Bain & Company vient de publier son étude annuelle sur les comportements des français vis-à-vis de leur banque et ses conclusions se veulent plutôt optimistes. Mais l'analyse n'est-elle pas biaisée (après tout, le cabinet ne voudrait pas effrayer ses meilleurs clients !) et n'y aurait-il pas en réalité quelques raisons de s'inquiéter ?
Reprenons donc les résultats bruts de l'enquête, principalement basés sur des mesures de « Net Promoter Score » (NPS, justement inventé par Bain & Company), et essayons de nous faire notre propre opinion sur ce qu'ils traduisent du véritable ressenti des consommateurs. D'emblée, la stabilisation de l'indice général observée en 2022 – associée à une baisse de l'attrition, autre indicateur invoqué pour confirmation – constitue-t-elle la marque d'une satisfaction consolidée qu'y perçoivent nos experts ?
Une série d'évaluations complémentaires en fait sérieusement douter ou, à tout le moins, dresse un panorama extrêmement contrasté de la situation. En premier lieu, le NPS moyen des banques françaises, qui semble donc plafonner après une croissance continue au cours des années précédentes, s'établit à… 9. Certes, il est toujours dangereux de s'attacher à une valeur absolue avec un instrument conçu pour des comparaisons, mais je ne crois pas que quiconque estime honorable un tel niveau.
Ne nous attardons pas sur ce détail, mais il n'est certainement pas anodin que les institutions financières préfèrent partager leur performance quand celle-ci s'affiche aux alentours de 60 ou 70, au minimum. En revanche, sur un terrain plus objectif, retenons que les banques en ligne surclassent leurs concurrentes traditionnelles (à réseau) de 23 points, toujours en moyenne. Un écart aussi significatif démontre sans ambiguïté la faiblesse structurelle affectant une partie (la plus importante) de l'industrie.
En outre, cette même distorsion jette potentiellement le discrédit sur l'affirmation selon laquelle le conseiller (attitré, si possible) est l'élément de la relation le mieux valorisé. Cité en tête, mais par seulement un répondant sur cinq, ce facteur ne peut résolument pas être considéré comme primordial (en particulier si le questionnaire soumis repose sur une liste de choix fermée, comme on peut le supposer), d'autant plus que, à l'inverse, la moitié des personnes interrogées se disent prêtes pour un modèle 100% « digital ».
Comble de l'ironie, quand il ressort que le NPS des expériences à distance perd 10 points par rapport aux interactions en face à face, Bain & Company croit pouvoir en déduire que les clients sont majoritairement demandeurs d'une approche hybride de la banque, combinant efficacement les différents canaux mis à leur disposition. Je propose une autre hypothèse, plus triviale et plus évidente : et si les applications web et mobiles existantes n'étaient simplement pas à la hauteur des attentes de leurs utilisateurs ?
Au bout du raisonnement, il faut enfin se préoccuper d'un signal critique : les jeunes de 25 à 34 ans et les foyers aisés sont sensiblement plus enclins à changer d'établissement. Au-delà de la menace sur les segments de clientèle les plus attractifs, ce constat incite à relativiser la faible mobilité globale. Ceux qui ont peu d'attaches avec leur fournisseur (équipés de produits basiques) et ceux qui mesurent le mieux l'enjeu d'une migration hésitent moins à agir face à un mécontentement qui est donc bien présent et réel.
En conclusion, les auteurs de l'étude tendent apparemment à minimiser la défiance, pourtant difficilement contestable, qu'expriment les consommateurs, en évitant notamment d'évoquer la déconnexion persistante entre les solutions déployées par les banques et les besoins auxquels elles devraient répondre. L'urgence pour le secteur est de replacer les clients au centre des décisions, sans concession. Qu'un grand cabinet de conseil évite totalement ce sujet dans une recherche sur leurs comportements est consternant.
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