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C'est pas mon idée !

jeudi 31 décembre 2020

Mes prix de l'innovation 2020

Trophée
Dans une année très particulière, difficile pour beaucoup de personnes et d'entreprises, l'innovation n'a pas disparu. Au contraire, la crise sanitaire et économique a largement stimulé les acteurs les plus créatifs. Voici les quatre – sélectionnés parmi les 365 billets publiés ces 12 derniers mois – qui retiennent particulièrement mon attention.



Meilleure banque : DBS

This is DBS digibanking

DBS est incontestablement la super-star de 2020, présente quand il faut réagir aux circonstances exceptionnelles affectant ses clients et ses collaborateurs, mais sans jamais perdre de vue ses ambitions stratégiques. Singapour étant à proximité de l'épicentre de l'épidémie, elle commençait dès février à inciter ses clients à recourir à ses services web et mobiles pour leurs opérations, accélérant la transition numérique de ses processus existants afin de réduire au maximum la nécessité de visiter une agence.

L'étape suivante consistait à fournir, autant que possible, un substitut « digital » au conseil habituellement prodigué par un humain. Toute l'année, elle a donc enrichi sa plate-forme mobile dans cet objectif. Avec NAV Planner, mis en ligne en avril puis ouvert en décembre à tous les consommateurs, quelle que soit leur banque, elle propose un accompagnement ultra-personnalisé pro-actif en matière de planification financière, à 360°. Une première, à cette échelle, dans une institution traditionnelle.

En tant qu'employeur, elle s'est focalisée sur l'adaptation aux exigences de distanciation, avec non seulement la généralisation du télétravail mais également l'instauration d'un étonnant mode de travail partagé et de méthodes agiles dans l'ensemble de son organisation. Dans une perspective à plus long terme, elle a aussi profité des changements du monde pour sensibiliser des milliers de ses employés aux défis et aux opportunités de l'intelligence artificielle, à travers une démarche ludique inédite.



Meilleure néo-banque : Starling Bank

Starling Bank – Changing Banking for Good

Elle est depuis longtemps ma favorite parmi les néo-banques européennes et son attitude en cette période étrange ne m'a pas déçu. Une fois déployées les quelques mesures d'urgence les plus faciles à concevoir (relèvement des plafonds de paiement sans contact, dépôt de chèque par téléphone…), Starling Bank s'est rapidement penchée sur un vrai problème rencontré par une partie de ses clients : la demande d'assistance des personnes contaminées, isolées volontaires, auprès de leur entourage.

En moins d'un mois, elle a ainsi développé et intégré une option de création de carte de paiement secondaire sur ses comptes courants. Assortie de protections spécifiques, le malade la remet à un aidant – voisin ou parent – de manière à lui permettre de faire les courses essentielles, sans avoir à lui confier des espèces ou les codes de sa carte principale. L'idée était tellement évidente qu'elle a ensuite été copiée, avec quelques délais, toutefois, par plusieurs grandes enseignes britanniques.

Autre jalon important dans l'histoire de Starling Bank, son annonce, en novembre, après à peine 7 ans d'existence, de l'atteinte de l'équilibre (un fait rare dans la FinTech) qui simultanément démontre que la banque centrée sur le client est une approche qui séduit – et qui représente indubitablement le plus sûr chemin vers le succès – et apporte un démenti cinglant aux oiseaux de mauvais augure prétendant qu'il est impossible d'imaginer un modèle économique viable pour les nouveaux entrants.



Meilleur assurance : Caisse d'Épargne

Ma Cagnotte Solidaire

Le choix de « Ma Cagnotte Solidaire », lancé cet automne par la Caisse d'Épargne Bretagne-Pays de Loire, pour ce palmarès n'est évidemment pas motivé par son originalité, puisque le concept d'assurance P2P, par constitution d'une sorte de communauté d'entraide, date au moins d'une dizaine d'années. En revanche, ce modèle qui peine à s'imposer sous forme autonome, notamment quand il est distribué par des jeunes pousses, méritait son appropriation par un établissement historique.

Et qui mieux qu'une organisation mutualiste pouvait reprendre le flambeau vacillant ? Adapté à des risques « mineurs » de la vie courante, donc sans enjeu important, le principe permet à la Caisse d'Épargne de remettre au premier plan ses valeurs coopératives alors que celles-ci ont tendance à souffrir de méconnaissance et d'une perte d'attrait chez les sociétaires. Sans être directement lié à la crise, le message de partage et de solidarité sous-jacent n'en est pas moins parfaitement accordé au contexte.



Meilleure néo-assurance : Alan

Alan

Juste avant le début de la pandémie, je m'attardais déjà sur Alan et ce qui différencie cette startup des compagnies d'assurance santé traditionnelle, à savoir son attention permanente aux moindres besoins de ses clients. Les événements qui ont suivi lui ont permis d'en faire une nouvelle brillante démonstration. Dès la mi-avril, l'opération « coup de pouce » offrait au sein de son app mobile une information sur le COVID-19, un formulaire d'auto-diagnostic, une téléconsultation gratuite avec un médecin…

Ce n'était pas terminé. En juin, afin de faire face aux inquiétudes de la population à la veille des congés d'été, elle mettait en place, d'abord à titre expérimental, une fonction de tchat avec un généraliste afin de répondre aux questions de santé qui ne requièrent pas une visite. Puis, en novembre, sa préoccupation pour la santé psychologique des assurés soumis aux confinements successifs la conduisait à inclure, sans frais supplémentaires, un service de consultation de spécialistes par téléphone.



Globalement, et en dépit de quelques projets notables (dont ceux rappelés ici), 2020 n'a pas été un cru exceptionnel pour l'innovation dans le secteur financier. Cependant, les fondations d'une transformation profonde se sont affermies – par exemple en ce qui concerne les services enfouis – et donnent beaucoup d'espoir pour l'avenir. Oublions donc cette année écoulée et, surtout, la pandémie, et gardons notre optimisme pour 2021, que je vous souhaite à tous excellente, créative, révolutionnaire et enthousiasmante !

mercredi 30 décembre 2020

Data science sans conscience…

IA
… n'est que ruine de l'IA. Voilà la synthèse que je propose de cet article du Journal du Net évoquant les limites du « machine learning » automatisé. Car, en arrière-plan, c'est aussi une certaine approche de la science des données, une dérive engendrée par un engouement incontrôlé, qu'il semble nécessaire de remettre en cause.

Ce que nous appelons communément intelligence artificielle aujourd'hui consiste essentiellement en une vaste catégorie d'algorithmes dits de « machine learning », dont le rôle est d'explorer d'importants volumes d'informations, d'y repérer, de manière plus ou moins autonome, de possibles corrélations et autres motifs récurrents, puis d'exploiter ceux-ci sur des jeux de données « vierges », afin de réaliser des classifications, des projections, voire des prévisions… sans aucune intervention humaine.

Parce qu'il existe une multitude d'approches différentes à ces mécanismes d'analyse, les fournisseurs de technologie – des spécialistes tels que DataRobot aux généralistes comme Dataiku, en passant par les géants du web, Google, Amazon, Microsoft… – ont progressivement développé des solutions capables d'en exécuter un grand nombre en parallèle, de manière à identifier et sélectionner rapidement, en comparant leurs résultats, ceux qui paraissent les plus efficaces pour chaque problème qui leur sont soumis.

