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C'est pas mon idée !

mercredi 30 septembre 2020

Samsung envahit l'Allemagne avec Solarisbank

Solarisbank
Comme Apple avant lui (et probablement plus encore), Samsung peine à convaincre les banques de proposer à leurs clients sa solution de paiement sur téléphone, ce qui ralentit fortement son développement. Alors, en Allemagne, le constructeur a choisi une nouvelle approche, qui la met immédiatement à la disposition de toute la population.

Le déploiement généralisé d'Apple Pay, désormais intégré par presque tous les établissements français, a pris plusieurs années de pédagogie et de pressions, de négociations commerciales et de mises en œuvre techniques, avec chacun d'entre eux. Depuis son lancement, Samsung Pay suit le même chemin, long et pénible, engloutissant des ressources importantes dans ces efforts, qu'il faut répliquer dans tous les pays du monde. Mais la mutation du paysage de la finance offre maintenant une autre voie.

En l'occurrence, la plate-forme bancaire distribuée sous forme de services (par API), telle que la décline Solarisbank, semble effectivement idéale pour les besoins du groupe coréen. Elle lui permet de fournir elle-même aux détenteurs de ses appareils la palette de produits dont elle a besoin pour assurer le fonctionnement de son porte-monnaie mobile, sans avoir à interagir directement avec les institutions financières existantes ni à s'engager dans la complexité de la création d'une entité spécialisée.

Pour l'utilisateur, l'expérience sera totalement transparente. Afin d'activer Samsung Pay, il sera invité à connecter le compte bancaire sur lequel il souhaite imputer ses achats (les coordonnées transmises sont simplement validées par l'intermédiaire d'une micro-transaction) puis une carte Visa virtuelle est émise instantanément par Solarisbank et installée dans l'application mobile de paiement. Par la suite, chaque opération réalisée sera compensée par un prélèvement sur le compte courant ainsi configuré.

Samsung Pay + Solarisbank

Pour plus de flexibilité, pour mieux séduire… et, peut-être, pour convaincre ceux qui regretteraient de ne pouvoir utiliser leur carte de crédit actuelle, le système inclut en outre une option – la mode se répand décidément partout ! – de règlement échelonné (baptisée Splitpay), sur une période de 24 mois maximum, accessible en quelques clics, sur le smartphone, pendant 90 jours, sur toute dépense de plus de 100 euros.

En dépit de son caractère inédit, la méthode retenue par Samsung n'a rien d'un exploit technique. Sans même profiter (apparemment) des interfaces d'initiation de paiement imposées par la réglementation européenne (DSP2), il lui suffit de s'appuyer sur un mandat de prélèvement pour opérer, et se dégager des contraintes des banques et de leurs cartes physiques. L'entreprise peut même prétendre aux commissions d'interchange sur les transactions (mais elle rémunère la prestation de Solarisbank, naturellement).

Dans un contexte certes particulier, c'est une démonstration parfaite des opportunités du concept de plate-forme que livre ici Samsung. Plus rien n'empêche aujourd'hui un acteur sans expertise d'embarquer, très facilement, des processus financiers complets au sein des parcours et des expériences qu'il conçoit pour ses clients. Et les grands perdants de cette évolution (les émetteurs de carte dans le cas de Samsung Pay) sont tous ceux qui refusent de croire à la possibilité de créer un nouveau modèle de distribution.

mardi 29 septembre 2020

HSBC lance (encore) un réseau social de PME

HSBC
Trois ans après une première tentative (apparemment avortée), HSBC croit plus que jamais – surtout en pleine pandémie – au potentiel d'une communauté d'entrepreneurs. Elle déploie [PDF] donc, à Hong Kong, à l'issue de 6 mois de gestation, VisionGo, sa toute nouvelle plate-forme de mise en relation et d'accompagnement des PME locales.

Abandonné ou pas (difficile de le confirmer avec certitude), le « HSBC Connections Hub » créé en 2017 a, de toute évidence, fourni à la banque un certain nombre d'enseignements sur lesquels son petit frère capitalise. Les objectifs visés, d'abord, sont similaires : il s'agit de stimuler et faciliter les échanges entre entreprises, non seulement en matière de relations commerciales mais également pour le partage de bonnes pratiques, d'informations sur les sujets qui les intéressent, d'idées à développer ensemble…

L'approche retenue reste aussi très proche du modèle d'origine, avec ses deux volets complémentaires. VisionGo comprend ainsi, d'une part, une sorte de réseau social sur lequel les membres son invités à se connecter et dialoguer entre eux, et d'autre part, des espaces dédiés à la diffusion de contenus, prenant des formes diverses : articles traitant de l'actualité ou de thématiques de fond, webinaires et autres conférences en ligne, accueillant des invités prestigieux, enquêtes et sondages interactifs…

HSBC VisionGo

En parallèle, les différences entre les deux générations de solutions montrent clairement la maturité acquise avec l'expérience. Finie, par exemple, la dimension universelle initiale, autant en termes de typologie d'entreprises que de géographie. Le resserrement de la cible paraît logique : le principe de communauté résonne beaucoup mieux dans des petites structures, au sein desquelles les responsabilités sont concentrées (souvent sur une personne), et la proximité lui donne automatiquement plus de substance.

Autre changement notable, VisionGo se libère sensiblement de la banque et est désormais ouvert à toutes les PME, clientes ou non. Il s'agit d'une évolution importante de la stratégie sous-jacente, qui ne se focalise plus seulement sur l'apport d'un service exclusif, qui pouvait sembler arbitrairement limitatif pour la portée et la valeur de l'initiative, mais plutôt sur son inscription dans le soutien global à l'économie (en crise) de la cité et, dans un registre plus opérationnel, la conquête de nouveaux prospects.

Depuis longtemps, les grandes banques de ce monde rêvent de bâtir leur propre réseau social professionnel, en s'appuyant sur la confiance qu'elles inspirent et sur leur rôle de catalyseur de l'activité. Jusqu'à maintenant, tous leurs essais se sont trouvés confrontés à la réalité d'une faible appétence, en particulier dans la durée, de l'audience envisagée. HSBC saura-t-elle trouver la clé de l'adhésion ? Ses premiers résultats après 6 mois de fonctionnement (9 000 inscrits, 5 000 participants à 400 webinaires, 600 000 vues sur 1 500 articles), bien que flatteurs en apparence, n'incitent pas à l'optimisme.

lundi 28 septembre 2020

La banque qui se voit en géant de l'électronique

Sber
Dans un monde qui se transforme, la banque apparaît de plus en plus comme un mal nécessaire, sans attrait particulier. Alors, pour continuer à assurer son ambition d'apporter du bonheur à ses clients (sic), la russe Sberbank choisit de changer radicalement de métier, devenant un fournisseur de produits technologiques de la vie quotidienne.

Sous la nouvelle marque unificatrice Sber, les activités financières – dont les différentes branches sont rebaptisées par la même occasion – cohabitent désormais avec un univers entièrement différent, comprenant un assistant virtuel aux trois personnalités distinctes, un combiné écran-enceinte intelligent, un appareil de diffusion (streaming) vidéo, une plate-forme de stockage de données personnelles dans le cloud, un service d'abonnement universel (musique, cinéma, livraison de courses…)…

Esquissée au fil de ses évolutions récentes, notamment à travers le développement de son propre super-ordinateur, la réorientation de l'établissement annoncée aujourd'hui est le fruit d'une stratégie mûrement réfléchie, élaborée à la suite du constat de l'inexorable dissolution du contact de la banque (dans son sens générique) avec ses clients, au profit des acteurs qui leur procurent les expériences qu'ils désirent, au sein desquelles la composante financière n'est qu'un moyen pour atteindre un objectif supérieur.

