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C'est pas mon idée !

jeudi 30 juin 2022

La (trop) lente digitalisation de la banque privée

BNP Paribas
Je suis prêt à admettre ne pas être extrêmement assidu de l'actualité de l'innovation dans la banque privée, mais la discrétion du secteur ou, comme aujourd'hui avec celle de BNP Paribas, la teneur des annonces qui en émanent laisse entrevoir une attitude excessivement prudente vis-à-vis de la transformation « digitale » et de ses opportunités.

Présenté comme une étape dans le plan stratégique du Groupe, le « Portail d'Actifs Privés », qui sera déployé dans tous les pays d'implantation de l'établissement avant la fin de l'année, est une plate-forme en ligne destinée aux clients ayant souscrit à un fonds d'investissements privés (comprenant sociétés non cotées, immobilier et infrastructures). Il leur permettra de surveiller leur portefeuille et ses performances, de recevoir des alertes en cas d'information importante et de consulter des contenus thématiques.

C'est tout ? Apparemment, oui. Nulle part dans la communication officielle ne sont mentionnées des possibilités aussi basiques que : une application pour smartphone (oublié le « mobile d'abord » ?), des recommandations personnalisées, l'exécution d'opérations, le dialogue ou, au strict minimum, la prise de contact avec un conseiller… La banque donne l'étrange impression de faire ses premiers pas sur le web, comme si nous étions encore au début du siècle, s'ébahissant de sa découverte et de son audace !

Le premier diagnostic à porter sur l'initiative est son prolongement, tragique en 2022, de la confusion qu'elle entretient entre la simple transposition de processus et de pratiques historiquement physiques – à base de documents imprimés et de rendez-vous face à face – et ses prétentions à la « digitalisation », qui demanderaient de repenser de fond en comble les modalités de la relation avec le client, telles que ce dernier les attend aujourd'hui, en capitalisant sur les médias numériques et les technologies.

BNP Paribas Wealth Management poursuit le développement de l'offre de services digitaux

Et puis il faut bien s'attarder sur cette idée saugrenue de développer une solution indépendante dédiée aux actifs privés, à l'écart de la plate-forme myWealth, dont on aurait logiquement imaginé, même si elle n'est guère plus riche fonctionnellement, qu'elle avait vocation à constituer la plaque tournante du patrimoine pour les clients de BNP Paribas, quelles que soient les gammes de produit qu'ils possèdent. À l'ère de l'intégration des services financiers multi-fournisseurs, l'approche détonne singulièrement.

Elle ne doit pourtant pas surprendre. Elle reflète en effet la culture ancestrale d'une institution profondément centrée sur elle-même, incapable de transcender ses silos organisationnels, et la volonté d'un département de créer SON logiciel (en affirmant sans rire qu'il offre une perspective à 360° !), sans se soucier outre mesure des besoins de ses utilisateurs et sans se préoccuper de l'évolution de leurs habitudes. Où est donc passée la co-construction censée présider au programme « Client Experience » ?

Si BNP Paribas Wealth Management est représentative de la profession (et je crains qu'il n'y ait pas beaucoup mieux à espérer), il faut croire que la banque privée a pris un retard considérable dans la mutation générationnelle affectant le reste du monde. Il devient maintenant urgent de prendre conscience des véritables défis à relever car les personnes, de plus en plus nombreuses, qui privilégient un pilotage « digital » de leur patrimoine n'accepteront plus très longtemps les archaïsmes qui prédominent actuellement.

mercredi 29 juin 2022

Du chatbot à l'assistant virtuel

Cleo
À quelques jours d'intervalle, Qorus (ex-EFMA) récompense le caractère innovant de Noa, le chatbot de CaixaBank, tandis que celui de Cleo était valorisé un demi milliard de dollars à l'occasion d'une levée de fonds. Or malgré leurs dénominations identiques et leurs interfaces similaires, ces deux solutions n'ont à peu près rien en commun.

En réalité, ce sont deux stratégies qui s'affrontent et elles sont plus ou moins représentatives du fossé qui sépare classiquement l'approche plutôt conservatrice de l'innovation au sein d'un grand groupe de la réinvention des modèles existants qui guide les startups. Leurs différences concernent autant les technologies mises en œuvre et leurs principes d'implémentation que les objectifs visés… et elles déterminent probablement, dans une large mesure, l'échec ou le succès auprès des utilisateurs.

D'emblée, les positionnements respectifs de Noa et Cleo révèlent deux visions radicalement opposées de leurs plates-formes. Ainsi, la première, avec sa logique centrée sur les réponses aux questions fréquentes, prend une posture relevant essentiellement du complément au service client, alors que la seconde, en cherchant à offrir spontanément des recommandations personnalisées, prend un rôle de conseil de proximité, inexistant par ailleurs, y compris, en pratique, dans les établissements traditionnels.

Les outils sous-jacents reflètent les mêmes divergences, accentuées par les cultures informatiques en présence. La banque insiste (lourdement) sur son recours à l'intelligence artificielle, via le système Watson d'IBM, tout en laissant planer un doute sur la réalité de ses assertions quand elle précise les nombres de questions et de leurs formulations qu'elle sait traiter (ne s'agit-il pas simplement de règles préprogrammées ?). Du côté de la jeune pousse, l'IA n'est pas évoquée et ne paraît pas indispensable.