La méthode n'a rien de surprenant : elle reproduit, sous une forme robotisée, une partie de l'activité des professionnels des données, au cours de laquelle ils doivent justement rechercher les algorithmes les plus appropriés pour la tâche à réaliser. En revanche, si ces outils émergents permettent d'économiser un temps précieux sur ces opérations, avec une performance remarquable sur des questions simples, ils ne s'avèrent résolument pas en mesure, à ce jour, de traiter seuls les sujets les plus complexes.

Quand il s'agit d'établir des prédictions en économétrie, dans le domaine médical et pharmaceutique, en matière de fraude bancaire… le nombre et la typologie variée des paramètres à prendre en compte rend obligatoire l'intervention d'un analyste chevronné, qui va, souvent par le cumul de son expérience et de son intuition, combiner des techniques distinctes, adapter les modèles mis en œuvre, ajuster les spécifications des données en entrée… dans le but d'affiner et optimiser ses conclusions.

Malheureusement, trop de soi-disant experts, parfois formés à la va-vite et manquant de recul, oublient cet aspect essentiel de leur métier. Sans prendre le temps de réfléchir au sens profond de la matière première qu'ils manipulent, de trier les critères prioritaires, de prêter attention aux fausses corrélations et aux inductions abusives, de s'interroger sur l'explicabilité de leurs résultats…, ils se contentent d'appliquer « bêtement » les algorithmes disponibles afin de retenir celui qui paraît mécaniquement le meilleur.

Ainsi, le défaut reproché aux nouvelles plates-formes peut-il être adressé à certains scientifiques des données, qui, en dépit de leur médiocrité (qui peut n'être que de l'immaturité), sont recrutés en masse par les entreprises désireuses de profiter des opportunités de l'intelligence artificielle. Ceux-là pourront donc être aisément remplacés par des logiciels, plus compétitifs, ce qui devrait encourager les plus motivés à renforcer leurs compétences et décupler leur valeur auprès de leur employeur.

IA et Humain

mardi 29 décembre 2020

TD met l'IA au service de l'aide de crise

TD
Comme de plus en plus de banques dans le monde, TD souhaitait introduire dans son application mobile quelques fonctions d'assistance contextuelle intelligente, capable de prodiguer à chaque client des conseils personnalisés en fonction de sa situation. Puis la crise sanitaire est arrivée… Alors, elle a réévalué ses priorités.

Né quelques mois avant que le commun des mortels ait jamais entendu parler de coronavirus, le projet initial de la banque canadienne consistait à exploiter les possibilités de l'apprentissage automatique afin d'anticiper les besoins des consommateurs à partir de l'analyse de leurs transactions et de leur fournir au plus tôt des recommandations adaptées. Un cas classique est la détection d'un risque de découvert dans les deux semaines à venir, assortie de la préconisation de réduire des dépenses superflues.

Cependant, quand l'OMS a classé le COVID-19 au rang de pandémie, entraînant la fermeture de milliers d'entreprises et une perte de revenus pour des millions de canadiens, l'équipe en charge du sujet a immédiatement perçu la nécessité d'ajuster ses travaux. Elle a ainsi focalisé ses efforts sur les difficultés spécifiques que rencontraient dès lors ses clients et sur les solutions mises à leur disposition dans l'urgence. Et elle a fait le forcing pour accélérer le déploiement, prévu initialement à l'automne.

En trois semaines, une première version était intégrée, sous la forme d'alertes à l'attention des individus ayant préalablement souscrit aux notifications de l'application de TD. Reposant sur le traitement d'une centaine d'indicateurs différents – tels que l'évolution du solde des comptes et des habitudes de consommation, la réception de subsides gouvernementaux… –, elle identifie plus particulièrement les changements importants vraisemblablement dus à la conjoncture et suggère le recours aux aides disponibles.

TD – Financial help amidst COVID-19

Par exemple, une personne qui ne perçoit plus son salaire, pourtant régulier par le passé, et qui réduit soudain ses dépenses alimentaires moyennes de moitié va être considérée comme ayant probablement perdu son emploi. Le système va lui envoyer un message lui indiquant que, si elle a des inquiétudes pour le règlement de ses factures à venir, des options de secours, émanant de la banque ou du gouvernement, lui sont proposées sur une page « chercheur de soutien » dédiée (accessible d'un clic, bien entendu).

Dans des circonstances exceptionnelles, TD a su profiter d'une occasion unique pour expérimenter une approche de conseil intelligent et valider ses bénéfices sur le terrain, dans des délais courts. La crise sanitaire a en effet facilité sa démarche, en lui procurant, d'une part, des conditions de rupture relativement faciles à déterminer dans les comportements de ses clients et, d'autre part, une grande variété de dispositifs d'accompagnement qui rend d'autant plus pertinentes les pistes de réponses offertes.

Forte de cette expérience enrichissante, l'institution est désormais prête à reprendre son plan de marche d'origine. Elle a donc récemment introduit dans son application mobile un nouveau module – propulsé par un moteur d'intelligence artificielle générique – qui permettra de reconnaître les moments critiques dans l'avenir immédiat de l'utilisateur et l'invitera à agir en conséquence, depuis son tableau de bord financier.

lundi 28 décembre 2020

Le Venezuela transforme le pétrole en bitcoin

Bitcoin
Alors que le cours du bitcoin connaît une nouvelle flambée, l'armée vénézuélienne révèle publiquement, sur Instagram, avoir développé une véritable ferme de minage de manière à s'approvisionner en devises et, ainsi, équilibrer son budget. Derrière l'anecdote, se penchera-t-on un jour sérieusement sur l'impact environnemental de cette activité ?

Après avoir lutté contre les cryptodevises, qui permettaient à ses citoyens de disposer d'une réserve d'argent insensible à l'hyperinflation dont souffre le pays, suivi d'une tentative désespérée (et ratée, vraisemblablement par défaut de confiance) de créer sa propre monnaie virtuelle, le Petro, adossé au cours du pétrole (et autres matières premières), les autorités ont donc décidé de s'immiscer dans le réseau du bitcoin, installant des centaines de machines qui participent à son fonctionnement.

Les motivations de cette initiative sont claires (et pourraient certainement justifier certains des arguments aux défenseurs des cryptomonnaies indépendantes). En plein effondrement économique, conséquent à la chute des prix du pétrole, sa principale ressource, doublé d'une crise politique majeure et de sanctions américaines, le gouvernement voit dans le minage de bitcoin un moyen d'exploiter sa richesse énergétique afin d'obtenir les devises dont il a besoin, sans recourir aux marchés.

Si j'écarte (un peu rapidement, il est vrai) le facteur que représente sa difficulté spécifique à trouver des acquéreurs pour son pétrole, le Venezuela est désormais dans une situation où la transformation de l'or noir en or digital, par l'intermédiaire de la production d'électricité et du déploiement d'une batterie de calculateurs dédiés, est devenue plus rentable que sa vente. Ou, pour ramener le débat au sujet qui m'inquiète, la création de monnaie par l'émission de gaz à effet de serre est financièrement optimale.

Ferme Bitcoin de l'Armée Vénézuelienne

Alors que tant de voix s'élèvent aujourd'hui pour sonner l'alarme de l'urgence climatique et souligner l'impérieuse nécessité de réduire notre impact environnemental, il semble absurde, et inconcevable, qu'il soit possible de gagner plus d'argent en utilisant les énergies fossiles pour participer à un système monétaire virtuel – donc relativement artificiel – qu'au travers de leurs usages habituels au service de l'économie réelle. Et ce modèle en circuit fermé n'est il pas contradictoire avec les idéaux d'origine ?

