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C'est pas mon idée !

lundi 31 août 2020

Santé, bien-être, assurance au menu des GAFA

John Hancock
Les premiers pas d'Amazon dans l'assurance, il y a un an, n'étaient (évidemment) qu'une mise en bouche avant un probable déferlement d'initiatives des géants technologiques. Ce n'est donc guère une surprise si deux annonces successives, autour de la santé et du bien-être, promettent aujourd'hui d'enrichir leurs palettes de services.

Première dans l'ordre chronologique, Verily, la filiale spécialisée d'Alphabet (le conglomérat de Google), présente [PDF] la Coefficient Insurance Company et sa solution complémentaire (dite « stop-loss ») destinée aux entreprises qui gèrent elles-mêmes la couverture maladie de leurs collaborateurs. Concoctée en coopération avec Swiss Re, elle veut apporter une nouvelle perspective, plus précise et plus prévisible, sur la garantie des risques exceptionnels, grâce à son expertise de l'analyse de données.

Deux jours plus tard, c'est au tour d'Amazon de compléter son offre (embryonnaire) avec le lancement, toujours aux États-Unis, de Halo, combinant un bracelet connecté, une application de mesure et de suivi des paramètres physiologiques, et une batterie de plans de coaching personnalisés. D'emblée, le produit a attiré l'attention de plusieurs partenaires, dont John Hancock, qui l'intègre immédiatement au sein de sa gamme d'assurances décès par l'intermédiaire de son programme Vitality.

Dès sa disponibilité générale, l'appareil sera ainsi offert gratuitement aux adhérents éligibles, accompagné de trois ans d'abonnement. Outre les caractéristiques classiques de ce genre d'outils – surveillance de l'activité physique, du sommeil… –, Amazon ajoute quelques fonctions inédites : évaluation du bien-être social et émotionnel, à travers la voix, ou encore une centaine de « labs », c'est-à-dire des exercices, challenges, expériences…, parmi lesquels chacun(e) trouvera l'approche idéale pour progresser.

Amazon Halo + John Hancock

Naturellement, derrière chacun de ces projets (et également ceux d'Apple), s'exprime une conviction absolue que la capture et l'exploitation des données individuelles constituent la clé d'une meilleure santé et d'une longévité accrue. Pour des acteurs qui n'existent que pour et par le traitement massif de l'information et l'intelligence artificielle, cette opportunité constitue une évidence, qu'ils appréhendent pas à pas, mais sans états d'âme, via le développement de plates-formes de collecte et d'analyse.

Tout aussi logiquement, l'assurance est en ligne de mire directe de ces démarches, d'abord sous la forme de collaborations mais peut-être bientôt de manière plus autonome. Or, dans ce secteur, par contraste avec leur irruption dans l'univers des paiements et de la banque, qui inquiète tant les établissements historiques mais qui ne vise, pour l'essentiel, qu'à s'emparer de la relation avec le consommateur, les GAFA ont les moyens d'imposer leur puissance technologique et leur capacité de disruption dans les cœurs de métier.

dimanche 30 août 2020

Une erreur à 900 millions de dollars

Citi
La récente mésaventure de l'américaine Citi, embarquée dans une série d'actions légales embarrassantes afin de recouvrer un pactole de 900 millions de dollars transférés par erreur, fournit un nouvel exemple des dangers auxquels s'exposent les institutions financières qui persistent à maintenir en activité des systèmes informatiques obsolètes.

Pour mémoire, l'affaire concerne une entité du groupe bancaire dédiée à la gestion administrative du cycle de vie de crédits pour le compte de ses clients, au sein de laquelle un ajustement sur un emprunt du géant des cosmétiques Revlon, à la suite d'un rachat partiel, s'est transformé par mégarde en un remboursement total aux prêteurs. Le cas est particulièrement intéressant parce que, en dépit de son origine indiscutablement humaine, la bourde n'en révèle pas moins une faiblesse majeure au niveau logiciel.

Si la faute est effectivement due à une mauvaise saisie au sein de l'application idoine et à la défaillance des opérateurs en charge des contrôles, probablement renforcées par l'instauration d'une politique de travail à domicile (en raison de la pandémie) et, peut-être, par la période des congés d'été, les observateurs ne manquent pas de souligner que l'outil exploité par la banque est un vieux machin, conçu et développé en partie en interne au début des années 90 (et cédé quelques années plus tard à Oracle).

Personne n'insinue pourtant que la plate-forme en question comportait la moindre anomalie technique. Son seul tort est, fondamentalement, son ancienneté. Datant d'une époque à laquelle les usages étaient encore émergents, elle adopte vraisemblablement une ergonomie dépassée, elle laisse de côté des fonctions (de vérification, notamment) qui sont aujourd'hui considérées implicites et elle repose sur des interventions manuelles partout où l'expertise d'un collaborateur paraissait historiquement incontournable.

Trente ans après, les spécialistes d'avant l'automatisation ont quitté l'entreprise, leurs remplaçants ont été formés plus ou moins mécaniquement, sans nécessairement s'assurer qu'ils comprenaient combien leur rôle était critique, les interfaces homme-machine graphiques, interactives et réactives, intuitives, se sont démocratisées, créant des habitudes et des réflexes universels… et les reliquats du passé subsistant dans les systèmes d'information sont devenus autant de catastrophes en puissance.

Dans une certaine mesure, Citi a joué de malchance, puisque le successeur du composant incriminé est en cours de déploiement (hélas retardé du fait des contraintes engendrées par la crise actuelle). Mais il reste des milliers d'applications totalement dépassées – techniquement, fonctionnellement, humainement… – dans le patrimoine des banques et des compagnies d'assurance du monde entier, et l'importance de renforcer leur surveillance et de préparer leur abandon ne doit jamais être sous-estimée.

Accueil Citi

samedi 29 août 2020

Visa couvre les indisponibilités des banques

Visa
Dans le monde moderne, le moindre incident affectant les moyens de paiement électroniques entraîne des conséquences majeures, sur l'activité des commerçants, sur les résultats des intermédiaires financiers et sur la satisfaction des consommateurs. Pour cette raison, Visa introduit une nouvelle solution afin de limiter ces impacts.

Avec la crise sanitaire, les paiements par carte ont connu ces derniers mois une croissance sans précédent, qui les rend de plus en plus critiques pour le fonctionnement des économies développées. Or il n'est hélas pas rare que les systèmes informatiques des émetteurs, qui portent la responsabilité de valider les opérations transitant par les réseaux spécialisés (Visa et Mastercard, notamment), subissent des pannes et laissent leurs clients sans accès à leur argent pendant des périodes plus ou moins longues.

En effet, lorsque la confirmation d'une transaction n'est pas reçue dans un délai raisonnable, elle est généralement déclinée, la seule exception étant la mise en œuvre de quelques règles génériques prédéfinies (par exemple pour de très faibles montants). Afin d'éviter ce genre de désagrément, Visa proposera donc à partir du mois d'octobre un dispositif beaucoup plus puissant, individualisé, quasiment capable de se substituer aux outils de contrôles des émetteurs lorsque ceux-ci sont défaillants.

Grâce à son moteur d'intelligence artificielle, à base d'apprentissage profond, ce « Smarter STIP » analyse l'historique des dépenses des porteurs et détermine de la sorte, pour chacun d'eux, le profil de décision qui lui est appliqué habituellement par son fournisseur. Le modèle résultant, que Visa estime conforme à l'original avec une précision moyenne de 95% et qui est, en outre, constamment ajusté au fil du temps et des règlements effectués, peut alors servir de secours dans les cas d'indisponibilité.

