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C'est pas mon idée !

mardi 28 février 2023

Le danger de la biométrie, par l'exemple

ElevenLabs
Les méthodes d'authentification biométrique, largement exploitées dans le secteur financier, présentent un immense avantage en termes d'expérience utilisateur mais elles sont exposées à un risque critique d'obsolescence. Un journaliste de Vice en fait la démonstration pratique avec la reconnaissance vocale, populaire dans les centres d'appel.

Joseph Cox a donc contacté le service client de Lloyds Bank, une des nombreuses banques dans le monde qui recourent à ce type de technique avec une promesse de sécurité inviolable, afin de vérifier s'il pouvait réaliser des transactions courantes sur son compte par l'intermédiaire d'une plate-forme grand public, proposée par ElevenLabs, vantant sa capacité à répliquer sa voix grâce à l'intelligence artificielle. Bien évidemment, il a d'abord dû entraîner le logiciel à partir d'échantillons (naturels) originaux.

Le scénario de l'attaque simulée s'est déroulé sans heurts, hormis quelques ajustements successifs sur l'apprentissage, initialement un peu bâclé : le serveur interactif réclame d'énoncer le motif de l'appel puis, à titre de contrôle d'identité, la date de naissance du demandeur, avant de finaliser la vérification de la voix par une phrase (supposée) aléatoire (en l'occurrence « my voice is my password »). À chaque étape, une saisie du texte dans l'interface d'ElevenLabs génère l'extrait ad hoc et le tour est joué !

La preuve est ainsi faite de la fragilité du système, en dépit des assurances qui l'accompagnent. Il suffit de connaître une information privée, aisée à obtenir, et de capter quelques minutes de paroles de la cible visée, également facile à trouver à l'ère de YouTube et TikTok, pour accéder à son espace de banque à distance et exécuter toutes sortes de malversations. Les optimistes argueront que les algorithmes d'analyse évolueront pour reconnaître ce genre de falsification mais c'est une course sans fin.

Comme dans le cas similaire, révélé en 2015, avec l'empreinte digitale, le problème spécifique de la biométrie est l'impossibilité pour l'utilisateur de changer ses paramètres d'authentification s'il découvre (ou soupçonne) un abus : sa seule option consiste alors pour lui à verrouiller totalement le service compromis (et à s'en passer), en attendant, au mieux, que son fournisseur relève le niveau de protection, au prix probable de délais de mise en œuvre, de frictions accrues et d'incertitudes sur la viabilité des mises à jour.

Bien que certains analystes en suggèrent déjà le retrait, cet exemple ne signe pas la mort instantanée de tous les dispositifs de sécurité à base de reconnaissance vocale mais il met en exergue, d'une part, un danger préoccupant, à court terme, pour les individus particulièrement sensibles (par leur notoriété et leur attractivité potentielle pour des cybercriminels, tels que les influenceurs du web), et d'autre part, la menace permanente que représentent pour ces outils les prodigieux progrès de l'intelligence artificielle.

En tout état de cause, la conclusion à tirer, pour l'instant, est qu'il faut absolument combiner des solutions multiples, de manière à toujours être en mesure d'offrir un moyen de repli aux clients dans l'hypothèse où une faille majeure affecte l'une d'elles.

Voix Synthétique
Image par jakubhoopoe (via Pixabay)

lundi 27 février 2023

L'émergence du client robot

Gartner
Les entreprises, petites et grandes, se sont largement emparées des opportunités de l'intelligence artificielle pour, entre autres, rationaliser leurs capacités de support grâce au déploiement d'assistants virtuels en tous genres. L'apparition d'outils destinés au grand public ouvre désormais la possibilité à leurs clients de créer leur propre « bot ».

Pour Mark Raskino et ses collègues de Gartner, la tendance – qui reste pour l'instant basée essentiellement sur une approche logicielle mais intégrera aussi, rapidement, une composante physique (exploitant notamment les progrès de l'internet des objets) – devrait être une des plus importantes pour la décennie à venir. Quand elle décollera, elle pourrait s'avérer plus « disruptive » encore que ne l'a été à son époque la naissance du commerce en ligne, à tel point qu'ils lui ont consacré un livre entier.

Une démonstration opérationnelle, citée par l'analyste, donne déjà un aperçu du fonctionnement de ces futurs robots. Elle est à porter à l'actif de DoNotPay, une jeune pousse dont la promesse consiste à prendre en charge automatiquement les contestations des consommateurs vis-à-vis de grands groupes. Une vidéo expose ainsi comment son logiciel, équipé de la technologie ChatGPT, a renégocié en totale autonomie le contrat d'un de ses collaborateurs auprès de son fournisseur d'accès internet.

Présentée comme un avocat virtuel, la solution, qui sera officiellement commercialisée prochainement, est capable d'interagir aussi bien via formulaires que par courriel ou tchat. Elle est conçue pour assister les particuliers dans leurs demandes, par exemple avec leurs disputes sur les contraventions ou les frais bancaires, leurs poursuites contre les démarchages abusifs… Dans cette optique, elle se substitue à l'individu dans l'ensemble de ses échanges avec les interlocuteurs (humains ?) de l'organisation visée.

When Machines Become Customers

La généralisation (probable) de ce type d'applications à moyen terme aura un premier impact considérable sur les centres de contact des entreprises, à commencer par celles qui n'ont pas jusqu'à maintenant cultivé l'excellence dans leurs processus. Elles risquent en effet de subir un déluge de sollicitations robotisées de la part de clients mécontents – soudain à la portée de tous sans efforts – qu'elles auront d'immenses difficultés à traiter, les entraînant dans une spirale infernale de perte d'efficacité et d'insatisfaction.

Une autre conséquence majeure à envisager concerne les phases d'avant-vente et d'entrée en relation. Quand les agents logiciels seront en mesure de réaliser des recherches et comparatifs d'offres, extensifs, personnalisés et impartiaux, donc plus pertinents que ceux proposés par les sites spécialisés, et quand ils sauront ensuite gérer seuls les démarches d'achat ou de souscription, les secteurs qui substituent les frictions de transition à une fidélisation fondée d'abord sur la qualité de service et la confiance du client – pensons à la mobilité bancaire… – auront du mouron à se faire.

Ces scénarios sont plus proches de la réalité qu'on ne peut le supposer en apparence. Dès le lancement de ChatGPT, des utilisateurs ont immédiatement perçu et mis en œuvre ses facultés de génération de conversation naturelle pour les aider à rédiger leurs réclamations. La prochaine étape sera logiquement l'industrialisation de solutions précisément adaptées à divers cas d'usage, extraordinairement lucratifs, susceptibles de renverser l'équilibre des pouvoirs entre consommateurs et grandes enseignes.

dimanche 26 février 2023

Alan, le partenaire de bien-être

Alan
Son co-fondateur et directeur général, Jean-Charles Samuelian, évoque le sujet depuis quelques temps (il lui a même consacré un bouquin), le trublion de l'assurance santé Alan a maintenant pris le virage vers ce positionnement comme partenaire de bien-être, mettant en particulier l'accent sur la prévention, alors que ses tarifs ont fortement augmenté pour faire face à la croissance de ses charges de remboursement.

Le mouvement était déjà entamé de longue date autour des deux domaines qui tendent à gréver le plus les budgets des ménages ou de leur fournisseur de garantie quand celle-ci est optimale, à savoir l'optique et le dentaire. En l'occurrence, des mécanismes de rappel invitent à effectuer des visites de contrôle régulières, de manière à éviter les soins extrêmement onéreux qu'engendre le laisser-aller vis-à-vis des petits troubles faciles à corriger, à moindre frais, qui se transforment ensuite en catastrophes étendues.