Le problème serait sans gravité si le bitcoin restait considéré comme la simple expérimentation qu'il est fondamentalement, en attente de correction de ses défauts résiduels pour en faire un vrai instrument industriel. Malheureusement, même les contributeurs qui travaillent à son amélioration tendent à ne pas prendre suffisamment en compte cette dimension pourtant essentielle d'« impact carbone ». Or, tant que cette faiblesse structurelle ne sera pas résorbée, la cryptomonnaie n'aura pas d'avenir.

dimanche 27 décembre 2020

Citi déploie ses API dans la super-app de Grab

Citi
Grab, l'Uber singapourien qui cherche à étendre son influence bien au-delà du transport de personnes et de la livraison à domicile, vient de conclure un partenariat avec Citi afin d'intégrer l'offre de crédit à la consommation « Quick Cash » de cette dernière au sein de son application mobile, de manière totalement transparente.

Pour la jeune pousse, désormais présente dans l'ensemble de l'Asie du sud-est, l'initiative constitue un prolongement logique de ses velléités de développement dans les services financiers, complémentaires de son activité d'origine et de ses ramifications dans la grande distribution (avec l'épicerie incluse dans sa plate-forme), la réservation de spectacles, l'accès au divertissement… Et, bien qu'elle ait récemment obtenu une licence bancaire avec l'opérateur SingTel, elle continue à s'appuyer sur des spécialistes.

En l'occurrence, Citi est déjà le fournisseur d'une carte de crédit distribuée par Grab, à laquelle vient donc s'ajouter la nouvelle option de prêt personnel, première du genre dans l'univers de la startup. Avec celle-ci, les porteurs peuvent solliciter en quelques gestes un financement flexible, sur une durée de 12 à 60 mois, à un taux attractif, directement depuis leur porte-monnaie virtuel universel. Les API utilisées pour cette collaboration facilitent la mise en place d'une expérience fluide, instantanée et sécurisée (dont il faut espérer qu'elle se prolonge sur l'ensemble du cycle de vie du contrat).

Citi Quick Cash

La démarche a de quoi surprendre de la part de la banque. En effet, en s'adressant exclusivement aux détenteurs de ses cartes de crédit, elle capitalise sur une évaluation de risque existante, qu'elle n'a quasiment plus qu'à compléter avec l'historique d'utilisation, mais elle se concurrence elle-même avec un produit probablement moins rémunérateur. Il reste à supposer que ce choix résulte de la tendance – qui s'observe un peu partout dans le monde depuis quelques temps – des consommateurs à se détourner d'un instrument de plus en plus considéré comme dangereux.

Dans un registre différent, le cas de Citi constitue aussi une référence à retenir en matière de banque ouverte et d'opportunités qu'elle génère. Car son opération avec Grab représente une excellente démonstration de l'émergence d'un nouveau canal de distribution pour les services financiers – à travers les API – et de son importance potentielle. Il se trouve que les acteurs technologiques qui bâtissent des « super-apps » sont des candidats de premier ordre pour profiter de cette vague montante.

samedi 26 décembre 2020

L'étonnante hausse du bien-être financier

CommBank
C'est le résultat un peu paradoxal d'une étude menée par CommBank : en dépit des difficultés économiques auxquelles ils sont confrontés depuis le mois de mars, une majorité d'australiens – et il est probable qu'il en serait de même dans la plupart des pays développés – ont vu leur bien-être financier progresser pendant la crise sanitaire.

La révélation n'est pas issue d'une manipulation ou d'un effort de propagande quelconque mais d'un dispositif de mesure, que je découvre aujourd'hui, mis en place par la banque à partir de 2018 afin d'évaluer régulièrement la situation de ses clients particuliers. Le « Financial Wellbeing Scales » (FWB) recourt à une analyse des comportements basée sur les transactions réalisées, qui détermine, par exemple, le ratio des dépenses par rapport aux revenus, le niveau d'endettement, la préparation à un imprévu…

Or cet indicateur global a enregistré au cours des 8 mois passés sa plus forte croissance depuis sa naissance. En outre, ramenée aux scores individuels, la performance se confirme avec 52% de personnes ayant amélioré leur position et 24% l'ayant maintenu à une valeur stable… Une partie de cette bonne nouvelle est, bien sûr, attribuable aux compensations instaurées par le gouvernement afin d'amortir les impacts de la pandémie sur l'emploi et les salaires, qui prouvent ainsi leur efficacité réelle.

Cependant, le facteur principal de l'embellie est la réduction sensible des dépenses des ménages durant la période considérée. Non seulement les politiques de confinement ont-elles limité leurs occasions de faire des emplettes mais, surtout, les consommateurs ont singulièrement infléchi leurs habitudes – autant, d'ailleurs, en limitant leurs achats qu'en remboursant leurs crédits ou en mettant de l'argent de côté – face aux incertitudes et aux craintes pour leur avenir que provoque la conjoncture actuelle.

Aussie's financial wellbeing…

Une telle évolution instinctive représente une excellente opportunité pour les institutions financières d'accompagner leurs clients dans l'adoption de meilleures pratiques. Tout d'abord, et comme l'a justement esquissé CommBank dès juin dernier, des outils pédagogiques dédiés pourraient aider à orienter leurs priorités, notamment entre le rééquilibrage du budget quotidien, la résorption partielle ou complète des dettes, la constitution d'une épargne de précaution, l'anticipation d'un projet important…

Plus profondément, il serait intéressant de se pencher attentivement sur les mécanismes psychologiques qui déclenchent ou encouragent les changements d'attitude lors d'un cycle de stress élevé comme celui que nous vivons, de manière à, peut-être, en reproduire les conditions quand les circonstances seront redevenues normales et permettre de la sorte à tous, d'une part, d'entretenir les saines habitudes acquises durant les temps difficiles et, à plus long terme, de faciliter leur assimilation à tout moment.

En conclusion, la crise sanitaire aura eu au moins cet effet positif de démontrer que le principe de bien-être financier n'est pas qu'une simple illusion et qu'il est possible d'agir concrètement pour l'optimiser, validant de fait les démarches et les solutions qui s'attellent à cette mission. Après une telle confirmation, tous les acteurs du secteur devraient s'engager dans cette voie, d'autant que leurs clients risquent encore de souffrir d'une rechute si la reprise n'est pas aussi rapide que les spécialistes le prédisent…

vendredi 25 décembre 2020

Ré-inventer la proximité après le COVID

Cristal de glace
À défaut de vrai cadeau de Noël, je vous propose cette année une piste de réflexion à explorer pour résoudre un des dilemmes les plus sensibles actuellement dans la banque de détail : comment concilier le besoin de proximité (d'une partie) de la clientèle avec la vague de fermetures d'agences provoquée par leur désaffection ?

Le mouvement de réduction de l'empreinte physique du secteur se trouvait déjà sur une pente ascendante au début de l'année, la crise sanitaire n'a fait que l'accentuer un peu plus, comme l'illustre, par exemple, l'annonce récente de Société Générale, qui, à l'occasion d'un rapprochement avec sa marque Crédit du Nord déclare son intention de passer de 2 100 points de vente en 2020 à 1 500 en 2025. Or, quoiqu'en disent les responsables, ces évolutions tendent à éloigner toujours plus la banque de ses clients.

Rien de très grave, en général, pour les opérations courantes, dont la capacité de les réaliser à travers les outils web et mobiles est historiquement un des premiers déclencheurs de la baisse de fréquentation. En revanche, sans même évoquer le segment des professionnels, quand il s'agit de préparer un projet important – crédit pour un achat immobilier, gestion du patrimoine… –, beaucoup de personnes restent attachées à un contact face à face avec un conseiller, qui devient donc moins accessible.