Visa Smarter STIP

Dans une certaine mesure, la nouvelle option n'est qu'une évolution, ou une déclinaison, des mécanismes de lutte contre la fraude mis au point depuis plusieurs années : il ne s'agit, après tout, que de caractériser des comportements « normaux » des consommateurs et de filtrer les transactions enregistrées sur leurs cartes selon leur alignement avec ces références. L'objectif final aussi est en grande partie identique, puisque la priorité est toujours d'offrir un service fiable et sécurisé, sans frictions.

La création de « Smarter STIP » est d'abord un révélateur éloquent des exigences de résilience qui pèsent désormais sur les paiements électroniques. Mais, en arrière-plan, elle expose également les faiblesses structurelles des plates-formes des institutions financières : ce n'est que parce que leurs indisponibilités deviennent relativement fréquentes que le besoin d'un palliatif se fait ressentir, créant une opportunité pour Visa. Cependant, là encore, le problème de fond devra rapidement être traité à la racine.

vendredi 28 août 2020

Modernisation au rabais pour Nationwide

Nationwide
Dans la plupart des institutions financières, la pression que fait peser la croissance exponentielle des usages « digitaux » de leurs clients sur leurs systèmes d'information, historiquement conçus pour une utilisation réservée à leurs collaborateurs, atteint des limites dangereuses. Mais elles se résolvent encore rarement à la seule réponse viable.

Prenons l'exemple de la britannique Nationwide, qui révèle aujourd'hui l'introduction au sein de ses plates-formes informatiques d'un nouveau composant, opportunément baptisé « Speed Layer », dont la vocation serait d'améliorer la vitesse, la résilience et la sécurité des opérations en ligne. Or, même si, au premier abord, sa conception moderne et son déploiement sur le cloud lui permettent peut-être de remplir ces objectifs, ce ne sera qu'au prix d'une fragilisation supplémentaire de l'ensemble de son architecture.

Pour le comprendre, il faut expliquer que le dispositif en question est un « cache », à savoir, en le résumant simplement, un mécanisme (classique) par lequel une copie des données les plus utilisées d'une application est maintenue sur une infrastructure spécifique, offrant de meilleures performances d'accès que la source d'origine. Dans le cas de Nationwide, la première implémentation, sur l'étape de connexion aux services en ligne, enregistre ainsi un gain de 500% tout en supportant plus de sollicitations.

Durant toute ma carrière dans les DSI (oui, c'est une partie de mon parcours), j'ai toujours abordé avec les plus grandes précautions cette technique, qui, structurellement (par son principe de réplication), induit des risques de perte de synchronisation ou de cohérence potentiellement difficiles à maîtriser. Cependant, avec un peu de rigueur et la mise en place de quelques garde-fous (au prix d'une partie des gains espérés), il paraît raisonnable de profiter de ses avantages quand les circonstance s'y prêtent.

En revanche, quand une entreprise en fait un élément critique de sa stratégie IT, Nationwide ayant l'intention de l'étendre à la majorité des fonctions présentes dans ses applications web et mobiles, il y a matière à s'inquiéter, autant en raison de la propagation de ses possibles faiblesses que de l'augmentation mécanique de sa complexité, au fur et à mesure de sa déclinaison dans une multitude de contextes différents. Pourtant, là n'est probablement pas le plus grand danger de la « Speed Layer » pour la banque.

En effet, la faiblesse la plus sérieuse de l'initiative est l'addition d'une couche supplémentaire dans un édifice qui en comporte déjà beaucoup (trop). C'est un peu comme si vous aviez ajouté deux étages à un immeuble existant et que, le jour où vous réalisez que les fondations ne sont plus suffisantes, vous décidiez de le consolider en installant des étais sous les niveaux supplémentaires. Dans l'immédiat, le bâtiment semblera rigidifié et plus robuste… mais le vrai problème n'aura pas été traité.

Quelles que soient ses qualités, la « Speed Layer » amène automatiquement deux nouvelles zones de défaillance (le « cache » proprement dit et son circuit d'alimentation), avec leur quota de bogues (et leur incidence plus ou moins grave), mais aussi leurs inévitables trous de sécurité, dont ne manqueront pas de profiter les cybercriminels. L'ampleur du projet – ayant mobilisé une équipe entière, soutenue par un partenaire, pendant 18 mois – ne laisse aucun doute sur la probabilité de tels scénarios.

Face à l'évolution radicale des modèles de relation bancaire, la seule solution sensée consisterait à remettre à plat les systèmes qui en assurent le fonctionnement. Nationwide préfère opter pour la fuite en avant, investissant (lourdement) dans une approche qui continue à complexifier toujours plus son architecture informatique, interdisant sa compréhension globale (donc son contrôle), multipliant les dépendances inextricables, limitant sa flexibilité d'ensemble…, en résumé, hypothéquant gravement son avenir.

Usinez à gaz

jeudi 27 août 2020

Crédit immobilier et habitat durable

ABN AMRO
Confrontées à la prise de conscience des enjeux environnementaux par le grand public, les entreprises s'emparent du sujet et développent de grands discours sur leurs engagements. Hélas, derrière les belles paroles, les actions concrètes restent rares. Parmi celles-ci, la nouvelle initiative d'ABN AMRO attire donc nécessairement l'attention.

L'habitation étant un des domaines de la vie quotidienne dans lesquels l'évolution des pratiques (notamment énergétiques) est potentiellement la plus porteuse d'impacts positifs pour la planète, tout en constituant, à travers le financement de son acquisition, un des grands moments de la relation entre la banque et son client, c'est assez naturellement qu'elle figure au centre du dispositif que vient de mettre en place la néerlandaise, à destination, précisément, des personnes qui la sollicitent pour un prêt hypothécaire.

Conçu en collaboration avec la startup (locale) spécialisée HomeQgo, le programme en question consiste à intégrer au parcours de recherche et de contractualisation de l'emprunt un plan de recommandations opérationnelles en vue de découvrir et implémenter, pas à pas, toutes les solutions permettant d'inscrire le logement dans une démarche de développement durable : isolation, système de chauffage, chauffe-eau et panneaux solaires… ainsi que les aides et autres avantages fiscaux disponibles.

Il faut signaler ici qu'ABN AMRO ne se contente pas de proposer à ses clients un accès à la plate-forme en ligne de son partenaire. La souscription d'un crédit immobilier restant une des rares transactions que, en raison de son importance, les consommateurs préfèrent négocier et conclure en face à face – ou, du moins, en période de pandémie, en interaction – avec un humain, ce sont les conseillers dédiés qui ont été formés afin de réaliser cet accompagnement vers l'amélioration de l'efficacité énergétique.

ABN AMRO sustainability plan


L'éveil des citoyens aux défis du changement climatique stimule leur adoption de gestes écologiques… mais il s'avère généralement difficile d'être guidé parmi les innombrables possibilités qui se présentent. Dans cette perspective, l'approche d'ABN AMRO est bienvenue et finalement plutôt cohérente avec son rôle de conseil lors de l'achat immobilier (et sur le financement des travaux et équipements), même si la banque n'est pas le premier interlocuteur auquel on penserait s'adresser sur ces thématiques.

