C'est un mythe profondément ancré dans les grands groupes historiques, qui n'a pas manqué de ressurgir à l'occasion de nos débats sur la banque invisible : les acteurs en place ne seraient pas réellement menacés par les nouveaux entrants parce qu'ils maîtrisent mieux que quiconque les lourdes contraintes réglementaires du secteur.
Grâce à des décennies de pratique quotidienne, à la constitution d'une expertise considérable, appuyée par des équipes ultra-compétentes, au déploiement de processus extrêmement rigoureux, à une présence (ou une représentation) au cœur des instances de décision…, les banques seraient donc imbattables dans la mise en œuvre des exigences réglementaires, tandis que les startups (et les GAFA) ne pourraient pas s'attaquer sérieusement à leurs positions, faute de capacités équivalentes.
Hélas pour les banques qui y croient encore, ce raisonnement est une illusion et elles ont en main, à travers leur propre expérience, les arguments nécessaires pour le comprendre.
Le premier obstacle que dresse la rigueur réglementaire sur le chemin de concurrents émergents apparaît (presque) dès leur naissance. Il est impossible de nier sa réalité : les démarches d'agrément et le respect des obligations minimales, dans tous les domaines financiers, prennent du temps et coûtent cher. Tant mieux ! Ce passage difficile permet d'éliminer rapidement les projets superficiels. En revanche, il ne décourage certainement pas les entrepreneurs sérieux, ni les investisseurs avisés (certes rares).
Vient ensuite la phase opérationnelle. Effectivement, la mise en place des mécanismes imposés par les textes, leur maintien en condition et les évolutions qu'il faut leur apporter pour suivre les ajouts et changements réguliers paraissent aujourd'hui extraordinairement complexes et lourds dans les banques traditionnelles. Mais cette charge énorme est-elle vraiment intrinsèque à la réglementation ? N'est-elle pas en (grande) partie due surtout à la manière dont elle est abordée, depuis toujours, par l'organisation ?
La réponse se trouve, à mon avis, dans une tendance observable au cœur des banques elles-mêmes : leur appétit actuel pour les solutions développées par ce qu'on appelle la RegTech montre clairement que les dispositifs de conformité existants ne sont pas parfaits et recèlent d'importants gisements d'optimisation. Le niveau de professionnalisme atteint dans l'application des réglementations est peut-être élevé (ce qui n'empêche toutefois pas quelques ratés) mais son efficacité semble souvent discutable.
En réalité, il en est de la conformité comme des autres métiers des institutions financières. Elle reste inspirée de pratiques et de méthodes plus ou moins anciennes, dont les couches successives ont une forte propension à s'empiler au fur et à mesure de l'accumulation de nouvelles exigences. Elle s'appuie sur des systèmes informatiques qui sont eux mêmes datés et imposent leurs limitations (dont leur « silotage »), de la même manière qu'ils induisent des restrictions sur les applications destinées à la clientèle.
À l'inverse, les entreprises qui se créent aujourd'hui capitalisent immédiatement sur les technologies modernes et adoptent une agilité vitale leur permettant de s'adapter non seulement aux fréquentes évolutions réglementaires mais également, dans nombre de cas, aux spécificités des différents marchés qu'elles visent, à court ou long terme. Et leurs systèmes, dans leur ensemble, sont nativement conçus pour prendre en charge ces processus. L'innovation de la FinTech ne réside pas que dans l'expérience utilisateur !
Le poids de la conformité est une caractéristique essentielle du secteur financier et il ne fait pas de doute qu'il a un effet modérateur, à l'entrée, sur l'émergence rapide d'une concurrence massive. Mais aux acteurs qui se lancent il offre une opportunité d'établir un avantage de productivité par rapport aux banques existantes. Alors, plutôt que de se rassurer en pensant qu'il les protège de la disruption, ces dernières devraient en faire un argument de leur incitation permanente à innover, face au risque de disparition.
Grâce à des décennies de pratique quotidienne, à la constitution d'une expertise considérable, appuyée par des équipes ultra-compétentes, au déploiement de processus extrêmement rigoureux, à une présence (ou une représentation) au cœur des instances de décision…, les banques seraient donc imbattables dans la mise en œuvre des exigences réglementaires, tandis que les startups (et les GAFA) ne pourraient pas s'attaquer sérieusement à leurs positions, faute de capacités équivalentes.
Hélas pour les banques qui y croient encore, ce raisonnement est une illusion et elles ont en main, à travers leur propre expérience, les arguments nécessaires pour le comprendre.
Le premier obstacle que dresse la rigueur réglementaire sur le chemin de concurrents émergents apparaît (presque) dès leur naissance. Il est impossible de nier sa réalité : les démarches d'agrément et le respect des obligations minimales, dans tous les domaines financiers, prennent du temps et coûtent cher. Tant mieux ! Ce passage difficile permet d'éliminer rapidement les projets superficiels. En revanche, il ne décourage certainement pas les entrepreneurs sérieux, ni les investisseurs avisés (certes rares).
Vient ensuite la phase opérationnelle. Effectivement, la mise en place des mécanismes imposés par les textes, leur maintien en condition et les évolutions qu'il faut leur apporter pour suivre les ajouts et changements réguliers paraissent aujourd'hui extraordinairement complexes et lourds dans les banques traditionnelles. Mais cette charge énorme est-elle vraiment intrinsèque à la réglementation ? N'est-elle pas en (grande) partie due surtout à la manière dont elle est abordée, depuis toujours, par l'organisation ?
La réponse se trouve, à mon avis, dans une tendance observable au cœur des banques elles-mêmes : leur appétit actuel pour les solutions développées par ce qu'on appelle la RegTech montre clairement que les dispositifs de conformité existants ne sont pas parfaits et recèlent d'importants gisements d'optimisation. Le niveau de professionnalisme atteint dans l'application des réglementations est peut-être élevé (ce qui n'empêche toutefois pas quelques ratés) mais son efficacité semble souvent discutable.
En réalité, il en est de la conformité comme des autres métiers des institutions financières. Elle reste inspirée de pratiques et de méthodes plus ou moins anciennes, dont les couches successives ont une forte propension à s'empiler au fur et à mesure de l'accumulation de nouvelles exigences. Elle s'appuie sur des systèmes informatiques qui sont eux mêmes datés et imposent leurs limitations (dont leur « silotage »), de la même manière qu'ils induisent des restrictions sur les applications destinées à la clientèle.
À l'inverse, les entreprises qui se créent aujourd'hui capitalisent immédiatement sur les technologies modernes et adoptent une agilité vitale leur permettant de s'adapter non seulement aux fréquentes évolutions réglementaires mais également, dans nombre de cas, aux spécificités des différents marchés qu'elles visent, à court ou long terme. Et leurs systèmes, dans leur ensemble, sont nativement conçus pour prendre en charge ces processus. L'innovation de la FinTech ne réside pas que dans l'expérience utilisateur !
Le poids de la conformité est une caractéristique essentielle du secteur financier et il ne fait pas de doute qu'il a un effet modérateur, à l'entrée, sur l'émergence rapide d'une concurrence massive. Mais aux acteurs qui se lancent il offre une opportunité d'établir un avantage de productivité par rapport aux banques existantes. Alors, plutôt que de se rassurer en pensant qu'il les protège de la disruption, ces dernières devraient en faire un argument de leur incitation permanente à innover, face au risque de disparition.
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