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C'est pas mon idée !

samedi 31 mars 2018

DBS recrute avec un hackathon

DBS Bank
Une douzaine d'années après que les géants du web (Facebook, Google, Microsoft…) aient popularisé le concept de « hackathon » dans leurs processus de recrutement, il se fait une place dans la banque… au moins au sein de la singapourienne DBS, qui organise dans quelques jours la deuxième édition de son événement « Hack2Hire ».

Parce que l'institution se voit elle-même comme une startup (de 23 000 personnes), elle adopte les méthodes des jeunes pousses qui lui servent de modèle, surtout pour essayer d'attirer les talents technologiques qui doivent l'aider à réaliser sa mutation « digitale ». Ses prétentions peuvent paraître ridicules, toujours est-il qu'elle estime avoir atteint son but avec sa session « Hack2Hire » inaugurale, en 2017, ce qui la pousse à doubler la mise cette année, en se fixant l'objectif d'embaucher jusqu'à 100 personnes.

Le dispositif mis en œuvre est relativement fidèle à l'esprit original du hackathon. Les candidats doivent d'abord passer un test technique de pré-sélection, en ligne, à l'issue duquel ceux qui seront retenus seront invités à l'événement proprement dit (le 21 avril). Dans cette dernière phase, ils travailleront pendant 24 heures sur un cas d'usage réel, en équipe, en apportant leurs compétences à la création d'une solution. À la fin de la compétition, les vainqueurs se verront offrir un emploi sur le champ.

Le « Hack2Hire » 2018 présente toutefois la particularité de s'adresser à des profils variés, couvrant l'intégralité de la palette des expertises requises dans une organisation « agile ». Sont ainsi recherchés non seulement des développeurs (mobile, web, graphiques…), mais également des « scrum masters » (sortes de facilitateurs de projet), ingénieurs « DevOps », spécialistes de l'analyse de données, architectes de solution… C'est cette diversité qui permet, d'ailleurs, d'envisager un exercice en équipes.

DBS Hack2Hire

Si les bénéfices de cette approche du recrutement sont assez évidents pour DBS – notamment l'évaluation des candidats en situation, sur des sujets concrets –, elle peut aussi avoir un intérêt considérable pour les participants, qui ont de la sorte l'opportunité, en peu de temps et avant tout engagement, de se faire une idée un peu plus précise que par les processus traditionnels des thèmes traités, des modes de travail, des collaborateurs, de la culture… de l'entreprise dans laquelle ils postulent.

Alors que le marché de l'emploi est tendu dans les domaines technologiques et que les banques ont un fort besoin de renouveler et de compléter leurs effectifs afin d'affronter les défis de leur « digitalisation », elle sont contraintes de mettre en œuvre de nouvelles méthodes susceptibles de convaincre les meilleurs talents de rejoindre un secteur qui, souvent, leur semble peu attractif en comparaison, par exemple, de startups ou de stars de l'internet. Et il est rassurant de voir qu'il est encore possible de mettre le principe du hackathon au service d'une stratégie (et non de la seule communication)…

vendredi 30 mars 2018

Blast prend la ludification à revers

Blast
On ne compte plus le nombre d'institutions financières ayant tenté, au fil des ans, d'introduire des mécanismes ludiques dans leurs services – voire de créer leur propre jeu – dans le but d'inciter leurs clients à adopter des comportements financiers plus sains, via l'addiction au plaisir du divertissement. Les résultats sont généralement mitigés.

Selon les fondateurs de Blast, la raison de ces échecs est simple : la conception de jeux capables de captiver une audience est extrêmement complexe et totalement hors de portée d'une banque (même si elle se fait ponctuellement accompagner par des professionnels). Convaincus, malgré tout, qu'il s'agit d'une approche valide pour stimuler le réflexe d'épargne des consommateurs (américains), ils prennent le problème à revers, en intégrant leur solution avec (presque) tous les jeux vidéos existants.

En pratique, tout se passe dans une application mobile. L'utilisateur s'inscrit, en fournissant un lien à un de ses comptes (bancaires ou PayPal) et en indiquant ses jeux favoris. Il dispose alors de 3 moyens différents pour commencer à mettre de côté de petites sommes d'argent sur un compte d'épargne ouvert pour l'occasion. Le plus universel, qui exige toutefois un certain engagement, consiste à définir des règles automatiques pour y transférer un montant prédéterminé (de son propre argent, donc) chaque fois qu'il remporte un succès ou franchit une étape importante dans un jeu.

Pour ajouter un peu de sel à l'expérience, Blast propose également des « missions » à accomplir dans certains titres, qui, elles, font gagner des primes, directement versées sur le compte d'épargne. Enfin, chaque semaine, un classement des participants aux différentes missions permet aux plus performants de se partager une cagnotte pouvant atteindre 10 000 dollars. Ces cadeaux sont évidemment financés par les éditeurs, qui espèrent ainsi fidéliser leurs clients ou leur faire découvrir de nouvelles productions.

Accueil Blast

Comme avec toutes les applications du même genre, l'objectif est bien d'accoutumer les consommateurs à des gestes d'épargne, même minuscules. L'un des fondateurs de Blast connaît bien ce marché puisqu'il était précédemment à l'origine d'Acorns, une application de micro-investissement. Il explique que ces solutions, qui doivent aider les millions d'américains ne disposant d'aucune réserve en cas de coup dur, sont rendues possibles grâce aux technologies qui facilitent les transferts de petits montants.

Maintenant, le plus difficile est de convaincre ces personnes de faire les premiers pas. Pour ce faire, l'intégration (transparente) de Blast dans une activité addictive propose un modèle subtil, susceptible de se développer en 3 étapes successives : la collecte de primes dans les jeux « sponsorisés », la contribution par les règles de virement automatique et, pour finir, l'adoption d'un comportement d'épargnant aguerri. Il ne reste qu'à voir si cet enchaînement se concrétisera… et dans quels délais moyens…

jeudi 29 mars 2018

La carte de paiement devient ticket de tram

Communiqué de presse BPCE
La possibilité d'utiliser la carte bancaire comme un titre de transport existe depuis des années, par exemple à Londres, mais, curieusement, elle n'avait jamais été proposée en France… jusqu'à son lancement il y a quelques jours, à Dijon. Cependant, si l'idée est intéressante, sa mise en œuvre comprend tant de petits défauts qu'elle me rend perplexe.

Sur le papier, le principe de fonctionnement est très simple et répond à une problématique réelle. En permettant aux voyageurs occasionnels de régler directement leur voyage en approchant leur carte de paiement du lecteur sans contact installé dans les tramways, ils peuvent dire adieu aux queues aux distributeurs de tickets et se réjouir d'une expérience facilitée. Et quand le système sera déployé dans les bus, il réduira les inconvénients de l'achat auprès du conducteur (délais, gestion de la monnaie…).

Les concepteurs du dispositif ont même pris le soin de plafonner le montant maximal payé durant une journée, au-delà de 3 trajets. En cas de contrôle, il suffit de présenter la carte bancaire pour confirmer la validité de sa situation et, si nécessaire, un justificatif détaillé de dépense peut être téléchargé depuis un espace dédié sur le site web de la compagnie de transport. Dans son mode nominal, le service est plutôt donc bien conçu. Hélas, il faudra aussi affronter des exceptions… dues au moyen de paiement.

En premier lieu, la compatibilité du dispositif avec les cartes présentes sur le marché laisse à désirer. En particulier, celles qui n'acceptent pas le mode « offline » (notamment celles à autorisation systématique) ne pourront pas être utilisées. L'ennui est que beaucoup de consommateurs ne savent pas si leur carte est concernée. Je découvre d'ailleurs à cette occasion que, pour cette raison, Apple Pay pourra fonctionner… mais pas PayLib (l'instrument de paiement sans contact sur Android des banques françaises).