Concrètement, son directeur technique explique que Sber ne veut pas se résoudre à la perte de contrôle qu'engendrent, par exemple, les interfaces proposées par les géants du web (Siri par Apple, Alexa par Amazon…). La crainte est que ces intermédiaires tout-puissants s'emparent de la relation avec les consommateurs, ne laissant de la sorte aux spécialistes qu'un rôle ingrat de producteur industriel, dans leur ombre. La seule solution envisageable pour résister serait alors de se positionner en amont de la chaîne.

Sans l'affirmer directement, l'entreprise veut devenir le prochain GAFA – surtout après la fin de sa collaboration historique avec Yandex, engagé dans l'acquisition de Tinkoff –, point de focalisation incontournable pour les internautes et mobinautes russes (il n'est pas question d'expansion internationale, à ce stade). Dans une telle vision, la banque prend alors sa place naturelle de facilitatrice invisible, renforcée par une connaissance de ses clients approfondie grâce aux données captées sur toute leur vie « digitale ».

La peur de la désintermédiation qui motive l'initiative de Sberbank est partagée par une majorité d'institutions financières à travers le monde, mais elle est une des premières – voire la première – à prendre le taureau par les cornes. La méthode retenue peut certes paraître extrême et rien ne garantit son succès (ne bâtit pas Amazon qui veut !), mais existe-t-il une autre voie possible pour qui refuse de confier à des tiers le soin d'intégrer ses services au cœur des parcours qui comptent réellement pour ses clients ?

Sber

dimanche 27 septembre 2020

Quand les acteurs historiques copient Amazon

Walmart
Face à l'expansion incontrôlable d'Amazon, les grands acteurs de la distribution ont commencé par répliquer son concept de place de marché en ligne, ouverte à tous les marchands. Aujourd'hui, l'un des plus importants d'entre eux, Walmart, s'empare aussi de son approche du financement de ces partenaires devenus essentiels.

Concocté en collaboration avec Marcus, la marque « digitale » de Goldman Sachs, qui s'écarte ici de sa cible initiale des consommateurs, le service déployé par le géant américain du commerce de détail semble directement calqué sur celui de son concurrent : les entreprises éligibles se voient spontanément proposer, pour une durée d'un an renouvelable, l'accès à une ligne de crédit de 10 000 à 75 000 dollars, assortie d'un taux d'intérêt compris entre 6,99% et 20,99%, pour tous leurs besoins de trésorerie.

Des années après Amazon, Walmart prend conscience des opportunités que lui procure la connaissance des utilisateurs de sa plate-forme et de leurs transactions, notamment quand il s'agit de leur fournir des moyens de développer leurs ventes – par exemple en facilitant, par le crédit, la constitution ou le renforcement de leurs stocks – et, par voie de conséquence, les revenus qu'elle en tire elle-même, alors que cette ligne d'activité est en forte croissance, en raison, entre autres, des impacts de la crise sanitaire.

Line of credit for Walmart marketplace sellers

Hélas, l'imitation est loin d'être parfaite et, comme il fallait s'y attendre de la part de deux groupes historiques, l'expérience client, en particulier, laisse sérieusement à désirer. Les frictions apparaissent ainsi dès la mise en place du financement : l'invitation que reçoivent les marchands sélectionnés ne constitue qu'une première étape et ceux qui souhaitent profiter de l'offre doivent encore soumettre un dossier à Marcus, accompagné de justificatifs spécifiques, pour validation (ou refus) sous 48 heures.

Une fois la souscription finalisée et les fonds tirés, les opérations sont loin de présenter la flexibilité des leaders du secteur. Outre la nécessité de désigner séparément le compte bancaire sur lequel seront prélevés les remboursements, plutôt que d'opérer une ponction directe sur le chiffre d'affaires généré, ceux-ci ne sont pas ajustés automatiquement en fonction des flux réels mais sont traités comme sur une carte de crédit, en laissant au client la responsabilité de ses priorités, au risque de le laisser creuser sa dette.

Il faut reconnaître que le modèle retenu possède ses propres avantages, qui conduisent Amazon à également distribuer la solution de Marcus auprès de ses partenaires, dans les mêmes conditions que Walmart. Mais ses faiblesses s'en trouvent exacerbées et elles illustrent la difficulté persistante pour un établissement traditionnel à appréhender l'enjeu critique de l'expérience utilisateur, au-delà de la seule création d'un nouveau produit et de son intégration dans un parcours « digital » externalisé.

samedi 26 septembre 2020

DBS développe la banque intelligente

DBS
À Singapour comme dans le reste du monde, les contraintes imposées par la crise sanitaire ont engendré une migration massive des consommateurs vers la banque en ligne et mobile, et l'allègement des mesures restrictives ne les fait pas revenir à leurs anciennes habitudes. Ce constat pousse DBS à redoubler ses efforts en vue de leur offrir une palette de services « digitaux » toujours plus puissants et efficaces.

Concrètement, l'objectif principal recherché consiste à fournir aux clients de l'établissement un accompagnement personnalisé, pro-actif, qui, à l'instar d'un conseiller humain idéal (rêvé ?), est capable de comprendre leurs besoins et leurs préférences, puis d'apporter les informations et recommandations pertinentes au moment propice. Aux antipodes des applications transactionnelles que proposent la plupart de ses consœurs, DBS matérialise pas à pas sa vision extrêmement ambitieuse.

Dans le domaine de la banque de détail, tout d'abord, après son initiative en matière de planification financière, dont plus d'un million de personnes ont déjà profité, elle a notamment mis en place un système d'alertes ciblées. Plutôt que d'émettre une confirmation à chaque exécution d'une opération (ce qui risque rapidement de s'avérer pénible), il s'agit d'attirer l'attention de l'utilisateur quand un de ses paiements sort de l'ordinaire ou quand le montant d'une facture à régler paraît anormalement élevé.

DBS Intelligent Banking

À sa plate-forme de gestion de patrimoine, ensuite, DBS ajoutera bientôt ses deux prochaines innovations, afin d'aider ses adeptes à piloter au mieux leurs investissements sans devoir y consacrer une énergie et un temps précieux. La première, basée aussi sur des notifications contextuelles, se charge de signaler instantanément à chaque client les mouvements sur les marchés d'actions et de devises susceptibles d'affecter son portefeuille, de manière à lui permettre de réagir au plus tôt.

La seconde vise plutôt à inspirer les stratégies qu'il privilégie. Ainsi, toujours à partir d'une analyse des actifs qu'il détient ou qu'il manipule régulièrement, les algorithmes de la banque lui suggèreront des titres susceptibles de l'intéresser, à la fois par leur proximité avec ses centres d'intérêt et par leur performance potentielle. Même si l'approche risque d'encourager une concentration dangereuse des engagements, elle a au moins le mérite de faciliter et accélérer les recherches thématiques.

