Il y a quelques jours, Stéphane Schultz (15marches) décodait dans son excellent blog les récentes orientations stratégiques d'Amazon telles qu'elles ressortent de la généralisation de son offre « buy with prime ». L'occasion est également parfaite pour s'attarder sur une brique indispensable à ces évolutions, dans son approche de la technologie.
Aux côtés de son modèle désormais historique de plate-forme, principalement destiné à des petites entreprises qui profitent de la sorte d'une exposition sur un des plus grands espaces de e-commerce de la planète, avec sa palette complète (et coûteuse) de capacités, la nouvelle solution consiste à proposer aux marchands (de taille plus importante, normalement) qui souhaitent conserver leur propre vitrine en ligne tout en bénéficiant de l'expertise d'Amazon (sur l'expérience utilisateur, la logistique, la fidélité, le paiement…) assemblée au sein de son programme d'abonnement Prime.
Or, derrière la vision que décrit fort bien Stéphane et sur laquelle je ne reviendrai donc pas, ce qui rend possible son exécution et sa mise en œuvre dans des conditions raisonnables est le choix définitif (quasi dictatorial), très tôt dans la vie de la société, de concevoir et développer toutes ses fonctions sous forme de services… systématiquement exposés par l'intermédiaire d'API. Grâce à cette injonction, les responsables (métier) qui identifient une opportunité de déclinaison de l'une d'elles savent qu'ils ne seront pas handicapés ni ralentis par de sordides problèmes techniques.
Tentons maintenant un parallèle avec le secteur financier, où dominent, justement, les velléités de suivre (indirectement) une voie similaire à celle d'Amazon, que ce soit dans l'intégration des produits bancaires ou d'assurance au cœur des parcours (étendus) des consommateurs ou, de préférence (pour la majorité d'institutions qui s'effraient de perdre la relation avec leurs clients), de prendre des positions hors de ses activités d'origine, par exemple à travers des places de marché automobiles ou immobilières.
Malheureusement, la comparaison s'arrêtera là. En effet, dans la plupart des grands groupes concernés, l'idée de standardiser la démarche par services reste lointaine et théorique. Dès qu'elle est suggérée aux porteurs de projets, deux réactions immédiates (épidermiques) émergent : elle n'est pas utile partout et elle n'est applicable qu'aux nouveaux systèmes ou lors de changements majeurs. Pire, les décideurs, eux, posent la question, à laquelle il est bien entendu impossible de répondre quand on se situe dans une perspective d'anticipation pour l'avenir : quel est le retour sur investissement ?
Le résultat de ces tergiversations est une impréparation totale : il est impossible d'offrir aux clients l'expérience optimale qu'ils attendent de leurs fournisseurs sans une architecture modulaire, aux composants faciles à orchestrer. Les rêves de « banque en services », de « banque en plate-forme » ou de « beyond banking » sont des chimères, qui reviendraient à mettre la charrue avant les bœufs. D'ailleurs, les initiatives dans ces domaines ont souvent des difficultés à sortir de terre car la réalisation a posteriori des fondations (les API) prend une ampleur démesurée par rapport à l'objectif visé.
En prenant du recul, ce que nous enseigne le cas d'Amazon est le vrai rôle que devrait tenir la technologie dans l'innovation. Avant de croire que le département informatique possède une quelconque légitimité dans la création de nouvelles solutions, sous prétexte (avéré) que le fonctionnement de l'entreprise repose presque entièrement sur des logiciels, la priorité absolue consiste à devancer les exigences futures, en s'assurant que tout ce qui est construit sera adaptable (au mieux) à des usages autres que ceux édictés à l'origine : le système d'information devient alors un accélérateur de la stratégie.
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