Divia – Sans ticket, sans contact

Autre source de frustration potentielle, qui touchera tous les usages du paiement sans contact au fur et à mesure de son développement, l'achat de titres de transport n'échappe pas à l'exigence de renouveler son autorisation (via un achat avec authentification par code PIN) après franchissement d'un seuil fixé par la banque émettrice (en nombre de transactions et/ou en montant). La personne qui se voit refuser sa transaction dans le tram n'a de recours que de descendre et acheter un ticket sur le quai ! Naturellement, le porteur ne sait jamais à l'avance s'il risque de se trouver dans cette situation…

Enfin, dernière limitation à noter, l'accès aux justificatifs sur le site de Divia étant lié au numéro de carte bancaire – ce qui, soit dit en passant, ne semble pas une pratique très recommandable d'un point de vue de la sécurité, quelles que soient les précautions prises –, il n'est pas disponible actuellement pour les voyageurs qui règlent leurs déplacements avec Apple Pay, puisque, après la phase d'enrôlement, leur iPhone n'utilise jamais les informations des moyens de paiement qui lui sont rattachés.

En conclusion, bien qu'elle soit louable et bien intentionnée, l'initiative dijonnaise comporte de sérieuses lacunes en matière d'expérience utilisateur, qui pourraient se révéler contre-productives dans une approche qui cumule un usage innovant pour le transport et un support (sans contact) qui n'a pas encore atteint la maturité chez les consommateurs. Il aurait probablement mieux valu l'afficher clairement comme une expérimentation, le temps d'évaluer les réactions du public aux écueils qu'ils rencontreront.

mercredi 28 mars 2018

La gestion des talents à l'ère digitale

McKinsey Insights
La transformation actuelle que nous qualifions de « digitale » n'est pas faite que de nouvelles technologies et un de ses impacts les plus explosifs concerne les modèles de travail dans l'entreprise. Dans une interview pour McKinsey, Deanna Mulligan, directrice générale de Guardian Life Insurance, en souligne quelques enjeux immédiats.

Fondée en 1860, celle qui est une des plus importantes compagnies d'assurance-vie mutualiste des États-Unis sait qu'elle ne sera pas épargnée par la révolution « digitale » qui frappe tous les secteurs économiques, un à un. Et si ses dirigeants avaient l'habitude d'étalonner sa performance par rapport à ses consœurs et concurrentes directes, ils ont déjà appris à élargir leur perspective, en prenant conscience que des startups et des entreprises d'autres domaines cherchent à s'implanter sur son marché.

En termes de recrutement, l'époque où la focalisation exclusive portait sur des professionnels de l'assurance-vie est désormais révolue. La prise de conscience des bouleversements imminents conduit maintenant Guardian à rechercher des personnes dont l'expérience passée leur a fait vivre la « disruption » (par exemple dans les médias) et à compter sur elles pour l'aider à se préparer à ce qui l'attend.

Un des sujets qui préoccupent particulièrement les responsables de la compagnie est la popularité croissante de la « gig économie » (économie de missions ?), qui se propage du conducteur Uber jusqu'au directeur général. Quand de plus en plus d'individus préfèrent conserver leur indépendance et ne rejoindre une entreprise que pour la durée d'un projet spécifique (qui les intéresse), il faut revoir entièrement l'organisation et les processus internes, conçus principalement pour des employés permanents.

McKinsey – A conversation with Deanna Mulligan

L'entreprise n'a pas le choix. C'est à elle de s'adapter, en devenant plus flexible, car elle ne peut se passer de ces talents. En effet, en arrière-plan, une autre évolution se dessine (lentement, certes). Deanna Mulligan évoque ainsi l'impératif d'alignement avec la stratégie : la nouvelle priorité est donc de considérer les collaborateurs et les contributeurs externes non plus selon leur position dans la hiérarchie mais en fonction de ce qu'ils font concrètement et de la manière dont ils servent les clients.

Les conséquences de ces changements pour les modèles de travail seront considérables. Outre le seul aspect du choix de son type d'engagement préféré par le « collaborateur » de demain, qui imposera nécessairement une autre façon – beaucoup plus agile (et pas dans le sens galvaudé de cet adjectif) – de concevoir et animer les projets à mener, c'est toute la culture d'entreprise qui devra prendre en compte ces différentes formes de contribution, avec des approches différentes de la loyauté, par exemple.

mardi 27 mars 2018

Le prêt personnel Orange Bank joue la flexibilité

Orange Bank
Près de 5 mois après ses débuts plutôt décevants (du point de vue de l'offre), Orange Bank se décide enfin à sortir des sentiers battus en lançant sa solution de crédit à la consommation. Attendue depuis quelque temps, celle-ci ne contente pas de renforcer la crédibilité de la néo-banque, elle introduit également une flexibilité incomparable.

Par ses caractéristiques, d'abord, ce nouveau produit s'avère relativement complet et compétitif. Qu'il s'agisse d'acquérir une voiture (neuve ou d'occasion), de réaliser des travaux ou de tout autre projet, les détenteurs de compte Orange Bank – dont l'éligibilité ne sera pas uniquement déterminée par un emploi salarié fixe – pourront envisager d'emprunter entre 500 et 75 000 euros sur 12 mois à 10 ans, à des taux compris entre 1,5% et 12,9%, selon la durée, le montant et la finalité de l'opération.

En termes d'expérience, ensuite, dans la droite ligne du modèle 100% mobile de la néo-banque, l'ensemble des démarches est mené dans son application, avec l'assistance éventuelle du conseiller virtuel Djingo, sans contrainte de temps ou de lieu. Sont concernés non seulement le processus de souscription du crédit (et son assurance optionnelle) mais aussi les demandes de remboursement anticipé et d'ajustement des échéances (selon les possibilités inscrites au contrat initial, naturellement).

Ce n'est pas tout ! Une fois son dossier accepté et validé, le client dispose encore d'une grande liberté dans l'accès à son prêt. Le déblocage effectif des fonds est ainsi déclenché d'un clic dans l'application mobile (après le délai de rétractation légal) et il est alors exécuté en temps réel. Surtout, le bénéficiaire a 6 mois pour ce faire (il n'est pas précisé si les conditions restent inchangées, mais cela paraît probable), période pendant laquelle il peut à tout moment annuler l'opération, sans aucun frais.

Prêt personnel Orange Bank

Le cas échéant, l'emprunteur a en outre la possibilité de n'utiliser qu'une partie de la somme accordée par la banque. Enfin, il peut choisir la date de démarrage de ses remboursements (jusqu'à 3 mois après la mise à disposition des fonds) et le jour de prélèvement des mensualités sur son compte. En pratique, la solution se rapproche donc d'un concept hybride (original) de ligne de crédit attribuée pour une cible spécifique.

Orange Bank franchit là une étape importante de son développement avec une approche centrée sur les besoins de ses clients, qui la distingue de la concurrence. En effet, grâce à la flexibilité qu'elle introduit, elle facilite la réalisation des projets : la personne qui, par exemple, décide de changer de voiture peut immédiatement se libérer l'esprit des contingences financières et se consacrer entièrement à sa recherche, sans s'inquiéter de voir révoquer ou changer les conditions d'un accord de principe.

Ce premier ajout à une offre qui, lors de son démarrage, ne parvenait pas à (me) convaincre face à des concurrents tels que N26 augure peut-être de la construction d'une néo-banque réellement différente. Si les prochains produits promis dans les mois qui viennent (crédit immobilier, investissement…) sont intégrés avec la même intelligence et en poussant encore plus loin l'adéquation aux comportements de ses clients, Orange Bank sera peut-être bien l'initiateur d'une révolution du secteur en France.

lundi 26 mars 2018

Londres entend rester la capitale de la FinTech

Trésor de sa Majesté
Quand les dirigeants français agitent leurs prétentions à profiter du Brexit pour attirer les entrepreneurs de la FinTech, le gouvernement britannique s'en amuse et multiplie les initiatives pour conserver sa position de leader mondial – dont les répercussions sont mesurables : 60 000 emplois dans 1 600 entreprises, contribuant annuellement à l'économie du pays à hauteur de 6,6 milliards de livres.

