? apporte un éclairage inédit sur le débat. En effet, plus de trois quarts des personnes interrogées (77% exactement) déclarent que les agences sont nécessaires en cas de défaillance technique des automates et des outils web et mobiles qui leur sont proposés en substitution. Cette défiance est évidemment exacerbée par les incidents à répétition qui affectent les institutions britanniques, mais elle peut aussi être interprétée comme le révélateur d'une insuffisance de leur part.

This branch has now closed

Ne trahit-elle pas, en particulier, une perception généralisée que les canaux de libre-service ne sont pas au niveau de l'agence, pour assurer toutes les fonctions que le client requiert de la part de sa banque ? Réelle ou imaginaire, il existe une conviction inébranlable que le lieu physique, même ouvert seulement de 9h à 5h du lundi au vendredi, est en mesure de prendre en charge des opérations qu'il est impossible d'exécuter ailleurs, en temps normal ou dans des circonstances exceptionnelles.

Or c'est aux banques et à elles seules qu'incombe la tâche de corriger cette vision pessimiste de leur offre AVANT d'espérer pouvoir fermer des agences avec un minimum de critiques et de protestations. Pour ce faire, il leur faut comprendre la réalité de ce qui leur est reproché. Il ne s'agit pas uniquement d'une peur des pannes : les centres d'appel qui laissent le client en attente pendant de longues minutes ou le transfèrent de personne en personne, les complications du mot de passe oublié, les produits absents des services en lignes et mobiles… toutes les frictions participent au ressenti.

En synthèse, j'oserais donc affirmer que le rejet massif des consommateurs vis-à-vis des fermetures des agences est, dans une large mesure, le signe incontestable de l'incapacité des banques à démontrer concrètement qu'elles sont capables d'offrir la même qualité de relation et de conseil par d'autres moyens. En conséquence, tous les efforts de transformation digitale devraient tendre vers cet objectif… et ils ne peuvent manifestement pas se résumer à un déploiement des dernières technologies à la mode.

samedi 15 décembre 2018

Arkéa, futur Amazon de la banque

Crédit Mutuel Arkéa
Comme en écho aux échanges de la semaine sur le thème de la banque invisible et les étapes qui conduisent inexorablement le secteur dans cette direction, Ronan Le Moal, son directeur général, exposait jeudi sa vision de l'avenir d'Arkéa en « Amazon de la banque », à l'occasion d'une interview qu'il accordait au Télégramme de Brest.

Depuis longtemps, la petite bretonne occupe une position particulière dans le paysage financier hexagonal. Ses collaborations, ses investissements et ses acquisitions parmi les startups de la FinTech, par exemple, répondent à une stratégie soigneusement élaborée. Face à la pression réglementaire accrue depuis la crise de 2008 ainsi qu'à l'évolution des comportements et la reprise de pouvoir des consommateurs, elle voit un nouveau modèle de relation émerger, qui s'appuie nécessairement sur des partenariats.

Cette projection mène directement à la notion de plate-forme. À l'instar du site d'Amazon, celle-ci dispose d'un catalogue largement diversifié, certains produits étant fournis par la banque, les autres par des entreprises tierces. Du point de vue du client, elle constitue un point d'entrée unique, incarné par un service en ligne, une application mobile ou un conseiller humain, qui le connaît parfaitement et est capable d'appréhender ses attentes et de leur apporter la solution idéale en puisant dans une offre étendue.

Or, pour la plupart des institutions financières, l'hypothèse de distribuer, de manière généralisée, les produits de concurrents, avérés ou potentiels, reste une hérésie. Le réflexe est parfaitement naturel dans une perspective historique. En effet, quand elles proposent toutes exactement les mêmes solutions et que chacune tente d'accaparer l'intégralité de la relation avec ses clients, l'ouverture n'a évidemment aucun sens. Mais la FinTech, en particulier, a changé la donne, en introduisant de nouvelles options.

Arkéa. Devenir l'Amazon de la Banque.