Ces quelques exemples, que DBS enrichit constamment, montrent clairement la voie à suivre pour une banque « digitale » qui ne se contente pas d'offrir un substitut à la relation traditionnelle en agence, en écho à la désaffection de cette dernière, mais sait également exploiter toutes les opportunités des technologies modernes pour délivrer à ses clients une qualité de service autrefois inimaginable, répondant sans compromis à leurs attentes impérieuses de simplicité, d'immédiateté et de personnalisation.

vendredi 25 septembre 2020

Une assurance P2P dans une Caisse d'Épargne

Caisse d'Épargne
Née il y a une dizaine d'années, l'idée de revenir à une assurance communautaire n'a pas connu le succès auquel elle aurait pu prétendre mais elle survit chez quelques acteurs obstinés, notamment en Allemagne et en France. Aujourd'hui, elle fait une entrée remarquée dans la panoplie de la Caisse d'Épargne Bretagne Pays de Loire.

En partenariat avec la jeune pousse nantaise Yakman, l'établissement lance en effet « Ma Cagnotte Solidaire » afin de couvrir, initialement, trois risques (secondaires) à travers une approche affinitaire. Comme son nom l'indique, elle invite ses participants à verser une contribution (fixe) dans un pot commun, moyennant quoi ils bénéficient d'une indemnité prédéterminée en cas de sinistre, dans la limite des fonds disponibles. Enfin, à l'échéance du contrat, l'éventuel solde restant est réparti entre les adhérents.

Les produits proposés à date ciblent exclusivement des petits tracas de la vie, que personne n'anticipe et qui méritent donc une attention particulière. Ainsi, le premier apporte une aide substantielle afin de retenter sa chance après deux échecs consécutifs à l'examen du permis de conduire, le deuxième finance une partie d'un stage de récupération de points en cas d'infraction majeure au volant, tandis que le troisième fournit un complément de revenus lors de la prise d'un congé de proche aidant.

Pour chacun d'eux, toutes les conditions de fonctionnement sont clairement établies : la période, le montant de la quote-part de chaque membre et la compensation prévue, naturellement, mais également les circonstances exactes susceptibles de déclencher un dédommagement, avec les pièces justificatives requises pour déposer une demande. Originalité du dispositif, chaque dossier est validé par trois co-affiliés désignés au hasard, le paiement étant effectué en 48 heures, une fois leur décision rendue.

Ma Cagnotte Solidaire

Les algorithmes actuariels de Yakman permettent même d'obtenir par avance une estimation des restitutions finales de primes à espérer, si le taux de sinistres se situe dans la moyenne prévue. Par ailleurs, tous les processus, entièrement en ligne, sont automatisés au maximum, le recours aux membres pour l'évaluation obligatoirement(?) humaine des déclarations rend l'ensemble – qui, par sa structuration, s'affranchit en outre des contraintes réglementaires de l'assurance – extrêmement efficace, à coûts maîtrisés, ce qui s'avère parfait pour une offre (apparemment) gratuite.

Autre spécificité notable, « Ma Cagnotte Solidaire » est réservée aux seuls sociétaires de la Caisse d'Épargne (par opposition aux simples clients), les protections souscrites étant généralement applicables à eux-mêmes, leurs conjoint, descendants et ascendants. Voilà un moyen intéressant de valoriser l'engagement mutualiste de ces partenaires privilégiés, en voie de délitement avancé depuis plusieurs années, grâce à une solution innovante qui capitalise sur des principes similaires de partage et de solidarité.

En dépit de ses promesses, l'assurance entre pairs (P2P) n'a pas trouvé son marché. La démarche de la Caisse d'Épargne Bretagne Pays de Loire pourrait l'aider à se faire une place : positionnée sur la couverture d'irritants mineurs, s'adressant à des individus sensibilisés à une logique collaborative, portée par un acteur de confiance…, elle pourrait aussi encourager les consommateurs à envisager leur protection sous un angle pratique et concret, notamment en comparaison des produits imposés par la loi.

jeudi 24 septembre 2020

Les hypocrisies du développement durable

Hypocrisie
En pleine semaine du développement durable, je voudrais profiter de l'apparition d'une énième néo-banque britannique (mais à quoi bon la pointer du doigt ?) pour m'inquiéter d'une tendance qui se répand parmi les jeunes pousses du secteur, en totale contradiction avec leurs engagements et, plus grave, avec ceux de leur clientèle cible.

Le concept de « cashback » – c'est-à-dire le remboursement d'une fraction des dépenses réalisées auprès d'une sélection de partenaires – ne constitue évidemment pas une innovation récente dans la panoplie des professionnels du marketing. Il semble cependant qu'il connaisse aujourd'hui un regain d'intérêt, devenant soudain un des arguments de séduction les plus fréquemment employés par les innombrables acteurs qui cherchent à réinventer les services financiers, notamment à destination des jeunes.

Indépendamment de l'appréciation que chacun peut porter sur ces méthodes promotionnelles, elles sont plutôt malvenues dans le contexte de sensibilisation généralisée au développement durable, dont, de surcroît, se réclament beaucoup des startups qui y recourent. Que vaut, en effet, la promesse d'une carte de paiement en plastique recyclable (voire végétal) et l'abandon du papier dans les processus quand, en parallèle, l'entreprise encourage des comportements contraires à ses fondements ?

Récompenser les personnes pour leurs choix de restauration rapide, aux sources d'approvisionnements lointaines, irrespectueuses de l'environnement, pour leur addiction aux grandes enseignes de prêt-à-porter qui persistent à faire fabriquer leurs vêtements dans des conditions indécentes, pour leurs désirs de voyages à l'autre bout du monde… n'est guère cohérent avec les discours ambiants, autant en raison des marques ainsi mises en avant que par son incitation à la consommation frénétique.

L'anomalie est d'autant plus grave quand elle affecte des offres destinées spécifiquement à des adolescents ou de jeunes adultes. Que la mission soit explicite ou non, les banques qui visent ces populations assument automatiquement une responsabilité énorme d'éducation financière. Elles devraient donc être exemplaires dans leur approche des besoins de leurs clients, en prenant en compte leurs envies et leurs rêves mais également en leur inculquant les bonnes pratiques qui les aident à assurer leur avenir.

Le plus triste avec la popularité du « cashback » est que, apparemment, il atteint son objectif et permet à ses adeptes de conquérir rapidement des milliers d'utilisateurs, qui se trouvent de la sorte en porte-à-faux avec leurs convictions (en supposant que leur véhémence en faveur du développement durable soit statistiquement représentative et sincère). Peut-être manquent-ils de discernement (et préfèrent-ils critiquer leurs aînés plutôt que de changer leurs habitudes) mais ils méritent un meilleur accompagnement.

L'idée de renoncer à un dispositif sachant démontrer une forte capacité d'attraction et de fidélisation n'est certainement pas facile à admettre pour une startup. Pourtant, l'univers de la banque possède cette particularité d'exprimer sa valeur dans le long terme, qui façonne une perspective distincte sur sa déclinaison de la notion primordiale de « centricité client ». En conséquence, les techniques de vente traditionnelles, focalisées sur une satisfaction immédiate, s'y révèleront probablement contre-productives.

Promotions et cashback

mercredi 23 septembre 2020

Caura pilote la gestion financière de la voiture

Caura
Posséder une voiture, c'est à la fois disposer d'un moyen de transport pratique et devoir jongler quotidiennement avec pléthore de services, taxes et autres obligations qui compliquent la vie pour rien. La jeune pousse Caura offre désormais aux automobilistes britanniques une application mobile destinée à restaurer leur sérénité.