Accueil Cleo

En revanche, elle met clairement l'accent sur les menus détails de l'expérience qu'elle propose, notamment à travers le soin qu'elle prend à employer un langage simple et compréhensible, exempt de tout jargon sectoriel, là où CaixaBank insiste beaucoup plus sur la capacité de son robot à comprendre ses interlocuteurs et leurs intentions. Voilà, de manière presque caricaturale, une autre expression saillante d'une démarche véritablement focalisée sur le client face à celle qui se contemple le nombril.

En prenant du recul sur la comparaison, ce sont bien les ambitions stratégiques des deux acteurs qui distinguent le plus leurs chatbots. Pour l'un, la priorité est l'efficacité opérationnelle, à savoir les économies qu'il est possible de réaliser dans le support aux usagers. Pour l'autre, a contrario, la cible consiste à repenser la relation avec le client.

Or ces orientations ont des conséquences profondes sur le ressenti et la satisfaction. En effet, les individus interagissant avec un agent logiciel qui prend explicitement la place d'un correspondant humain seront facilement critiques vis-à-vis de ses faiblesses et lacunes (ce qui justifie les taux d'adoption relativement bas fréquemment observés), quand ceux qui dialoguent avec un vrai assistant virtuel, fournissant un service inédit, seront certainement plus tolérants et patients envers les limitations qu'ils subissent.

mardi 28 juin 2022

Du mieux sur l'inclusion financière

Banque de France
La publication du nouveau rapport annuel [PDF] de l'Observatoire de l'Inclusion Bancaire fournit à la Banque de France, dont le gouverneur en est le président, l'occasion de décerner un satisfecit prudent à la profession pour ses efforts en matière de détection des fragilités parmi les consommateurs et de mise en œuvre de solutions adaptées.

Une évolution particulièrement significative concerne l'anticipation des signes avant-coureurs de situations problématiques. À la fin de 2021, plus de 4 millions de clients ont été ainsi repérés par les banques, souvent grâce à des analyses réalisées sur les données historiques de comptes, soit une hausse de 8% par rapport à l'année précédente. L'aspect préventif de ces mesures est confirmé par l'absence de dégradation équivalente sur les indicateurs factuels d'incidents (par exemple de surendettement).

Les personnes prises en charge de la sorte bénéficient alors d'une double protection, entre le plafonnement automatique des frais de découvert et la proposition d'une offre spécifique, destinée à limiter les risques de dérives (via un contrôle resserré sur le pilotage du budget et une réduction supplémentaire des coûts, parfois assortis de dispositifs additionnels à la discrétion des établissements). Leurs effets positifs avérés expliquent en partie la stabilité du nombre de cas de bascule dans la précarité.

Ces avancées constituent indiscutablement un progrès dont il faut se féliciter. Cependant, comme le souligne fort justement la Banque de France, il ne peut être question pour l'industrie de se reposer sur ses lauriers. D'une part, parce que le contexte économique a profondément changé en 2022, faisant peser de sérieuses menaces sur le portefeuille des ménages. Et, d'autre part, en raison des nombreuses opportunités qu'il reste à explorer et exploiter pour mieux aider les individus les plus exposés à la conjoncture.

Banque de France – Inclusion Financière

Au vu des chiffres communiqués, il n'est probablement pas nécessaire de s'attarder sur le volet amont, même si je soupçonne qu'une « surveillance » mieux organisée et plus affutée serait susceptible d'alerter plus tôt, sur des tendances, et permettrait ainsi de diminuer sensiblement les recours aux dispositifs dédiés. En revanche, ces derniers, aujourd'hui très focalisés sur des approches opérationnelles, vaudraient d'être complétés et enrichis d'une dimension de conseil et d'accompagnement de proximité.

À l'heure du retour de l'inflation, qui semble tellement préoccuper les français, il ne serait pas superflu, par exemple de partager des recommandations personnalisées sur les comportements à adopter afin de faire face – prendre plus que jamais garde aux découverts, se méfier des promesses du paiement fractionné, réduire ses déplacements en voiture, ne pas attendre d'entrer dans une spirale infernale pour se manifester… Il est même envisageable de promouvoir quelques produits adaptés aux circonstances.

Les banques sont naturellement aux premières loges de la détérioration de la santé financière de leurs clients et elles ont tout à gagner à « profiter » de leur position de vigie pour leur éviter le pire. Le moment est donc idéal pour restaurer une relation de confiance dans laquelle il n'est plus seulement question de vendre mais aussi de délivrer des conseils avisés. À défaut, le message sera peut-être entendu par des startups agiles et suffisamment astucieuses pour en extraire un modèle économique viable…

lundi 27 juin 2022

Les crises et la FinTech

Chute
Difficultés de recrutement (en France) et licenciements en série (aux États-Unis), sursaut de prudence des investisseurs, baisse des valorisations… Décidément, les temps sont durs pour la FinTech (comme pour le reste du monde, incidemment). L'adage nous dit que ce sont dans les crises que naissent les plus grands succès. Que nous réserve(nt) donc celle(s) que nous connaissons actuellement ?

Une possible conséquence des tensions apparaissant sur le front des financements, abordée à l'occasion de la conférence Finovate de printemps, serait l'opportunité créée de la sorte pour les banques les plus ambitieuses d'acquérir à coût relativement modéré les pépites avec lesquelles elles imaginent bâtir les plates-formes de demain. Un tel mouvement constituerait un aboutissement logique et rassurant pour les démarches d'innovation et de transformation focalisées jusqu'à maintenant sur des collaborations.