Aujourd'hui, il existe une multitude d'acteurs, parfois de niche, qui créent des produits innovants ou, plus simplement, adaptent un modèle existant aux besoins d'une certaine catégorie d'utilisateurs. Tous les domaines sont concernés : le paiement (cf. les échanges d'argent entre particuliers), le crédit et l'épargne (cf. la finance participative), l'investissement (cf. les robo-advisors), l'assurance (cf. les primes à l'usage)… Chacun d'eux apporte une spécificité qui fera la différence dans telle ou telle circonstance.

La banque qui met son client au centre de ses préoccupations se doit donc de disposer de toutes ces possibilités afin de répondre au mieux à ses demandes, en prenant en compte ses préférences, ses habitudes, son contexte, ses contraintes… Loin de l'inciter à se tourner vers la concurrence (ce qui arrivera, en revanche, si ses désirs ne sont pas satisfaits), cette démarche ouverte et ultra-personnalisée est un facteur majeur de confiance vis-à-vis de l'opérateur de la plate-forme et, en conséquence, de fidélisation.

Enfin, la plate-forme de services financiers qu'esquisse Arkéa est le socle indispensable de la future banque invisible. Quand les consommateurs et les entreprises exigeront une expérience entièrement intégrée et transparente (Ronan Le Moal reprend le cas classique du parcours d'achat immobilier), c'est elle qui fournira, en arrière-plan, les produits bancaires et d'assurance nécessaires, en exploitant la richesse de son catalogue et sa connaissance de l'utilisateur pour assembler une solution globale « parfaite ».

vendredi 14 décembre 2018

BlackRock veut réinventer l'épargne retraite

BlackRock
Dans un monde qui se tourne de plus en plus vers l'individualisme, les solutions collectives de planification de la retraite deviennent moins prépondérantes. Il revient alors à chacun de prendre en main son avenir, dès le plus jeune âge. Hélas, une majorité de nos concitoyens manquent cruellement des connaissances de base nécessaires.

Même si le modèle par capitalisation constitue déjà la règle aux États-Unis, de profondes transformations des comportements affectent son fonctionnement historique. En effet, les programmes d'épargne retraite mis en place par les grands employeurs ne satisfont plus seuls aux besoins de salariés qui changent fréquemment d'entreprise et se tournent massivement vers le travail indépendant. Il est incontestable que des mécanismes complémentaires sont requis pour accompagner ces évolutions.

Dans les pays, comme la France, où le système par répartition prévaut (y compris pour les freelances), la menace sur sa viabilité que fait peser le vieillissement de la population induit, certes dans une moindre mesure, une exigence similaire. Si celle-ci passe par l'investissement financier, la plupart d'entre nous sommes d'autant plus désavantagés, notre protection sociale universelle nous ayant toujours isolé de ses arcanes, au moins en ce qui concerne la préparation de la retraite.

Naturellement, les catalogues des institutions financières regorgent d'innombrables produits à proposer à leurs clients afin de pallier aux déficiences des instruments génériques. Malheureusement, sans éducation préalable sur les différentes options disponibles, sur les modalités de calcul d'une projection à 20 ou 30 ans, sur les risques à prendre en compte… et, plus trivialement, sur l'importance de penser à son avenir, ils inspirent d'abord la méfiance, puis, au mieux, sont mal utilisés.

Accueil BlackRock

Pas de panique. Voici que BlackRock, le géant de la gestion d'actifs, vient au secours des travailleurs américains, en collaboration étroite avec Microsoft. Que concoctent ces deux-là ? Impossible de le savoir précisément, si ce n'est qu'il est question de profiter des technologies modernes – cloud et intelligence artificielle, notamment – et de nouveaux outils financiers pour assister concrètement les consommateurs dans la planification au long cours de leur retraite et l'atteinte de leurs objectifs de vie.

La promesse vous rappelle quelque chose ? Effectivement, elle ressemble fort à celle que formulent beaucoup de plates-formes d'investissement robotisé (« robo-advisor ») à travers le monde. BlackRock serait-il donc en train d'imaginer une solution de ce genre exclusivement consacrée à la retraite ? L'idée ne manquerait pas d'intérêt, car la reconnaissance du besoin d'accompagnement de proximité confronté à l'échelle de temps de tels projets peut justifier une approche et une mise en œuvre spécifiques.