Son principe est extrêmement simple : rassembler au sein d'une sorte de tableau de bord universel tous les outils d'administration nécessaires pour profiter de son véhicule en toute quiétude. Une fois ce dernier enregistré, par la saisie de son immatriculation, la plate-forme prend en charge les péages autoroutiers et urbains (tels que celui en vigueur dans le centre de Londres), le stationnement et les parkings, les contrôles techniques annuels, l'assurance, les impôts (équivalents de notre ancienne « vignette »)…

Concrètement, la solution comprend, d'une part, un volet d'anticipation, qui alerte l'utilisateur à l'approche d'un événement important requérant son attention (notamment pour la planification des interventions réglementées, les primes et les taxes en souffrance…), et, d'autre part, l'exécution des paiements, en relation avec les différents intermédiaires impliqués, via Apple Pay (sur un iPhone) ou en utilisant les coordonnées de la carte bancaire enregistrées (en toute sécurité) lors de l'inscription.

Pour un maximum d'efficacité, toutes les interactions proposées se trouvent facilitées au maximum, jusqu'à les automatiser entièrement à chaque fois que cela s'avère possible. Le règlement de l'impôt routier, par exemple, se conclut en un clin d'œil : il suffit de confirmer du doigt la transaction présentée avec la notification d'échéance. Et, prochainement promet la startup, l'acquittement des péages pourra être déclenché spontanément, sans intervention humaine, dès l'entrée dans une zone concernée.

Accueil Caura

Il reste encore une multitude de fonctions additionnelles méritant d'être incluses dans l'application (et qui le seront peut-être un jour) – les stations-services pour le carburant (déjà approchées par Oney avec « Automatric »), les visites au garage pour l'entretien (le point d'entrée de Fleet), les rappels de constructeurs… – pour en faire le compagnon virtuel ultime de l'automobiliste, dont l'enjeu est autant de garantir sa tranquillité d'esprit que de maîtriser son budget (entre autres en évitant des contraventions).

C'est une nouvelle illustration de l'immense valeur des services financiers enfouis que nous fournit ici Caura. Les innombrables petits tracas de la possession et de l'utilisation d'une voiture, engendrés par la diversité des interlocuteurs et les spécificités de chacune de leurs procédures, n'ont plus aucune raison d'être à l'ère « digitale ». Il subsistera cependant une étape supplémentaire à franchir, car la solution devrait elle-même être embarquée dans le véhicule, afin de rendre l'expérience totalement transparente.

mardi 22 septembre 2020

UBS teste la salle de marchés en réalité virtuelle

UBS
Les institutions financières du monde entier réagissent différemment aux contraintes imposées par la crise sanitaire à l'organisation du travail. Toutes ont cependant la même préoccupation de pertes d'efficacité dues au télétravail généralisé. Dans cette optique, UBS explore les opportunités de la réalité virtuelle auprès de ses traders.

Un des plus ardents défenseurs du maintien des collaborateurs dans les bureaux, Jamie Dimon, directeur général de JPMorgan, évoque à la fois les dérives de productivité observées ces derniers temps chez ceux qui restent à domicile et les dangers de la « désocialisation » associée (comparant le taux de mortalité de la pandémie avec les risques de suicide et… d'overdose !) pour justifier son injonction de retour dans les locaux, immédiatement contrariée en raison de l'apparition d'un cas de COVID-19.

Sans être aussi extrémistes, d'autres banques s'inquiètent tout de même de l'impact de l'isolation prolongée de leurs équipes de trading, habituellement installées dans d'immenses espaces ouverts, au sein desquels s'instaure implicitement, grâce aux contacts permanents avec leurs collègues aux spécialités variées, un modèle de collaboration informel stimulant et où l'atmosphère qui règne constitue un facteur de performance invisible mais puissant (et stressant, mais ceci est un autre sujet).

Afin de restaurer cette ambiance dans les bureaux improvisés des employés qui préfèrent (ou sont obligés de) rester chez eux, UBS (dont le DG Sergio Ermotti exprime aussi ses craintes pour la culture d'entreprise) a donc commencé, selon un article du Financial Times, à expérimenter l'utilisation de la technologie HoloLens de Microsoft, dans le cadre de ses activités basées à Londres (aujourd'hui sous menace de reconfinement). L'objectif visé est d'immerger l'opérateur dans un environnement mixte qui combine son poste de travail individuel avec une représentation virtuelle, vivante, de la salle des marchés.

En l'absence de précisions sur le dispositif de la banque suisse, il ne reste qu'à s'interroger sur sa portée concrète. En effet, il me semble indispensable qu'il permette les interactions entre participants, en totale transparence, pour remplir activement sa mission de substitution à une expérience de proximité. Or je doute que les solutions disponibles à ce jour possèdent des capacités de cet ordre (le cas le plus semblable que je connaisse se contentait de réunions à distance, avec quelques personnes).

Les perspectives de perturbation durable des conditions normales de travail, qui pourraient aussi déboucher sur des changements profonds de comportements et une accoutumance des salariés à de nouvelles pratiques, engendrent naturellement des questionnements sur la structuration traditionnelle des entreprises. Après l'explosion de popularité des outils de visioconférence, il faut s'attendre à un déferlement d'innovations permettant d'adapter l'environnement professionnel aux exigences qui émergent actuellement et qui n'autorisent pas toujours un fonctionnement optimal.

A new vision for computing – Hololens


lundi 21 septembre 2020

CommBank prédit les dépenses récurrentes

CommBank
La première étape d'une gestion saine des finances personnelles consiste, dit-on, à définir un budget. Parce que cette tâche est plus difficile à réaliser qu'il n'y paraît, surtout pour les jeunes, l'australienne CommBank introduit au sein de son application mobile une fonction destinée à en automatiser une partie : les dépenses récurrentes.

Point de départ incontournable pour quiconque veut reprendre le contrôle de sa situation financière, l'exercice est trivial mais rébarbatif. Il s'agit simplement d'établir la liste de toutes les factures et abonnements à payer systématiquement chaque mois, chaque trimestre ou chaque année, qui viennent de la sorte directement en déduction des revenus et déterminent finalement le « reste à vivre », c'est-à-dire le montant réellement disponible pour les achats du quotidien et autres emplettes exceptionnelles.

Afin d'inciter les consommateurs réticents à franchir le pas, la banque leur propose donc de procéder à ce recensement grâce à une analyse intelligente de l'historique de leurs transactions. Celle-ci détecte les versements réguliers (abonnements à des services digitaux, factures d'énergie et de télécommunication, loyer, club de gym, remboursements de crédit immobilier, transferts d'épargne programmés…), quelle que soit leur fréquence, depuis leur compte courant ou par l'intermédiaire de leur carte de crédit, et invite l'utilisateur à confirmer qu'ils doivent être pris en considération dans Bill Sense.

Armée de cette matière brute, l'application de CommBank fournit, aux côtés du classique suivi des sorties et rentrées d'argent passées, une projection complète des dépenses fixes sur l'année à venir, mois par mois, sous forme graphique, mettant en évidence les cas particuliers (quand un ou plusieurs paiements non mensuels engendrent une « anomalie » par rapport à la norme) et intégrant dans ses estimations une logique d'intervalle pour les frais variables (tels que les charges de gaz et électricité).

CommBank Bill Sense

En dépit de ses qualités, l'initiative suscite aussi quelques réserves. Tout d'abord, il faut regretter que, en ne portant que sur les données internes (par opposition à une approche d'agrégation multi-établissements), elle ne remplira pleinement son rôle que pour les clients qui réalisent l'essentiel de leurs opérations avec elle. D'autre part, l'exploitation des prédictions de flux paraît tristement limitée : au-delà du seul affichage des mouvements anticipés, il serait beaucoup plus efficace et pertinent d'émettre des recommandations contextuelles, notamment à travers le moteur de notification existant.