Je préfère ce modèle, contextuel et pragmatique, résolument axé sur l'action directe, à la tendance qui semble se répandre progressivement de fournir dans les relevés de comptes une estimation des émissions de gaz à effet de serre correspondant aux dépenses enregistrées. Comme avec la gestion de finances personnelles (PFM), ces outils adoptent une orientation trop passive pour réellement inciter à un changement de comportement, y compris quand ils embarquent (comme celui de BNP Paribas) un module de recommandations, alors trop générique et mal ancré dans la situation de l'utilisateur.

mercredi 26 août 2020

L'imagerie satellite au service du crédit

ICICI Bank
Déjà régulièrement utilisée par quelques compagnies d'assurance, pour l'évaluation des risques à couvrir ou pour estimer les indemnisations, l'imagerie satellite commence maintenant à intéresser les banques. Ainsi, pour l'indienne ICICI, elle permettra dorénavant de faciliter, accélérer et optimiser l'accès des agriculteurs aux financements.

Jusqu'à présent, les lignes de crédit accordées à cette population exigeaient une vérification des exploitations, sur place, afin de déterminer au mieux le niveau de revenus du demandeur et, donc, sa capacité de remboursement. Historiquement, cette contrainte de visite d'un expert engendrait des délais (deux semaines en moyenne) dans l'obtention d'une réponse. Naturellement, la situation a encore empiré ces derniers mois avec la pandémie et les restrictions qu'elle impose sur les déplacements.

La solution mise en œuvre en collaboration avec un groupe de jeunes pousses spécialisées dans les technologies spatiales, météorologiques, de traitement de l'information… consiste à remplacer cette étape de contrôle humain par une analyse profonde de photographies issues de satellites. Plus de 40 paramètres différents, calculés à l'échelle du district, du village et de la propriété individuelle, sont pris en compte afin de mesurer précisément le profil de revenus (passé et futur) du fermier.

À partir des sources satellitaires, les algorithmes extraient des données telles que la pluviométrie et les températures moyennes, l'hygrométrie des sols, les surfaces d'eau environnantes, les limites des parcelles, la proximité de lieux de stockage et de marchés, les types de cultures, les périodes de semences et de récoltes… Celles-ci servent alors à établir non seulement l'équilibre financier global de l'exploitation mais également ses cycles saisonniers et sa sensibilité aux événements exceptionnels.

ICICI Bank uses satellite images

Expérimenté avec succès depuis plusieurs mois dans 500 localités rurales, le dispositif est désormais prêt à être déployé dans l'ensemble des presque 64 000 villages que compte le pays. Il s'adresse à la fois aux prospects, qui peuvent de la sorte obtenir un prêt dans des délais raisonnables (il faut toujours compter quelques jours, toutefois), et aux clients existants, qui, grâce aux informations collectées, peuvent espérer se voir octroyer de meilleures conditions (notamment des plafonds d'emprunt relevés).

En synthèse, la démocratisation de l'imagerie satellite autorise la consolidation de données géographiques et cartographiques d'une incroyable richesse et d'une incomparable précision, qui viennent compléter tant d'autres caractéristiques numérisées de notre environnement et de notre quotidien. Aujourd'hui disponibles pour toutes les entreprises, elles ouvrent la porte à des applications inimaginables il y a encore quelques années, en particulier chez les fournisseurs de services à destination des agriculteurs, des propriétaires immobiliers, des commerçants et distributeurs

mardi 25 août 2020

L'intrapreneuriat, agitateur de management ?

BNP Paribas
Comme tant d'autres grands groupes, de tous secteurs, BNP Paribas multiplie depuis plusieurs années les démarches d'intrapreneuriat au sein de ses différentes entités. Si leurs résultats directs semblent plutôt modestes, son point de situation sur le sujet permet d'identifier leur véritable potentiel de valeur… et il ne se situe pas où on l'imagine.

La promesse théorique est extraordinairement attractive pour les collaborateurs des structures traditionnelles : créez une startup interne sans renoncer à la sécurité de votre emploi salarié, développez en toute liberté (ou presque) un concept innovant en profitant des moyens importants de votre entreprise… Pour de multiples raisons, sur lesquelles je ne reviendrai pas ici, la réalité est moins idyllique et les produits vraiment innovants, viables, sortant de ces programmes se comptent sur les doigts d'une main.

Pourtant, ce constat d'échec ne suffit peut-être pas à discréditer entièrement le principe de l'intrapreneuriat… pourvu qu'on admette que son objectif fondamental n'est pas de créer de nouvelles solutions. En effet, s'il faut en croire une étude citée par BNP Paribas, les responsables impliqués dans ce genre d'aventures décrivent une gamme radicalement différente de bénéfices à en tirer : renforcement de l'esprit d'équipe et de la créativité, révélation des talents, expression des compétences hors fiche de poste…

BNPP – L’intrapreneuriat, agitateur d’innovations

À partir de ces observations, il paraitrait raisonnable de repositionner l'intrapreneuriat comme une technique d'innovation organisationnelle, et non plus de modèle ou de produit, en prenant en considération son déroulement, et non plus son aboutissement. Il s'agirait alors avant tout d'encourager les participants – et, surtout, leurs supérieurs hiérarchiques – à envisager leur activité sous un angle plus collaboratif, plus créatif et plus autonome, par l'intermédiaire d'un projet concret où ces qualités s'expriment.

S'il n'est pas question de transformer un mammouth de dizaines de milliers de personnes en startup ni de succomber aux sirènes de l'holacratie, les exigences de réactivité, d'agilité, de fluidité, d'interactivité, de connectivité… du monde moderne impose un changement dans les approches de management des acteurs historiques. Dans cette perspective, montrer, à l'occasion d'initiatives de grande ampleur, que l'entreprise accorde toute sa confiance à ses employés, en les accompagnant dans la concrétisation de leur idée, éventuellement jusqu'à l'échec, constituerait déjà un immense pas en avant.

lundi 24 août 2020

CaixaBank se lance dans la vente de voitures

CaixaBank
Poursuivant inlassablement sa stratégie d'intégration du e-commerce au cœur de ses activités bancaires, CaixaBank ajoute maintenant la vente de voitures à son catalogue. Dans un premier temps, ses clients peuvent d'ores et déjà acquérir une Seat Arona, en location de longue durée, directement depuis leur espace de services en ligne.

Grâce à un partenariat conclu (et récemment prolongé) avec Arval, la filiale spécialisée de BNP Paribas, l'établissement distribuait jusqu'à présent son offre de financement automobile au sein de ses (presque) 4 000 agences en Espagne. Afin de développer sa portée commerciale, la prochaine étape consistera donc à en décliner le principe entièrement à distance ou, pour les personnes qui continuent à préférer une relation en face à face, sous forme hybride, combinant interactions physiques et « digitales ».

Dans cette perspective, la plate-forme web (également adaptée aux usages mobiles) CaixaBankNow s'enrichit d'une nouvelle section Renting&Go. Celle-ci permet aux utilisateurs d'accéder en quatre clics aux véhicules disponibles, pour en consulter les fiches détaillées, découvrir les conditions qui leur sont réservées, obtenir une simulation financière et une estimation du loyer correspondant, indiquer le lieu de réception souhaité du modèle sélectionné et, enfin, signer le contrat, par voie électronique.

À ce stade, le choix est strictement limité à un seul produit, mais un deuxième – la Toyota Corolla – devrait compléter l'assortiment, dès le mois prochain. En tout état de cause, les dirigeants de CaixaBank confirment leur ambition de proposer à terme une gamme étendue de voitures à la vente en ligne, qui devrait contribuer à leur objectif global, partagé avec Arval, de conclure 150 000 locations de longue durée d'ici à 2025.