À ces fondations vient désormais s'ajouter un volet supplémentaire dédié au bien-être, considéré comme un facteur essentiel de santé psychique et mentale, qui exerce à son tour un impact déterminant sur la condition physique et la sensibilité aux maladies (et, par ricochet, sur la productivité des employés des entreprises auxquelles la jeune pousse s'adresse). L'approche retenue sur ce territoire reste résolument pragmatique : un questionnaire presque trivial propose d'établir un bilan complet en 3 minutes, permettant de formuler des recommandations personnalisées, immédiatement actionnables.

Quatre thèmes principaux sont abordés, sélectionnés pour leur incidence sur la vie moderne : le corps (entre activité physique et douleurs génériques, de dos, notamment), l'alimentation (de sa qualité aux désordres pondéraux), le sommeil (dont l'endormissement et les réveils intempestifs) et le stress (avec ses conséquences sur le quotidien). La santé, à travers ses priorités précédentes (optique, dentaire et vaccination), est également intégrée dans le parcours afin d'élaborer une perspective exhaustive.

Bilan de prévention Alan

Les résultats se matérialisent par un score global sur 100, illustratif d'un niveau d'ensemble, assorti de valeurs individuelles sur les quatre axes d'analyse privilégiés. Ces dernières s'accompagnent chacune d'un commentaire contextuel, procurant, entre autres, quelques explications (sommaires) sur les problématiques identifiés qui ressortent comme les plus pressantes. La dernière étape suggère enfin une liste d'actions, priorisées selon la criticité des carences observées, consistant à engager une conversation, par tchat, avec un spécialiste approprié (au sein de l'équipe recrutée par Alan).

De toute évidence, le dispositif n'a aucune prétention à se substituer à un vrai diagnostic médical. Son objectif relève plutôt de l'incitation à agir : le passage du petit test donne l'occasion à l'utilisateur de fixer son attention sur ses préoccupations et ses difficultés du moment, puis de découvrir qu'il peut bénéficier d'une aide individualisée bienveillante… et, s'il le souhaite, d'en profiter dans la foulée, en toute simplicité et sans aucun surcoût, pour affiner son évaluation et envisager la mise en place de réponses adaptées.

La démarche s'inscrit parfaitement dans les grandes orientations définies par Jean-Charles dans son ouvrage, rendues possibles en grande partie par les technologies modernes, et qui devraient constituer les prémices de toute stratégie de couverture santé au XXIème siècle : l'importance de la prévention afin de réduire les besoins ultérieurs en soins, la personnalisation des interactions pour une meilleure efficacité et l'autonomisation des assurés pour encourager leur prise de responsabilité.

samedi 25 février 2023

Nationwide apprend à parler chiffres

Nationwide
Pour des banquiers qui sont immergés à longueur de journée dans les montants, les pourcentages, les intérêts composés…, il n'est pas toujours facile de prendre conscience des difficultés que rencontrent leurs clients avec ces notions. Voilà pourquoi Nationwide conclut un partenariat avec le spécialiste de la communication Plain Numbers.

Le problème est facilement ignoré ou occulté par les professionnels, mais une étude [PDF] gouvernementale britannique invite à remettre les pieds sur terre : sans s'attarder sur les personnes qui souffrent de handicaps et autres déficiences, un adulte sur sept n'a pas le niveau de littératie (générale) attendu normalement d'un élève de 11 ans et la proportion chute à moins d'un sur deux en ce qui concerne les mathématiques. Face à de telles statistiques, il s'avère visiblement critique d'adapter les discours de la banque !

En effet, tous les efforts du monde en faveur de l'information éclairée, du conseil, de l'éducation et de l'amélioration du bien-être financier resteront totalement vains tant qu'ils sont formulés dans une langue que le destinataire ne comprend pas. Et parce qu'il n'est guère aisé pour ceux qui en sont, au contraire, familiers d'ajuster spontanément leurs habitudes et se réaligner avec leurs interlocuteurs, Nationwide préfère s'appuyer pour ce faire sur l'expertise de traduction – en quelque sorte – d'une organisation tierce.

La démarche s'applique naturellement à tous les canaux d'interaction mis à la disposition de ses clients. Dans le cadre du contrat de collaboration que l'institution vient de signer avec Plain Numbers, cette dernière fournira donc un programme de formation à l'intention de l'ensemble de ses collaborateurs, de manière à ce qu'ils apprennent à adapter leurs pratiques, tandis que certains contenus déployés sur les applications web et mobiles seront contrôlés sur leur accessibilité et feront l'objet d'une certification rassurante.

Nationwide x Plain Numbers

L'objectif visé consiste simplement (!) à garantir, autant que possible, que les quelques 16 millions de membres que compte l'établissement bénéficient systématiquement d'une information claire et cohérente, qu'ils soient en mesure d'appréhender sans ambiguïté. En perspective, il s'agit de leur procurer, en toute transparence, tous les éléments dont ils ont besoin pour prendre des décisions avisées avec leur argent et leur budget, de manière autonome. Incidemment, ne devrait-on pas s'étonner, voire s'indigner, qu'une telle vision ne soit pas déjà universellement partagée dans l'industrie ?

En réalité, c'est le même défaut qui est toujours à l'œuvre dans la plupart des entreprises du secteur financier : que ce soit sur le fond ou sur la forme, elles sont essentiellement focalisées sur elles-mêmes – leurs produits comme le jargon qui les accompagne. Afin de maintenir la relation et la confiance, il leur faut impérativement recentrer leurs actions sur leurs clients, et cette exigence commence par l'adoption de leur langage. L'injonction vaut particulièrement pour celles qui mettent la charrue avant les bœufs en tentant d'introduire des solutions d'assistance personnalisée sans envisager ce préalable.

vendredi 24 février 2023

Doconomy acquiert Dreams Technology

Doconomy
Quand deux de mes jeunes pousses préférées de ces dernières années – les suédoises Doconomy et Dreams Technologyannoncent un rapprochement destiné à combiner leurs expertises sur des thèmes parmi les plus prometteurs du moment dans l'industrie de la finance, je suis naturellement impatient de découvrir le fruit de leur union.

Aujourd’hui, avec la montée en puissance de la conscience climatique, le marché est inondé de solutions d’évaluation des impacts environnementaux à partir des relevés de transactions bancaires mais, en 2018, Doconomy était pionnière en la matière. Son avance constante lui a permis de compléter son offre, qui comprend désormais des outils portant sur les styles de vie (par exemple dans l'optique de suggérer des changements d'habitudes) ou encore sur l’empreinte carbone des entreprises et de leurs produits.

Pour Dreams Technology, émanation « B2B » de la plate-forme de gestion intelligente d’épargne Dreams, née en 2016, la situation est plus avantageuse, son idée d’appliquer les théories de l’économie comportementale au bien-être financier étant loin d’être répandue sur le marché. Elle aussi a évolué, puisqu’elle couvre maintenant les autres volets essentiels de son domaine que sont l’investissement, la maîtrise de l’endettement et le développement durable (qui établit donc la jonction avec Doconomy).