Dans cette hypothèse, il reste cependant un immense chemin à parcourir. Et, loin d'être purement technologique, l'enjeu majeur sera de trouver les moyens d'influer sur les habitudes des consommateurs vis-à-vis de leur argent, de manière à les inciter à épargner volontairement pour le très long terme. Hypothèse évoquée par BlackRock, la recherche d'un engagement régulier des clients avec leur retraite est-elle la bonne ? Non seulement a-t-elle peu de chances d'opérer mais peut-être vaudrait-il mieux, au contraire, rendre l'épargne retraite aussi invisible (et indolore) que possible…

jeudi 13 décembre 2018

Barclays copie les néo-banques

Barclays
Six mois après les initiatives similaires de Monzo et Starling Bank, Barclays ajoute à son application mobile une fonction permettant à ses clients, entre autres, de bloquer leurs dépenses liées à une addiction au jeu, afin de les aider à se défaire de petites mauvaises habitudes susceptibles de mettre en danger leurs finances personnelles.

Comme les startups qui l'ont précédée dans cette voie, la banque britannique a été inspirée par les efforts de sensibilisation d'une association, le Money and Mental Health Policy Institute, qui alerte régulièrement sur la relation étroite qui existe entre problèmes de santé mentale (dont font partie les addictions) et risques de surendettement, et appelle depuis quelque temps les institutions financières du pays à mettre en place des mécanismes, souvent simples, pouvant aider à mieux lutter contre ce phénomène.

En l'occurrence, l'app de Barclays comprend une nouvelle option, offrant la possibilité de contrôler les paiements par carte dans 5 grandes catégories – paris et jeux, sites web payants et numéros de téléphone surtaxés, restaurants et pubs, essence, supermarchés et épiceries. Pour chacune d'elles, l'utilisateur peut décider d'interdire, d'un geste, toute transaction et éviter de la sorte de s'enfoncer dans une spirale de dépenses incontrôlée, encouragée par la facilité à régler certains achats sans y prendre garde.

Le dispositif peut paraître bien limité par rapport à son ambition, d'autant qu'aucun obstacle n'est apparemment mis en œuvre pour empêcher le consommateur de revenir sur son choix (contrairement à ce qu'envisage Monzo dans son implémentation). Pourtant, les spécialistes considèrent que l'introduction d'une friction dans le parcours d'achat, aussi minime soit-elle, constitue un facteur d'amélioration des comportements, en procurant une occasion aux personnes concernées de s'interroger sur leurs actes.

App Mobile de Barclays

Il s'avère donc aisé d'apporter un service réellement utile et efficace aux clients les plus vulnérables, le verrouillage des transactions étant relativement peu complexe à développer. Barclays explique ainsi l'avoir conçu comme une extension des capacités présentes dans la plupart des banques – celles qui proposent de désactiver les paiements à l'étranger ou sans contact ou encore de définir un plafond sur différents types d'opérations – en les enrichissant d'un critère de catégorie assez sommaire.

Un autre aspect notable de cette innovation – souligné indirectement par sa caractérisation officielle de première dans un établissement historique – est sa démonstration de la faculté rare d'une banque traditionnelle à prendre exemple sur les jeunes pousses de la FinTech pour mieux répondre aux besoins des consommateurs et à répliquer leurs idées dans un temps presque raisonnable. En effet, bien que long, le délai de 6 mois jusqu'au déploiement est plutôt modéré à l'échelle d'un grand groupe.

mercredi 12 décembre 2018

Le mythe du bouclier réglementaire de la banque

Stop
C'est un mythe profondément ancré dans les grands groupes historiques, qui n'a pas manqué de ressurgir à l'occasion de nos débats sur la banque invisible : les acteurs en place ne seraient pas réellement menacés par les nouveaux entrants parce qu'ils maîtrisent mieux que quiconque les lourdes contraintes réglementaires du secteur.