À titre d'illustration, imaginons que, au lieu d'attendre la survenue du découvert pour le signaler, une alerte soit transmise dès que le niveau de dépenses en cours, une fois combiné avec les frais récurrents restant dus pour la période, met en danger l'équilibre du compte avant la perception du prochain salaire. Dans un registre différent, appréhendé par ailleurs par une poignée d'acteurs spécialisés, une comparaison entre les utilisateurs de Bill Sense pourrait, en option, constituer la base d'un véritable service d'optimisation des coûts fixes, offrant des conseils pratiques dans le but de les réduire.

Le pilotage budgétaire est une des fondations du bien-être financier et la facilitation de sa mise en œuvre est naturellement une excellente idée de la part d'une banque, d'autant qu'elle ne représente pas une complexité technique extraordinaire (je peux l'affirmer car j'ai une expérience concrète en la matière). Cependant, la démarche doit impérativement être prolongée pour exprimer toute sa valeur, de manière à lever les autres obstacles à l'adoption de cette bonne habitude, à savoir la lassitude et la paresse.

dimanche 20 septembre 2020

Des chatbots bancaires encore immatures

Forrester
Après la vague de nouveaux déploiements engendrée par la crise sanitaire, dans le but de soulager le surcroît de sollicitations sur les canaux traditionnels, les analystes de Forrester ont mené l'enquête afin d'évaluer l'efficacité réelle des assistants virtuels des institutions financières et leur acceptation par le grand public.

Le chatbot est désormais une réalité incontournable de l'industrie : quand il n'est pas déjà présent dans les applications mobiles et web (c'est le cas pour environ deux tiers des 150 établissements nord-américains et européens explorés pour cette étude), il fait généralement, au minimum, l'objet de projets pilotes. En outre, les interfaces vocales progressent rapidement, puisque plus de 30% des firmes proposent une solution pour l'une ou l'autre des plates-formes d'Amazon (la plus populaire), de Google ou d'Apple.

Cependant, dans la plupart des cas, les services mis à disposition des clients sous cette forme restent extrêmement basiques. Pour l'essentiel, ils se résument à la présentation interactive de produits, à de classiques fonctions de consultation (de solde de compte, de transactions…) et, au mieux, à quelques opérations élémentaires (virements…), le tout intégrant des capacités conversationnelles limitées. La bonne nouvelle est que les utilisateurs expriment un niveau de satisfaction élevé vis-à-vis de ces outils.

Malheureusement, la confiance accordée tend à chuter rapidement dès qu'il est question d'étendre le champ d'action à des thèmes complexes. Près de deux tiers des consommateurs interrogés se disent ainsi réticents à recourir à un chatbot pour réaliser une tâche non triviale, tandis que les agents vocaux ne séduisent qu'une fraction d'entre eux. Ces résultats, plutôt à la traîne des autres secteurs, semblent dus aux craintes en matière de protection de la vie privée et à la difficulté (perçue) des sujets financiers.

Faces à de telles réserves, Forrester prédit une longue période d'accoutumance… qui devrait donner aux banques le temps de concevoir et développer le conseiller virtuel de demain, capable d'accompagner pro-activement le client dans l'amélioration de sa situation et de son bien-être (comme l'esquisse aujourd'hui Eno, de Capital One). L'ère du service qu'il faut aller chercher soi-même, dans une agence ou dans une application mobile, quand on en ressent le besoin, à bon escient ou pas, ou qui est plus ou moins imposé par l'institution et son agenda marketing, aura alors enfin touché à sa fin.

SoBot – Société Générale

samedi 19 septembre 2020

Numbrs renforce sa transparence

Numbrs
La plupart des néo-banques européennes procèdent à des ajustements de leur modèle économique dans le but de survivre à une perspective de resserrement durable de leur financement en cas de prolongation de la crise. Pour Numbrs, un autre enjeu de son changement d'approche est de mieux aligner ses pratiques avec ses promesses.

Après une première phase de conquête reposant, en partie, sur la gratuité de leurs services, les nouvelles entrantes sont nombreuses (telles que Starling Bank, Monzo…) à introduire des frais sur certaines options et opérations, tandis que d'autres retirent leurs produits les plus ambitieux (les cartes de crédit, pour Tandem, par exemple) afin de réduire leurs coûts de fonctionnement. Plus que l'abandon d'une philosophie, ces revirements reflètent la crainte de difficultés à maintenir le train de vie qu'autorisaient des injections généreuses de capitaux sur le chemin, encore long, de la rentabilité.

En annonçant sa transition vers une logique d'abonnement payant à sa plate-forme mobile d'agrégation de services bancaires, la suisse Numbrs n'échappe probablement pas à la vague de réalisme et de frugalité qui frappe la FinTech depuis le début de la pandémie. En comparaison des commissions perçues jusqu'à maintenant sur les souscriptions conclues par son intermédiaire, il est certain que la ponction d'une contribution régulière auprès de ses plus de 4 millions d'utilisateurs – même si beaucoup renoncent – assurera un flux de revenus plus régulier, propice à sa viabilité.

Cependant, dans ce cas, le positionnement spécifique de la startup lui procure une justification parfaitement légitime du changement (qui entrera en vigueur au quatrième trimestre 2020) : l'indépendance de ses conseils. En effet, elle pourra désormais écarter toute suspicion d'influence de ces recommandations en fonction du niveau de rémunération accordé par ses différents partenaires. Dès que ces versements cessent, il est plus facile de croire qu'elle détermine ses choix dans le seul intérêt de son client.

L'initiative représente un virage extrêmement important pour Numbrs, car elle la démarque résolument de ses concurrents traditionnels. Même quand ces derniers renoncent à leurs politiques de primes sur les ventes, ils continuent à mener des campagnes massives de promotion, sans discrimination de besoins. À l'extrême, le simple fait de restreindre leur champ d'action à leur propre catalogue constitue une limite à l'objectivité de leur accompagnement. Par son ouverture à un univers beaucoup plus large, la jeune pousse, dans sa vision ultime, s'affranchit totalement de ces frontières.

En réalité, Numbrs aurait dû adopter cette posture autonome dès son origine… mais il est aisé de comprendre que le lancement sur le marché, avant qu'elle ait fait ses preuves, d'une application payante dont la promesse de valeur peut paraître obscure (ne serait-ce que parce qu'elle est inédite), présente plus de risques et soulève plus d'inquiétude que le recours à un modèle de courtage, connu et maîtrisé, donc rassurant. Le succès rencontré, qui lui donne une assise suffisante pour espérer atteindre une masse critique d'abonnés, et les circonstances lui fournissent une occasion unique de faire le grand saut.

Numbrs Business Model

vendredi 18 septembre 2020

Du réseau d'agences à la banque plate-forme

Google
Interviewé dans le cadre de son intervention à la conférence Finovate Fall Digital, Paul Rohan – évangélisateur Google de l'« APIfication » auprès des institutions financières – explique pourquoi l'évolution de la banque vers le modèle de plate-forme devrait constituer une évidence, au même titre que le réseau d'agences au XXème siècle.