D'un côté, le retour à des prix raisonnables, voire bradés, pour des sociétés qui se trouveraient en position délicate à court terme pour cause de raréfaction des fonds, est susceptible de stimuler les velléités de s'approprier entièrement les solutions jusqu'alors partagées avec la concurrence. De l'autre côté, il s'agit également de protéger les efforts précédemment consentis, en évitant de laisser disparaître les partenaires essentiels aux projets déjà engagés, qui sont souvent la seule piste envisagée pour l'avenir.

Mais il existe un autre argument qui peut séduire les grands groupes dans l'époque présente. En effet, alors que leurs besoins de talents atteignent des sommets (l'exemple de Citigroup, avec sa recherche de 4 000 profils, est loin d'être unique) – notamment, mais pas seulement, dans les domaines des technologies et de l'expérience utilisateur – et que la grande vague des démissions se propage, il va devenir (encore plus) tentant de racheter des jeunes pousses fragilisées pour leurs seules ressources humaines.

Naturellement, le drame est que, dans cette dernière hypothèse, la valeur développée par les startups absorbées disparaît immédiatement. Ceci étant, dans une large mesure, le même destin attend probablement, quoique sous la forme d'une mort plus lente, celles dont l'offre a vocation à être intégrée, en raison des frictions de cultures qui affectent presque systématiquement ce genre d'opération (seules les entreprises faisant preuve d'une maturité « digitale » exceptionnelle peuvent espérer y échapper).

En synthèse, la FinTech semble se préparer à une mutation systémique, dans laquelle une partie des acteurs, particulièrement solides (dont ceux qui génèrent des revenus significatifs), devraient parvenir à survivre, vraisemblablement en abandonnant leur rêves d'hyper-croissance, une autre (petite) partie aurait la chance de prolonger l'aventure dans une grande structure bienveillante… et le reste sera balayé. Enfin, une fois cette mauvaise période passée, il faudra inventer la prochaine génération de trublions !

Crises
Illustration par Gerd Altmann via PixaBay

dimanche 26 juin 2022

Quand un régulateur fournit des outils de RSE

Monetary Authority of Singapore
Tandis que les attentes des investisseurs en matière d'engagement social et environnemental se font de plus en plus pressantes, les institutions financières peinent toujours à y répondre, entre difficultés structurelles et incertitudes sur les critères applicables. À Singapour, le régulateur prend désormais directement les choses en main.

Il faut avouer que la tâche n'est pas simple. Outre la pression de la clientèle, le secteur est progressivement soumis à des obligations déclaratives bien qu'aucun standard de mesure ne soit disponible. Et, pour quelques acteurs aux limites de l'indélicatesse, la tentation est alors forte de profiter du flou ambiant pour verdir abusivement leurs produits, comme l'illustrent les enquêtes en cours autour des soupçons de « greenwashing » de la filiale de Deutsche Bank DWS et, plus récemment, de Goldman Sachs.

Afin d'éviter de tels incidents à l'avenir, la « Monetary Authority of Singapore » a donc instauré, en novembre dernier, un programme de partage d'information de référence à l'intention de la profession, sous l'ombrelle de son ambitieux « Project Greenprint ». Développé en collaboration avec des entreprises volontaires, il comporte quatre axes répartis entre un portail de génération de rapports, un agrégateur de données, un registre de certifications et une place de marché de solutions (distribuées par API).

Après les intentions, viennent maintenant les premières implémentations. En l'occurrence, il s'agit d'une initiative portée par une deuxième structure, NovA!, dédiée à l'intelligence artificielle, dont une version de démonstration sera présentée à la fin de l'année. Elle vise un cas d'usage précis, dans le secteur immobilier, à travers lequel seront mis à disposition des établissements de crédit des indicateurs « officiels » relatifs aux impacts et aux risques environnementaux des organisations concernées et de leurs chantiers.

MAS Greenprint

L'objectif recherché est de procurer aux banques un instrument prêt à l'emploi, facile à intégrer dans leurs processus automatisés (via des API, naturellement), qui leur permet de qualifier les facteurs de développement durables dans leurs dossiers de financement, autant à la mise en place, par exemple par étalonnage historique sur l'ensemble de l'industrie ou pour la fixation de cibles d'amélioration, que dans le cycle de vie de l'opération, notamment pour le contrôle régulier du respect des engagements pris.

Le dispositif, qui remplit sa mission grâce à des technologies avancées d'analyse de documents, rend l'inclusion des enjeux environnementaux dans les pratiques suffisamment triviale pour lui donner un puissant coup d'accélérateur, indépendamment de toute règle qui pourrait être imposée. Surtout, même sans atteindre la perfection, il offre des garanties de transparence, de lisibilité et de cohérence à l'ensemble du marché, qui font lourdement défaut aujourd'hui, au détriment de la confiance des intervenants.

Dans un contexte de confusion généralisée, qui favorise les dérives, les régulateurs qui élaborent des exigences sans un référentiel approprié jouent les pompiers pyromanes et participent de la sorte au doute entourant systématiquement les démarches responsables. En prenant le problème dans l'ordre, à savoir en commençant par l'assemblage de sources communes, la MAS montre clairement la voie à suivre. Hélas, son action est bien trop lente pour espérer couvrir efficacement le sujet dans des délais raisonnables.

samedi 25 juin 2022

Votre métavers, goût maître du monde ou libertaire ?