Pourtant, il existe peut-être une solution pour limiter l'impact du changement. Pourquoi ne pas généraliser le principe du banquier itinérant, qui se déplace à domicile lorsque son client souhaite aborder un sujet majeur ? Naturellement, l'idée n'est pas inédite : elle a été, entre autres, mise en œuvre par BNP Paribas Fortis, en Belgique, entre 2016 et 2017 (qu'est devenue l'initiative ?). Mais les événements de ces derniers mois donnent potentiellement une assise supplémentaire au concept et renforcent sa faisabilité.

En effet, avec la crise sanitaire, les modalités de la relation ont sérieusement évolué. Tout d'abord, la plupart des clients acceptent désormais que la rencontre avec un conseiller soit plus ou moins réservée aux questions complexes, pour lesquelles, en outre, la prise de rendez-vous préalable devient la norme universelle. Sur l'autre versant de l'équation, les collaborateurs de l'établissement disposent également de conditions favorables au développement d'une nouvelle forme d'organisation.

L'introduction du télétravail, en particulier, laisse imaginer des possibilités extraordinaires. Appliqué au personnel des agences, de manière ponctuelle ou extensive selon les institutions (et les pays), il a permis d'équiper chacun des moyens nécessaires pour assurer ses responsabilités hors des locaux de l'entreprise. Il ne doit plus manquer grand chose (des options de connexion additionnelles, un complément de sécurisation, quelques mécanismes de contrôle…) afin d'autoriser une utilisation en tout lieu.

Dans un prolongement du modèle, envisageons maintenant un rayonnement individuel des employés à partir de leur domicile (à temps partiel, le cas échéant). Grâce à leur dispersion, ils pourraient alors probablement offrir une couverture géographique plus fine que celle des réseaux des banques et, de la sorte, restaurer la proximité désirée : ils sont (presque) des voisins, susceptibles de répondre rapidement aux sollicitations, toujours prêts à rendre visite à leurs clients, sans perdre un temps précieux en transport…

En arrière-plan, c'est la raison d'être de l'agence qui mériterait d'être rappelée… et remise en cause. Car, si la centralisation des activités financières dans un espace protégé était une obligation à une époque où elles impliquaient des mouvements d'espèces (qu'il faillait stocker) et où la tenue des comptes reposait sur un livre en papier, puis sur un système accessible uniquement à travers une infrastructure dédiée, ces contraintes ont aujourd'hui disparu et rien n'empêche plus de sortir le conseil bancaire des bureaux.

Sonnette

jeudi 24 décembre 2020

2020, l'année de la banque mobile

ABN AMRO
La croissance exponentielle des usages mobiles restera probablement comme la conséquence la plus marquante de la crise sanitaire dans la banque de détail : la néerlandaise ABN AMRO annonce avoir franchi cette année la barre du milliard de connexions sur son application, soit plus d'une par jour, en moyenne, pour chaque client.

Bien entendu, les statistiques sont en progression depuis longtemps. Pourtant, l'inflexion observée en 2020 est bien exceptionnelle, notamment en ce qui concerne le nombre et le profil des nouveaux utilisateurs, et témoignera probablement d'un tournant dans l'histoire du secteur. Entre l'évolution naturelle de l'adoption, l'ajout de fonctions couvrant presque toutes les activités financières… et les réticences ou autres empêchements à se rendre en agence provoqués par la pandémie, le point de non retour a été franchi.

Il faut se rendre compte de ce que représentent les chiffres d'ABN AMRO : plus de 4 clients sur 5 sont désormais adeptes réguliers de ses services mobiles, auxquels ils recourent non seulement pour consulter l'état de leurs comptes, mais également pour les paiements entre particuliers (en augmentation de 50% dès avant la première vague de coronavirus) ou pour les règlements de leurs emplettes en ligne (qui ont logiquement explosé après l'apparition de l'épidémie et des mesures de confinement).

Or la fréquence élevée d'accès à l'application mobile, rendant celle-ci familière, constitue un puissant facteur de confiance et engendre automatiquement une inclination à profiter de l'ensemble de ses possibilités. ABN AMRO a également pu capitaliser sur cette tendance parce qu'elle a pris le soin d'améliorer constamment sa proposition de valeur, par exemple en introduisant des options d'ouverture de compte simplifiées ou un dispositif d'aide, combinant chatbot et opérateur humain, plus convivial et plus efficace.

ABN AMRO app breaks record

Un autre révélateur significatif de la transition vécue cette année est la pénétration de la banque mobile parmi les seniors. Souvent considérée comme la génération la plus attachée à une relation traditionnelle, face à face avec un conseiller en chair et en os, les plus de 65 ans, soudain désignés population à risque et auxquels les autorités recommandent de limiter leurs sorties et leurs contacts, se sont massivement convertis aux applications, qu'ils utilisent plutôt sur tablette pour un maximum de confort.

La rupture constatée chez leurs clients aura évidemment des impacts profonds dans toutes les institutions financières. Celles qui, comme ABN AMRO, sont déjà prêtes à adapter leur modèle aux changements d'habitudes des consommateurs prendront l'avantage sur leurs consœurs qui ne permettent pas de mener toutes les opérations sur le téléphone, qui n'offrent pas une expérience optimale, qui ne fournissent pas l'accompagnement nécessaire dans la transformation « digitale »…

En 2021, l'application mobile sera un critère essentiel de sélection de la banque.

mercredi 23 décembre 2020

Le délicat équilibre de la protection des données

Desjardins
À la suite du rapport d'enquête officiel sur la fuite de données massive dont il a été victime entre 2017 et 2019, affectant les informations personnelles de presque 10 millions de canadiens, le Mouvement Desjardins revient sur les mesures de protection mises en œuvre afin d'éviter que ne se reproduise une telle « mésaventure » à l'avenir.

Nous savions depuis sa révélation publique qu'un employé indélicat était à l'origine de l'incident. Nous apprenons maintenant que cette personne ne disposait que de droits d'accès restreints à la source originelle des informations sensibles qu'elle a collectées et détournées pendant deux ans. En réalité, elle s'approvisionnait à partir d'une réplique que ses collègues – possédant, eux, les privilèges requis – entretenaient régulièrement sur un volume de stockage partagé, beaucoup moins sécurisé.

La réponse apportée par l'institution comprend un vaste ensemble d'actions, qui ressortent d'un programme classique de protection des données, comme il s'en trouve dans toutes les entreprises du secteur : nomination de responsables, mise en place de structures dédiées, déploiement de diverses solutions techniques de surveillance et de prévention, renforcement des politiques, développement de la formation des effectifs… L'objectif est clair : bloquer à tout prix les utilisations indues de l'information.

Or l'affaire soulève une question absolument essentielle qui n'est hélas jamais abordée dans la présentation de cet arsenal répressif… et qui laisse planer un doute persistant sur la validité de la ligne de défense instaurée. En remontant la chaîne des événements, il vaut pourtant de se demander pourquoi des individus, a priori sensés, avaient pris l'habitude d'extraire les données incriminées et d'en conserver une copie dans un environnement indépendant, sans prendre toutes les précautions nécessaires.

Desjardins. Votre protection. Notre priorité.