Oficina Store de CaixaBank

Bien qu'il soit difficile de percevoir en quoi il mériterait le qualificatif de mobilité durable que lui attribue CaixaBank, le modèle, longtemps réservé aux flottes d'entreprise, de la location de longue durée devient une tendance importante auprès du grand public. Avec son approche de forfait tout compris, elle s'inscrit dans la transition vers la consommation d'usage, au détriment de la propriété individuelle, et s'accorde parfaitement avec l'idée d'une immersion du service financier dans un parcours unifié.

Cependant, comme toujours avec les initiatives e-commerce de l'espagnole, se pose la question de la légitimité d'une banque à fournir cette expérience : les clients se laisseront-ils convaincre de rechercher leur prochaine voiture chez elle ? Sans même aborder la pauvreté – actuelle et dans l'avenir immédiat – de son catalogue, ni évoquer le déficit de conseil intrinsèque à la démarche (alors qu'il paraît essentiel dans le domaine automobile), le défi est ici encore renforcé par la réticence potentielle à l'achat d'un véhicule en ligne, qui ne séduit, à ce jour, qu'une petite minorité de la population.

dimanche 23 août 2020

IA et cybercriminalité

Bank Info Security
L'intelligence artificielle est désormais omniprésente dans notre environnement et nous en mesurons et en apprécions (en général) les bénéfices quotidiennement. Mais elle a également son côté obscur, dont Avivah Litan, vice-présidente et analyste chez Gartner, nous offre un panorama à l'occasion d'une interview pour Bank Info Security.

Les liaisons dangereuses entre cybercriminalité et intelligence artificielle s'expriment dans deux dimensions distinctes, illustrant la véritable course aux armements que se livrent en permanence « bons » et « mauvais » acteurs. Il s'agit, d'une part, de mettre au point des méthodes permettant de contourner ou dévoyer les solutions défensives déployées dans les entreprises et, d'autre part, d'exploiter directement les technologies disponibles afin d'optimiser les attaques, voire développer de nouvelles approches.

Sur le premier volet, Avivah explique par exemple que les fraudeurs s'organisent pour comprendre le fonctionnement des dispositifs de protection mis en place par leurs victimes : ils émettent des requêtes en grand nombre, l'analyse des réponses les aidant alors à déterminer les profils de détection d'anomalies et, bien sûr, les moyens de les éviter. Pour lutter contre ces pratiques, il faut, en amont, identifier les tentatives de sondage et, en aval, faire évoluer rapidement et dynamiquement les algorithmes.

Mais la fraude n'est pas le seul danger qui guette les entreprises : les risques juridiques et réputationnels, induits par des décisions automatiques incohérentes, sont tout aussi importants. Dans ce registre, il existe d'autres types de menaces à prendre en compte. Tel est le cas des manipulations de données, soit par empoisonnement des sources de référence (cf. l'affaire Tay de Microsoft), soit par déformation des informations transmises (une altération des images soumises à une assurance pour indemnisation…).

Sur le deuxième front, Avivah évoque plus particulièrement les usages de l'IA au service de l'ingénierie sociale. Elle cite notamment une escroquerie dans laquelle l'instigateur d'une fraude au président a eu recours à une imitation logicielle de la voix du dirigeant pour détourner des centaines de milliers de dollars. La sophistication croissante et la démocratisation des systèmes de falsification profonde de vidéo (« deep fake ») laissent entrevoir la multiplication de ces épisodes, surtout avec la généralisation du télétravail.

Face à ces mutations, les mesures de défense doivent elles-mêmes se transformer. Ainsi, aux côtés de la sécurisation des réseaux, de la surveillance des accès (et des comportements sous-jacents)…, il faut dorénavant ajouter de nouveaux remparts, dont, entre autres, les outils de validation de l'intégrité des modèles d'analyse et des bases de données. Ces mécanismes ont, par ailleurs, autant d'utilité dans la lutte contre les malveillances que contre les erreurs des collaborateurs… ou des clients.

Enfin, et dans le prolongement de ce dernier constat, le facteur humain reste une composante essentielle de toute stratégie. La première action à engager, toujours, en vue de réduire les risques et de limiter les conséquences des offensives réussies, consiste à sensibiliser et éduquer les parties prenantes – pas uniquement les équipes spécialisées, mais tous les employés, les partenaires, les clients… – et à maintenir leur vigilance et leurs connaissances à niveau, au fil des progrès des technologies.

Fraude et cybercriminalité

samedi 22 août 2020

IA et identité, les priorités pour demain

Gartner
Chaque année, le cabinet Gartner nous gratifie d'une mise à jour de son « Hype Cycle » des technologies émergentes, destiné à éclairer les entreprises sur les grandes tendances à surveiller. Si je ne m'y attardais plus guère depuis 2017 parce qu'il paraissait stabilisé, l'édition 2020 révèle une concentration de sujets qui mérite plus d'attention.

Indépendamment de la répartition thématique en cinq volets qui accompagne sa présentation, l'analyse met en effet en lumière avec une acuité inédite la domination sans partage de l'intelligence artificielle et de l'identité numérique parmi les technologies à surveiller, puis à maîtriser, au cours de la décennie à venir. Quelles que soient les incarnations et les applications envisagées, il semblerait que ces deux-là soient appelées à s'immiscer et s'imposer au cœur de toutes les activités et tous les métiers.

Du côté de l'IA, tout d'abord, Gartner souligne d'abord les progrès de ses multiples variantes – embarquée, générative, composite, adaptative… – qui permettront son exploitation dans des contextes et des usages toujours plus nombreux. Il est également question de ses utilisations pour « augmenter » le développement logiciel, voire la conception de produits, lui donnant de la sorte un rôle de plus en plus stratégique (et menaçant pour l'emploi). Enfin, ses enjeux éthiques sont très présents, à travers les recherches sur l'explicabilité des modèles ou la notion d'algorithmes responsables.

Gartner – Hype Cycle for Emerging Technologies 2020

Ces derniers tendent une passerelle vers le second domaine majeur, l'identité, qui s'élargira bientôt à la notion de jumeau numérique ainsi qu'aux problématiques connexes de cybersécurité et de protection de la vie privée. Dans l'univers hybride qui se dessine autour de nous, où physique et « digital » se fondent, les solutions de gestion partagée des données personnelles prennent une importance critique dans la vie quotidienne des citoyens, avec, naturellement, les mécanismes indispensables pour en garantir la confidentialité et, là encore, le respect inconditionnel de l'éthique.

Plus anecdotique, à ce stade, Gartner note l'apparition extrêmement soudaine et rapide, à la faveur de la crise sanitaire, des outils de distanciation physique et des passeports de santé (directement liés à l'identité, incidemment). Au-delà du seul cas d'espèce, qui devrait, en soi, interpeller les entreprises (et les administrations) sur leur faculté à fonctionner « normalement » durant la pandémie, le phénomène constitue aussi une alerte à la vigilance et la réactivité vis-à-vis d'événements imprévisibles.