Meta
En apparence, le changement de nom de Facebook Pay en Meta Pay n'est qu'une anecdote dans la longue histoire chaotique du réseau social avec les paiements. Cependant, à travers sa manière de présenter la nouveauté, Mark Zuckerberg exprime sa vision des métavers… aux antipodes de ce dont rêvent les idéalistes de la décentralisation.

Le concept, issu de la littérature de science-fiction de la fin du XXème siècle, est devenu tellement flou qu'il en existe aujourd'hui presque autant de définitions que de personnes qui tentent de le cerner. Mais les écarts les plus extrêmes sont clairement ceux qui séparent l'approche envisagée par le patron de Meta / Facebook et celle, dominante, des tenants du web3, avec leur rêve utopique d'un monde virtuel dans lequel chaque personne prend le contrôle de sa vie, en dehors de tout pouvoir centralisateur.

Il n'est évidemment guère surprenant qu'une telle perspective soit catégoriquement rejetée par la personne qui a bâti un empire en imposant son emprise quasi absolue sur les relations sociales en ligne de près de 3 milliards de personnes sur la planète. Dans l'esprit de Mark Zuckerberg, le métavers est donc la prochaine étape logique pour son entreprise, sans aucune remise en question : il s'agit du prolongement naturel et inévitable de sa conception du web commercial dans un univers immersif en 3 dimensions.

Certes, quand il évoque l'hypothèse lointaine d'une interopérabilité rendant possible de jouir de ses biens numériques (vêtements, art, musique, films, événements…) dans tous les espaces disponibles, il prétend ne pas viser au monopole. Mais ce n'est qu'un trompe-l'œil, identique à celui de Facebook : grâce à son omniprésence sur les écrans des internautes et des mobinautes, il sait que ses plates-formes seront les plus utilisées pour l'acquisition et les échanges de ces objets virtuels, qui lui assureront la suprématie.

Meta Pay

Le plus fâcheux dans ce paysage que je noircis à peine est que, selon toute vraisemblance, rien n'arrêtera Meta dans sa trajectoire et que les autres incarnations de métavers, si elles voient le jour et quand bien même elles ne tendraient pas vers des dérives similaires (fortement attractives pour les investisseurs), risquent de devoir se contenter de la portion congrue du marché, avec des solutions réservées à de petits groupes et à des segments de niche (quelques jeux indépendants, notamment).

Car, outre sa position hégémonique actuelle, la parente de Facebook a engagé une stratégie de bulldozer, assortie d'investissements en milliards de dollars, dans le but de garantir son avenir à long terme et écarter toute menace de décentralisation. Ses travaux extraordinairement coûteux en direction de la production des lunettes de réalité virtuelle en sont l'exemple le plus emblématique : sur les traces d'Apple et l'iPhone, elle compte capitaliser sur le matériel pour devenir incontournable dans les métavers…

Même si les tensions contradictoires internes ne mettent pas à bas les espoirs d'un internet véritablement distribué, il faudrait être naïf pour imaginer que les géants technologiques en place se laissent dépouiller de leur puissance sans réagir. Ils sont d'ailleurs prêts pour ce faire à s'approprier, en les détournant si nécessaire, les concepts à la mode (tels que les NFT). Ce sont ainsi deux visions irréconciliables du monde qui s'opposent et le déséquilibre de leurs forces respectives suggère une issue prédictible.

vendredi 24 juin 2022

La si complexe psychologie de l'argent

Fidelity Investments
Plus personne ne conteste aujourd'hui que les facteurs psychologiques influent considérablement sur les comportements et, par ricochet, le bien-être financiers. Ce qui est peut-être moins clair est la variété de dimensions que cet énoncé recouvre. Un tweet de Fidelity Investments nous donne l'occasion d'explorer une des plus obscures.

Certains critères comportementaux sont parfaitement connus, sinon totalement maîtrisés, tels que l'aversion au risque, dont l'évaluation est devenue une obligation réglementaire. Quelques autres sont clairement identifiés mais encore très peu appréhendés dans la pratique, dont, notamment, l'attitude par rapport à l'argent, que nous avions segmentés en quatre catégories (liberté, sécurité, générosité et pouvoir) lorsque je contribuais au développement de Kaira (qui, à ma connaissance, poursuit dans cette direction).

Cependant, quand Tiffany « The Budgetnista » Aliche, experte américaine médiatique de l'éducation financière (à l'intention des femmes, a priori), évoque le rôle de la personnalité dans la sélection d'une stratégie, elle adopte un point de vue sensiblement différent, aussi crucial pour la pertinence du conseil, prenant exemple de l'écart qui sépare une préférence pour de petits gestes générateurs de résultats modestes mais rapides et une prédilection pour une action à long terme productrice de grands changements.

Concrètement, si le profil d'affinité permet d'optimiser pour chaque individu les objectifs qui lui sont assignés, afin de garantir son acceptation et son adhésion initiales, ces traits de caractère génériques sont, quant à eux, critiques au moment d'élaborer la méthode la plus adaptée en vue de les atteindre, dans la durée. Pour plus d'efficacité, le principe consiste à fournir les meilleures motivations possibles dans la réalisation des efforts requis et, a contrario, de limiter au maximum le désintérêt, voire l'abandon.