L'analyse de ces comportements serait peut-être le plus sûr moyen d'échapper à leurs conséquences désastreuses. Ainsi, il est probable que la motivation de ces « inconscients » était de rechercher les meilleures conditions pour réaliser les tâches qui leur sont confiées. Exploiter des outils de dernière génération, profiter d'une plate-forme flexible, bénéficier d'une puissance de calcul incomparable… sont autant de raisons pour lesquelles les petits écarts de ce genre sont plus fréquents qu'on ne le croit.

Quand le département informatique insiste pour fournir des logiciels antédiluviens, impose des mois d'attente pour la moindre installation ou encore interdit à des collaborateurs un peu bricoleurs, surtout du côté des lignes métier, de tester une idée sur un jeu de données de production, faut-il s'étonner que certains prennent des raccourcis ? Et ce n'est évidemment pas en multipliant les obstacles que la situation s'améliorera : soit ils trouveront un autre subterfuge, potentiellement plus dangereux, afin de les surmonter, soit ils abandonneront leurs efforts et l'entreprise risque d'y perdre en efficacité.

Il n'est certainement pas question d'excuser les bévues magistrales, aux répercussions (éventuellement) dramatiques pour les victimes et pour la banque, d'une poignée de salariés imprudents. En revanche, l'événement pourrait servir de révélateur des lacunes majeures qui en sont la cause profonde, notamment dans le système d'information, de manière à comprendre et mieux accompagner les besoins des utilisateurs qui, pour la plupart, se préoccupent avant tout de résultats optimisés et de performance.

mardi 22 décembre 2020

L'innovation de la FinTech selon le FMI

FMI
À la faveur de l'accélération des transformations provoquée par la crise sanitaire, le Fonds Monétaire International analyse en cette fin d'année 2020 les deux dimensions d'innovation ouvertes selon lui par la FinTech – le traitement de l'information et les canaux de communication numériques – et leurs multiples impacts sur l'univers de la finance.

Le panorama peut sembler réducteur mais, à bien y réfléchir, il faut se rendre à l'évidence : après une douzaine d'années de tentatives de « disruption », les nouveaux entrants n'ont effectivement réussi à faire bouger les lignes, à grande échelle, que dans ces deux registres. Ce sont d'ailleurs les sujets qui préoccupent désormais le plus les établissements historiques, parce qu'ils reconnaissent la mutation profonde qu'ils portent tout en étant conscients du retard qu'ils accusent en la matière.

L'accès à des données en tout genre, tout d'abord, émerge comme un catalyseur d'une véritable révolution à venir. Le FMI s'intéresse plus particulièrement aux applications dans le domaine du crédit, en complément ou en substitution aux moyens traditionnels d'évaluation du risque de défaut. Sa vision rejoint un thème d'étude récurrent – illustré, par exemple, par les livres blancs publiés cette année par Budget Insight et Bridge (par Bankin') – qui présage d'une probable vague de mises en œuvre quasi généralisée.

Naturellement, le bénéfice principal du recours à des données telles que les usages du téléphone mobile, l'historique de navigation sur le web, les achats en ligne ou, plus prosaïquement pour ceux qui ont au moins un compte, les transactions bancaires afin d'attribuer un crédit tient de l'inclusion financière, qu'elle concerne des populations entièrement hors système ou des personnes écartées en raison de leur statut (les cas emblématiques comprenant les travailleurs indépendants, les entrepreneurs…).

IMF – What is really new in FinTech

Le FMI souligne en outre la valeur de ces approches alternatives selon une deuxième perspective, d'ordre conjoncturel. Elles sont en effet beaucoup moins sensibles au phénomène de « procyclicité », celui qui fait que le crédit attribué exclusivement en utilisant les techniques traditionnelles à base de niveau de revenus, de situation professionnelle, de patrimoine, de dettes en cours… subit mécaniquement une contraction dans les périodes de crise durant lesquelles il est le plus nécessaire.

Sur le second axe d'innovation, la distribution des services financiers sur le web, sur smartphone, sur les réseaux sociaux… – qui a connu une forte croissance avec la pandémie – offre, bien sûr, un surcroît de commodité et de confort aux clients tout en stimulant la rentabilité des banques. Mais une conséquence encore peu observée sera aussi l'extension du périmètre géographique de la concurrence (y compris avec de nouveaux acteurs), grâce à l'élimination des distances qu'autorisent les outils « digitaux ».

Toutes ces évolutions soulèvent des défis réglementaires inédits. Dans le registre prudentiel, les risques spécifiques induits par l'introduction de pratiques sans antécédents doivent être mesurés et donner lieu à la mise en place de précautions adaptées. Autres considérations majeures qu'il faudra aborder à moyen terme, la protection des données personnelles et le danger des monopoles que pourraient détenir les grandes plates-formes internationales, qui concentrent déjà tant d'usages parmi le grand public.

En conclusion, si les innovations de la FinTech sont en apparence relativement anodines, ou du moins incrémentales, elles laissent entrevoir un tel potentiel de transformation sur les infrastructures financières existantes et, plus généralement, sur le monde – ne serait-ce que par la possibilité de mettre des produits bancaires à la portée d'un milliard de personnes aujourd'hui exclues – qu'elles en deviennent réellement révolutionnaires. Il faut donc bien les appréhender en tant que telles et ne surtout pas les sous-estimer…

lundi 21 décembre 2020

De la place de marché à la plate-forme bancaire

Citi
Après avoir déployé un riche portail d'API, permettant à des entreprises issues de tous horizons d'intégrer leurs offres avec ses services financiers, Citi aborde actuellement la prochaine étape de la « banque ouverte » : la création d'une place de marché, qui met à la disposition de ses clients les solutions élaborées par ses partenaires.

Une telle évolution paraît parfaitement logique : les utilisateurs des API (principalement des FinTech), soigneusement vérifiés et validés par la banque, deviennent des distributeurs de ses produits et, à ce titre, ont tout intérêt à être promus auprès d'un public le plus large possible. Même s'il existe un risque de cannibalisation (partielle) des ventes directes, il est préférable de l'assumer avec des fournisseurs qui s'appuient sur le catalogue interne plutôt que de laisser le champ libre à la concurrence indépendante.

Pour cette raison, Citi prépare donc un espace dédié, en marge de son propre site web, dans lequel les utilisateurs pourront facilement découvrir (et adopter) une première série de 8 services tiers, dans des domaines variés (facturation, comptabilité, gestion de dépenses professionnelles, agrégation de données financières…). En jouant sur la confiance qu'inspire son appui officiel à ces acteurs, l'établissement s'assure ainsi de la fidélité de sa clientèle, jusque dans leur recours à des outils externes.

Il ne faut toutefois pas s'y tromper : il subsiste un fossé immense entre cette place de marché et une véritable approche de plate-forme, avec toutes ses promesses. En prenant en référence Amazon, sorte d'archétype du concept (qui est plus ou moins son invention), il est facile d'identifier tout ce qui reste à ajouter à ce socle pour prétendre approcher son niveau d'efficacité, de performance et de qualité d'expérience.

Il sera d'abord question d'intégration étroite et transparente. De la même manière que le géant du e-commerce fournit à ses marchands affiliés ses fonctions logistiques optimisées, la banque devrait autoriser (voire encourager) ses partenaires à s'appuyer sur ses processus industrialisés partout où ils simplifient le parcours du client. Pensons, par exemple, aux phases d'identification, d'authentification, de prise de connaissance (KYC)… qu'il devrait être inutile de répéter pour chaque nouvelle souscription.