Au Royaume-Uni, les responsables ne s'y trompent pas : pour faire la différence, ce ne sont pas les discours qui comptent, ce sont les actes. Ainsi, la mise en œuvre, de longue date, d'un programme à plusieurs étages d'ouverture des banques à la concurrence et la création pionnière d'un bac à sable réglementaire sont deux exemples d'une stratégie concrète et efficace. Et, face à la perspective de sortie de l'Union Européenne et parce que l'innovation s'accélère, il n'est pas question de se reposer sur ses lauriers.

C'est pourquoi le Chancelier de l'Échiquier, Philip Hammond, annonçait il y a quelques jours, à l'occasion d'une conférence dédiée à la FinTech organisée par son ministère, une nouvelle série de mesures destinées à renforcer encore l'attractivité britannique. Naturellement, certaines ne réservent pas de surprise. Un groupe de travail rassemblant gouvernement, banque centrale et régulateur en vue d'explorer les opportunités et les risques des « crypto-actifs » est un passage obligé, tandis que la définition de standards pour faciliter les collaborations est un prolongement logique des efforts précédents.

En revanche, la signature d'un accord pour la mise en place d'une passerelle avec l'Australie est plus intéressante et laisse imaginer comment le Royaume-Uni pourrait envisager l'ère post-Brexit. Elle repose sur 3 piliers : une coopération renforcée entre les écosystèmes et les structures d'accompagnement des deux pays, un rapprochement entre les régulateurs afin d'harmoniser leurs travaux et un accès facilité des acteurs de la FinTech aux marchés du partenaire. Voilà qui devrait limiter le risque de repli sur soi !

Plus important et plus ambitieux, le ministre évoque également le lancement d'un projet pilote de « robot régulateur ». Avec un objectif de simplifier l'application des textes réglementaires par les startups, mais aussi par les institutions financières historiques, il s'agirait d'offrir un outil logiciel capable de vérifier automatiquement que les règles en vigueur sont respectées. Quand toutes les entreprises déplorent la complexité et la lourdeur des contraintes qui pèsent sur elles, il est aisé de comprendre l'enjeu (qui est loin d'être utopique, quelques spécialistes de l'IA se penchent déjà sur le sujet).

Une autre proposition prometteuse consisterait à créer, conjointement entre l'industrie et les autorités, des « plates-formes partagées » qui aideraient à lever les barrières que rencontrent fréquemment les jeunes pousses désireuses d'offrir des produits financiers complexes. Le concept est un peu obscur à ce stade mais il semble orienter vers une capacité universelle (?) d'intégration des solutions innovantes dans les catalogues des distributeurs (lesquels ?), complétant ainsi le modèle de banque ouverte.

Le gouvernement britannique est résolument déterminé à garder son statut de paradis de la FinTech et il ne manque pas d'idées pour y parvenir. Au-delà de leurs déclarations d'intention, les pays qui veulent contester sa domination devraient commencer par s'inspirer de ses initiatives, qui, au fil du temps, démontrent leur pertinence. En France, en particulier, les actions concrètes sont bien timides (pour ne pas dire quasi inexistantes) et insuffisamment convaincantes pour changer radicalement la donne.

Internation FinTech Conference

dimanche 25 mars 2018

Un portail d'API pour rien

RBC
Que ce soit sous la pression réglementaire ou par la prise de conscience des enjeux de la banque ouverte, les institutions financières s'éveillent (enfin !) à l'idée d'exposer leurs services sous forme d'API. Mais les initiatives se répartissent dans deux camps : les « opérationnelles » (BBVA, Starling…) et celles que je qualifie de « paravents ».

RBC vient de faire une entrée fracassante dans ce dernier groupe avec l'annonce de son nouveau portail dédié aux développeurs. Bien sûr, le principe est plutôt louable, dans un contexte où l'ouverture sur l'extérieur devient incontournable pour l'intégration des services financiers dans le monde « digital ». Malheureusement, son contenu révèle une démarche focalisée sur le désir pour la banque de se proclamer première sur le marché et non sur les attentes réelles des tiers potentiellement intéressés.

En effet, le portail propose aujourd'hui, en tout et pour tout, 6 fonctions, dont 3 sont consacrées à la localisation d'agence, 2 permettent des simulations de crédit hypothécaire et la dernière donne accès au catalogue de cartes de crédit. De toute évidence, elles ne seront pas suffisantes pour inspirer les applications innovantes que RBC prétend vouloir favoriser… et il est douteux qu'elles puissent même être utiles à quiconque. Pour le moins, une telle palette ne mérite certainement pas une communication officielle.

Et là n'est que le moindre de ses défauts, car, outre une documentation extrêmement limitée (qui décourage rapidement d'aller plus loin), les quelques services proposés laissent déjà transparaître de sérieux problèmes structurels. Sans entrer dans les détails, le besoin de créer une session (valable 20 minutes) avant d'interroger le service de localisation d'agence et l'existence d'une interface distincte pour déterminer si une agence donnée est équipée de coffres-forts ne rassurent pas pour la suite.

RBC Developers

Selon toute vraisemblance, ces aberrations ne sont que le reflet de l'architecture des systèmes (historiques) sous-jacents. Or ce devrait justement être un des rôles essentiels d'une plate-forme d'API que de masquer aux développeurs cette complexité, inutile et contre-productive. A contrario, à ce stade, il semblerait donc que RBC se contente d'exposer ses fonctions internes vers l'extérieur, sans le moindre effort préalable de rationalisation et d'« urbanisation » (comme on dit dans la profession).

Si les futures API promises (dont on espère qu'elles seront plus intéressantes) adoptent une même logique, il est à craindre qu'elles soient inutilisables, en reportant sur les développeurs, dans une certaine mesure, l'exigence de comprendre le fonctionnement intrinsèque du Système d'Information de la banque pour accéder aux services qu'elle propose, ce qui est à la fois irréaliste (tant les détails d'implémentations peuvent être sordides) et peu engageant pour les amateurs éventuels d'API financières.

L'ouverture de la banque n'est résolument pas un exercice trivial et les établissements qui croient qu'il leur suffit de mettre à disposition les fonctions qu'ils utilisent en interne perdent de vue l'incroyable labyrinthe que constitue leur informatique. La difficulté n'est pas dans la publication de quelques API mais bien dans la conception de services utilisables par des développeurs. Ce qui nous ramène encore une fois à l'impératif universel : toujours placer le client (quel qu'il soit) au centre des réflexions !

samedi 24 mars 2018

Metro Bank et ses services instantanés

Metro Bank
Dans le monde « digital », tous les services deviennent instantanés : il suffit d'un clic pour regarder un film, commander ses courses (livrées en 1 heure), publier un livre… Depuis peu, quelques banques permettent aussi d'ouvrir un compte en quelques minutes. Plus rarement pour les entreprises. Et pas pour tous les produits. Sauf chez Metro Bank.

Depuis ses débuts, en 2011, le trublion britannique du secteur financier a mis l'accent sur sa capacité à répondre à la demande de rapidité des consommateurs et des chefs d'entreprise, en leur promettant, notamment, un processus d'entrée en relation en 15 minutes. Et, contrairement aux banques en ligne qui affichent la même ambition, il n'est pas question de demie-mesure : le chéquier et la carte de paiement sont imprimés immédiatement et utilisables dès la sortie de l'agence (qui a donc une utilité !).

Mais ce n'est pas suffisant. Pour les commerçants qui se lancent, par exemple, le démarrage de leur activité requiert les moyens d'encaisser les règlements par carte de leurs clients. Afin de mieux répondre à ce besoin, Metro Bank leur propose désormais une solution opérationnelle dès l'ouverture de compte. S'ils sont éligibles, ils peuvent de la sorte commencer sans délai à accepter les paiements, en ligne et en boutique – via un terminal à connecter à un smartphone ou une tablette, fourni par Acceptcards.