En conclusion, ce « Hype Cycle » esquisse la vision d'un monde régi, dans toutes ses dimensions et dans ses moindres recoins (systématiquement équipés de capteurs – biodégradables – et de capacités de calcul), par l'intelligence artificielle et où chaque individu possède un alter ego virtuel afin d'y évoluer librement. Je ne suis pas convaincu que la perspective soit particulièrement réjouissante… mais les organisations qui veulent survivre demain doivent impérativement la prendre en compte.

vendredi 21 août 2020

La lutte contre la fraude passe par l'agence

Westpac
Partout dans le monde, la pandémie a entraîné une hausse importante de la cybercriminalité et le phénomène d'isolation créé par les mesures de confinement en a lourdement aggravé le bilan sur les populations ainsi fragilisées. L'australienne Westpac répond à cette vague inquiétante avec un dispositif inédit, qui s'appuie sur son réseau.

De leur propre aveu, les consommateurs confirment ne pas se sentir capables d'identifier les tentatives de fraude ou d'escroquerie qui les menacent à tout moment et qui coûtent chacune, en moyenne, 12 000 dollars, sans parler de leurs conséquences indirectes, émotionnelles et psychologiques. La banque porte donc une immense responsabilité dans l'éducation de ses clients et dans la prévention des incidents. C'est dans ce cadre que Westpac introduit une nouvelle ligne de défense combinant l'humain et la technologie.

Premier acte, une série d'algorithmes d'intelligence artificielle analyse, en temps réel, tous les paiements exécutés – par carte ou par virement, en ligne, en boutique ou en agence – et repère parmi eux les transactions suspectes. Deuxième acte, une alerte est transmise instantanément au conseiller en charge du compte de la victime potentielle, afin de vérifier les caractéristiques de l'opération, et, s'il le juge utile, selon sa connaissance de l'individu et de ses habitudes, décider de la suspendre ou la rejeter.

Mais pourquoi le logiciel ne prend-il pas lui-même les décisions de blocage ou, à tout le moins, pourquoi ne pas interpeller directement le client ? Peut-être s'agit-il d'un simple manque de confiance en l'IA, mais il est surtout probable que la qualité de la détection est encore insuffisante et génère trop de signalements erronés, risquant de perturber les flux normaux ou d'inquiéter à tort, voire d'irriter, les personnes concernées. Espérons néanmoins que les actions entreprises par les conseillers à la réception des notifications seront collectées et exploitées de manière à enrichir et optimiser les modèles.

Westpac – Safeguarding you against scams and fraud

En pleine période de reflux des visites en agence, le choix de Westpac de recourir à ses collaborateurs partiellement désœuvrés pour renforcer ses capacités de lutte contre la fraude s'avère plutôt bien pensé. En revanche, il soulève aussi quelques interrogations, à commencer par la réactivité : comment, par exemple, seront traitées les alarmes déclenchées la nuit ou le week-end ? D'autre part, la banque aura certainement des difficultés à garantir un traitement homogène d'un conseiller à l'autre et les efforts de formation qu'elle met en œuvre ne suffiront pas à écarter toute subjectivité.

Malgré ses défauts potentiels, l'approche peut être considérée comme une étape importante sur le chemin vers le déploiement de protections entièrement automatiques, pilotées de bout en bout par l'IA, qui devrait impérativement constituer la cible ultime (jamais évoquée par Westpac, toutefois) pour un maximum d'efficacité et de performance. Dans cette perspective, elle présente l'énorme avantage de maintenir un contrôle humain rassurant sur les résultats produits, sans nuire à l'expérience client.

jeudi 20 août 2020

L'écoute avant les robots

Wells Fargo
Depuis le scandale des ouvertures de comptes frauduleuses, au milieu de la décennie passée, Wells Fargo est engagée dans une lente reconquête de la confiance de ses clients (qui ne se déroule pas sans heurts). Dans ce but, elle a déployé un dispositif d'écoute inédit, qui lui permet de détecter et résoudre les problèmes au plus tôt.

Avec son système « Advanced Listening », la banque américaine applique en quelque sorte le premier principe d'une entreprise qui place (sérieusement) ses clients au centre de ses préoccupations : elle cherche à capter, interpréter et exploiter les précieuses informations qui se dissimulent au sein des millions d'interactions qu'ils ont avec elle chaque mois, sous toutes leurs formes, de manière à leur proposer un service plus fiable, plus performant, plus réactif et mieux adapté à leurs exigences.

La matière est là, dans toutes les institutions financières du monde, disponible pour qui se donne la peine de l'explorer. Chaque conversation téléphonique (retranscrite, y compris les séquences avec les répondeurs automatisés), chaque échange de courriels, chaque session sur les sites web ou dans les applications mobiles, chaque formulaire d'enquête renseigné… recèle une part du ressenti de la personne, d'une indication sur les dysfonctionnements de processus, d'une alerte à l'apparition d'un incident…

Wells Fargo a donc mis sur pied un programme ambitieux qui, connecté à l'ensemble de ces sources (malheureusement pas en temps réel, à ce jour), consolide les contenus qu'elles produisent et, grâce à des algorithmes d'intelligence artificielle, identifie les « anomalies » (pic de plaintes sur un service, variation soudaine des volumes d'échanges sur un sujet, augmentation inhabituelle des accès à une option…) et les transmet aux équipes capables d'en rechercher la source et d'y apporter une solution.

Dans un exemple récent, le système a observé une hausse du nombre de réclamations à propos de versements de salaires non réalisés : rapidement signalée au responsable ad hoc, la panne s'est avérée provenir de la défaillance d'un fournisseur de logiciel de paye utilisé par une entreprise cliente et a pu être résorbée sans tarder. Les mesures prises varient : selon les cas, une correction sera effectuée, un palliatif sera diffusé, un processus sera remis en cause, un simple message sera envoyé aux conseillers…

Étonnamment, Wells Fargo présente son initiative en opposition aux assistants virtuels et autres chatbots que lancent tant de ses consœurs. Il est vrai que les deux approches ont pour objectif ultime, au moins en partie, de réduire le nombre de sollicitations à gérer, surtout en pleine pandémie. Elles me semblent pourtant complémentaires, la seconde pouvant constituer une réponse temporaire aux difficultés repérées par la première. Mais il reste que trop de banques ignorent les opportunités de l'écoute du client

Wells Fargo – Simplified Banking

mercredi 19 août 2020

La banque à ma façon, version NatWest

NatWest
Quand il est question de relation personnalisée, la plupart des institutions financières pensent prioritairement à leur manière de vendre un produit à tel ou tel segment de clientèle, quelques-unes se préoccupent également de formuler des conseils adaptés à chaque individu… Désormais, NatWest l'introduit au niveau de l'accueil.

Ah ! Le bonheur des petits commerces, la vendeuse qui vous reconnaît et sait quelles couleurs vous préférez, le boucher qui vous salue et coupe la viande à votre convenance… Quelle différence avec votre banquier ou votre assureur, qui ne vous voit plus assez régulièrement pour se souvenir vous avoir déjà rencontré, quand il n'est pas remplacé par un collègue ou un stagiaire pendant ses congés, sans parler des contacts de plus en plus fréquents avec les téléopérateurs anonymes des centres d'appel !

Pourtant, même sans remettre en question ces modèles productivistes, qui sont en grande partie dus à la « digitalisation » du secteur, la disparition de la personnalisation du service ne constitue pas une fatalité. Conçu d'abord dans une logique d'accessibilité, qui prend toutefois une dimension étendue, le dispositif « Banking My Way » de NatWest propose à tous ses clients de décrire leur situation particulière et leurs attentes spécifiques, de sorte qu'elles puissent être intégrées dans chaque interaction.