Budgetnista x Fidelity

Au-delà du cas cité par Fidelity, et de l'aversion au risque, qui relève bien des mêmes mécanismes intellectuels, d'autres attributs influencent les ressentis, qu'il serait donc judicieux d'intégrer dans une démarche sincère de personnalisation de l'accompagnement financier. Je pense, notamment, à la perception de ce qu'est un montant important, qui ne dérive pas uniquement de l'opulence mais implique également les usages quotidiens, les antécédents, le cercle social, la profession…

Ces premiers éléments devraient déjà aider à établir quelques orientations essentielles dans les programmes de bien-être : celui qui privilégie les petits pas et pour qui 10 euros paraissent beaucoup se verra plutôt recommander de résorber ses dettes à coups de centimes quotidiens, tandis que celle qui n'est pas effrayée par une dépense de 100 euros et apprécie les progrès visibles sera probablement réceptive à la mise en réserve de 10% de son salaire dès son versement. Dans un autre registre, face aux excès de la ludification, pensons aux consommateurs qui n'ont aucune appétence pour les jeux…

À l'ère « digitale », il n'est pas si difficile qu'il y paraît de décrypter les comportements des clients : une « simple » analyse de leurs réactions aux sollicitations qui leur sont transmises procure une solide base de connaissance. En revanche, la conception et la mise en œuvre des solutions ajustées selon leurs multiples combinaisons possibles sont plus complexes, et sont désormais la priorité pour les pionniers de la gestion de finances personnelles, ouvrant la voie à la performance et à la satisfaction de utilisateurs.

jeudi 23 juin 2022

Une offre à 360° pour les étudiants

ICICI Bank
Au moment où les étudiants indiens préparent activement leur prochaine rentrée universitaire, dans leur pays ou à l'étranger, ICICI Bank dévoile une plate-forme entièrement consacrée à l'ensemble de leurs besoins, financiers et non financiers, offrant de la sorte un excellent exemple de personnalisation de l'expérience client à l'ère « digitale ».

La vocation du Campus Power consiste donc, idéalement, à fournir à tous, y compris ceux qui ne possèdent pas de compte auprès de la banque, un point d'accès universel, simple d'utilisation et ajustable au contexte spécifique de chaque visiteur, à tous les services nécessaires à l'étudiant, mais également à ses parents et, en arrière-plan, aux établissements qui les accueillent, de manière à leur éviter de devoir naviguer à l'aveugle à travers une multitude de sources hétérogènes parfois difficiles à identifier.

Dans son propre domaine, ICICI Bank propose une palette d'incontournables, comprenant notamment le compte courant et sa carte de paiement associé, le prêt éducatif réglementé avec son simulateur d'avantage fiscal, divers moyens de transferts internationaux d'argent, le change de devises (au moins pour les premières menues dépenses en terre inconnue)… Et, pour les personnes qui anticipent l'avenir de leurs enfants, quelques solutions d'épargne et d'investissement font aussi partie du lot.

Profitant de sa présence en Allemagne, en Australie, au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni, qui, incidemment, constituent des destinations privilégiées pour sa cible (en dehors de l'Inde, bien sûr), ICICI inclut aussi des déclinaisons domestiques de ses produits de base. Elle préserve ainsi les immigrants des tracasseries administratives habituelles à leur arrivée, simplifie leurs démarches (par exemple les paiements de frais de scolarité ou de loyer) et facilite leur intégration rapide dans la vie locale.

ICICI Bank Campus Power

Dans son volet extra-financier, mis en œuvre grâce à des collaborations avec des entités tierces, les étudiants trouveront d'abord des ressources essentielles, telles que des guides d'orientation, des exercices de préparation aux tests (avec IDP Education), des cours de renforcement en anglais (avec le British Council)… Sur un plan plus opérationnel, ils ont en outre la possibilité de réserver leur voyage (avec EaseMyTrip) et de rechercher un logement (avec Casita), directement à partir du Campus Power.

Afin de faciliter la navigation dans ce riche corpus d'informations et de services, l'internaute est accompagné dans son parcours. Il commence par décrire son profil (étudiant ou parent) et l'état actuel de ses réflexions (niveau atteint, attentes et maturité du projet pédagogique, pays visé…). Il découvre alors les options correspondant exactement à sa situation, qui, hélas, renvoient chacune vers un espace indépendant.

Enfin, parce que, dans certaines circonstances, la banque estime que rien ne remplace une interaction en face à face, elle complète son dispositif avec des agences dédiées exclusivement à l'écosystème étudiant, dotées d'équipes expertes en la matière. La première a ouvert sur le campus de l'Institut de Technologie de Kanpur, et sept autres devraient rapidement suivre, dans les universités indiennes les plus prestigieuses.

Bien qu'elle ne prolonge pas son ambition jusqu'à l'intégration « sans couture » des produits qu'elle expose, l'approche d'ICICI Bank esquisse une parfaite illustration des opportunités du modèle de plate-forme pour le secteur financier : centrée sur le client, son contexte et ses besoins, couvrant au mieux l'exhaustivité de sa problématique, en faisant appel à des compétences externes chaque fois qu'il le faut, elle devient le support d'une vraie relation de confiance, focalisée sur les résultats et sur la satisfaction.

mercredi 22 juin 2022

Truist ouvre un centre d'innovation

Truist
Le lab d'innovation : voilà encore une mode qui a connu son heure de gloire dans les institutions financières il y a quelques années et qui a ensuite rapidement périclité, jusqu'à (presque) disparaître. Truist tente aujourd'hui de redonner une nouvelle jeunesse au concept, dans une déclinaison centrée sur l'expérience client et la collaboration.