Le premier bénéfice de l'acquisition de la seconde par la première se traduira vraisemblablement par l'introduction d'une nouvelle approche de conseil autour des enjeux environnementaux. L'ajout de stimuli basés sur la connaissance des mécanismes psychologiques humains fondamentaux, tels que les développe Dreams Technology, enrichira les fonctions existantes de Doconomy pour aider les nombreux consommateurs qui se disent prêts à agir pour la planète mais ne savent pas comment s'y prendre.

Doconomy x Dreams Technology

Dans une perspective plus vaste, la fusion des deux acteurs représente également un pas important, inédit, dans un changement de dimension pour le bien-être financier. En 2023, son périmètre initialement défini autour de quatre axes directement liés à l'argent (dépenses courantes, épargne, endettement et protection) doit impérativement s'accompagner d'une composante « verte », qui cible en priorité les éco-anxieux (dont le taux croît chez les jeunes) mais concernera bientôt une majorité de la population.

Du point de vue de la clientèle d'entreprises (notamment dans la banque et l'assurance) de Doconomy, cette vision extensive constitue en outre une opportunité quasiment sans égale d'aborder dans un même élan toutes les facettes d'une stratégie de « responsabilité sociétale et environnementale » (RSE) vis-à-vis des consommateurs, englobant dans une solution unique et cohérente (une fois l'intégration achevée) l'assistance proactive à l'adoption d'attitudes saines pour les finances personnelles et la planète.

En synthèse, les ambitions de l'entité combinée s'avèrent extrêmement pertinentes et s'inscrivent pleinement dans les tendances qui marqueront, selon moi, le prochain cycle de transformation du secteur financier. Les seuls doutes susceptibles de ternir le paysage ainsi esquissé touchent à la prise de conscience par les institutions traditionnelles, les plus à même d'en concrétiser les promesses, et à leur engagement véritable dans cette direction… au-delà des quelques artefacts cosmétiques qu'elles retiennent à ce jour, en particulier dans le registre de la mesure d'empreintes carbone.

jeudi 23 février 2023

Knot, l'API du changement de carte bancaire

KnotAPI
Tandis que l'économie « digitale » de services devient prédominante dans nos vies quotidiennes, le moyen de paiement antique qu'est la carte l'encombre de frictions de plus en plus insupportables. KnotAPI propose aux banques américaines une solution afin de résorber une des plus critiques et soulager ainsi leurs clients d'une angoisse majeure.

De nos jours, les coordonnées de notre instrument de paiement préféré sont enregistrées sur des dizaines de services, pour régler nos abonnements – plates-formes de vidéo à la demande, logiciels divers, magazines…, voire connexion internet, téléphonie… – comme pour nous simplifier la tâche avec nos achats récurrents – sites d'e-commerce en tout genre, VTC et taxis, parkings, bornes de recharge électrique… Hélas, le jour où il faut remplacer la carte, partout où elle est mémorisée, c'est le cauchemar assuré.

Il peut s'agir du renouvellement normal, à intervalle régulier, ou bien à l'occasion d'une perte ou d'un vol : en principe peu fréquents, ces événements a priori anodins se transforment rapidement en marathon, dans lequel il faut d'abord retrouver les usages en cours (ce qui a, en partie, inspiré la création de la « Control Tower » de Wells Fargo) puis procéder à la mise à jour, chaque fois différente. Il y a également le cas du changement de fournisseur, que vise plus particulièrement KnotAPI (dans sa communication).

Il est vrai que l'enjeu, dans cette circonstance, ne se réduit pas à exécuter une corvée inévitable. D'une part, la perspective d'avoir à transférer tous les engagements existants peut constituer un sérieux motif d'abandon, au détriment de la conquête de nouveaux clients. D'autre part, même après la souscription, les réticences à effectuer toutes les démarches rapidement risquent de limiter le niveau d'utilisation de la carte toute neuve, et donc d'affecter les revenus de son émetteur par rapport au potentiel réel du porteur.

KnotAPI - Where finances meet automation

Logiquement, KnotAPI se positionne de la sorte sur une promesse plus percutante de retour sur investissement direct. En effet, son produit, qui prend (évidemment) la forme d'une API, facile à intégrer par les banques, invite les nouveaux arrivants, moyennant consentement explicite, à lui déléguer l'intégralité des procédures de migration, en toute sécurité, auprès de centaines d'entreprises « digitales » parmi les plus populaires du marché (dont les incontournables Amazon, Starbucks, Walmart, Uber, Netflix…).

Peu de détails sont révélés sur le fonctionnement précis du système, mais il est probable que les commerçants soient coopératifs, puisqu'ils ont, eux aussi, tout à gagner à la fluidité des transitions, qui peuvent leur éviter de nombreuses désactivations de comptes pour cause de mode de paiement obsolète. Cet argument risque cependant de faire long feu avec une autre option que distribue la jeune pousse, qui vise à permettre aux consommateurs de résilier leurs abonnements depuis leur application bancaire.

En revanche, une capacité supplémentaire, lancée prochainement, ouvre une perspective plus intéressante (et plus originale). Considérant que les parcours d'inscription sur de nombreuses plates-formes sont souvent perçus comme lourds et rébarbatifs, l'idée consiste à insérer ceux-ci au cœur de l'environnement de la banque, avec l'immense avantage de pouvoir alimenter automatiquement toutes les données requises (qu'elle détient). Là encore, l'objectif est de maximiser les dépenses réalisées avec la carte.

En synthèse, KnotAPI s'inscrit dans une stratégie « beyond banking » tellement à la mode actuellement dans les institutions financières. Mais elle le fait dans une approche résolument atypique, et en même temps extrêmement pertinente, qui apporte une valeur manifeste à la fois aux utilisateurs finaux et aux partenaires, en optimisant leur expérience dans des moments clés. Enfin, elle accompagne le tout d'une piste de modèle économique relativement pragmatique et, en tous cas, facile à valider sur le terrain.

mercredi 22 février 2023

AXA joue l'humour sur le développement durable

AXA
D'un côté, une entreprise ne peut prétendre sérieusement s'engager pour le développement durable sans embarquer l'ensemble de ses effectifs dans le mouvement. De l'autre, la sensibilisation des individus s'avère difficile, entre saturation, confusion et austérité des messages. Afin de contourner le problème, AXA Climate s'essaie à l'humour.

Le climat devient un sujet de débat permanent, dans la vie personnelle et professionnelle des citoyens, mais les informations disponibles sont souvent imprécises, quand elles ne sont pas carrément fausses ou juste incompréhensibles pour le commun des mortels, parfois contradictoires et presque toujours anxiogènes. En fait, la communication en la matière, d'où qu'elle provienne, est tellement mal orchestrée que, selon toute probabilité, elle contribue directement au désintérêt et à la passivité des populations.

Face à cette situation, tragique au vu de l'urgence de la riposte au dérèglement, la mission que remplit le « Climate Brief » d'AXA Climate consiste donc essentiellement à expliquer à un maximum de monde les concepts essentiels, sous une forme accessible et abordable. Le raisonnement sous-jacent considère que, avant d'espérer leur faire prendre conscience des enjeux et les convaincre d'agir concrètement, il faut procurer aux intéressés une connaissance des mécanismes fondamentaux qui sont à l'œuvre.

AXA Climate – Climate Brief

Naturellement, pour atteindre un tel but, la matière première, à savoir l'expertise, ne suffit pas. Savoir la transmettre efficacement au plus grand nombre est critique… et beaucoup plus ardu. En l'occurrence, le choix d'AXA Climate se porte sur le média le plus populaire aujourd'hui, avec des séries de films courts (de cinq minutes chacun), combinant un discours extrêmement (et scientifiquement) rigoureux avec des animations humoristiques, de manière à maintenir l'attention de leur audience et optimiser leur assimilation.