Grâce à des décennies de pratique quotidienne, à la constitution d'une expertise considérable, appuyée par des équipes ultra-compétentes, au déploiement de processus extrêmement rigoureux, à une présence (ou une représentation) au cœur des instances de décision…, les banques seraient donc imbattables dans la mise en œuvre des exigences réglementaires, tandis que les startups (et les GAFA) ne pourraient pas s'attaquer sérieusement à leurs positions, faute de capacités équivalentes.

Hélas pour les banques qui y croient encore, ce raisonnement est une illusion et elles ont en main, à travers leur propre expérience, les arguments nécessaires pour le comprendre.

Le premier obstacle que dresse la rigueur réglementaire sur le chemin de concurrents émergents apparaît (presque) dès leur naissance. Il est impossible de nier sa réalité : les démarches d'agrément et le respect des obligations minimales, dans tous les domaines financiers, prennent du temps et coûtent cher. Tant mieux ! Ce passage difficile permet d'éliminer rapidement les projets superficiels. En revanche, il ne décourage certainement pas les entrepreneurs sérieux, ni les investisseurs avisés (certes rares).

Vient ensuite la phase opérationnelle. Effectivement, la mise en place des mécanismes imposés par les textes, leur maintien en condition et les évolutions qu'il faut leur apporter pour suivre les ajouts et changements réguliers paraissent aujourd'hui extraordinairement complexes et lourds dans les banques traditionnelles. Mais cette charge énorme est-elle vraiment intrinsèque à la réglementation ? N'est-elle pas en (grande) partie due surtout à la manière dont elle est abordée, depuis toujours, par l'organisation ?

La réponse se trouve, à mon avis, dans une tendance observable au cœur des banques elles-mêmes : leur appétit actuel pour les solutions développées par ce qu'on appelle la RegTech montre clairement que les dispositifs de conformité existants ne sont pas parfaits et recèlent d'importants gisements d'optimisation. Le niveau de professionnalisme atteint dans l'application des réglementations est peut-être élevé (ce qui n'empêche toutefois pas quelques ratés) mais son efficacité semble souvent discutable.

En réalité, il en est de la conformité comme des autres métiers des institutions financières. Elle reste inspirée de pratiques et de méthodes plus ou moins anciennes, dont les couches successives ont une forte propension à s'empiler au fur et à mesure de l'accumulation de nouvelles exigences. Elle s'appuie sur des systèmes informatiques qui sont eux mêmes datés et imposent leurs limitations (dont leur « silotage »), de la même manière qu'ils induisent des restrictions sur les applications destinées à la clientèle.

À l'inverse, les entreprises qui se créent aujourd'hui capitalisent immédiatement sur les technologies modernes et adoptent une agilité vitale leur permettant de s'adapter non seulement aux fréquentes évolutions réglementaires mais également, dans nombre de cas, aux spécificités des différents marchés qu'elles visent, à court ou long terme. Et leurs systèmes, dans leur ensemble, sont nativement conçus pour prendre en charge ces processus. L'innovation de la FinTech ne réside pas que dans l'expérience utilisateur !

Le poids de la conformité est une caractéristique essentielle du secteur financier et il ne fait pas de doute qu'il a un effet modérateur, à l'entrée, sur l'émergence rapide d'une concurrence massive. Mais aux acteurs qui se lancent il offre une opportunité d'établir un avantage de productivité par rapport aux banques existantes. Alors, plutôt que de se rassurer en pensant qu'il les protège de la disruption, ces dernières devraient en faire un argument de leur incitation permanente à innover, face au risque de disparition.

Réglementation

mardi 11 décembre 2018

Pourquoi la banque devient invisible

C'est pas mon idée !
À l'occasion de l'événement organisé ce mardi 11 décembre pour le lancement du livre de Svetlana Baranov, Bankless Banking, j'ai profité des quelques minutes de conclusion qui m'étaient accordées pour tenter d'expliquer à travers une sorte de fresque historico-futuriste pourquoi, selon moi, la banque va inévitablement devenir invisible.