Mais le plus important est l'indispensable dimension de conseil que doit apporter la plate-forme. Juxtaposer des offres distinctes et laisser le visiteur faire son choix n'est pas suffisant. Et si, dans le commerce de détail, Amazon peut, en la matière, se « contenter » de présenter des réponses proches de la recherche de l'internaute ou les produits que d'autres personnes au profil similaire ont aimés, la spécificité du métier de la banque exige de passer à un degré supérieur, relevant de l'accompagnement personnalisé.

En effet, parce que le produit financier n'est pas une fin en soi (comme l'est la sélection d'un film à regarder, l'achat d'un livre ou d'un vêtement) mais seulement un moyen de réaliser un projet, la plate-forme bancaire n'aura de valeur que si elle sait appréhender globalement les besoins exprimés, les attentes latentes, les préférences et le contexte du client lorsqu'elle va émettre une recommandation et suggérer de recourir à telle offre interne ou à telle solution de tel partenaire externe. Sans cette capacité, elle n'est guère plus utile qu'un bête moteur de recherche ou autre comparateur en ligne…

Citi Developer Portal

dimanche 20 décembre 2020

Que devient l'argent digital sans internet ?

Visa
Alors que les banques centrales du monde entier explorent l'opportunité d'émettre des monnaies digitales, un obstacle persistant à leur acceptation, notamment comme substitut aux espèces, est l'exigence d'une connexion internet pour toute utilisation. Une équipe de chercheurs de Visa propose une première solution à ce problème.

Portant l'ambition de renforcer l'inclusion financière des populations, un des principaux objectifs des initiatives de CBDC (« central bank digital currency ») destinées au grand public consiste à fournir aux citoyens un instrument de paiement nativement conçu pour l'univers numérique moderne, intégrant, autant que possible, les avantages historiques des pièces et billets qu'il risque un jour de remplacer. Dans cette perspective, le défi le plus complexe à relever est d'autoriser des échanges directs en toute circonstance.

En effet, les outils disponibles aujourd'hui s'appuient systématiquement sur une connexion en temps réel à un tiers de confiance, dont le rôle est de certifier les transactions réalisées. Qu'il s'agisse de tenir un livre de compte enregistrant les mouvements et déterminant la position de chaque participant ou de confirmer la validité de jetons (« tokens ») représentant une somme d'argent, via un établissement centralisateur ou par une blockchain, l'accès à internet est un facteur essentiel de fonctionnement sécurisé.

Afin de s'affranchir de ce « fil à la patte », qui limite plus ou moins sérieusement l'universalité des porte-monnaie virtuels, en particulier dans les lieux sans couverture réseau – zones rurales, bâtiments aux structures « étanches »… –, Visa imagine simplement de répliquer le fonctionnement de leur équivalent physique au sein d'un téléphone mobile, en instaurant des mécanismes de retrait et de dépôt sur le compte connecté, comme nous le faisons habituellement avec les automates.

Transfert d'argent digital sans réseau

Concrètement, l'utilisateur qui désire effectuer des règlements hors ligne demande d'abord à son fournisseur de transférer une partie de ses avoirs, protégée par un certificat émis par celui-ci, sur un espace de stockage inviolable, comme il en existe désormais sur la plupart des appareils. Ce compte « local » peut ensuite être débité par l'intermédiaire d'un message chiffré (transmis par un protocole de proximité, bluetooth ou NFC), qui servira à authentifier le nouveau contenu du porte-monnaie du destinataire lors d'une synchronisation ultérieure avec le système centralisé.

Naturellement, si l'équipement du bénéficiaire supporte lui-même les mécanismes et applications de sécurité requis, ils peuvent être mis en œuvre dès réception afin de lui permettre de gérer son propre compte et ainsi disposer des sommes perçues sans attendre une quelconque connexion aux serveurs. Il subsiste encore quelques faiblesses à résorber pour atteindre la perfection – par exemple le cas de perte ou de destruction du téléphone – mais, en l'état, elles sont similaires à celles qui affectent l'argent liquide.

En réalité, la solution de Visa est relativement triviale, puisqu'elle consiste à garantir l'intégrité du porte-monnaie virtuel autonome et des transactions qu'il subit contre les malversations (dont la « double dépense ») grâce à un composant de sécurité qui agit donc comme tiers de confiance. Or, derrière cet élément, on retrouve un fabricant, voire un opérateur (qui tentera d'imposer sa carte SIM), et tous les problèmes de coordination qui accompagnent inévitablement les projets transverses impliquant ces acteurs…

samedi 19 décembre 2020

Émergence du paiement intégré à l'automobile

Gartner
Aujourd'hui, ce n'est guère qu'un épiphénomène, entre expérimentations locales et déploiements confidentiels, représentant à peine 100 millions de dollars de transactions annuelles. Demain, selon le cabinet Gartner, le paiement intégré à l'automobile deviendra incontournable et ces volumes devraient être multipliés par 10 dès 2023.

À l'ère émergente de la voiture connectée, le principe d'un porte-monnaie virtuel attaché au véhicule apparaît rapidement comme une évidence, aux côtés, et souvent en complément, des fonctions de navigation et de divertissement. De nombreux acteurs se ruent sur l'opportunité et, depuis quelques années, les constructeurs et les entreprises de la finance développement des démonstrateurs… tandis que les géants du web profitent de l'implantation de leurs plates-formes technologiques pour se faire une place.

Initialement consacrées au règlement des dépenses directement dépendantes du véhicule (carburant, parking, péage…), les solutions ajouteront progressivement une myriade de services supplémentaires, en collaboration avec des fournisseurs désireux d'étendre leur présence. Il sera ainsi bientôt possible de commander et payer cafés, repas, places de spectacle… sans quitter son siège, avant de se laisser guider à destination pour prendre livraison ou bénéficier de l'expérience souhaitée.

Visa In-App Payment

Cependant, le milliard de dollars d'échanges initiés depuis une automobile que prédit Gartner pour 2023 ne constituera qu'une modeste entrée en matière, et pas uniquement par son montant, une goutte d'eau à l'échelle du marché mondial. En effet, la plupart des applications disponibles ou en cours de mise au point aujourd'hui se contentent de définir une interface dédiée, généralement installée sur le tableau de bord, au-dessus de l'instrument de paiement, classique (la carte), du propriétaire de la voiture.

À terme, le modèle devra évoluer afin de s'adapter, de manière aussi transparente que possible, aux pratiques existantes – telles que le partage des frais entre les occupants de l'habitacle (comme dans la vidéo de Visa ci-dessous) et, plus largement, l'acceptation de la nature collective des usages – et futures – avec l'avènement inéluctable de l'économie de partage et la disparition, au moins partielle, de la logique de possession. La véritable cible sera donc un compte bancaire attribué à l'objet automobile.

Or si les institutions financières traditionnelles parviennent plus ou moins à se positionner sur la génération courante, avec laquelle, quoi qu'elles fassent, leurs cartes restent le support sous-jacent omniprésent, elles devraient prendre garde à cette mutation qui se dessine. Car elle imposera une remise en question profonde de leurs habitudes – assortie en outre de nombreuses incertitudes réglementaires –, toujours difficile à appréhender et encore plus à exécuter. Comme toujours, de nouveaux entrants sauront probablement mieux l'aborder, peut-être en s'affranchissant de leur carcan historique…

vendredi 18 décembre 2020

IBM teste le chiffrement de demain

IBM Security
Le chiffrement est la solution parfaite pour protéger les informations sensibles que nous produisons chaque jour en quantités astronomiques dans l'univers « digital ». Hélas, ce rempart doit être abandonné dès qu'un traitement leur est appliqué. À moins d'utiliser une technologie homomorphique telle que celle que vient de dévoiler IBM.