Fidèle à son modèle d'affaires, la filiale éducative d'AXA distribue ces programmes en marque blanche aux entreprises, à l'intention de leurs employés. Sur les trois prévues annuellement (pour un total de 90 minutes de vidéo), une saison complète de six épisodes est d'ores et déjà mise en ligne, couvrant successivement des thématiques telles que les limites de la planète, les vagues de chaleur, l'adaptation aux changements (positive ou à impacts négatifs), l'éco-anxiété… Par ailleurs, tous les contenus produits sont systématiquement proposés en anglais et en français.

Bien que la démarche soit tout à fait louable, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur la pertinence de sa cible. En effet, s'il faut en croire les échantillons visibles librement, le propos s'adresse au grand public, sans spécificité par rapport à leur rôle dans leur organisation et, par conséquent, sans que sa diffusion par cette dernière ait un sens profond, ce qui risque de handicaper sa pénétration. Une diffusion sans restriction à tous les internautes serait préférable… Il resterait à trouver comment la rentabiliser.

mardi 21 février 2023

BNP Paribas intègre « sérieusement » Papernest

BNP Paribas
Trois ans après le début de la collaboration entre BNP Paribas et l'optimiseur d'abonnements Papernest, hélas limitée à un simple référencement, la banque passe à la vitesse supérieure et intègre le service au cœur de ses applications web et mobile pour une meilleure expérience client, pour plus d'efficacité et pour asseoir sa légitimité.

Chouchou des établissements qui recherchent de nouvelles opportunités de revenus en marge de leurs métiers historiques, Papernest leur propose d'introduire une fonction idéale dans la période actuelle de crise du coût de la vie. Après analyse de leurs charges récurrentes (abonnements, énergie…), de préférence identifiées via un accès à leur historique bancaire, ses algorithmes suggèrent aux consommateurs des changements de fournisseurs leur permettant de réaliser des économies substantielles.

Bien que la mise en place d'une telle option directement dans les relevés de compte (électroniques) de leurs clients semble une évidence, puisqu'ils alimentent le point d'entrée du parcours, il s'avère que beaucoup de grands groupes affichent encore quelques fortes réticences à inclure des composants tiers dans leur espace réservé, en particulier quand ceux-ci exploitent des données personnelles. Apparemment (peu de détails étant donnés), BNP Paribas aurait donc décidé de franchir (enfin !) le pas.

Moyennant l'indispensable – d'un point de vue éthique comme réglementaire – demande de consentement sur le partage de leurs informations avec Papernest, les clients devraient donc découvrir les recommandations de ce dernier en regard des transactions appropriées : souscrire un forfait mobile moins onéreux face à un prélèvement d'un opérateur de télécommunication, transférer le contrat d'électricité vers un nouveau distributeur en correspondance avec le paiement d'une facture récente (d'un montant exorbitant)…, accompagnées (peut-être ?) du niveau de gain envisageable.

BNP Paribas x Papernest

En outre, si la réflexion est prolongée jusqu'à son issue logique, le dispositif capitalisera également sur l'autre promesse de Papernest, à savoir sa prise en charge complète des démarches de résiliation et de souscription. Pour ce faire, le passage à l'acte se déroule en quelques gestes, d'abord la consultation des alternatives pertinentes (en général sous la forme d'un comparatif) puis, le cas échéant, la demande effective de modification (étapes qui, je le crains, restent orchestrées hors de la plate-forme bancaire).

En comparaison du mécanisme trivial de lien renvoyant les internautes vers le partenaire pour profiter de son offre, son immersion dans la banque en ligne comporte plusieurs avantages inestimables. En premier lieu, l'expérience est beaucoup plus transparente et fluide, ce qui non seulement la rend plus agréable mais entraîne aussi automatiquement une nette augmentation des taux d'engagement. D'autre part, le service expose une utilisation des données privées difficile à attaquer… créant de la sorte un précédent.

BNP Paribas, comme nombre de ses consœurs, inscrit dans sa stratégie, sous l'appellation « beyond banking », une extension de ses activités hors du secteur strictement financier. Après une série d'initiatives plutôt timides, déconnectées de son cœur de modèle (donc à la légitimité potentiellement douteuse aux yeux des consommateurs), elle prend ici la pleine mesure des défis à relever, notamment l'impératif d'accueillir des services d'entreprises externes au sein de son environnement.

lundi 20 février 2023

La culture d'entreprise, c'est « nous »

Gartner
Voilà une perspective fort intéressante sur le défi du changement dans la culture d'entreprise que nous propose ce billet de blog (en portugais) par Luis Mangi (Gartner) : quand tout le monde la considère comme un concept indépendant (« elle »), il suggère de se la réapproprier en abordant les projets par la première personne du pluriel (« nous »).

Dans toutes les organisations, ses défauts reviennent comme une rengaine : la culture est trop hiérarchisée, pas assez collaborative, trop immobiliste, pas assez tournée vers l'innovation, trop focalisée sur les produits, pas assez centrée sur les clients… (j'agite moi-même régulièrement ces quatre dernières critiques sur les institutions financières, ainsi que : trop dépendante des agences, pas assez « digitale »…). Et la conclusion, souvent formulée par des consultants engagés à prix d'or : il faut la faire évoluer !

Mais de quoi est-il question exactement ? Qu'est donc véritablement cette étrange notion, abstraite et invisible, qu'on nomme « culture » ? Parce que les réponses sont éminemment variables selon les individus qui s'expriment mais surtout parce que la plupart d'entre elles introduisent une distance artificielle avec la réalité, Luis Mangi propose d'en retenir une définition pragmatique : « les formes de travail et d'interactions qui se sont sédimentées au fur et à mesure de leur fonctionnement dans la durée ».

L'intérêt de cet énoncé est de faire ressortir le principal facteur qui est à l'origine d'une culture : l'ensemble des comportements individuels. Par voie de conséquence, ces derniers sont également, par nature, au cœur de toute tentative de transformation et imposent donc que chacun prenne à son compte un tel objectif. Il faudra beaucoup de temps et d'efforts pour LA réformer mais, afin d'y parvenir, NOUS devons agir, dès maintenant, notamment en corrigeant NOS manières de faire au quotidien.

Concrètement, le changement n'est pas un acte qui se décrète mais plutôt un chemin à parcourir. Il commence par l'identification claire des motivations sous-jacentes (le « pourquoi »), qui permet ensuite de déterminer parmi les habitudes en vigueur « depuis toujours » celles qui constituent des obstacles et des freins par rapport à la cible désirée. Ce sont elles qu'il faudra remettre en cause en priorité…, dans une démarche de longue haleine, car il est inutile d'espérer qu'elles soient abandonnées du jour au lendemain.

Nombreux sont les dirigeants qui, pour de bonnes raisons, décident qu'une révolution culturelle est nécessaire dans leur organisation sclérosée mais bien plus rares sont ceux qui savent comment s'y prendre, entraînant fréquemment des échecs retentissants. Et ce ne sont évidemment pas des intervenants extérieurs qui peuvent enclencher les ajustements requis sur des pratiques ancrées dans les mœurs. Tout au plus sont-ils susceptibles de fournir un appui méthodologique pour embarquer les collaborateurs.