A priori, l'enjeu d'instantanéité peut paraître limité, concernant un service complémentaire destiné à des professionnels. Après tout, aucun client ne s'est probablement jamais plaint de devoir attendre une ou deux semaines avant de pouvoir encaisser les paiements par carte. Pourtant, il suffit de s'imaginer à la place du demandeur pour comprendre combien il appréciera que sa banque traite tous ses besoins en une seule fois (et au moment de son choix, les agences étant ouvertes 7 jours sur 7, en horaires étendus).

Les établissements traditionnels particulièrement attachés à leurs réseaux devraient en prendre de la graine : Metro Bank leur montre très concrètement comment les points de vente physiques peuvent réellement apporter une valeur ajoutée et maintenir un avantage concurrentiel face aux banques 100% en ligne. Les recettes sont finalement simples (même si leur mise en œuvre l'est un peu moins). Il « suffit » de combler les attentes des clients, dont, en priorité, leur exigence de réactivité, de disponibilité et de proximité, le tout accompagné d'une qualité de service et de conseil exceptionnelle.

Metro Bank

vendredi 23 mars 2018

Un consortium pour la sécurité de la FinTech

Forum Économique Mondial
Inquiet de la croissance exponentielle des cyber-risques dans le monde, en particulier dans le secteur financier, le Forum Économique Mondial annonçait récemment la création d'un consortium destiné à renforcer la sécurité des entreprises de la FinTech, sur la recommandation d'un groupe d'experts convoqués afin de débattre de ce sujet.

Les enjeux sont colossaux – une estimation du coût des attaques sur les 5 prochaines années évoque un montant de 8 000 milliards de dollars – et les évolutions en cours ne font que les rendre toujours plus critiques, entre la multiplication des collaborations entre les institutions financières et les spécialistes technologiques et les progrès rapides du concept de banque ouverte (« open banking ») promue par les régulateurs (par exemple avec la DSP2 en Europe), qui tous créent de nouvelles menaces potentielles.

Pour lutter contre un phénomène qui semble impossible à stopper, le consortium mis en place par le Forum Économique Mondial vise à créer un cadre générique de cybersécurité pour les acteurs de la FinTech. Plus précisément, son premier objectif consistera à établir les bases d'une méthode d'évaluation quantitative des risques, accompagnée de recommandations en vue d'améliorer le niveau de sécurité mesuré. Avec cet outil, l'ambition est d'inciter les nouveaux entrants à intégrer les bonnes pratiques en matière de défense dès la conception de leurs solutions.

Pour son démarrage, le consortium comprend 5 membres fondateurs : une banque (Citi), une compagnie d'assurance (Zurich Insurance), une startup du crédit alternatif (Kabbage), une institution de place (la Depository Trust & Clearing Corporation – DTCC) et un géant de l'informatique (HP Enterprise). Si cette composition est diversifiée en termes de typologie d'entreprises, elle présente le défaut d'une surreprésentation des États-Unis qui pourrait nuire à l'universalité des aspirations initiales.

Il reste à espérer que l'appel à candidatures émis pour que d'autres organisations rejoignent l'initiative puisse maintenir sa portée mondiale. Il faudra ensuite se poser la question de la cible choisie. En effet, il ne fait pas de doute que l'accompagnement des jeunes pousses de la FinTech est une priorité (qui agite aussi les régulateurs dans de nombreux pays), mais cette préoccupation ne peut être décorrélée des problématiques de cybersécurité dans les grandes institutions financières, qui, confrontées à des menaces inédites, auront aussi besoin d'être guidées dans leurs approches.

Forum Économique Mondial

jeudi 22 mars 2018

L'agence bancaire sans banquier

Bank of America
L'avenir des agences dans les banques à réseau devient un sujet explosif. Quand certaines s'orientent vers une réduction plus ou moins drastique, d'autres, dont Bank of America, continuent à développer leur présence, en explorant les concepts qui pourront assurer la survie du modèle. Jusqu'à déployer des points de vente sans personnel.

Bien sûr, l'idée n'est pas nouvelle (par exemple, Bradesco, au Brésil, en présentait une déclinaison en 2012), mais face aux expérimentations des années récentes, Bank of America a ceci de spécifique qu'elle en fait un des piliers de sa stratégie. Ainsi, aux côtés d'implantations relativement classiques (mettant toutefois un fort accent sur l'équipement technologique), elle inaugurait, il y a quelques jours, à Chicago, la dernière en date de sa quinzaine d'agences dénuées de toute présence humaine « physique ».

Selon le récit du journaliste de Chicago Business, après avoir pénétré dans les lieux, le visiteur est accueilli par un agent humain… au travers d'un écran vidéo. Il lui propose alors d'accéder à tous les services habituels d'une agence bancaire – ouvrir un compte, souscrire un crédit, préparer un plan d'investissement… Pour l'ensemble de ces opérations, il dirige simplement le client vers une des cabines confidentielles afin d'engager une conversation avec un conseiller spécialisé… en visioconférence.

Bien qu'il puisse paraître extrême, ce modèle déshumanisé n'est finalement que l'aboutissement des réflexions qui agitent toutes les institutions financières aujourd'hui. D'une part, la priorité est d'inciter les clients à réaliser les transactions courantes par eux-mêmes, quitte à devoir les accompagner dans leur appropriation des outils mis à leur disposition dans ce but. Dans le même mouvement, l'agence doit devenir le haut lieu du conseil de proximité à forte valeur ajoutée, pour les projets « complexes ».

Or, d'évidence, la densité des réseaux bancaires, dimensionnée historiquement pour gérer la totalité des opérations, n'est plus adaptée à cette spécialisation : l'hypothèse d'une présence à demeure de toutes les expertises dans tous les points de vente n'est pas viable. Certains établissements répondent par des fermetures, d'autres par des mécanismes de mobilité géographique (pré-déterminée ou par rendez-vous) et Bank of America a fait le choix de « virtualiser » la présence de ses conseillers.

Malheureusement, cette approche est conçue pour résoudre le problème (de rentabilité) de la banque et non pour satisfaire les attentes des clients. En effet, si l'argument généralement admis pour justifier de maintenir un réseau physique est le besoin de relation humaine dans les décisions importantes, il n'est que partiellement couvert avec un échange en visioconférence. En outre, ce mode de communication ne devrait pas nécessiter de se déplacer : son accès depuis le domicile serait plus pertinent (au moins pour les personnes connectées, majoritaires dans un centre urbain tel que Chicago).

En conclusion, Bank of America cède aux démons traditionnels de la banque en focalisant ses efforts sur ses propres besoins et en faisant passer l'intérêt de ses clients au second plan. Certes, le devenir des réseaux d'agence constitue une problématique inextricable, aux enjeux considérables et multiples. Mais, dans le monde « digital » actuel, il est au moins une certitude absolue : les solutions devront être conçues d'abord et avant tout dans le but de mieux servir les clients (dans toute leur diversité, qui plus est).

Article Chicago Business

mercredi 21 mars 2018

Affirm ajoute le crédit à Apple Pay

Affirm
Si Affirm a commencé par introduire sa solution de crédit instantanée, inclusive et transparente dans l'univers de la vente en ligne (notamment mobile), son ambition est naturellement d'offrir un service identique sur tous les canaux. Elle franchit maintenant une nouvelle étape en s'attaquant au commerce « en dur », avec une approche originale.

Dans une vraie logique « multi-canal », l'achat avec Affirm est le même dans une boutique qu'avec un site mobile. Lors de son inscription, ou juste au moment de payer pour les plus impulsifs, l'utilisateur fournit quelques informations personnelles qui vont suffire à la startup pour établir en quelques instants un score de crédit et décider de financer la dépense, en affichant des conditions totalement transparentes. En cas de réponse positive, elle règle le montant dû au commerçant et se fait rembourser sur 3 à 24 mois.