Revenons loin dans le temps, au XIIème siècle, quand les monastères constituaient les premiers réseaux d'agences, en permettant aux voyageurs de l'époque de déposer leurs fonds dans l'un et de les retirer dans l'autre, à travers l'ensemble du monde civilisé. En se professionnalisant, au XVIème siècle, afin de répondre aux besoins du commerce international alors en pleine expansion, cette pratique a ensuite donné naissance aux premières banques vénitiennes et florentines désignées comme telles.

Un deuxième jalon majeur pour le secteur est marqué par la révolution industrielle. Celle-ci imposa la généralisation d'un nouveau pilier de la banque, consistant à mettre en relation les personnes et les organisations disposant de capitaux – déposants, épargnants et investisseurs – avec les entrepreneurs qui en avaient besoin pour lancer ou développer leurs activités. Ce moment a été le déclencheur de la création de la plupart des grands groupes financiers exerçant encore aujourd'hui dans les pays développés.

Depuis ces débuts lointains jusqu'à maintenant, les métiers de la banque sont fondamentalement restés les mêmes et les progrès accomplis au fil des siècles ont toujours tourné autour de la mission que remplissaient déjà les moines il y a presque mille ans : faciliter et fluidifier les mouvements de fonds sous toutes leurs formes, géographiquement ou entre acteurs. En résumé, pour l'exprimer différemment, l'enjeu est de réduire les frictions dans la gestion de l'argent, pour tous ses « utilisateurs ».

Au cours des dernières décennies, les technologies ont progressivement accéléré la réalisation de cette ambition. Ce furent d'abord les automates donnant accès à l'argent à tout moment et en (presque) tout lieu, suivis par la banque en ligne et sur mobile : tous ces « outils » prolongent la tendance. Le paiement transparent dans l'application Uber, les solutions d'investissement robotisé, les plates-formes de crédit P2P… sont de nouveaux moyens de limiter les petites difficultés de la finance du quotidien.

Or l'aboutissement de cette évolution est désormais en ligne de mire. L'idée d'effacer totalement les frictions se transforme en réalité, soit que les technologies, telles que les cryptomonnaies et les blockchains, automatisent totalement le rôle historique des banques, soit que les fonctions qu'assurent ces dernières soient mises à disposition sous forme de services et intégrées au cœur des gestes de tous les jours (le paiement) et des parcours de vie (l'achat immobilier, le financement de l'entreprise…).

On le comprend alors, quand toutes les frictions ont disparu, les banques sont devenues invisibles et leur modèle ancestral, valorisant directement la facilitation perceptible des mouvements et de l'intermédiation, se trouve ébranlé, voire anéanti. D'une certaine manière, il ne leur reste plus qu'à trouver un autre métier à exercer pour continuer à exister. La seule option disponible aujourd'hui semble être le conseil… comme l'évoquent les grandes enseignes dans leurs efforts de modernisation de leurs réseaux.

Mais le conseil dont il est question ici, celui qui peut justifier une rémunération, ne se contente pas d'une capacité à décrypter les produits (ce qui n'est qu'une forme spécifique de réduction de friction). Le défi est de connaître et comprendre le client, son besoin, son environnement, ses contraintes, ses envies, ses préférences… de manière à savoir lui offrir la solution optimale pour lui. Solution qui doit en outre être globale et pas uniquement financière (par exemple l'acquisition d'un bien immobilier et non un crédit).

Au bout de cette vision, il n'y a plus de banque : l'utilisateur (particulier ou entreprise) possède un assistant personnel qui l'accompagne en permanence, satisfait le plus simplement possible ses demandes et ses attentes, financières et extra-financières, avec la plus extrême transparence, dans le respect de ses préférences… Peut-être certains établissements actuels sauront-ils exploiter cette opportunité, en étendant leur sphère d'influence. Mais des acteurs d'autres secteurs sauront aussi en profiter.

Intervention à #LaPiscine