Spirale du changement

dimanche 19 février 2023

Mastercard aide les PME à obtenir un crédit

Mastercard
L'évaluation de l'éligibilité au crédit figure parmi les cas d'usage les plus populaires des services de banque ouverte (« open banking ») et tous les fournisseurs de ces derniers possèdent à leur catalogue une offre en ce sens. Mastercard, via sa filiale issue de l'acquisition en 2020 de Finicity, ne déroge pas à la règle… avec quelques spécificités.

Le principe, solide, est désormais connu : l'accès à l'historique de transactions d'un client, dûment analysé, permet de comprendre sa situation et son comportement et d'en déduire sa probabilité de défaut s'il lui est accordé un prêt. Les agrégateurs de comptes qui se sont développés un peu partout sur la planète, couvrant généralement la majorité de leur marché bancaire et étant de la sorte à même de qualifier (quasiment) tous les demandeurs, sont naturellement aux premières loges de ce genre de fonctions.

Cependant, si beaucoup de solutions ciblent en priorité les particuliers, Mastercard Open Banking introduit aujourd'hui cette capacité pour les PME et ce choix se révèle singulièrement pertinent, pour plusieurs raisons. La première d'entre elles réside, sans surprise, dans la difficulté des chefs d'entreprise à obtenir un financement qui leur convienne, alors que, par exemple, ils doivent fréquemment faire face à des aléas dans des délais extrêmement courts et sont alors contraints de recourir à la carte de crédit.

Par ailleurs, les systèmes de notation existants tendent à être discriminants pour ce segment, excluant facilement les sociétés trop jeunes, entre autres, et une garantie personnelle est souvent exigée de la part des dirigeants, qu'ils ne peuvent assumer indéfiniment. Autre facteur important dans la stratégie retenue, les professionnels sont plus susceptibles que les consommateurs de détenir des comptes fortement sollicités dans plusieurs établissements, justifiant de combiner des sources multiples.

Mastercard Open Banking

Encore faut-il convaincre les institutions financières de changer leurs méthodes de sélection (les startups de la FinTech sont normalement plus facile à conquérir mais, à ce jour, elles représentent un volume d'activité lilliputien). Aussi séduisante soit la théorie de l'analyse des données, lorsqu'elles concluent une opération, ce sont elles qui prennent les risques et il n'est donc guère surprenant qu'elles soient réticentes à faire spontanément confiance à des algorithmes sur lesquels elle n'exercent aucun contrôle.

Il semblerait que Mastercard tente de surmonter ces craintes légitimes en mettant à la disposition de ses utilisateurs un corpus d'information étendu, au-delà d'un simple score de fiabilité. Sans révéler le moindre secret de fabrication, les estimations de chiffre d'affaires, de revenus, de liquidités disponibles, de flux de trésorerie…, toujours basées sur l'étude des transactions passées, procurent quelques éléments aux équipes souhaitant garder un peu de maîtrise sur les calculs, ne serait-ce que pour validation.

C'est un problème qui est rarement évoqué dans l'univers des techniques alternatives de mesure de solvabilité : comment le concepteur d'une telle solution peut-il démontrer la qualité des résultats qu'il produit ? Les grandes agences de notation ont mis des décennies à imposer leurs modèles, pourtant toujours décriés pour leurs défauts persistants. Les promoteurs d'approches par « open banking » devraient probablement consacrer plus d'efforts à rassurer objectivement sur leurs performances…

samedi 18 février 2023

Un studio vidéo pour les conseillers Merrill

Merrill
Parce que, en 2023, la relation des consommateurs avec leur conseiller financier doit impérativement s'adapter aux médias modernes et être personnalisée, Merrill met désormais à la disposition de ses forces de vente un véritable studio de production de vidéo, aux fonctions complètes et facile à prendre en main par des non professionnels.

Dans notre univers « digital » contemporain, où TikTok et ses équivalents deviennent la référence de la communication, commerciale comme privée, les banques se doivent d'actualiser leurs méthodes historiques. Et si, dans un premier temps, la publication de clips institutionnels, ensuite relayés par les collaborateurs (sollicités en ce sens) sous leurs profils individuels, donnait l'impression de rester en phase avec la tendance, il faut maintenant se rendre à l'évidence : cette approche simpliste ne suffit plus.

Quel que soient le contexte et les sujets abordés, les citoyens s'habituent à être informés (et, parfois, formés) par l'intermédiaire de séquences filmées dans lesquelles un expert ou un passionné, à l'instar des influenceurs vedettes sur les réseaux sociaux, traite d'une thématique, en son nom propre, sans hésiter à exposer son point de vue. Il n'est toutefois pas aisé pour un banquier d'endosser un tel rôle, en projetant l'image d'une entreprise sérieuse et soucieuse de qualité, sans parler du cadre réglementaire à respecter.

Merrill Video Pro

Afin de résoudre cette difficulté, la filiale de Bank of America a donc décidé de créer un outil spécifique à l'intention de ses conseillers. Le Merrill Video Studio ne transformera probablement pas ceux-ci en stars de cinéma, mais il est conçu dans le but d'optimiser leurs efforts : outre son module purement technique de captation vidéo, il leur propose une série de canevas autour des questions les plus populaires (retraite, transmission, création d'entreprise…), assortis de recommandations pratiques, sur la base desquels ils sont invités à élaborer leurs messages et réaliser ainsi leurs programmes originaux.

Cette nouvelle initiative de Merrill, qui peut sembler anecdotique, prolonge directement une démarche de grande ampleur, entamée il y a quelques mois avec la mise en place, lors de l'entrée en relation, d'une fonction de sélection du conseiller par affinité. Grâce à l'ajout de vidéos, sur la page de présentation du collaborateur mais également sur son profil LinkedIn (partie intégrante du dispositif), c'est une dimension supplémentaire de personnalisation de la relation qui fait son apparition et en renforce l'intimité.

En arrière-plan, l'ambition de Merrill est, bien sûr, de restaurer l'indispensable proximité avec ses clients dans ses métiers d'accompagnement financier, qui s'est progressivement dissoute à l'occasion du développement des canaux numériques. Tout en persistant à asseoir sa stratégie sur l'humain, elle fait preuve d'une acclimatation exceptionnelle en jouant systématiquement sur les ressorts de la société au XXIème siècle, que ce soit dans le choix de partenaire ou le mode de communication… en attendant la suite.

vendredi 17 février 2023

KYC et (mé)connaissance du client

Refine Intelligence
S'il m'arrive régulièrement de me lamenter de la tragique perte de connaissance intime de leurs clients qu'a entraînée la « digitalisation » des institutions financières, je l'aborde essentiellement sous l'angle de la personnalisation des services. Cependant, comme le souligne Uri Rivner (Refine Intelligence) dans un article pour Finextra, ses conséquences sont également lourdes dans la lutte contre la criminalité.

Pour les générations qui ont atteint l'âge adulte avant les années 80, la relation avec la banque a longtemps été synonyme d'interactions récurrentes dans une agence et d'échanges fréquents avec un conseiller. Ce dernier savait, de la sorte, (presque) tout de la vie des clients qui composaient (en nombre raisonnable) son portefeuille. Il était capable de suggérer le bon produit en amont d'un grand événement qui se préparait et il pouvait aisément identifier les opérations suspectes par rapport à leurs habitudes.

Depuis cette (lointaine) époque, deux phénomènes se sont combinés pour rendre ce modèle obsolète. D'une part, l'introduction des outils de libre service, notamment les applications web et mobiles, mais aussi la généralisation des centres d'appel, réduisent les opportunités de rencontre avec un interlocuteur privilégié, qui n'a donc plus d'occasion de suivre les évolutions de contexte de ses clients. D'autre part, la tendance en hausse à recourir à des fournisseurs multiples réduit le champ de visibilité de chacun d'eux.