Quand ils sont correctement mis en œuvre et gérés, les algorithmes cryptographiques actuels offrent une sécurité quasiment inviolable aux données numériques au repos et en transit (c'est-à-dire sur leur support de stockage et pendant leur transfert). En revanche, au moment de leur utilisation, par exemple pour effectuer une recherche, réaliser une analyse statistique, alimenter un modèle d'intelligence artificielle…, il était jusqu'à maintenant nécessaire de les décoder, et donc, dans une certaine mesure, de les exposer au danger d'être prises dans les mailles de quelque filet cybercriminel.

Le principe du chiffrement homomorphique consiste à éliminer ce handicap. Grâce à lui, il devient possible d'exécuter directement les opérations désirées sur les données chiffrées, sans que jamais leur « sens » ne soit accessible et, par conséquent, sans aucun risque de capture ou de détournement, à aucune étape du processus. Imaginé dans les années 70 et implémenté à partir de 2009, avec un niveau de performance alors incompatible avec un déploiement industriel, il atteint la maturité aujourd'hui.

IBM – Fully Homomorphic Encryption

À ce stade encore précoce, IBM propose à ses clients, notamment dans les secteurs de la santé et de la finance, particulièrement concernés par la confidentialité des informations qu'ils manipulent, d'expérimenter ses nouveaux services. Dans cette perspective, l'entreprise met à leur disposition un environnement de test (dans son cloud) et un ensemble d'outils adaptés à différents cas d'utilisation génériques de traitement de données, ainsi qu'un accompagnement dédié, assuré par ses experts.

Avec la multiplication permanente des usages de l'information, en interne et, de plus en plus, par des partenaires externes, afin de personnaliser l'expérience utilisateur, de comprendre et anticiper les attentes des clients, de répondre en temps réel à leurs demandes…, l'approche homomorphique d'IBM est extrêmement prometteuse car elle écarte automatiquement les failles de sécurité qui constituent un des principaux freins à ces applications. En étant, en outre, conçue d'emblée pour résister aux capacités de calcul des futurs ordinateurs quantiques, elle présente des garanties pour l'avenir.

Naturellement, la migration vers cette technologie révolutionnaire, qui n'est d'ailleurs pas totalement prête à ce jour pour une mise en production, prendra de longues années. Même la prédiction de Gartner d'une première appropriation par 20% des organisations en 2025 semble très optimiste. La démarche d'IBM n'est cependant pas à prendre à la légère : les impacts du chiffrement homomorphique sur les pratiques en vigueur, autant en matière de sécurité que d'exploitation des données, requièrent un apprentissage qu'il vaut mieux appréhender tôt pour en tirer les bénéfices rapidement, l'heure venue.

jeudi 17 décembre 2020

Lunar intègre le paiement différé dans la banque

Lunar
Dans le sillage du succès de Klarna et de quelques autres startups du même acabit, le monde entier s'enflamme depuis plusieurs mois pour les solutions de paiement différé. À l'occasion de ses premiers pas dans le crédit à la consommation, la danoise Lunar l'introduit maintenant aussi dans la banque, sous une forme particulièrement flexible.

En anglais, on les appelle les plates-formes de « BNPL » (pour « Buy Now, Pay Later »). Se distinguant principalement par leur facilité d'utilisation, sans longs questionnaires de qualification et avec une réponse instantanée, elles permettent aux consommateurs de reporter le paiement d'un achat, de quelques jours ou quelques semaines, ou de le régler en plusieurs fois, souvent sans frais. Elles deviennent si populaires qu'elles semblent bien lancées pour remplacer, au moins en partie, les instruments traditionnels de crédit.

Dans ce contexte, il n'est guère surprenant que Lunar, forte de sa licence bancaire (conquise en août 2019), choisisse ce modèle en priorité pour compléter son offre et proposer à ses clients une alternative aux classiques prêts personnels, autorisations de découvert et autres cartes de crédit (voire nos cartes à débit différé spécifiquement françaises). Et il est vrai que sa nouvelle option « Pay Later » constitue un substitut séduisant à tous ces produits, en y ajoutant une transparence inédite et bienvenue.

En pratique, toute personne qui dépose un minimum de 2000 couronnes (environ 270 euros) sur son compte chaque mois peut se voir attribuer la faculté de solliciter une avance pour le règlement d'une dépense, quelle qu'elle soit (dans une limite mensuelle de 10 000 couronnes), jusqu'à 30 jours après celle-ci. Elle peut sélectionner ses conditions de remboursement, en 1, 3, 6 ou 12 fois, pour un coût proche des taux observés sur les cartes de crédit, les versements anticipés restant toujours autorisés.

Lunar démontre les avantages incomparables de l'intégration d'une telle fonction au sein d'une banque, par opposition aux fournisseurs indépendants de « BNPL ». Le plus visible est naturellement la simplification de l'expérience utilisateur qu'elle autorise, entre demande en un clic (toutes les informations de comportement financier nécessaires à l'évaluation étant disponibles – d'où le filtrage sur le budget minimal) et applicabilité à tous types de paiement (par exemple sur les factures d'énergie ou les abonnements).

D'autre part, outre son affichage clair et exhaustif des frais générés par les prêts octroyés (y compris dans des scénarios de remboursement anticipé), le maintien d'une relation étroite permanente permet à Lunar d'accompagner son client dans la recherche du meilleur équilibre financier. Les capacités de suivi de son application lui procurent notamment l'opportunité de suggérer le recours au service en cas de difficulté passagère, puis de recommander de résorber la dette en cours dès que la situation le permet.

À bien y réfléchir, le concept du « BNPL » s'inscrit parfaitement dans un catalogue bancaire, surtout dans une démarche responsable et respectueuse du consommateur. Pourtant la plupart des institutions financières historiques, qui voient émerger rapidement une nouvelle concurrence spécialisée sur ce créneau, ne paraissent pas décidées à profiter de l'aubaine : seraient-elles donc trop attachées à leurs produits existants, si lucratifs, pour réaliser qu'une nouvelle génération risque de les rendre obsolètes ?

Lunar – Make the most of your money

mercredi 16 décembre 2020

Tinkoff lutte contre la fraude téléphonique

Tinkoff
Sans atteindre l'échelle industrielle des cyberattaques qui affectent simultanément des millions de cibles, la fraude par téléphone, à base d'usurpation d'identité et/ou d'ingénierie sociale, peut avoir des conséquences dramatiques. Alors Tinkoff met en place un système de défense spécifique, en collaboration avec les opérateurs.

Vous recevez un appel d'un individu qui se présente comme étant un collaborateur de votre banque et vous demande, sous un prétexte ou un autre, de lui fournir vos identifiants de connexion aux services en ligne ou vos codes de carte de paiement. Un comptable est contacté par quelqu'un affirmant être le président de son entreprise et lui demande de réaliser un virement en urgence. Dans certains cas, le numéro de téléphone de l'interlocuteur affiché semble réellement être celui du correspondant supposé.

Ce sont quelques exemples d'escroqueries, souvent très coûteuses (parfois jusqu'à la ruine), devenues hélas monnaie courante dans notre monde moderne. Elles sont désormais bien connues et les banques, parmi d'autres acteurs impliqués, multiplient les alertes et les encouragements à la vigilance auprès de leurs clients. Pourtant, le nombre des victimes continue à croître. C'est pourquoi Tinkoff déploie dans l'ensemble de son écosystème un nouveau dispositif qui prend le relais lors d'appels suspects.