NatWest – Banking my way

Deux options distinctes et complémentaires sont offertes, sur la plate-forme de banque en ligne comme en agence et auprès du centre d'appel : la première permet d'indiquer une condition, telle qu'un handicap (moteur, visuel, auditif, mental…), qui mérite d'être prise en compte lors d'une visite ou d'une conversation, tandis que la seconde, notamment pour ceux qui ne souhaitent pas étaler leur vie privée, consiste plutôt à exprimer des exigences, par exemple de parler lentement ou de ne pas présumer du genre.

Le client est entièrement libre de profiter de l'opportunité et de fournir autant ou aussi peu d'informations qu'il le désire. Il peut en outre changer d'avis (ou de situation) à tout moment et il sera invité à vérifier ses choix annuellement. L'objectif visé est simplement et exclusivement de signaler à ses interlocuteurs, où qu'ils se trouvent et quel que soit le sujet de l'échange, les petits détails importants, besoins ou attentions sollicitées, qui feront la différence entre le sentiment d'être écouté et un dialogue impersonnel.

Avec tous les discours sur les capacités extraordinaires de l'analyse de données et de l'intelligence artificielle, il serait facile d'oublier que la connaissance du client, indispensable pour lui apporter le service qui lui correspond précisément, se compose aussi de caractéristiques relativement basiques, qu'il suffit de lui demander, comme il est d'usage dans un contexte social courant. La seule incertitude que devra encore lever NatWest est de déterminer si ses collaborateurs, ainsi armés, joueront le jeu.

mardi 18 août 2020

L'investissement thématique gagne du terrain

Merrill – Bank of America
La crise sanitaire et les mesures de confinement – obligatoires ou volontaires – qui l'accompagnent ont déclenché une véritable explosion du nombre d'investisseurs amateurs en ligne. Les opérateurs des plates-formes concernées – startups ou grands groupes – profitent de l'aubaine avec des stratégies extraordinairement diverses.

Que ce soit pour tenter de tirer quelques bénéfices des mouvements erratiques de la bourse depuis le début de la pandémie, pour se changer les idées lorsqu'ils sont enfermés chez eux depuis plusieurs semaines, pour remplacer les paris sportifs interrompus pour cause de suspension des compétitions…, ces derniers temps, les consommateurs (en particulier américains) se sont rués sur les applications de trading. Or cette vague de nouveaux clients arrive avec des exigences et des besoins spécifiques.

L'exemple phare du moment est, bien entendu, celui de Robinhood. Fort de la conquête de 3 millions d'utilisateurs supplémentaires depuis le début de l'année, dont la moitié n'avaient aucune expérience préalable de l'investissement, le trublion voit sa valorisation croître en flèche, atteignant aujourd'hui plus de 11 milliards de dollars (30% de plus que lors de sa levée de fonds précédente, il y a 1 mois). Son succès met pourtant en lumière le peu de préoccupation qu'il montre des attentes potentielles des néophytes.

En effet, certains observateurs s'inquiètent du manque de connaissances dont font preuve les personnes qui se lancent pour la première fois et, surtout, de la dangereuse négligence des plates-formes en la matière. Non seulement ne proposent-elles guère de guides pédagogiques à l'adresse des débutants mais elles tendent de surcroît à les orienter vers des produits complexes et risqués. Pour extrême qu'il soit, le cas du suicide d'un jeune étudiant en juin à la suite de ses opérations sur Robinhood est révélateur.

Merrill Idea Builder

Cependant, d'autres acteurs semblent plus attentifs aux désirs et envies de leur clientèle, notamment parmi les générations qui découvrent l'investissement. Ainsi, la solution Merrill Edge de la filiale de Bank of America, qui permet à quiconque de se constituer et piloter un portefeuille d'ETF, d'actions et d'options en totale autonomie, offre maintenant une rubrique dédiée – Idea Builder – à ceux qui veulent aligner leurs stratégies de placement avec leurs convictions et leurs préférences.

Conçue comme un espace d'accompagnement à destination des novices (mais éventuellement utile à tous), elle fournit des recommandations pratiques, axées sur des idées concrètes. Il peut s'agir de présenter des indices prêts à l'emploi, idéaux pour commencer (les plus grandes entreprises américaines, le portefeuille de Warren Buffett…), d'expliquer les différents modèles d'allocation possibles ou de suggérer des approches thématiques (environnement, lutte contre la pauvreté, cybersécurité…).

Car c'est une caractéristique commune à beaucoup de jeunes débarquant sur les plates-formes de trading à l'occasion de la crise sanitaire (stimulée par les grands discours sur le « monde d'après ») que de vouloir donner un sens profond à ce qu'ils font ou soutiennent avec leur argent. Leur donner les moyens de prolonger leurs engagements grâce à des conseils adaptés, faciles à mettre en œuvre, représente alors une excellente opportunité de les éduquer durant leurs premiers pas avec l'investissement.

lundi 17 août 2020

DBS forme 3000 employés à l'IA

DBS
Pionnière de la transformation « digitale », dans laquelle elle a engagé l'ensemble de ses effectifs grâce à un effort de formation sans précédent, la singapourienne DBS juge maintenant que l'intelligence artificielle devient une compétence essentielle. Elle propose donc un programme d'apprentissage à destination de 3 000 collaborateurs.

L'objectif visé à travers cette nouvelle initiative n'est (évidemment) pas de convertir autant de personnes en experts de l'IA, mais plutôt de leur procurer les bases de cette discipline qui se répand dans tous leurs métiers, afin qu'elles puissent, éventuellement, en décliner quelques usages dans leur rôle ou, plus généralement (et plus raisonnablement), en appréhender les principes, en comprendre les enjeux et en apprécier les limitations, dans la logique de démocratisation de la technologie chère à la banque.

Dans une telle perspective, le choix d'une plate-forme s'est porté sur la solution AWS DeepRacer d'Amazon, qui présente l'avantage d'adopter une approche ludique tout en s'adaptant à des développeurs de tout niveau. Le concept combine un ensemble de tutoriels pratiques abordant l'apprentissage automatique (par renforcement, pour être précis) avec l'application des connaissances acquises à la mise au point d'une voiture de course virtuelle autonome, capable, à la fin du cursus, de participer à une compétition.

AWS DeepRacer

Les participants découvrent de la sorte les rudiments de l'intelligence artificielle, avant de commencer à développer leurs propres modèles d'analyse, en expérimentant l'utilisation des différents capteurs de leur véhicule, en sélectionnant parmi les algorithmes disponibles ceux qui leur paraissent les plus performants pour leur stratégie, en élaborant la configuration optimale d'un réseau de neurones… Et, à chaque étape, ils peuvent juger de l'efficacité réelle de leurs hypothèses théoriques, sur circuit (physique, en option).

La démarche de DBS représente un formidable exercice de démystification, particulièrement important avec l'intelligence artificielle, tiraillée entre crainte de domination de la machine sur l'homme et croyance en un pouvoir magique susceptible de résoudre tous les problèmes de l'entreprise. Sa prise en main par un maximum d'employés, à tous les niveaux de la hiérarchie (jusqu'au directeur général), est un gage d'accélération « digitale », chacun d'eux étant ensuite en mesure, sinon de réaliser les projets, du moins d'identifier objectivement les opportunités dans son environnement.

dimanche 16 août 2020

Un bac à sable dédié au coronavirus

FCA
Parce que la pandémie et ses conséquences sur l'économie font émerger des urgences financières spécifiques, le régulateur britannique, en collaboration avec le gouvernement de la cité de Londres, accélère la mise en place d'un bac à sable de deuxième génération, plus concret, plus opérationnel et mieux adapté aux besoins des innovateurs.