Dans ces conditions, que deviennent les procédures de lutte contre la fraude ou contre le blanchiment, qui doivent en outre obéir à des contraintes réglementaires toujours plus complexes ? Les logiciels plus ou moins intelligents qui en constituent le socle ne sont hélas normalement que des guides et leurs alertes doivent être validées ou infirmées par un contrôle manuel, dont l'importance s'avère critique puisque, selon Uri, 95% des « anomalies » détectées automatiquement trouvent en fait une explication légitime.

Hier comme aujourd'hui, en première ligne de ces vérifications, figure évidemment le conseiller attitré ou, à tout le moins, l'agence dans laquelle est géré le compte incriminé. Or, si, autrefois, le chargé de clientèle était à même d'exprimer un avis pertinent grâce à sa connaissance de son propriétaire et des circonstances susceptibles d'expliquer une transaction atypique (un mariage, un voyage exceptionnel, l'achat d'une résidence secondaire…), il n'est désormais en mesure de le faire que dans 12% des cas !

L'immense majorité des incidents repérés imposent ainsi de contacter directement le client afin d'obtenir les réponses requises. À la clé, ce sont des surcoûts considérables (aggravés par de multiples aller-retours successifs), des frictions délétères entre les collaborateurs de première ligne et le département de conformité, des délais incompréhensibles sur les traitements, des frustrations insupportables pour les victimes de ces « harcèlements »… et une performance anti-criminalité qui laisse à désirer.

En synthèse et pour marteler le message, la banque ne connaît plus son client (le KYC classique étant, en la matière, une vaste plaisanterie) et cette lacune est une catastrophe sur tous les plans (dont ceux, primordiaux, de ses résultats, de la confiance qu'elle inspire et de son attractivité). En revanche, contrairement à Uri, je ne crois pas qu'il soit impossible de la résorber. En réalité, grâce aux immenses gisements de données accessibles, il me paraît envisageable de reconstituer un portrait détaillé de chaque détenteur de compte, permettant de restaurer une vraie relation personnalisée.

Le client anonyme
Image par Yeimi (pour Pixabay)

jeudi 16 février 2023

Variations autour du paiement fractionné

Westpac
En dépit de ses récents déboires, la rapide montée en puissance des trublions du paiement différé constitue un formidable aiguillon pour les établissements traditionnels, en particulier ceux qui s'enrichissaient grassement depuis des années grâce aux cartes de crédit, et suscite un impressionnant élan de créativité aux quatre coins de la planète.

Il y a quelques mois, la canadienne BMO inaugurait déjà sa version d'un système hybride, permettant à ses clients de choisir, a posteriori, de basculer un achat sur un mode de règlement en plusieurs mensualités. Désireuse elle aussi de préserver sa base installée en diversifiant les options disponibles autour de ses cartes de crédit existantes, l'australienne Westpac adopte toutefois une approche sensiblement différente, qui sépare clairement les instruments qu'elle met à la disposition des consommateurs.

Dans les prochains mois, elle proposera à tous ses porteurs actuels de créer une carte virtuelle spéciale, baptisée PartPay, à enregistrer dans leur porte-monnaie mobile (Apple Pay ou Google Pay). Comme les produits des ténors du BNPL, celle-ci est utilisable, sans aucun frais supplémentaire, pour toute dépense supérieure à 100 dollars, en boutique physique ou en ligne, dont le montant est alors automatiquement réparti, par parts égales, sur un premier versement comptant et trois échéances espacées de deux semaines.

Westpac Credit Cards

La mise en œuvre du système est conçue pour un maximum d'efficacité, du point de vue de la banque. Tout d'abord, le recours à la facilité de paiement s'inscrit directement dans les conditions d'usage de la carte de crédit à laquelle elle est liée : le plafond en vigueur sur cette dernière prend en considération toutes les transactions de manière équivalente. D'autre part, les éventuels remboursements en défaut sont exempts de pénalités mais sont immédiatement transférés sur le solde classique, portant intérêts.

Le client, de son côté, bénéficiera également de cette intégration puisque tous les avantages associés à sa carte de crédit – programmes de récompenses, assurances… – restent pleinement opérationnels avec PartPay. En revanche, contrairement au fonctionnement habituel de l'instrument historique, et pour plus de sérénité et de sécurité, les adeptes seront invités à fournir les coordonnées d'un compte courant (détenu dans n'importe quel établissement) sur lequel seront prélevées les sommes dues.

La solution retenue par Westpac représente indubitablement, à ce jour, le meilleur compromis possible, pour une institution financière dans sa position, entre une riposte à la menace du BNPL et la maîtrise des risques et coûts afférents. Elle sacrifiera certes une partie de ses revenus dans la bataille mais le maintien dans son giron, moyennant une proposition de valeur rigoureusement équivalente, des consommateurs qui seraient autrement tentés par les offres alléchantes de la concurrence émergente est à ce prix.

mercredi 15 février 2023

Le partenariat Cardif-Lemonade en questions

BNP Paribas
Pour son entrée sur le marché de l'assurance de biens, la filiale du Groupe BNP Paribas spécialisée jusqu'à maintenant sur les couvertures de personnes fait le choix de collaborer avec la jeune pousse américaine Lemonade. Une approche résolument inhabituelle dans le secteur financier… qui soulève également quelques questions sensibles.

Naturellement, quand une entreprise décide de proposer un contrat habitation (pour les locataires, à ce stade, les propriétaires devront attendre) fourni par un tiers, il serait impossible de lui reprocher de porter son dévolu sur Lemonade, qui reste l'incontestable leader de l'expérience utilisateur dans son domaine. Serait-ce la raison pour laquelle le nouveau service n'est pas directement intégré au catalogue de Cardif, le visiteur intéressé étant simplement redirigé vers l'espace du partenaire pour toute souscription ?

Toujours est-il que ce mode de fonctionnement paraît tristement limité… d'autant plus que le trublion a mis en place son portail d'API de longue date, afin d'autoriser une immersion sans friction de ses produits dans des parcours personnalisés. Espérons qu'il ne s'agisse que d'une première itération (expérimentale ?) avant un passage ultérieur à une démarche industrielle… si les résultats sont au rendez-vous. À moins que l'aventure dans l'habitation ne soit pas abordée comme un axe stratégique (ce qui est peu crédible).

Dans la même veine, l'adoption d'une solution exclusivement en ligne surprend de la part d'un acteur plutôt accoutumé à la distribution indirecte (en particulier à travers le réseau de la banque BNP Paribas). Non seulement, la nouvelle police ne pourra-t-elle pas être commercialisée dans les agences physiques mais ses qualités propres, irrémédiablement liées à des interactions à distance, ne se prêtent en aucun cas à une évolution dans ce sens. Serait-ce là un signe précurseur d'une mutation généralisée à venir ?