En dehors de l'intégration du service dans les terminaux des marchands partenaires, une autre option disponible pour obtenir un prêt retient particulièrement l'attention : en soumettant sa demande directement depuis l'application d'Affirm, le consommateur obtient une carte de paiement virtuelle (provisionnée pour la somme demandée et accordée) qu'il peut immédiatement utiliser sur quasiment tout site web… et qu'il peut également ajouter à son porte-monnaie Apple Pay, ce qui l'autorise à dépenser les fonds reçus dans tout magasin physique acceptant les transactions sans contact.

Accueil Affirm

Dans un contexte où, malgré un recul du phénomène ces derniers temps, les jeunes adultes se défient encore largement des offres mirobolantes de crédit à la consommation sur le point de vente et autres cartes de crédit, Affirm s'infiltre sur le créneau, non seulement en apportant une transparence incomparable pour le secteur (le coût du crédit est clair et sans surprise) mais également en délivrant une expérience utilisateur totalement fluide, qui capitalise au mieux sur les possibilités technologiques actuelles.

Plus que son approche alternative de l'évaluation du risque (qui lui permet tout de même de capter une population exclue du système de crédit traditionnel bien qu'elle soit éligible), ce sont ces caractéristiques qui font la différence et qui devraient d'abord inquiéter puis inspirer les acteurs historiques. Comme l'explique un des commerçants ayant remplacé sa carte de crédit privative (avec son processus à base de formulaire imprimé) par le système d'Affirm, la qualité et la rapidité du parcours de souscription ont un effet direct conséquent sur le montant moyen des dépenses et sur la fidélité des clients.

mardi 20 mars 2018

Société Générale met son chatbot à l'entraînement

Société Générale
Alors que les assistants virtuels bancaires se répandent à travers le monde (la canadienne BMO présentait le sien il y a quelques jours), Société Générale est la première institution française, je crois, à lancer un « chatbot » expérimental proposant à ses utilisateurs une autre manière d'interagir avec leurs finances personnelles.

SoBot, puisque c'est son nom, est intégré à « L'Appli Lab », l'application mobile que la banque réserve justement aux tests de concepts innovants avec ses clients (volontaires). Conçu plus ou moins comme un MVP (« Produit Minimum Viable »), son interface conversationnelle n'offre à ce stade que 3 fonctions basiques sur le compte courant qui devra au préalable avoir été connecté : la recherche d'opérations (par libellé, montant ou date), l'interrogation des dépenses cumulées par catégorie et la restitution du solde.

Ce qui retient l'attention dans l'initiative est donc avant tout la démarche adoptée, qui s'avère particulièrement appropriée. En effet, si le principe consistant à publier une application en version « beta » afin de recueillir les réactions et les commentaires des clients les plus téméraires avant sa généralisation est primordial pour le lancement d'un « chatbot », il se double ici d'un deuxième besoin spécifique : le moteur qui le propulse requiert une phase d'entraînement pour optimiser sa performance.

Il s'agit d'une réalité incontournable du domaine de l'intelligence artificielle (en son état actuel) : les algorithmes d'apprentissage automatique (« machine learning »), notamment, ne deviennent efficaces qu'au fur et à mesure de leur utilisation. Ainsi, pour SoBot, la compréhension des questions que lui poseront les clients, chacun avec sa propre formulation, s'affinera au fil des conversations. À ses débuts, il risque de commettre beaucoup d'erreurs et d'engendrer de nombreuses frustrations.

SoBot dans l'Appli Lab

En prenant du recul, l'exercice auquel se livre Société Générale donne matière à s'interroger plus largement sur les méthodes qu'il sera nécessaire de mettre en place pour introduire l'intelligence artificielle dans nos usages quotidiens (qu'il soit question de traitement du langage naturel ou d'autres aspects). Comment appréhender ces périodes initiales de tâtonnements et d'approximations ? Devrons-nous tous échanger parfois avec des assistants virtuels débutants, au prix d'une certaine irritation ? Faudra-t-il systématiquement recruter des coachs (comme dans « L'Appli Lab ») ?

En admettant que les clients de la banque ne soient pas découragés par la richesse fonctionnelle limitée de SoBot, l'enseignement le plus important qu'il conviendra de tirer de cette expérimentation résidera probablement dans ce registre : ses testeurs vont-ils accepter de jouer ce rôle d'« entraîneur » (dont il me semble, incidemment, qu'ils devraient être mieux avertis) et seront-ils suffisamment nombreux pour que le niveau de qualité atteint permette un déploiement généralisé dans un délai raisonnable ?

lundi 19 mars 2018

BBVA teste le paiement invisible

BBVA
Quand une génération de trublions – de Square à Amazon – invente de nouvelles expériences de consommation simplifiant le paiement, les réactions des banques se répartissent entre scepticisme (voire dédain), inquiétude… et désir de compétition. BBVA se range résolument dans cette dernière catégorie, en exploitant ses forces spécifiques.

Le principe du paiement « invisible » est dans l'air depuis longtemps : dès 2011, Square proposait une solution invitant le commerçant à imputer un achat sur le porte-monnaie mobile de son client (géolocalisé) par reconnaissance de sa photo sur son terminal. Diverses autres tentatives ont émergé ici et là, sans jamais rencontrer un grand succès. Or, ces derniers mois, la supérette Amazon Go, qui permet de faire ses courses sans passage en caisse a clairement relancé l'intérêt pour ce genre d'approche.

Jusqu'à maintenant, les institutions financières historiques sont restées à l'écart de ces tendances, la plupart du temps en considérant qu'elles n'étaient pas directement concernées ou, pire, qu''il s'agissait d'une impasse. Dans le cas de BBVA, toutefois, la valeur potentielle est jugée suffisamment prometteuse pour qu'un test en grandeur nature ait été lancé. Sur son campus madrilène, elle fournit ainsi à ses collaborateurs une application mobile utilisable dans ses différents lieux de restauration.

Grâce à cet outil, déjà adopté par un millier de personnes (environ 15% des effectifs du site), il leur est possible de réserver une table dans un des restaurants ou de pré-commander leur consommation favorite dans une des cafétérias. Dans les deux cas, le montant de l'achat est prélevé directement sur la carte bancaire associée à leur compte, sans requérir la moindre action supplémentaire. L'objectif est de fournir un service de meilleure qualité, en libérant les clients et les personnels des affres de l'encaissement.

Enfin, dernièrement, une nouvelle option a fait son apparition dans le dispositif : dans la cantine en libre-service, le règlement des repas peut être automatiquement pris en charge grâce à un système de reconnaissance d'image, appliqué à la fois à l'identification de la personne et au recensement des articles sur son plateau. Et, de la sorte, l'acte de paiement disparaît totalement… Cette solution est développée par la société Veridas, une joint-venture que BBVA a fondé avec un spécialiste technologique.

BBVA Invisible Payments

Si de nombreuses startups (aux côtés de quelques grands groupes, tels que Starbucks et McDonald's) se sont penchées sur les possibilités de transformer les paiements dans le domaine de la restauration, les services aux entreprises n'ont pas été beaucoup visés à ce jour. Ils recèlent pourtant des opportunités incomparables, notamment parce qu'ils reposent déjà souvent sur des porte-monnaie privatifs et que, opérant dans un environnement fermé, il est plus aisé d'y instaurer une relation de confiance.

À cette perspective, BBVA ajoute l'excellente idée (utilisable dans différents contextes) de déployer ses solutions dans son propre écosystème, qui représente un champ d'expérimentation extraordinaire, avec, d'un côté, des lieux où peuvent se décliner différentes approches et, de l'autre, une masse de beta-testeurs aux profils assez diversifiés pour être représentatifs de la population globale. Si la démarche est bien menée, il devient facile d'entrer dans un cycle vertueux de conception-validation-amélioration susceptible de converger rapidement vers une offre commerciale.