En dépit de quelques avancées prudentes, souvent sous la pression réglementaire, et de l'émergence d'une poignée de pionniers particulièrement éclairés, l'idée d'ouvrir systématiquement les services de la banque et de permettre à des entreprises tierces de les intégrer au cœur de leurs offres continue à susciter des hésitations – sinon des oppositions fermes et définitives – dans l'ensemble du secteur, entre autres par crainte de perdre en visibilité et, à terme, de voir échapper la relation avec le client.

Face à ces résistances, le besoin de personnalisation fournit un premier argument. Aujourd'hui, les banques traditionnelles proposent un nombre limité d'options d'accès à leurs solutions – le conseiller, en face à face ou au téléphone, et une ou deux applications web et mobiles (une version « standard » et sa petite sœur à bas coût, comme il se fait ces derniers temps) – déclinées pour des catégories de clientèle grossières – essentiellement grand public, « haut de gamme », PME et grandes entreprises.

Or la tendance actuelle est à la micro-segmentation. Grâce aux technologies modernes, il est possible de cibler des petits communautés (P. Rohan suggère l'exemple d'une app dédiée aux trapézistes !), beaucoup plus homogènes, auxquelles pourra être apportée une expérience parfaitement ajustée à leurs attentes. Selon toute vraisemblance, un même établissement sera incapable de délivrer toutes les variantes nécessaires et il lui faudra donc accepter qu'un spécialiste est mieux placé pour distribuer ses produits.


Une deuxième raison d'embrasser le concept de plate-forme, complémentaire à la précédente, naît de l'exigence de proximité. De la même manière que la généralisation des agences dans les territoires, à la faveur du développement des télécommunications, répondait à la demande des clients de venir près de leur lieu de résidence ou de travail, la prochaine génération de services bancaires devra être immergée au sein des parcours, notamment en ligne, dans lesquels ils préfèrent passer le plus clair de leur temps.

Les implémentations se multiplient – options de financement sur le point de vente, accès aux paiements ou à l'affacturage depuis la comptabilité de l'entreprise… – et elles devraient bientôt couvrir tous les domaines de la vie quotidienne (individuelle ou professionnelle). Même si elle ne séduit pas tout le monde, l'approche sera indispensable pour maintenir une présence étendue, à une époque où le choix d'un fournisseur est déterminé d'abord par la qualité de l'expérience plus que par ses produits.

Ce dernier point est d'ailleurs celui qu'il faudra garder en mémoire afin de dépasser le syndrome de la dilution de notoriété : ce n'est pas le logo qui crée la reconnaissance et fonde l'appréciation du client pour une marque mais bien la satisfaction de son besoin, dans les meilleures conditions. Et la capacité à procurer le service désiré sans frictions, en toute transparence, surpassera facilement toute autre considération. Le service financier exprime toujours sa valeur dans un écosystème, jamais en tant que tel.

Finovate Fall Digital

jeudi 17 septembre 2020

Un seul compte pour la vie pro et perso

SEBx
Tandis que se multiplient à l'envi les offres bancaires enrichies à destination des « solopreneurs », la structure d'innovation et d'incubation de la suédoise SEB dévoile Unquo, qui franchit une étape supplémentaire dans la simplification de la vie quotidienne de cette population, en forte croissance dans toutes les régions du monde.

En quelques années, les travailleurs indépendants et autres entrepreneurs individuels sont devenus, aux côtés des PME, un des segments de clients les plus chouchoutés par les institutions financières comme par les startups de la FinTech (et un des plus prometteurs). La nouvelle solution concoctée par SEBx, pour l'instant expérimentée par une poignée de volontaires recrutés sur les réseaux sociaux, s'inscrit logiquement dans cette tendance, dont elle reprend d'abord les meilleures pratiques à date.

Classiquement composée d'une carte de paiement et d'une application mobile, Unquo propose donc une plate-forme complète avec laquelle l'utilisateur peut non seulement suivre l'état de son compte courant et les opérations qu'il a réalisées mais également piloter sa comptabilité professionnelle, avec intégration des reçus de dépenses dématérialisés, ou encore extraire automatiquement les données nécessaires afin de préparer les déclarations de TVA et recevoir des rappels d'échéances importantes.

Cependant, ses concepteurs savent que, pour les indépendants, la frontière entre vie privée et vie professionnelle est particulièrement floue. En conséquence, la même carte et la même application prennent aussi en charge les transactions personnelles, avec toutes les précautions nécessaires, bien entendu. Ainsi, un algorithme intelligent détermine instantanément la catégorie appropriée de chaque mouvement enregistré (qui, en cas d'erreur, peut être corrigée d'un geste de glissement du doigt).

Unquo – Work & Life

Il faut préciser ici que, étonnamment, le dispositif ne comprend pas, à ce stade, un compte de dépôt en propre et le client est invité à conserver les relations avec sa (ou ses) banque(s) existante(s). En réalité, la carte fournie, sans offrir un véritable crédit, accumule les achats au fil des jours et deux factures sont émises à la fin de chaque mois, pour solder les montants totaux dus sur chacun des volets personnel et professionnel.

J'imagine (et j'espère) que cette limitation est le résultat d'un choix délibéré de priorités, dans le but de valider le modèle envisagé et son acceptation auprès de sa cible à moindre frais (selon le principe du « MVP » ou produit viable minimum). En effet, la solution prendrait immédiatement beaucoup plus de valeur avec, sinon un service bancaire complet, du moins une connexion directe aux comptes, à la fois pour la gestion de l'activité (notamment sur les rentrées d'argent) et le règlement des soldes.

Dans l'accompagnement à 360° des « solopreneurs », dont, désormais, presque tous les acteurs du secteur ont compris qu'il représentait une exigence incontournable, Unquo ajoute une brique majeure, jusqu'alors oubliée, qui permettra d'atténuer un peu plus les petites frictions de leur existence (dont certains se sont déjà en partie affranchis grâce à des « super-cartes », telle que celles de Curve, de Lydia, ou d'Arkéa avec AuMax).

mercredi 16 septembre 2020

Voici les cartes de crédit sans intérêts

NAB
À 24 heures d'intervalle, deux des plus grandes banques australiennes, NAB et CommBank, ont successivement annoncé le lancement de cartes de crédit sans intérêts, qui semblent répondre tout autant à une évolution sensible des attentes des consommateurs qu'à la popularité grandissante des plates-formes de paiement en plusieurs fois.

Baptisés StraightUp chez la première et Neo chez la seconde, les nouvelles offres, quasiment identiques en tout point, présentent, a priori, des caractéristiques (attractives) relativement classiques dans leur catégorie. Utilisables dans tous les commerces de la planète, physiques ou en ligne, sauf pour les jeux d'argent et les avances d'espèces, les deux cartes n'occasionnent pas, par exemple, de pénalités de retard ni aucune commission de change sur les transactions conclues en devises étrangères.

En revanche, leurs conditions de facturation les distinguent donc radicalement de leurs concurrents habituels. Il n'est ainsi plus question de taux d'intérêt plus ou moins usuraires et de frais variables imprévisibles qui s'accumulent au fur et à mesure du maintien d'un solde débiteur, mois après mois. En guise de substitut, le seul coût supporté par le porteur consiste en une simple cotisation fixe (suspendue en l'absence d'achat et d'encours), ponctionnée en même temps que le remboursement minimal exigé chaque mois.