Partenariat Cardif - Lemonade

Sur ce registre, il faut également penser aux clients. En effet, comment vont réagir ceux qui se laisseront séduire par une offre radicalement différente de tout ce qu'ils connaissent ? Une souscription sur le web (donc disponible partout, à tout moment), finalisée en quelques instants, requérant un minimum d'informations, des clauses contractuelles lisibles et transparentes, un traitement instantané des sinistres… Autant de facteurs qui risquent de remettre en cause leurs attentes vis-à-vis de l'assurance…

Comme si la menace de l'InsurTech ne lui suffisait pas, Cardif pourrait se placer elle-même dans une position délicate en montrant, sur l'habitation, un exemple complet des bonnes pratiques qui concourent à la satisfaction client… qu'elle ne parvient pas à répliquer dans ses propres processus. Faudrait-il voir dans l'introduction du loup Lemonade dans sa bergerie une manœuvre destinée à créer une saine émulation, comme un électrochoc capable de déclencher (enfin !) sa nécessaire transformation ?

Bien que ses modalités opérationnelles restent, à ce jour, superficielles, l'initiative de Cardif relève d'une certaine audace. Il faudra toutefois surveiller, dans la durée, si la greffe prend et, surtout, si, au fil de son cycle de vie, elle constitue bien pour la compagnie un pilier essentiel d'un profond renouvellement stratégique – dans le cas contraire, il serait difficile d'en percevoir la valeur réelle – et dans quelle mesure la méthode retenue, indubitablement originale, contribue véritablement à une telle vision.

mardi 14 février 2023

RBC se lance à son tour dans l'immobilier

RBC
Quand la canadienne RBC cède, comme tant de ses consœurs, à la tentation d'étendre son périmètre d'action à l'accompagnement de bout en bout de l'achat immobilier, via l'acquisition d'OJO Home, elle n'emprunte pas la voie classique de son intégration dans ses propres plates-formes et préfère au contraire en faire une offre indépendante.

La thématique de l'accession à la propriété représentait déjà depuis quelques années une des stratégies de diversification les plus répandues dans les banques du monde entier, propulsée par la conviction que sa composante financière leur procure une légitimité à s'immiscer dans l'ensemble de la chaîne de valeur. Sa prédominance est maintenant encore susceptible d'expansion, face aux tensions observées sur le marché et à la crise du coût de la vie, qui mettent toujours plus en exergue la dimension pécuniaire.

Par rapport à cette logique, RBC adopte une orientation plutôt modeste. La solution qu'elle reprend aujourd'hui est issue d'une collaboration datant de 2018 avec le spécialiste états-unien OJO (basé à Austin), concrétisée à partir de 2021 avec ce portail relativement classique, proposant aux consommateurs de les assister dans toutes les étapes de recherche et de négociation d'un bien, jusqu'à la conclusion de la transaction. Une particularité toutefois, le dispositif s'appuie résolument sur un réseau d'agents.

Si la palette de services qu'elle déploie comprend naturellement le crédit hypothécaire, vraisemblablement celui de sa propriétaire, qu'on espère immergé dans un parcours sans frictions, la nouvelle filiale semble avoir vocation à rester relativement autonome. Dans cette perspective, elle sera accueillie, sous son format actuel, au sein de RBCx, portefeuille de sociétés innovantes de la banque, aux côtés d'autres jeunes pousses de domaines connexes (le déménagement, les travaux de rénovation, l'entretien…).

Accueil OJO Canada

Au milieu de la confusion qui règne actuellement dans le secteur autour des concepts « beyond banking », la Banque Royale du Canada nous fournit un exemple de démarche pragmatique, dont, surtout, les fondations ne reposent pas sur des idées préconçues. Au premier rang de celles-ci, figure le mythe de l'avantage que constituerait la confiance des clients pour leur vendre des produits non financiers. Rien ne démontre pourtant à ce jour qu'ils sont prêts à acheter une résidence via leur établissement teneur de compte.

Dans la vision de RBC (apparemment), la séduction de sa cible rêvée passe par des arguments différents, bien que, évidemment, sa qualité d'institution reconnue conserve tout de même son importance pour les fonctions dans lesquelles l'argent entre en jeu. La priorité est donc de s'affirmer d'abord comme un expert de l'immobilier, avec une marque dédiée, qu'il lui faudra imposer en tant que telle (et sa phase expérimentale paraît l'avoir mise sur les bons rails), doté d'une expérience utilisateur exceptionnelle.

En synthèse, la leçon que nous donne cette initiative évoque selon moi l'humilité devant les transformations en cours : afin de répondre aux menaces de désintermédiation que suscitent l'émergence de plates-formes (notamment celle des géants du web), il est ridicule de compter sur l'effet magique de l'aura supposée des grandes enseignes traditionnelles. La seule riposte viable consiste à se battre sur le même terrain que ces compétiteurs et, en particulier, sur un alignement parfait avec les attentes des clients.

lundi 13 février 2023

Amazon, l'informatique en catalyseur de stratégie

Amazon
Il y a quelques jours, Stéphane Schultz (15marches) décodait dans son excellent blog les récentes orientations stratégiques d'Amazon telles qu'elles ressortent de la généralisation de son offre « buy with prime ». L'occasion est également parfaite pour s'attarder sur une brique indispensable à ces évolutions, dans son approche de la technologie.

Aux côtés de son modèle désormais historique de plate-forme, principalement destiné à des petites entreprises qui profitent de la sorte d'une exposition sur un des plus grands espaces de e-commerce de la planète, avec sa palette complète (et coûteuse) de capacités, la nouvelle solution consiste à proposer aux marchands (de taille plus importante, normalement) qui souhaitent conserver leur propre vitrine en ligne tout en bénéficiant de l'expertise d'Amazon (sur l'expérience utilisateur, la logistique, la fidélité, le paiement…) assemblée au sein de son programme d'abonnement Prime.

Or, derrière la vision que décrit fort bien Stéphane et sur laquelle je ne reviendrai donc pas, ce qui rend possible son exécution et sa mise en œuvre dans des conditions raisonnables est le choix définitif (quasi dictatorial), très tôt dans la vie de la société, de concevoir et développer toutes ses fonctions sous forme de services… systématiquement exposés par l'intermédiaire d'API. Grâce à cette injonction, les responsables (métier) qui identifient une opportunité de déclinaison de l'une d'elles savent qu'ils ne seront pas handicapés ni ralentis par de sordides problèmes techniques.

Tentons maintenant un parallèle avec le secteur financier, où dominent, justement, les velléités de suivre (indirectement) une voie similaire à celle d'Amazon, que ce soit dans l'intégration des produits bancaires ou d'assurance au cœur des parcours (étendus) des consommateurs ou, de préférence (pour la majorité d'institutions qui s'effraient de perdre la relation avec leurs clients), de prendre des positions hors de ses activités d'origine, par exemple à travers des places de marché automobiles ou immobilières.

Amazon – Buy with Prime

Malheureusement, la comparaison s'arrêtera là. En effet, dans la plupart des grands groupes concernés, l'idée de standardiser la démarche par services reste lointaine et théorique. Dès qu'elle est suggérée aux porteurs de projets, deux réactions immédiates (épidermiques) émergent : elle n'est pas utile partout et elle n'est applicable qu'aux nouveaux systèmes ou lors de changements majeurs. Pire, les décideurs, eux, posent la question, à laquelle il est bien entendu impossible de répondre quand on se situe dans une perspective d'anticipation pour l'avenir : quel est le retour sur investissement ?

Le résultat de ces tergiversations est une impréparation totale : il est impossible d'offrir aux clients l'expérience optimale qu'ils attendent de leurs fournisseurs sans une architecture modulaire, aux composants faciles à orchestrer. Les rêves de « banque en services », de « banque en plate-forme » ou de « beyond banking » sont des chimères, qui reviendraient à mettre la charrue avant les bœufs. D'ailleurs, les initiatives dans ces domaines ont souvent des difficultés à sortir de terre car la réalisation a posteriori des fondations (les API) prend une ampleur démesurée par rapport à l'objectif visé.