Les difficultés de mise au point et les réticences à craindre de la part des consommateurs sont deux raisons qui rendent impérative une phase de tests rigoureux dont il est évidemment préférable qu'elle se déroule dans un périmètre soigneusement contrôlé (ce qui, incidemment, était aussi le cas pour Amazon Go). Cela permet de lancer des concepts particulièrement audacieux et/ou sensibles dans des conditions quasi réelles, sans prendre de risques inconsidérés avec les clients et avec l'opinion publique…

dimanche 18 mars 2018

Comment mesurer l'innovation ?

RBC
Quand l'innovation n'est pas qu'un slogan sans substance pour l'entreprise, une des principales difficultés que doivent affronter rapidement ceux qui la portent est de mesurer sa performance. Lara Druyan, en charge de l'innovation sur la côte ouest pour RBC, aborde cette question… sans vraiment y apporter de réponse définitive.

Au-delà du principe général affirmant qu'« on ne peut gérer ce qu'on ne mesure pas », deux raisons essentielles doivent inciter les dirigeants à instaurer des indicateurs concrets de progrès de l'innovation. D'une part, s'agissant d'une discipline qui promeut l'expérimentation et l'apprentissage (« test and learn »), elle présuppose qu'il n'existe pas de recette magique et qu'il faut donc constamment chercher à améliorer les démarches mises en œuvre afin de les rendre plus efficaces et productives.

Par ailleurs, d'un point de vue beaucoup plus terre à terre, l'absence de tout critère d'évaluation place automatiquement l'innovation dans la position de candidat à la réduction des moyens qui lui sont alloués dès qu'une telle opération est envisagée dans l'entreprise. En effet, s'il n'est pas possible de prouver objectivement – sur la base d'indicateurs acceptés par toutes les parties prenantes – la valeur produite, les arbitrages sur les budgets, les effectifs… seront beaucoup plus difficiles à contrer.

Bien sûr, le choix des critères de validation des résultats est directement corrélé aux ambitions confiées à la structure d'innovation. Et là commencent les difficultés… Pour Lara Druyan, par exemple, le mandat de son équipe est d'accélérer l'adoption de nouvelles technologies, d'exécuter les projets plus rapidement, en délivrant de meilleurs résultats, de faciliter la collaboration avec des acteurs tiers, de transformer la culture d'entreprise… Mais comment ces objectifs peuvent-ils être correctement mesurés ?

Intervention de Lara Druyan (RBC)

La réponse à cette question est, hélas, laissée largement dans le flou par Lara Druyan (du moins dans l'extrait de son intervention qui est publié) et aboutit surtout à une liste de risques et de pratiques à éviter… Elle commence toutefois par une recommandation importante, qui ajoute une contrainte supplémentaire à l'exercice : il faut à tout prix limiter le nombre d'indicateurs car il est irréaliste de penser qu'une équipe puisse traiter une multitude de problèmes simultanément… certains seront fatalement négligés.

Dans le cas de RBC, sont pris en compte (ou ont été proposés) les nombres de POC (« proof of concept ») réalisés, de technologies mises en production, d'interactions avec les dirigeants de la banque (en considérant que l'équipe de Lara Druyan est basée à San Francisco, loin du reste de l'organisation), de participants aux événements et conférences organisés, des retours sur investissement des prises de participation… et une mesure du changement culturel (qui s'avère impossible, en pratique).

Tous ces critères, à l'exception, peut-être, des visites en Californie (qui révèlent un niveau d'engagement dans la démarche), comportent leurs défauts : les expérimentations menées n'ont de valeur que si elles débouchent sur une mise en production qui échappe au contrôle de l'équipe (et dont l'échelle temporelle est incompatible avec les cycles d'évaluation des employés – qui pose problème en soi), les résultats financiers du capital risque sont incompatibles avec les investissements à vocation stratégique…

L'enjeu de la mesure de la performance de l'innovation est aussi passionnant que complexe. Cependant, en admettant une fois pour toutes que – sans négliger des niveaux intermédiaires plus court-termistes – il faut l'inscrire dans une durée longue (de plusieurs années) et qu'elle doit principalement reposer sur un alignement avec la stratégie de l'entreprise (et qu'elle passera vraisemblablement, à un moment ou un autre, par un impact sur les clients), une solution satisfaisante sera certainement accessible.

samedi 17 mars 2018

Le prochain défi des robo-advisors

Robot
En mettant un accent particulier sur son application mobile dédiée à la gestion d'investissement conseillée, la dernière annonce en date de Marie Quantier m'encourage à m'arrêter un instant sur les robo-advisors (français, notamment), leurs promesses initiales et le chemin qui leur reste encore à parcourir pour les tenir.

Proposer aux investisseurs une application leur permettant de suivre leur portefeuille où qu'ils se trouvent et à tout moment, sur leur smartphone, paraît normal aujourd'hui dans un modèle de gestion conseillée : pour qui veut conserver la responsabilité du pilotage de ses opérations, il est préférable de (pouvoir) rester informé en permanence et d'être en mesure de réagir rapidement aux recommandations qui lui sont adressées et aux autres événements importants susceptibles d'influencer ses décisions.

Naturellement, à l'inverse, les adeptes de la gestion sous mandat – que proposent la plupart des robo-advisors actuels – n'ont pas besoin de la même réactivité, puisqu'ils ont laissé le soin à leur intermédiaire préféré de faire fructifier leur épargne. Pour autant, à une époque qui ne jure que par les approches « mobile d'abord » (dans les startups comme dans les grands groupes), est-il bien raisonnable qu'aucune application ne leur soit offerte ? Ne sont-ils pas abandonnés en route après la souscription ?

En effet, derrière cette absence un peu anecdotique, il faut probablement voir une des grandes idées fondatrices du concept de robo-advisor qui tarde à se matérialiser. À ce jour, la facilité de souscription, la transparence de la relation (sur les coûts, entre autres), la réactivité, la performance… ont fait l'objet de toutes les attentions et sont plutôt satisfaisantes. En revanche, la proximité avec le client et la personnalisation sont deux caractéristiques attendues par les consommateurs qui restent négligées.

Application iOS de Marie Quantier

Le défaut est particulièrement flagrant dans le dialogue qui s'installe après l'entrée en relation. Celui-ci repose sur des communications standardisées à intervalles réguliers, finalement pas très différentes de celles auxquelles nous ont tristement habitué les acteurs historiques (à quelques exceptions près). Jusqu'à maintenant, les robo-advisors passent donc complètement à côté des opportunités de développer l'engagement de leurs clients. Ils pourraient pourtant ainsi renforcer leur fidélité, les inciter à mieux s'occuper de leur épargne… et, potentiellement, accroître leurs investissements.

L'organisation des portefeuilles par projets de vie qu'adoptent tous les nouveaux entrants est un cas typique de ces occasions perdues d'établir une connexion personnalisée avec le consommateur : alors que ces projets racontent une partie de ses envies et le touchent intimement, ils ne sont pas suffisamment exploités dans les échanges, par exemple dans la présentation des performances, qui devrait être totalement axée sur la progression vers les objectifs visés et les étapes justifiant un éventuel changement de stratégie. Pour ce faire, une application mobile trouverait certainement son utilité…

Certes, les startups de l'investissement n'ont pas les ressources infinies qui leur permettraient de traiter tous les défis simultanément. Elles devraient cependant prendre garde à ne pas focaliser trop d'énergie sur les secteurs où les institutions financières traditionnelles sont le plus à même de les égaler (avec l'aide de nouvelles offres technologiques), alors que l'avantage concurrentiel qu'elles peuvent développer en matière d'empathie avec le client est, au contraire, pratiquement hors de leur portée.

vendredi 16 mars 2018

Le mirage de la blockchain dans l'assurance

Etherisc
Le lancement prochain de la vente initiale de tokens d'Etherisc (ne parlez pas d'ICO !), déjà considérée comme l'événement de l'année pour le secteur de l'assurance, m'offre une occasion de tenter de relativiser la promesse de ces nouveaux entrants qui voient dans la blockchain le moyen ultime de résoudre tous les maux des modèles traditionnels.