Installé sur près de 10 000 mètres carrés à Charlotte, en Caroline du Nord, le magnifique Truist Innovation and Technology Center est divisé en une série de « stations », chacune consacrée à un objectif spécifique, autour du « Parc », où règnent la verdure et la lumière naturelle, disponible à tout moment afin de profiter d'une parenthèse de tranquillité ou engager une discussion informelle, du moins quand sa section panoramique n'est pas occupée par les dirigeants à l'occasion d'annonces importantes et autres interviews.

Certes, une partie des domaines couverts rappelle distinctement les expériences similaires du passé. Tel est le cas par exemple pour la zone des démonstrations où les visiteurs peuvent découvrir les prototypes en cours d'évaluation, l'espace des fabricants, proposant tout le nécessaire pour la création de maquettes (y compris physiques, avec des imprimantes 3D), ou encore le coin permettant de tester les technologies de réalité augmentée et virtuelle et imaginer leurs applications dans les métiers de la banque.

Particularité notable, tout de même, par rapport à d'autres initiatives du même genre, tout est ici conçu dans une logique de collaboration systématique, autant dans ce qui est produit – impliquant régulièrement des partenaires, géants technologiques (parmi lesquels Verizon et Amazon sont les premiers à s'engager) et startups (Unqork apporte ses solutions de développement rapide) – que dans ce qui est exposé – partagé le plus possible avec des clients, dans le but de recueillir leurs réactions et leurs suggestions.

Truist Innovation & Technology Center

L'orientation collective prend en outre une place prédominante dans deux autres approches, plutôt originales. Ce sont d'abord les « salles de parcours client », dont il existe une instance par segment (banque de tous les jours, conseil patrimonial, services aux entreprises…), dans lesquelles des équipes mixtes réfléchissent, avec les intéressés, aux évolutions des comportements et des attentes et élaborent les réponses adaptées. Il reste enfin le mini centre d'appel, avec ses 18 agents, qui offre un terrain de captation directe des besoins et frustrations sur lesquels capitaliser pour progresser.

Entre sa prise en compte de la prééminence de l'expérience client sur la technologie et la priorité donnée aux collaborations, la démarche de Truist semble ainsi suffisamment différenciée pour augurer un destin plus favorable que ses prédécesseures. Il faut également souligner que la réussite ne se mesurera pas uniquement à la qualité des innovations produites car, en ces temps de concurrence acharnée sur le marché de l'emploi autant que sur la séduction envers la FinTech, l'Innovation and Technology Center joue un rôle important pour l'image de la banque et sa capacité à attirer les talents.

mardi 21 juin 2022

SoLo, l'inclusion par le prêt entre particuliers

SoLo
En marge des grandes plates-formes qui se sont institutionnalisées en abandonnant peu à peu leur mission d'origine afin d'optimiser leur rentabilité, SoLo Funds revendique le positionnement de sa solution de prêts entre particuliers dans une démarche résolue d'inclusion financière, matérialisée, entre autres, par une certification B-Corp.

Si la promesse initiale des pionniers du domaine tels que Zopa et Prosper était d'ouvrir le crédit aux personnes restant à l'écart du système traditionnel pour cause de score insuffisant, le principe de réalité a rapidement repris le dessus et, aujourd'hui, la plupart des acteurs importants ont mis en place des critères de sélection quasiment identiques à ceux des banques traditionnelles (et ont massivement réorienté leurs sources de financement sur les marchés au détriment du modèle participatif, incidemment).

Heureusement, les enjeux de responsabilité sociale et environnementale stimulent l'émergence d'une génération d'entrepreneurs qui persistent à croire à la viabilité des ambitions des débuts, bien qu'elles ne soient pas autant porteuses d'espoirs de profitabilité. C'est donc le cas de SoLo Funds, fondée en 2018 dans le but d'aider les consommateurs mal servis par l'industrie, notamment parmi les minorités, et tout juste qualifiée pour la nouvelle cohorte du FinTech Innovation Lab de la ville de New York.

Dans cette perspective, elle adopte une approche extrêmement légère, endossant un simple rôle d'intermédiation sur une place de marché où l'emprunteur exprime ses besoins et ses conditions (échéance, obligatoirement inférieure à 35 jours, et gratifications, entièrement libres, qui se substituent au taux d'intérêt et aux commissions), que le prêteur peut satisfaire en quelques gestes (en totalité, il n'est pas prévu de divisions), les mouvements (instantanés) d'argent étant pris en charge par la startup.

Accueil SoLo

L'enrôlement des utilisateurs comprend une connexion avec leur compte bancaire principal, qui, grâce à une analyse de l'historique de transactions permet de leur affecter une première évaluation de fiabilité (elle sera par la suite ajustée selon le comportement observé au fil des emprunts), sur laquelle les apporteurs de fonds peuvent s'appuyer pour leurs décisions. Mais la philosophie sous-jacente vise plutôt à instaurer une logique de communautés, au sein desquelles se développe un véritable esprit d'entraide.

Par ailleurs, l'accent est fortement mis sur la protection contre les risques de surendettement (au bénéfice de tous) avec divers mécanismes tels que la limitation de durée et la restriction à des petits montants (le plafond maximal est de 500 dollars, modulé par la connaissance accumulée sur la personne), essentiellement adaptés à des situations d'urgence (d'ailleurs, le temps de réponse moyen est inférieur à 20 minutes). Des contenus éducatifs sont en outre exposés à chaque fois que le contexte s'y prête.