Pionnière du concept en 2016, la FCA ne l'avait jusqu'à maintenant abordé que sous son angle réglementaire, se présentant alors sous la forme d'un contrat par lequel une entreprise a la possibilité de mener une expérimentation avant d'avoir obtenu tous les agréments, accréditations et autres autorisations normalement requis, moyennant un suivi rapproché. Forte des enseignements tirés de cette première itération, elle veut maintenant enrichir cette approche passive avec un accompagnement plus actif.

La caractéristique la plus visible du bac à sable « digital » est la mise à disposition de jeux de données agrégés et/ou anonymisés, qui permettront aux participants de tester et valider plus rapidement leurs solutions. Quand on sait l'importance de l'analyse de l'information pour développer des services financiers pertinents, il s'agit d'une avancée majeure, surtout pour les startups qui partent de rien et doivent séduire des utilisateurs afin d'accéder à la matière première avec laquelle elles développent leurs produits.

La promotion des collaborations constitue un autre axe essentiel de l'initiative. Elle se matérialise notamment par une plate-forme dédiée sur laquelle les parties prenantes seront invitées à s'exprimer, à partager leurs observations, à engager des réflexions transverses sur les problématiques qui se posent à l'échelle de l'industrie. En complément, une place de marché rassemblera les API des acteurs du secteur, de manière à encourager l'interopérabilité et la création d'un véritable écosystème.

Annonce City of London Corporation + FCA

La FCA laisse entendre qu'elle envisageait le principe du bac à sable « digital » depuis quelque temps. La crise sanitaire lui donne aujourd'hui l'occasion de lancer un pilote avant la fin de l'été, focalisé sur trois enjeux critiques du moment : la prévention et la détection des fraudes et escroqueries (en forte recrudescence depuis l'instauration de mesures de confinement), l'assistance à la résilience des consommateurs en situation de fragilité et l'amélioration des conditions d'accès au crédit pour les PME, visant toutes deux à anticiper les pires conséquences de la récession qui se dessine.

Ces thèmes, dont il est facile de percevoir combien leur traitement repose sur des capacités d'analyse, voire d'intelligence artificielle, démontreront toute la valeur de la démarche engagée : grâce aux données immédiatement disponibles, les porteurs d'idée gagneront un temps précieux et économiseront beaucoup d'énergie et de ressources lorsque viendra le moment de vérifier leurs hypothèses et d'affiner leurs modèles théoriques. Toujours attentive aux besoins de ses « clients », autant que des usagers des services financiers, la FCA préserve ainsi l'avantage de la FinTech britannique.

samedi 15 août 2020

Quelques vérités sur l'authentification forte

Microsoft
La farce n'en finira donc jamais. Après une première série de reports accordés par les autorités nationales, les dispositions de la DSP2 visant à imposer une authentification forte sur les paiements en ligne font à nouveau l'objet de demandes de délais, voire de retrait, sous prétexte de COVID-19 et de fragilisation supplémentaire du commerce.

Dans ce contexte, une étude interne menée par Microsoft depuis septembre 2019 à partir d'un échantillon de transactions enregistrées sur ses propres plates-formes (à la fois via sa boutique web et les achats réalisés dans les applications de sa console XBox) apporte un intéressant éclairage sur les problèmes rencontrés avec les solutions existantes et leur impact réel sur les ventes. La conclusion est sans appel : en comparaison des opérations sans validation, les taux d'abandon explosent avec l'authentification forte.

Une partie du phénomène est facilement explicable et ne constitue pas une surprise : l'introduction d'une friction dans le parcours d'achat, aussi minime soit-elle, induit automatiquement un rejet par une partie des consommateurs, irrités ou impatientés par l'exigence de confirmer leur identité en ouvrant une application sur leur téléphone ou en saisissant un code secret reçu par SMS. En revanche, l'expérience conduite par Microsoft révèle également plusieurs faiblesses intrinsèques, absolument inacceptables.

Il apparaît ainsi, notamment, que les méthodes de contrôle mises en œuvre ne fonctionnent pas correctement : les échecs de vérification sont anormalement élevés. Autre critique, plus insidieuse, beaucoup d'émetteurs, n'ayant pas déployé leur propre système, se rabattent sur celui fourni par le réseau (Visa ou Mastercard) et ils exposent alors leurs porteurs à des refus d'autorisation plus fréquents. Enfin, même quand aucune erreur ne survient, les procédures de sécurité prennent beaucoup trop de temps.

Il faut encore parler de l'information des consommateurs. L'absence d'explications claires et transparentes sur les raisons pour lesquelles il devient maintenant nécessaire d'ajouter une étape (rébarbative) aux règlements en ligne, tout comme les démarches d'installation lourdes et plus ou moins incompréhensibles – on croirait parfois qu'elles proviennent d'escrocs professionnels –, contribue aussi aux réactions des clients, qui perdent confiance au fil des messages anxiogènes et préfèrent renoncer.

En synthèse, Microsoft incrimine directement la qualité des dispositifs d'authentification proposés par les institutions financières. Et nous revenons toujours au même constat : obligation réglementaire ou pas, ces dernières traînent des pieds quand il s'agit de protéger les moyens de paiement de leurs clients face à la montée de la cybercriminalité. Que les commerçants – qui risquent de perdre des revenus sans recours possible – soient frileux paraît légitime, mais que les banques soutiennent leurs récriminations – sans faire le moindre effort pour l'expérience utilisateur – est un véritable scandale !

Biométrie

vendredi 14 août 2020

Un problème à résoudre ? Nommez un chef !

Diversité
Cristallisée par la mort de George Floyd le 25 mai dernier, la prise de conscience des problèmes de racisme et de discrimination encourage les grands groupes à réagir. Comment ? Dans beaucoup d'institutions financières, pour rester dans notre secteur, American Banker signale une vague de nominations de directeurs de la diversité

Aux États-Unis, elles sont des dizaines à recruter ou promouvoir pour cette nouvelle position, au plus près du sommet de leur hiérarchie. La démarche procède d'une bonne intention, face à un double constat : d'une part, les inégalités profondes (salariales, entre autres) qui affectent les collaborateurs et, d'autre part, les écarts de traitement des clients selon leur origine et leur ethnie. Le rôle lui-même est abordé sous un angle relativement raisonnable : il n'est pas question de résoudre toutes les difficultés avec une baguette magique mais plutôt d'accompagner l'évolution de la culture d'entreprise.

Malheureusement, qu'elle soit sincère ou qu'elle procède d'une simple opération de communication, la création d'un siège supplémentaire dans les comités de direction n'est qu'un leurre à destination des naïfs, sans perspective d'efficacité réelle. Les raisons de mon pessimisme sont tellement nombreuses que je ne sais pas par où commencer. Mais une question permettra de semer le premier doute : quel pouvoir réel aura ce « CDivO » dans l'organisation ? Aura-t-il le mandat nécessaire pour prendre et faire appliquer ses décisions, sans réserve, jusque dans les territoires de ses homologues ?

En réalité, une sorte de réflexe se met en place progressivement dans les structures importantes : dès qu'émerge un nouveau thème transverse, risquant de prendre une dimension stratégique, il faut désigner un responsable afin d'en assumer la charge. Au fil des ans, l'innovation, le « digital », l'expérience utilisateur… sont venus successivement renforcer la garde rapprochée de la direction générale. Aujourd'hui la diversité s'y immisce, en attendant, probablement, la parité… Mais quel sens a une équipe de pilotage aussi pléthorique, qui prend en outre, de la sorte, des allures d'armée mexicaine ?