Le procédé commence à être éprouvé : trouvez un domaine dans lequel l'intermédiaire habituel a une mauvaise image et proposez de le remplacer par le mécanisme de confiance distribuée d'une blockchain. Dans le cas d'Etherisc (qui n'est pas seule sur ce marché), la cible est particulièrement vulnérable, tant les compagnies d'assurance sont mal aimées des consommateurs, qui haïssent les frustrations qu'elles leur imposent et les soupçonnent toujours de conflit d'intérêt dans la gestion des sinistres.

Face à ces défauts, qui ne rêverait pas d'une solution transparente, fiable et instantanée ? Grâce à des contrats intelligents (smart contracts), c'est possible ! Le produit d'assurance est traduit sous la forme de code informatique, lisible – donc vérifiable, aussi bien dans ses caractéristiques que dans la qualité de sa réalisation – par n'importe qui. En cas de sinistre, les conditions de déclenchement de l'indemnisation sont automatiquement évaluées et le paiement peut donc intervenir sans délais.

Un tel concept n'a rien de futuriste. En réalité, il est mis en œuvre depuis quelques mois par AXA, avec sa garantie contre les retards de vol Fizzy. Malheureusement, ce que semble oublier Etherisc dans la présentation de son approche, c'est qu'un contrat d'assurance ne se résume pas à la souscription et à la gestion des sinistres. En arrière-plan, une multitude d'autres fonctions, extrêmement importantes, sont nécessaires… et beaucoup moins susceptibles d'être transposées sur une blockchain.

Accueil Etherisc

En premier lieu, un produit d'assurance repose sur le travail précis et complexe d'une équipe d'actuaires. Ce sont eux qui déterminent la probabilité d'un risque et les coûts associés, dans le but de fixer le montant de la prime qui, statistiquement, permet à l'offre d'être rentable (ou, a minima, d'atteindre l'équilibre). D'autre part, même si l'acte « technique » de paiement peut être automatisé, il suppose qu'un tiers dispose des fonds nécessaires, y compris quand les probabilités sont prises en défaut et que les indemnisations dépassent les prévisions et le cumul des primes engrangées.

Enfin, quand survient un sinistre, il est des contrats simples dans lesquels la vérification de la réalisation du risque est simple et incontestable, par exemple un retard d'avion ou des conditions météo prédéterminées (pour la couverture d'une récolte). Mais ce ne sont évidemment pas les cas dans lesquels les litiges sont les plus fréquents. Les frustrations des clients interviennent dans des situations complexes (telles que l'estimation des dommages à un véhicule…) où le potentiel d'automatisation est limité et les contestations infinies, imposant des interventions humaines parfois délicates.

Ces différentes fonctions sont aujourd'hui prises en charge par un assureur, certaines s'inscrivant dans un cadre réglementaire strict, et, a priori, Etherisc n'offre rien qui puisse s'y substituer (à moins de devenir elle-même une compagnie). Alors, si l'ambition de la startup se résume à la création d'une plate-forme technique sur laquelle seules des acteurs historiques, intermédiaires indéboulonnables du marché, pourront distribuer leurs produits, cela vaut-il d'y engloutir un investissement de 30 millions de dollars ?

Fondamentalement, quel est l'apport d'une blockchain pour ce type d'usage, sachant que les assureurs n'ont pas attendu son apparition pour explorer les opportunités de l'assurance paramétrique ? La transparence des contrats est le seul qui résiste à l'analyse. Encore faut-il admettre qu'il ne constitue qu'un argument marketing pour les milliards de personnes qui ne liront jamais une ligne de code. Quant aux demandes des clients en termes de fiabilité ou de réactivité et aux exigences de rationalisation internes, des technologies classiques devraient suffire à les satisfaire…

jeudi 15 mars 2018

BBVA prend soin de ses clients malvoyants

BBVA
Bien que les technologies modernes offrent des moyens extraordinaires de simplifier la vie des personnes handicapées, les institutions financières restent très timides dans leurs initiatives à destination de cette population pourtant conséquente. La nouvelle application mobile de BBVA offre un aperçu de ce qui devrait être la norme du secteur.

Bien sûr, un certain nombre de banques (par exemple Société Générale) ont, de longue date, mis en œuvre les capacités natives de nos smartphones modernes afin de rendre leurs outils mobiles accessibles aux malvoyants et une majorité de distributeurs automatiques disposent désormais d'une interface audio leur facilitant les interactions. Cependant, avec « BBVA para todos », la banque espagnole propose à ses clients un accompagnement adapté sur l'ensemble de leur parcours de retrait d'espèces.

Potentiellement utile aussi aux handicapés moteurs et mentaux légers, l'application – conforme aux standards d'accessibilité, naturellement – permet d'abord au consommateur déficient visuel de préparer son opération, en indiquant le montant désiré et en sélectionnant un automate parmi ceux qui lui sont signalés à proximité de sa position courante. Il est ensuite guidé jusqu'au distributeur, via le moyen de son choix (voiture ?, transport en commun, marche), avec des instructions vocales extrêmement détaillées (incluant, entre autres, jusqu'au nombre de pas à faire à chaque étape du trajet).

BBVA para todos

Une fois devant l'appareil, il ne reste qu'à insérer la carte bancaire et saisir le code PIN pour obtenir la somme demandée. Cette partie de la procédure n'est évidemment pas optimale (notamment pour certains types de handicaps) mais elle est temporaire. Dans quelques semaines, outre une option d'authentification biométrique, un dispositif sécurisé d'identification par interface sans contact (NFC) sera intégré dans l'application : il suffira alors d'approcher le téléphone du GAB pour finaliser la transaction.

Les entreprises oublient souvent qu'une importante fraction de leur clientèle souffre de troubles de la vision (1,7 million de français seraient concernés, dont plus d'1,1 million par des incapacités sévères). Or les outils numériques qui prolifèrent aujourd'hui, smartphones en tête, sont rapidement devenus de formidables vecteurs d'inclusion et d'autonomie pour ces personnes. Hélas, en dépit des obligations réglementaires, les efforts nécessaires – pourtant relativement peu contraignants, en général – sont rarement intégrés dans les projets (informatiques, en particulier).

En s'attaquant de front à ce sujet, avec une approche extensive et, comme à son habitude, résolument focalisée sur les besoins des utilisateurs, BBVA ne se contente pas de mettre un terme à une injustice : elle peut également espérer en tirer des bénéfices commerciaux concrets, en séduisant les clients délaissés par ses concurrentes.

mercredi 14 mars 2018

L'assurance à moitié « digitale » du CIC

CIC
A priori, quand une institution financière prend l'initiative de simplifier l'accès à la souscription de produits pour ses clients, on ne peut que s'en réjouir. Dans le cas de la nouvelle procédure de demande d'un devis d'assurance automobile du CIC, la démarche laisse toutefois une déroutante impression d'avoir été interrompue prématurément.

D'emblée, la promesse de la banque est alléchante et laisse entrevoir un service enfin conçu pour faciliter la vie des consommateurs : « 3 photos suffisent ». La vidéo de démonstration achève de convaincre puisque l'utilisateur n'a qu'à se rendre dans la section « assurances » de son application mobile, choisir l'option ad hoc et, en suivant les instructions données, photographier sa carte grise, son permis de conduire et son relevé d'informations (si le véhicule est déjà assuré) pour obtenir un devis, instantanément.

Le système sait aussi faire preuve de flexibilité. D'une part, en l'absence de l'un ou l'autre des documents requis, il reste toujours la possibilité de saisir les données nécessaires de manière traditionnelle (notamment le taux de bonus-malus applicable). Par ailleurs, la proposition de contrat offre différents choix de garanties (par exemple en matière d'assistance), que le client peut sélectionner à sa guise. En cas de besoin, une demande de rappel par un conseiller est en permanence à portée de clic.

Devis assurance automobile CIC

En revanche, ce qui manque cruellement dans l'application est… un bouton de souscription ! En effet, une fois son devis obtenu, le client est invité à contacter la banque s'il veut finaliser sa démarche. En réalité, l'innovation du CIC n'est donc qu'une opération cosmétique, probablement pilotée par une approche exclusivement technologique suggérant de profiter des capacités modernes de reconnaissance de documents pour remplacer une étape de saisie manuelle (certes pénible).