SoLo Funds rappelle à tout ceux qui les ont oubliées les fondations de la finance participative, qu'elle pousse à l'extrême en n'effectuant aucun filtrage à l'entrée (en dehors des procédures réglementaires de vérification d'identité), et démontre qu'elles restent d'actualité : plus de 80% de ses participants sont issus de populations notoirement exclues des circuits bancaires classiques, qui représentent une grande partie des nombreux américains vivant de paye en paye sans le moindre filet de sécurité.

lundi 20 juin 2022

Où va Revolut ?

Revolut
En dévoilant, la semaine dernière, sa nouvelle collaboration avec Revolut, Salesforce éclaire la stratégie de la jeune pousse sous un angle plutôt surprenant, avec sa focalisation sur les ventes, au moins dans ses activités à destination des entreprises, entre renforcement de son outillage et recrutement massif pour ses forces commerciales.

Lancée en 2015 sur l'idée originale de fournir des services financiers adaptés aux globe-trotters en tout genre, celle qui est devenue une des néo-banques les mieux valorisées au monde a évolué, comme la plupart de ses consœurs, en ajoutant régulièrement des produits et services, dont l'investissement en cryptomonnaies figure parmi les plus récents. Le résultat, tel qu'il ressort sur sa page d'accueil, est un vaste catalogue couvrant, outre le voyage, les paiements, l'épargne, l'assurance (embryonnaire)…

Derrière cette façade un peu banale, il devient de plus en plus difficile de faire la différence avec les établissements traditionnels, qui ont l'avantage évident de proposer une gamme de solutions beaucoup plus étendue et diversifiée, et qui, au moins pour les plus réactifs d'entre eux, ont eu le temps, en sept ans, de rattraper leur retard, par exemple sur la gestion des transactions dans les pays étrangers ou, plus généralement et quoique de manière nettement moins aboutie, en matière d'expérience utilisateur.

Dans ce contexte, quelle est donc la prochaine priorité pour Revolut ? Oubliez toute velléité d'innovation, la mise en place des outils de Salesforce et l'objectif de recrutement de 2 800 commerciaux pointent plutôt vers une démarche de vente agressive. On peut aisément imaginer qu'elle a pour but principal de convertir les détenteurs de comptes gratuits en clients payants, en vantant les mérites de ses options additionnelles. Et elle reproduira de la sorte le pire des banques historiques, sans leurs réseaux d'agences.

Salesforce + Revolut

C'est un syndrome classique, déjà identifié chez N26, qui affecte Revolut. Son point de départ lui a donné l'impulsion nécessaire à une croissance extraordinaire, mais celle-ci est désormais menacée par l'immobilisme qui s'est installé par la suite. Au lieu de chercher à maintenir son avantage compétitif, en développant sans relâche une vision originale, elle s'est contentée d'assembler les composantes d'une banque « normale » sans se rendre compte qu'elle y perdait son âme et sa capacité à séduire dans la durée.

Une particularité du secteur financier est de fonctionner sur des périodes longues, notamment quand il s'agit de changer en profondeur les habitudes des clients. Or cette caractéristique a des conséquences lourdes sur les opportunités de disruption : il est quasiment impossible d'imposer un nouveau modèle à partir d'une seule idée, aussi géniale soit-elle, car elle finira par être répliquée par les acteurs en place avant que son géniteur n'ait eu une chance d'affermir sa position. Il reste à espérer que la prochaine génération de trublions saura innover continuellement afin d'éviter ce piège.

dimanche 19 juin 2022

Vaincre les démons de la finance traditionnelle

U.S. Securities and Exchange Commission
En dépit des apparences, les institutions financières traditionnelles qui tentent de répliquer les recettes de la FinTech ne parviennent pas toujours à se débarrasser de leurs anciennes habitudes. La récente conclusion d'un litige entre le régulateur américain et trois filiales de Charles Schwab en fournit un exemple particulièrement révélateur.

L'affaire en question, qui s'est conclue par la restitution de 187 millions de dollars aux clients lésés (sans admission de culpabilité !), concernait le robot-conseiller d'investissement de l'institution, « Schwab Intelligent Portfolios ». La SEC reprochait à cette plate-forme sa stratégie d'allocation d'une partie des portefeuilles sur une enveloppe de liquidités qui, loin d'offrir l'optimisation de rendement qui lui était attribuée, était surtout exploitée par la banque affiliée pour financer ses crédits à bon compte.

En première analyse, qui correspond à celle des autorités, la pratique (abandonnée en 2018) reflétait la difficulté pour un établissement historique à s'aligner entièrement sur l'avantage tarifaire des nouveaux entrants dans sa réponse à la menace qu'ils représentent. La solution retenue consistait alors à générer des revenus indirects afin de compenser les coûts de fonctionnement, impossibles à maintenir au même niveau que chez les concurrents émergents faute d'une efficacité opérationnelle équivalente.

Cependant, en arrière-plan, ce qui fait le plus défaut à la démarche de Schwab dans cette histoire est son incompréhension des attentes profondes des consommateurs vis-à-vis de leurs fournisseurs et sa confusion quant à ce que la FinTech leur apporte de différent, au-delà du facteur relativement superficiel du prix des services. Je veux parler, bien évidemment, des quatre grands critères de succès à l'ère digitale que je réunis sous l'acronyme « TIPS » (pour transparence, immédiateté, personnalisation, simplicité).

Schwab Intelligent Portfolios

Or autant les trois dernières de ces caractéristiques, bien que non triviales à implémenter, relèvent essentiellement d'une mise en œuvre technique (à la fois dans la définition des processus et dans leur incarnation informatique), autant la transparence est prioritairement affaire de culture et s'avère, de ce fait, beaucoup plus complexe à inscrire dans l'innovation. Un vieux démon tel que le détournement au profit de la banque d'une partie des fonds confiés, en toute opacité, est ainsi toujours prêt à ressurgir.