Alors que tous ces sujets relèvent de la culture d'entreprise, leur attribution à un individu est dangereusement contre-productive, le message perçu par les employés étant alors que la diversité (ou l'innovation, ou l'UX…) n'est pas de leur ressort puisqu'elle est confiée à un expert. Pire encore, quand la personne sélectionnée est un(e) noir(e), ce qui semble être le cas majoritaire, cela revient à confirmer implicitement l'idée tragique que le problème ne concerne pas les blancs ! Tout comme le « digital » porté par un ancien fondateur de startup, par exemple, en fait une église interdite au salarié lambda.

Il faudrait maintenant en finir avec la prolifération à l'infini des CxO aux compétences transverses. Pour transformer fondamentalement l'organisation, quel qu'en soit le thème, il n'existe qu'une solution : chaque responsable métier doit s'engager concrètement dans l'action, sous l'impulsion et le contrôle du directeur général, éventuellement assisté par un coordinateur (pour la cohérence globale). Hélas, il est à craindre que les méga-groupes contemporains soient désormais tellement asphyxiés par leurs modèles hiérarchiques qu'il n'est plus possible d'y développer une nouvelle discipline commune et partagée.

Diversité

jeudi 13 août 2020

Pas facile de créer un nouveau modèle !

Moneyou
Créée en 2001 pour porter une nouvelle ligne de crédit hypothécaire aux Pays-Bas, la marque Moneyou d'ABN AMRO s'est enrichie au fil des ans jusqu'à assembler une offre complète de banque alternative, également déployée en Allemagne à partir de 2011. Sa fermeture confirme l'échec de cette tentative de créer un autre modèle.

À l'instar de tant d'autres établissements, vers la même époque, sous la pression émergente des premiers trublions de la FinTech, le groupe néerlandais désirait riposter en développant une solution 100% « digitale » aux côtés de son catalogue traditionnel, distribué par son réseau d'agences. Afin de marquer son avantage historique, il choisissait d'y intégrer une gamme élargie, composée, entre autres, d'un compte courant, de divers produits d'épargne (voire d'investissement), de prêts personnels et immobiliers…

Arrive 2020 et la pandémie, qui incite toutes les entreprises à s'interroger sur leurs stratégies et à réévaluer toutes leurs branches d'activité. Surgissent alors les questions cruciales, trop vite évacuées au démarrage du projet et totalement oubliées plus tard, tant que la croissance constante du nombre de clients faisait illusion : quels sont les facteurs de différenciation de Moneyou et sont-ils suffisants pour espérer atteindre la rentabilité un jour ? Une fois posées, l'évidence s'impose et conduit à arrêter les frais.

Les réponses que fournit ABN AMRO dans son annonce officielle sont, en soi, édifiantes. Ainsi, elle justifie sa décision par, d'une part, son incapacité à rester concurrentielle dans un contexte de taux d'intérêt durablement bas et, d'autre part, ses excédents de liquidité, qui éliminent le besoin d'une entité focalisée sur l'épargne. En résumé, la proposition de valeur de Moneyou se résumait donc à des rendements attractifs pour les clients et un accès à des fonds pour la banque ? On est bien loin d'une vision « digitale » !

Fermeture de Moneyou

Face à une telle absence de clairvoyance, faut-il vraiment s'étonner que, même après avoir séduit plus de 500 000 adeptes, l'aventure se conclue par un naufrage ? Sauf dans quelques très rares cas, quand un acteur détient la clé d'une efficacité opérationnelle exceptionnelle, les pratiques de dumping économique – qu'il s'agisse de prix bradés ou de rémunérations alléchantes – ne peuvent constituer qu'un instrument de conquête, temporaire, et ne suffisent jamais à bâtir une solution viable à long terme.

En réalité, l'exemple de Moneyou est caractéristique d'une génération entière d'initiatives concoctées dans les banques aux alentours de 2010… et peut-être aussi celles de certaines startups suscitant aujourd'hui des inquiétudes. Imaginées et conçues comme des alternatives en ligne aux offres classiques, elles ont cherché à attirer les consommateurs par leurs politiques tarifaires. Dix ans plus tard, la « digitalisation » s'étant généralisée et aucun véritable nouveau modèle n'ayant été élaboré, ces dernières constituent leur seule spécificité, et elle menace structurellement leur pérennité.

mercredi 12 août 2020

Facebook resserre les rangs sur le paiement

Facebook
Quand Bloomberg rapporte la création au sein de Facebook d'une entité chargée de l'ensemble de ses projets dans le domaine des paiements, elle traduit d'abord, très probablement, un effort de remise en cohérence interne… mais elle pourrait également contribuer à accélérer le développement global d'une ligne d'activité prometteuse.

Depuis des années, Facebook s'aventure régulièrement dans l'univers financier, avec un objectif prioritaire : faciliter les échanges d'argent sur ses plates-formes, de manière à faire de ces dernières les socles incontournables du quotidien de leurs utilisateurs et un point d'attraction pour leurs fournisseurs. Selon les époques, il était question de transferts entre particuliers, de monnaie virtuelle dans les jeux… ou, plus récemment, de commerce en ligne, dont les géants chinois Tencent et Alibaba font miroiter tout le potentiel.

Outre qu'aucune de ces tentatives n'a, jusqu'à présent, livré de résultats probants (une adoption massive), elles ont toujours donné l'impression d'être lancées en ordre dispersé, sans réelle vision stratégique. Ainsi, parmi les plus récentes, les démarches entreprises en Inde pour introduire au sein de WhatsApp un porte-monnaie mobile, éventuellement assorti d'une option de crédit, entraient en collision avec une approche similaire au Brésil, basée sur Facebook Pay, le tout sur fond d'initiative Libra.

Il ne fait guère de doute, j'imagine, que le responsable de cette dernière, qui porte une ambition transverse depuis son origine, ait désiré remettre de l'ordre dans la maison. La nouvelle structure, dirigée par le même David Marcus, ancien directeur général de PayPal, aura donc pour mission d'organiser la mise en œuvre de solutions de paiement susceptibles d'accompagner l'essor du « social commerce » partout, sur Facebook, Messenger, WhatsApp, Instagram, Oculus (?)…, et à travers toutes les géographies.

Paiement sur WhatsApp au Brésil

Dans la mesure où l'énergie de l'équipe Facebook Financial, selon son appellation officieuse, ne sera pas exclusivement consacrée à Libra et Novi (l'application de paiement maison associée à la cryptomonnaie), elle pourra mettre à profit la diversité des expériences, menées dans différents environnements, pour accélérer sa découverte et son apprentissage des spécificités du secteur financier. Les enjeux réglementaires, par exemple, représentent un thème où la capitalisation des connaissances est critique.

Plus largement, la mise en place d'une gouvernance centralisée constitue une étape extrêmement importante (quoique tardive) pour Facebook, car, avec son emprise mondiale, à travers trois réseaux sociaux parmi les plus populaires, son principal défi dans les paiements est sa dimension transfrontalière. Il n'est guère surprenant, au vu de son parcours, que David Marcus continue à se montrer particulièrement concerné par celle-ci, même s'il a été contraint de modérer ses prétentions autour de Libra.