Ces spécificités s'accompagnent de limitations par rapport aux solutions traditionnelles. D'abord, les plafonds proposés s'avèrent modestes (et visent probablement une cible néophyte), avec trois paliers de 1 000, 2 000 et 3 000 dollars. D'autre part, les seuils de versements mensuels sont plus élevés que la norme. Enfin, les cartes sont exclues des programmes de « cash-back » qui font une partie de l'attrait de leurs grandes sœurs (quoique CommBank Neo intègre un dispositif de fidélité sur 80 enseignes).

NAB Straightup Card

L'inconvénient principal sera cependant le prix réel du service. En effet, si les 120 ou 144 dollars – NAB est la moins onéreuse – prélevés sur une année représentent l'équivalent d'un taux compétitif sur ce type de produit (soit 12 ou 14,4%) pour qui profiterait en permanence de l'intégralité de sa limite de 1 000 dollars (plus avantageux encore, le montant des frais s'élèvera à 240 ou 264 dollars avec l'option à 3 000 dollars), ils deviennent rapidement prohibitifs dans le cas d'un usage plus modéré.

En dépit de cette réserve, il est incontestable que ces offres originales devraient trouver un écho favorable auprès d'une population, notamment de jeunes adultes, qui se détourne de plus en plus des cartes de crédit, de ses tarifs opaques (pour le commun des mortels) et changeants, des sentiments de perte de contrôle qu'elles inspirent, des soupçons d'abus qui pèsent sur les émetteurs… Voilà enfin un instrument qui combine une certaine liberté de dépenser avec un modèle sans mauvaises surprises !

La facilité d'anticipation sur le budget étant également un des arguments d'adoption des outils, de plus en plus nombreux, permettant de régler ses emplettes en plusieurs fois, ceux-ci voient ici naître de sérieux challengers, qui apportent une flexibilité incomparable, autant par leur applicabilité à toutes sortes de dépenses et leurs modalités de remboursement sans fortes contraintes que par leur adossement direct au bout de plastique universel, accepté dans presque toutes les boutiques du monde…

CommBank Neo

mardi 15 septembre 2020

Record de brevets pour Bank of America

Bank of America
En dépit de la pandémie, qui a notamment conduit 85% de ses effectifs à travailler depuis leur domicile, Bank of America se félicite d'avoir établi un nouveau record du nombre de brevets déposés (415) et accordés (176), aux États-Unis, au cours du premier semestre 2020. Mais un tel exploit suffit-il vraiment à définir une entreprise innovante ?

La question se pose, précisément, parce que Cathy Bessant, son emblématique directrice des opérations et des technologies, estime que ces chiffres et, plus généralement, le fruit des efforts de ses 5 600 inventeurs – reflétant, selon elle, une culture interne diffusée dans tous les échelons de l'organisation (comme au sein de sa consœur USAA, j'y reviendrai plus loin) – constituent une preuve incontestable de l'engagement de la banque en faveur de l'innovation, au service de ses clients et de leur vie financière.

Or, bien qu'elle soit fréquemment invoquée, par facilité, en particulier dans des classements d'entreprises ou de nations, la corrélation plus ou moins directe entre le nombre de brevets et la capacité à créer des solutions nouvelles n'est généralement qu'un leurre, et le cas de Bank of America en fournit une parfaite illustration. En effet, visiblement, les 4 277 idées qu'elle a enregistrées à ce jour ne paraissent pas en faire un leader absolu du secteur, qui dominerait impitoyablement tous ses concurrents.

Ainsi que j'aime à le rappeler régulièrement, la première raison de ce décalage tient à la distinction qu'il convient de maintenir entre invention et innovation. S'il ne fait guère de doute que l'institution encourage ses collaborateurs à exercer leur imagination et leur créativité, la formalisation d'un concept n'est qu'une étape, mineure, d'une vraie démarche opérationnelle : le plus difficile réside toujours dans l'exécution et l'aboutissement à un produit concret, que la « clientèle » ciblée désire et adopte massivement.

La « qualité » des brevets obtenus représente un second point de méfiance à mettre en perspective avant de tirer des conclusions hâtives. Les quelques exemples que décrit Bank of America – recours à la réalité augmentée à des fins pédagogiques ou pour la reconnaissance d'objets, analyse des conversations humaines pour son assistant virtuel (domaine sur lequel USAA possède des années d'expérience d'avance), authentification biométrique… – révèlent une exploration essentiellement orientée sur des aménagements apportés à un existant, par opposition à une recherche véritablement disruptive.

En conséquence, même si tous ces propositions donnaient lieu à une mise en œuvre, les bénéfices à en espérer relèveraient principalement d'une amélioration de l'efficacité des processus et des services (pour la plupart informatiques) et non d'une transformation fondamentale. Le choix de breveter des optimisations de cette nature, que d'autres préfèreraient implémenter sans se préoccuper de protection légale, laisse alors planer une suspicion de stratégie purement défensive de la part de la banque.

Naturellement, les idées sont un avantage important pour une institution financière qui veut rester pertinente dans le siècle « digital » et il faut évidemment continuer à stimuler leur inspiration et leur partage parmi les employés. Mais ce ne sera jamais en les comptabilisant qu'on mesurera le degré d'innovation de l'entreprise, car seuls les résultats finaux permettent de valider le succès : de nos jours, ce sera donc le bien-être des clients (et pas uniquement leur satisfaction) qui devra servir d'étalon universel.

Bank of America Innovation

lundi 14 septembre 2020

Jersey distribue ses aides COVID-19 par carte

Mastercard
A l'instar de tant d'autres à travers le monde, le gouvernement de Jersey a instauré, face à la crise, un programme de soutien à son économie, dont un pilier est une allocation de 100 livres à chacun de ses citoyens. Pour un maximum d'efficacité, il a choisi de la distribuer par l'intermédiaire d'une carte prépayée, fournie par Mastercard et PFS.

Expédiée depuis la semaine passée, par voie postale, aux quelques 100 000 habitants de l'île, dans le cadre d'un package global d'aides aux entreprises, la carte, nominative, leur permet, une fois activée en ligne ou par téléphone, de dépenser leur subside auprès de tous les commerces et fournisseurs de services locaux, jusqu'à l'expiration de l'offre, le 31 octobre prochain. Les bénéficiaires sont cependant invités à la conserver après l'échéance, en anticipation d'un éventuel renouvellement de l'opération.

Afin de remplir au mieux sa mission de réduire les conséquences de la pandémie sur l'activité de Jersey, et plus particulièrement dans les domaines qui ont le plus souffert des restrictions de déplacement, des mesures de distanciation et de la baisse de fréquentation touristique, le dispositif mis en place inclut plusieurs restrictions d'usage. Ainsi, la carte n'est utilisable que pour des achats de proximité – à l'exclusion, donc, de toute transaction de e-commerce – tandis que le secteur des jeux et des paris est également écarté.

Jersey stimulus scheme

Quand les sirènes de la mode encouragent les organismes publics à explorer des voies exotiques, notamment à base d'incontournable blockchain, pour leurs initiatives de re-dynamisation des territoires, les dirigeants de Jersey préfèrent s'en tenir à une solution éprouvée. Et peut-être ne profitent-ils pas de toutes les opportunités promises par les technologies modernes mais, en contrepartie, ils s'économisent la mise en place d'une infrastructure entièrement nouvelle et les hésitations de la population face à un outil inconnu, et bénéficient au contraire d'une adoption immédiate et sans frictions.