Bien sûr, cette limitation n'est pas extrêmement grave. Mais elle risque pourtant de générer des frustrations parmi les utilisateurs, surtout si, comme on peut hélas le craindre, la souscription effective est déconnectée de la demande de devis et va imposer de reprendre le processus à zéro. Quoi qu'il en soit, dans le contexte du monde connecté contemporain, le client (dûment authentifié) qui préfère demander son devis sur son smartphone ne comprendra pas pourquoi il ne peut pas conclure par le même moyen.

Le CIC fait ici montre d'un manque de clairvoyance dramatique, en n'ayant pas appréhendé les attentes des consommateurs avant de proposer sa nouvelle solution. En l'état, il est presque certain que pour les utilisateurs « digitaux » susceptibles de s'en emparer, habitués à des parcours 100% en ligne, l'appréciation du « gadget » de la capture automatique des informations sera largement effacée par l'impression qui leur est donnée de les abandonner en chemin et de leur avoir fait perdre leur temps.

mardi 13 mars 2018

Chez Ubisoft, l'IA chasse les bogues

Ubisoft
Dans le domaine du jeu vidéo, l'intelligence artificielle permet déjà de rendre plus réaliste le comportement des personnages virtuels. Désormais, chez Ubisoft, elle se met également au service de l'efficacité des développeurs logiciels, en commençant par une assistance à la détection et la correction des erreurs de programmation.

Comme tous les départements informatiques de grandes entreprises, les éditeurs de jeux absorbent une énergie (humaine, principalement) et des budgets considérables dans les phases de test et de mise au point de leurs productions. Elles peuvent ainsi représenter jusqu'à 70% du coût total de développement d'un nouveau titre et elles n'empêchent pas, hélas, une partie des anomalies de se faufiler dans les versions mises à disposition des clients (nécessitant des mises à jour entraînant elles-mêmes des frais).

Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, qu'Ubisoft cherche à réduire cette charge. Et, pour ce faire, la société s'appuie logiquement sur l'expérience acquise lors de ses premières aventures dans le domaine de l'intelligence artificielle et sur son laboratoire d'innovation canadien. Situé au cœur de Montréal, qui porte l'ambition de devenir une capitale mondiale de cette discipline, La Forge rassemble spécialistes académiques et industriels dans le but de combler le fossé existant généralement entre ces deux mondes.

Un des résultats de cette collaboration est donc le « Commit Assistant ». Son principe est finalement simple : en alimentant des algorithmes d'apprentissage automatique renforcé avec les quelques 10 millions de lignes de code écrites au cours des dernières années par les équipes d'Ubisoft, en incluant les erreurs commises et leurs corrections, il devient possible de repérer en temps réel (voire de prédire) quand un développeur est en train d'introduire un bogue similaire à ceux qui ont été traités par le passé.

Ubisoft La Forge

La mise en œuvre n'est évidemment pas triviale et il reste encore beaucoup de travail pour améliorer la performance du système. À ce stade, l'assistant serait tout de même capable d'identifier 60% des anomalies, ce qui laisse espérer aux chercheurs un gain de productivité de 20% parmi les développeurs ! Pour atteindre cet objectif, deux barrières importantes restent toutefois à lever. En premier lieu, le taux de fausses alertes, à 30%, est beaucoup trop élevé et impose de continuer à affiner l'apprentissage.

D'autre part, une problématique psychologique va rapidement se poser. Dans ce registre, l'irritation que cause le signalement d'un bogue inexistant n'est que le premier d'une série de risques à appréhender. En effet, on peut s'inquiéter de la réaction d'un collaborateur dont le travail sera critiqué régulièrement par un robot. Sera-t-il acceptable pour un programmeur chevronné de se voir interrompre dans ses tâches par un message automatisé lui signalant une erreur dans son code et lui suggérant une correction ?

Sur ce sujet, il n'est d'ailleurs pas certain que l'approche d'Ubisoft soit la plus clairvoyante. Affirmer que l'outil n'est là que pour aider les collaborateurs à se concentrer sur les parties intéressantes de leur travail et que son usage restera optionnel ressemble trop à une tactique de réassurance à courte vue. À un moment ou un autre, il faudra bien admettre que l'intelligence artificielle est vouée à prendre une place importante dans la programmation et il serait prudent de s'y préparer dès maintenant.

Pour conclure, si un éditeur trouve de la valeur dans une approche automatisée des tests sur la création de jeux représentant chacun de l'ordre d'un million de lignes de code, peut-être l'idée devrait-elle inspirer les institutions financières qui en accumulent des centaines de millions et en produisent toujours plus ? Celles qui seraient tentées apprécieront alors que les travaux d'Ubisoft fassent l'objet de publications académiques, à partir desquelles elles devraient être en mesure de s'approprier la technologie.

lundi 12 mars 2018

Meniga rend les transactions passionnantes

Meniga
C'est devenu une tradition : le spécialiste islandais de la gestion de finances personnelles (PFM) Meniga vient présenter ses innovations à la conférence Finovate Europe (sa première apparition date de l'édition de 2011)… et y remporter une distinction « Best of Show », qui récompense cette année son concept « Richest Transactions ».

Sans originalité par rapport à ses confrères, Meniga veut convaincre les banques qu'elles disposent d'un extraordinaire trésor inexploité, sous la forme des données des opérations financières de leurs clients, et qu'il ne tient qu'à elles de le transformer en opportunités de créer de nouveaux services à valeur ajoutée. Cependant, depuis quelques années, la jeune pousse adopte une démarche originale pour concrétiser sa promesse, en plaçant la transaction élémentaire au centre de son dispositif.

Ainsi, plutôt que de proposer classiquement des options indépendantes – et rarement utilisées dans la durée – d'analyse des habitudes de dépenses, la solution de Meniga préfère intégrer ce genre de fonctions directement dans le contexte d'une opération. C'est donc, par exemple, en accédant aux détails du règlement de son abonnement mensuel au service de vidéo à la demande Hulu ou de sa dernière facture iTunes que l'utilisateur va découvrir l'évolution de son budget en médias et divertissement.

Les « Richest Transactions » prolongent encore ce principe, en capitalisant sur l'économie « digitale » moderne. Il s'agit maintenant de connecter « intelligemment » des services tiers aux transactions, pour rendre celles-ci toujours plus intéressantes pour le consommateur. Dans une démonstration de cette possibilité, l'application de Meniga affiche une sélection de restaurants, ajustée selon les préférences de l'utilisateur, à proximité du lieu où le paiement consulté révèle qu'il a dîné il y a quelques jours.

Meniga Richest Transactions

Les applications de cette idée sont sans limites, d'autant que la startup se contente de fournir un cadre grâce auquel l'institution qui a retenu sa plate-forme peut intégrer toute sorte de services (pourvu qu'ils soient exposés via des API standards). En restant dans l'univers de la banque, une autre déclinaison des « Richest Transactions » imaginée par leurs concepteurs consisterait à offrir une vision holistique d'un crédit immobilier en cours depuis le détail du versement d'une échéance de remboursement.

L'ambition de Meniga avec son approche particulière est de faire que chaque ligne du relevé de compte bancaire raconte une histoire au consommateur, qui l'incite à renforcer son engagement. Les résultats affichés, qui font état d'un taux exceptionnel de consultation des détails d'opérations, semblent valider le modèle. Bien sûr, pour convertir cet intérêt en valeur tangible, la banque devra toutefois parvenir à insérer au sein de son expérience client des suggestions d'actions, personnalisées et contextuelles.

Le groupe BPCE a annoncé lors du Paris Fintech Forum son choix de la solution de Meniga en vue de bâtir ses futurs services « digitaux » : on a désormais hâte de voir ces concepts prometteurs mis en œuvre par une des principales banques françaises…