En prenant du recul, ce que nous enseigne le cas d'Amazon est le vrai rôle que devrait tenir la technologie dans l'innovation. Avant de croire que le département informatique possède une quelconque légitimité dans la création de nouvelles solutions, sous prétexte (avéré) que le fonctionnement de l'entreprise repose presque entièrement sur des logiciels, la priorité absolue consiste à devancer les exigences futures, en s'assurant que tout ce qui est construit sera adaptable (au mieux) à des usages autres que ceux édictés à l'origine : le système d'information devient alors un accélérateur de la stratégie.

dimanche 12 février 2023

Raylo, variations sur le crédit à la consommation

Raylo
L'univers du crédit à la consommation est décidément en pleine période de turbulences, entre la déferlante (passagère ?) du BNPL et les sévères réductions de voilure de certains opérateurs traditionnels. Et voilà qu'une jeune pousse britannique essaie de rajeunir le concept d'origine, notamment en y ajoutant une touche d'économie circulaire.

Au premier abord, Raylo se présente comme une plate-forme de vente en ligne d'appareils électroniques – téléphones, tablettes et micro-ordinateurs, pour l'instant – offrant des facilités de paiement extrêmement attractives, particulièrement bienvenues par les temps qui courent. En réalité, son positionnement s'avère légèrement différent, puisqu'elle veut orienter ses clients non plus vers un classique achat à crédit, quelle qu'en soient les conditions pratiques, mais vers un véritable modèle de location.

Il est vrai que, dans les faits, la nuance est subtile : une fois qu'il a sélectionné le produit qu'il désire acquérir et la durée du contrat qu'il envisage, le visiteur est soumis à une vérification de son score de crédit avant de lui faire une offre, comprenant essentiellement le montant du loyer mensuel proposé. En revanche, à l'échéance de l'opération, il a le choix entre la restitution de l'objet, sans autre contrainte, l'achat ferme et définitif, moyennant un dernier versement, ou le renouvellement, avec un modèle plus récent.

L'objectif de la jeune pousse est donc de privilégier cette dernière option, qui répond aux attentes de la majorité des utilisateurs qu'elle cible (à savoir leur désir d'être toujours à la pointe des tendances), et qui, en dépit des apparences, est aussi alignée avec son engagement pour le développement durable (matérialisé par une certification B Corp). En effet, les équipement récupérés sont systématiquement reconditionnés et remis à disposition sur son site, à des prix (évidemment) encore plus avantageux que le neuf.

Accueil Raylo

Bien que son activité initiale relève en grande partie de l'e-commerce, Raylo met principalement en exergue sa technologie de financement et se définit ainsi avant tout comme une startup de la FinTech… qui se retrouve de la sorte naturellement au cœur du mouvement « beyond banking », tellement en vogue aujourd'hui. Sa stratégie en la matière consiste à développer un module de paiement permettant à tous les marchands (dans tous genres de domaines) de proposer son système de location à leurs clients.

La croissance exponentielle de Raylo semble confirmer que la recette fonctionne, selon ses plans qui plus est, puisque seuls 5 à 10% des adeptes conservent leur achat à la fin de leur bail. Non seulement ce faible taux valide-t-il l'appétence des consommateurs pour une transition vers une approche en service de leurs biens courants mais il contribue également de manière directe à la promesse de maîtrise des impacts environnementaux. D'ailleurs, 40% de ses transactions concernent du matériel d'occasion.

Le principe du crédit locatif n'est certes pas extraordinairement original mais la conjoncture actuelle lui procure une opportunité incomparable : alors que, de longue date, la notion de propriété perd progressivement de son attrait chez les jeunes, au moins sur certaines catégories de produits (musique en tête), les difficultés financières que rencontrent les populations pressurisées par la montée de l'inflation devraient lui donner un second souffle. Peut-être faut-il encore travailler à réduire les frictions d'usage (par exemple sur la durée fixe) mais Raylo arrive à point nommé pour changer d'échelle.

samedi 11 février 2023

U.S. Bank valide l'utilité de l'éducation financière

U.S. Bank
Depuis une décennie, U.S. Bank organise chaque année un programme d'éducation financière à l'intention des étudiants universitaires. Elle a commandité une enquête en 2022 afin d'évaluer ses impacts réels, dont les résultats [PDF] nous procurent une excellente occasion de découvrir et analyser quelques clés de succès pour une démarche de ce genre.

Il faut admettre que le dispositif mis en place – baptisé « U.S. Bank Student Scholarship » – est relativement trivial. Avec une cible prioritaire sur les populations défavorisées et la diversité, il se compose de 27 modules courts en ligne, couvrant les grandes thématiques relatives à l'argent, depuis les produits courants (compte d'épargne, carte de crédit…) jusqu'aux méthodes de gestion (budget, investissement…), en passant par les préoccupations de son audience (prêts étudiants, supports réglementés…).

Afin d'encourager la participation, la banque met un peu de sel dans sa recette, sous la forme d'une loterie qui récompense quelques heureux élus (jusqu'à une douzaine sur un cycle complet) d'une bourse pouvant atteindre 14 000 dollars. Petite particularité supplémentaire visant à stimuler aussi l'assiduité, le montant remis à chaque personne tirée au sort dépend du nombre de modules qu'elle a effectivement suivis et terminés (dont la sélection est toutefois entièrement libre, selon les envies de chacun).

Visiblement, le procédé fonctionne bien, puisque, lors de la dernière campagne, plus de 50 000 inscrits sont arrivés à bout d'une moyenne individuelle de 6 cours (pour un total de 2 millions de sessions et 360 000 dollars de subsides distribués depuis 2014). Lorsqu'ils sont interrogés, près de deux tiers d'entre eux confirment clairement que la possibilité de remporter une prime est un facteur important de leur engagement, même quand leur désir de maîtriser leurs finances personnelles est également significatif.

U.S. Bank Student Scholarship Program

Cependant, la partie la plus intéressante de l'enquête concerne la comparaison des attitudes entre ceux qui ont bénéficié du programme et un échantillon générique d'étudiants. D'abord, la confiance en soi, qui est critique pour le passage à l'action, progresse fortement : outre une croissance logique de l'impression de connaître le sujet, de 10% de répondants se sentant capables de piloter leur relation avec l'argent avant toute éducation, le taux monte à 40% pour ceux qui ont assisté à quelques leçons.

Bien que moins spectaculaire, la conversion de cette assurance en mise en pratique est tout aussi mesurable, avec une augmentation notable des gestes essentiels : création d'une réserve de secours (+70%), gestion opérationnelle du budget (+50%), surveillance du score de crédit (+21%)… Et ceux qui ne l'ont pas encore fait sont à tout le moins plus nombreux à affirmer qu'ils ont intention de s'y mettre dans les 3 mois. De manière générale, les apprentis sont plus susceptibles d'œuvrer pour leur bien-être.

Il n'y a naturellement guère de raisons de s'étonner de ces observations mais elles ont le mérite de concrétiser des promesses souvent vagues et difficiles à étayer. Les innovateurs qui, dans les banques, tentent péniblement de convaincre leurs hiérarchies des bienfaits potentiels d'initiatives en matière d'éducation financière devraient prendre note : armés des statistiques d'U.S. Bank, ils pourront établir des projections plus réalistes, jusqu'au niveau des incidences potentielles sur les revenus générés…