Mon propos n'est pas ici d'établir la supériorité de telle ou telle approche… car aucune, à ce stade, n'est parfaite. En revanche, le cas spécifique de Jersey permet d'illustrer l'importance critique de prendre en considération le contexte et les besoins, dans leur ensemble, avant de définir un choix stratégique. Pour leur objectif pressant de relance économique après la chute brutale des échanges commerciaux, les autorités privilégient logiquement l'instrument qui génèrera le plus rapidement l'impact le plus large, au détriment d'un autre, certes plus innovant mais qui requerrait un temps d'appropriation.

dimanche 13 septembre 2020

Une cryptomonnaie pour un revenu universel

GoodDollar
Le principe d'un revenu universel est ancien mais, à la faveur de la convergence de plusieurs facteurs, il gagne actuellement en popularité, auprès du grand public, qui le plébiscite, comme des gouvernements, qui en explorent le potentiel. Une initiative privée, GoodDollar, propose dès à présent une implémentation opérationnelle globale.

Entre la montée vertigineuse des inégalités sociales, renforcée par le crise économico-sanitaire et environnementale, les inquiétudes sur la notion de travail et l'emploi suscitées par la robotisation des métiers et les applications de l'intelligence artificielle, et la prise de conscience par une poignée de « puissants » (des dirigeants d'états et d'entreprises, des milliardaires…) de la nécessité de restaurer un certain équilibre pour le bien commun, le moment semble venu d'envisager une autre manière de redistribuer la richesse.

Ce n'est donc pas tout à fait un hasard si le projet GoodDollar émerge aujourd'hui, sous l'impulsion du spécialiste de l'investissement eToro. Son idée initiale est d'encourager les détenteurs d'actifs financiers à en partager les fruits avec le reste de l'humanité (dont, en particulier, la moitié qui possède moins de 2% du patrimoine mondial) – sans leur demander pour autant des sacrifices extraordinaires, prenons soin de le préciser. Et les technologies modernes offrent le dernier maillon rendant sa concrétisation possible.

Sans surprise, l'approche repose sur une cryptomonnaie dédiée, elle-même baptisée GoodDollar (« G$ »). Son cycle de vie commence par la constitution d'une réserve de cryptodevises par un groupe de « supporters », individus et organisations qui croient au revenu universel et s'engagent dans sa mise en place en acceptant de déposer et bloquer des fonds pour son fonctionnement. EToro invite notamment ses clients à investir les « intérêts » générés par leur portefeuille via des protocoles tels que Compound.

GoodDollar : a people-powered global basic income

Le second versant de l'équation consiste simplement à miner des GoodDollars, leur valeur réelle dérivant directement du capital détenu et des intérêts qu'il produit. La monnaie virtuelle créée est alors distribuée aux participants, pour partie en rémunération des « supporters » (qui ne s'inscrivent ainsi pas uniquement dans une démarche philanthropique) et, pour le reste, en une rétribution versée sans conditions (sinon de prouver l'unicité de leur identité) à tous les individus inscrits en tant que bénéficiaires.

Je passerai sur les (nombreux) mécanismes techniques et monétaires qui permettent de garantir, autant que possible, la sécurité, la stabilité et la viabilité du GoodDollar, et je m'attarderai plutôt sur ses usages. L'ambition de ses concepteurs est de fournir un complément aux monnaies fiduciaires, contribuant vraiment à améliorer le bien-être des populations, en injectant des liquidités dans l'économie réelle, d'abord dans son incarnation informelle du troc entre personnes, puis, au fil de sa généralisation dans les porte-monnaie, au cœur du commerce de détail traditionnel.

Comme toutes les cyrptomonnaies, GoodDollar porte un agenda politique, dans lequel on retrouve l'idée classique de la supériorité de la décentralisation sur le modèle de décision hiérarchique des états. Elle se trouve ici doublée par l'opposition de son point d'entrée au niveau du citoyen face aux logiques de ruissellement des grands programmes gouvernementaux de soutien à l'activité. La nouveauté dans ce registre est que, en comparaison de la vision libertaire des pionniers (bitcoin en tête, bien sûr), c'est une inspiration socialiste qui s'exprime ici. Reste à voir si les « supporters » suivront.

samedi 12 septembre 2020

La BCE et les monnaies digitales

Banque Centrale Européenne
À l'occasion d'une conférence (en ligne) organisée par la Bundesbank allemande, Christine Lagarde, présidente de la Banque Centrale Européenne, réitérait cette semaine la tentation de l'institution de déployer un euro « digital ». Ses arguments laissent hélas planer un doute sur la viabilité d'une telle proposition, pourtant essentielle.

Sous la pression, entre autres, des initiatives des géants technologiques (Facebook en tête, avec Libra), le sujet des monnaies virtuelles est au cœur des réflexions de toutes les banques centrales du monde et il n'est donc guère surprenant que l'Europe s'en empare également. Il est même rassurant de constater que Christine Lagarde se focalise sur les usages grand public, en confirmant que les bénéfices à en retirer dans les échanges interbancaires sont limités, comme je le suggère depuis quelque temps.

En revanche, son discours s'avère fort décevant quand il aborde les justifications d'une monnaie digitale de banque centrale (« MDBC »). En effet, à l'en croire, le concept serait motivé essentiellement en réaction aux menaces ou aux insuffisances des démarches des acteurs privés, incapables, par exemple, d'instaurer un système de paiement commun à l'échelle de l'union ou de garantir le respect de la souveraineté des états. L'enjeu, pour la BCE, serait d'abord de maintenir l'Europe dans la course à l'innovation.

Voilà une approche bien dangereuse… car il n'est jamais sain de rechercher la nouveauté pour elle-même : il s'agit du meilleur moyen de produire un résultat qui peut être magnifique et paraître révolutionnaire mais qui ne servira à rien ni à personne et ne trouvera jamais son audience ou sa clientèle. En l'occurrence, les poubelles regorgent de porte-monnaie électroniques à base de blockchain magique, il n'est certainement pas utile d'en imaginer un de plus, même s'il émane d'un acteur prestigieux.

En l'état, les trois considérations citées par Christine Lagarde pour l'introduction d'un e-euro – le principe d'une monnaie « digitale » complémentaire à la monnaie fiduciaire (qui ne s'y substitue pas), l'impératif de la maîtrise des risques et l'adéquation à ne demande des consommateurs, sans décourager la concurrence – ne suffisent absolument pas à établir la forme que pourrait prendre la réponse optimale ni, probablement, à écarter l'hypothèse de la supériorité de solutions indépendantes des banque centrales.

Il reste donc à espérer que le projet, quand il verra le jour, remettra de l'ordre dans ses priorités : il serait souhaitable de commencer par s'interroger sur ce que sont réellement les attentes des futurs utilisateurs de la monnaie, explorer en profondeur les frictions qu'ils rencontrent avec les instruments existants, évaluer les nouveaux besoins qui émergeront ou se généraliseront avec l'évolution prévisible à long terme des échanges commerciaux (voire de la société), anticiper (et contrer) les freins à l'adoption…

Ensuite seulement, sera-t-il opportun – peut-être – de concocter un euro « digital », dont on saura alors définir les contours politiques, économiques et techniques, et qui aura une chance de s'imposer sur le marché, parce qu'il sera adapté à son époque et son contexte. À défaut de centrer sa vision sur ses « clients » (les citoyens), l'ambition de la BCE (et des banques centrales des états membres) n'aurait aucune chance face aux initiatives privées qui, elles, sont parfaitement imprégnées de cette exigence.

Christine Lagarde