Tinkoff Call Defender

Le principe en est finalement assez simple, une fois instaurée la coopération avec les opérateurs de téléphonie. Première étape, ceux-ci repèrent, grâce à une plate-forme de détection universelle, les communications émanant de numéros potentiellement dangereux, y compris les détournements (ce qui est bien la moindre des choses !) et envoient, en temps réel, une notification aux souscripteurs du service (ici Tinkoff).

Aucune intervention directe n'est réalisée sur l'échange entre l'éventuel criminel et sa proie, ne serait-ce que parce que la loi interdit toute interférence dans une conversation privée. En revanche, la banque (ou la compagnie d'assurance, ou le commerçant…) informée d'un risque imminent déploie instantanément une surveillance rapprochée des comptes de la personne visée, identifiée par son numéro de téléphone.

Il pourra s'agir, notamment selon le client concerné, de relever le niveau de protection des transactions de paiement, d'imposer des restrictions temporaires ou des mécanismes de sécurité supplémentaires pour la création de nouveaux bénéficiaires de virements, de réinitialiser les mots de passe de connexion aux comptes en ligne… L'objectif est de prendre les précautions que la victime présumée n'aurait pas prises elle-même.

Face à la détermination et la créativité des malfaiteurs, les entreprises doivent développer et compléter constamment leurs moyens de défense, en combinant au mieux la sensibilisation des personnes exposées et les approches technologiques. Dans ce dernier registre, la collaboration avec les opérateurs prend aujourd'hui une dimension stratégique, au vu de l'importance du téléphone mobile dans notre vie quotidienne, autant à travers les échanges de vive voix que via les applications qu'ils hébergent.

Tinkoff

mardi 15 décembre 2020

Open banking : des distorsions de perception

Tink
Quand Tink, le fournisseur d'accès universel aux données et services bancaires, interroge 290 responsables à des niveaux hiérarchiques variés dans une sélection d'institutions financières européennes, les écarts observés dans leurs perceptions respectives de l'« open banking » au sein de leur organisation détonent singulièrement.

Les résultats de l'enquête menée par la startup rejoignent mes propres constats empiriques dans les établissements que j'ai l'occasion de « fréquenter ». Ainsi, un des hiatus les plus significatifs se révèle à la question de savoir si le concept est appréhendé comme une opportunité dans l'entreprise : en haut de la pyramide, 7 dirigeants sur 10 l'affirment… tandis que chez les « product owners », c'est-à-dire au plus près de la conception et de la réalisation des produits, ils ne sont que 45% à en convenir.

Les mêmes populations divergent également, dans des proportions similaires (avec des scores de 62% et 42%, cette fois), dans leur appréciation de la compréhension généralisée des bénéfices de la banque ouverte. Autre cas d'incohérence, si deux tiers des membres des comités de direction estiment que les avantages justifient les coûts potentiels, seuls 37% de leurs subordonnés en charge des canaux « digitaux » et mobiles, bien que convaincus de la valeur dégagée, se déclarent en phase avec leur optimisme.

Un autre décalage extraordinaire, et à répétition, méritant d'être souligné est celui qui affecte plus particulièrement les directions informatiques. Elles sont, par exemple, les plus confiantes (à 65%, contre à peine plus de 4 « product owners » sur 10) dans la disponibilité dans leurs rangs de toutes les compétences nécessaires afin de transformer les promesses en réalités ou dans la capacité à profiter de toutes les possibilités (à 67%, soit deux fois plus que leurs collègues responsables des canaux « digitaux »).

Tink – Taking advantage of open banking

Comment expliquer des points de vue aussi opposés ? Tink n'a guère de réponses définitives à offrir, hormis de considérer que des positions distinctes dans l'organisation procurent une perspective différente, notamment sur la présence des talents nécessaires, qui pourrait conditionner les opinions sur une dimension étendue. Pourtant, les conclusions de l'étude devraient soulever de graves interrogations sur les visions stratégiques des institutions financières et sur la manière dont elles sont partagées.

Je pense, en effet, que le cœur du problème mis au jour ici est l'absence de ligne directrice commune en matière de banque ouverte. À la base, ce que recouvre ce principe est déjà spécifique à chaque entité impliquée : pour l'une (la DSI), il s'agira de déployer des API, pour une autre (opérationnelle), elle recouvre plutôt une logique de services à valeur ajoutée pour le client, et, pour une dernière (au sommet), l'enjeu, résolument politique, est de ne pas prendre du retard face à la concurrence.

Derrière ces approches bridées par les œillères des périmètres de chacun, ce qui ressort finalement est le danger d'aborder une transformation majeure de la banque sans collaboration étroite entre toutes les parties prenantes. Les dirigeants croient, sur la foi de rapports complaisants, que l'entreprise est alignée sur leur vision alors que tout le monde part en ordre dispersé, chacun avec sa mission auto-assignée. Et seul celui qui doit faire atterrir la fusée se rend compte qu'elle a explosé avant même de décoller !

Open Banking Perception

lundi 14 décembre 2020

Quand un acteur historique s'approprie le bitcoin

Fidelity Digital Assets
Elle est bien loin l'époque où les institutions financières historiques condamnaient le principe même des cryptomonnaies. La résilience du bitcoin après plus de 10 ans d'existence et sa fonction de valeur refuge durant la crise sanitaire, entre autres, ont fini par vaincre les résistances. Fidelity, par exemple, en a dérivé une activité à part entière.

Pour le géant américain de l'investissement, sa diversification consiste essentiellement à décliner ses métiers existants dans l'univers des actifs « digitaux ». Depuis 2018, il offre donc à ses clients institutionnels des services de conservation – comme ceux qu'il fournit pour les titres classiques (actions, obligations…) – auxquels il adosse également une plate-forme d'échange. Dernier ajout en date, il annonce maintenant une fonction de dépositaire de bitcoins en nantissement d'un crédit (en monnaie fiduciaire).

Ainsi, les établissements qui possèdent des réserves de la cryptodevise auprès de Fidelity Digital Assets et ne souhaitent pas s'en séparer ont dorénavant l'opportunité de les utiliser comme caution afin d'obtenir des liquidités. En arrière-plan, c'est une simple connexion directe avec la place de marché spécialisée BlockFi – au financement de laquelle Fidelity a contribué, de longue date – qui permet, par l'intermédiaire de contrats intelligents, de consigner les bitcoins détenus en contrepartie d'un prêt en dollars.

Accueil Fidelity Digital Assets

Or cette construction expose une anomalie structurelle : alors qu'un des principaux avantages de bitcoin et consorts est de substituer un processus cryptographique aux tiers de confiance de la finance traditionnelle et que, de plus, les opérations, simples ou complexes, telles qu'une mise en garantie, sont entièrement prises en charge par des algorithmes, que vient faire Fidelity dans le paysage ? Pourquoi donc des investisseurs continuent-ils à recourir à des acteurs de cet acabit pour leurs besoins ?

La (triste) réalité est que, en dépit de leur popularité croissante, y compris dans le monde institutionnel, les cryptomonnaies restent un concept incompris. Tout au plus sont-elles perçues, tactiquement, surtout dans les circonstances actuelles, comme une classe attractive d'instruments virtuels, un peu inquiétants. Mais leurs particularités, leur nature intrinsèquement « digitale », leurs capacités de programmation… échappent totalement à la majorité de leurs acquéreurs. Et ce n'est pas un bon signe pour l'avenir du secteur.