Rétrospectivement, l'attitude de Schwab paraîtra un peu stupide, entre la quasi certitude de voir ses dérives exposées au grand jour à plus ou moins long terme, dans un monde où les cachotteries des grands groupes résistent rarement aux investigations des plus curieux, et l'impact désastreux sur son image de la dénonciation publique de ses malversations, sans même revenir sur la lourde pénalité pécuniaire qui lui est infligée.

En synthèse, cela reste encore une erreur courante, des années après la généralisation du mouvement, de considérer que la valeur ajoutée de la FinTech réside principalement dans la technologie (et certaines startups sont également parfois victimes de cette illusion). En réalité, les acteurs qui réussissent savent parfaitement que leur succès émane d'abord de leur capacité à ajuster leurs modèles aux besoins de leurs clients, en prenant en compte l'évolution de leurs comportements et de la société.

samedi 18 juin 2022

Izzy Constat, le constat amiable vraiment digital

Izzy Constat
Huit ans après l'annonce par la profession de la dématérialisation du constat amiable, le secteur de l'assurance n'a apparemment accompli aucun progrès en la matière et son application n'a pas connu la moindre évolution fonctionnelle majeure. Heureusement, une jeune pousse auvergnate, Réflexe Accident, a décidé de prendre le sujet en main.

La solution historique concoctée par France Assureurs, distribuée sous forme autonome ou comme module intégré dans les logiciels génériques de certaines enseignes, se contente en effet, depuis ses origines, de fournir un moyen de remplir et signer sur un téléphone le formulaire classique, tout au plus assorti de quelques explications sur ses différentes rubriques, puis de le transmettre par voie électronique. Seul véritable avantage par rapport à la version imprimée, l'automobiliste l'a toujours avec lui.

Si, lors de son déploiement initial, cet e-constat mobile paraissait prometteur, il n'aurait dû constituer qu'une première étape vers une remise à plat des modalités de déclaration des sinistres. Car, comme dans tant d'autres domaines, les technologies modernes et une approche focalisée sur l'expérience utilisateur permettraient d'envisager de rendre l'acte plus simple, plus accessible, moins susceptible d'erreurs et moins stressant, voire capable de soulager, au moins partiellement, l'angoisse qu'entraîne toujours un accident.

Accueil Izzy Constat

Telle est exactement la logique qui préside à la conception d'Izzy Constat. Concrètement, son chatbot expert, baptisé Marty, invite les conducteurs impliqués à répondre à une série de questions élémentaires destinées à décrire les circonstances exactes de l'événement. À partir des informations transmises, son intelligence artificielle établit un croquis schématique (modifiable) sur lequel, une fois validé, il suffira d'indiquer les dégâts apparents. Il restera à ajouter les données administratives et à signer pour générer le document et l'envoyer aux assureurs (ou laisser la startup s'en charger). En prime, une estimation du taux de responsabilité est calculée instantanément.

Disponible dès maintenant à titre expérimental, l'assistant virtuel recèle de nombreuses opportunités de s'enrichir de facultés additionnelles, parmi lesquelles un mode collaboratif, autorisant chacune des parties à participer à la conversation sur son propre téléphone, vient rapidement à l'esprit. Dans une projection plus lointaine, résolument utopique, on se prendrait même à rêver d'un pré-remplissage du dossier entièrement automatique, élaboré sur la base de l'analyse de photographies de la scène !

La découverte d'Izzy Constat débouche directement sur une question : pourquoi l'industrie n'a-t-elle pas prolongé ses efforts initiaux et transformé progressivement son application en quelque chose de similaire ? Et pourquoi aucun acteur en place n'a, à ma connaissance, essayé de combler cette lacune ? La réponse tient probablement à l'aveuglement classique qui consiste à n'envisager la mutation « digitale » que sous l'angle de la transposition des processus existants sur un support électronique, en oubliant la possibilité de réinventer les parcours et de profiter des technologies innovantes dans le but de mieux répondre aux attentes profondes des assurés.

VivaTech

vendredi 17 juin 2022

Les banques innovent-elles encore ?

Innovation
Après 15 ans d'expansion effrénée, la FinTech n'a pas réussi à supplanter les institutions financières traditionnelles – hormis dans quelques niches – et rien ne laisse aujourd'hui entrevoir qu'elle y parviendra jamais. En revanche, elle a un impact sensible sur leurs démarches d'innovation et pas obligatoirement dans un sens positif.

Dans le sillage de la crise de 2008, une génération d'entrepreneurs se prenaient à rêver de renverser les dinosaures de la banque, présentés comme directement responsables des difficultés d'alors. Quelques-uns ont indéniablement réussi à imprimer leur marque sur le monde, entre autres dans les paiements, mais l'utopie initiale est maintenant plus ou moins enterrée et l'ambition prioritaire des startups (et des investisseurs qui les soutiennent) est dorénavant de vendre leur technologie aux acteurs en place.

Ces derniers, de leur côté, ont connu une évolution parallèle. Une fois le premier choc passé, ils ont commencé à réagir à la fois aux changements perceptibles dans les attentes de leurs clients (la même période a vu la naissance et l'explosion de l'économie mobile) et, à des degrés variés, à la menace émergente des nouveaux entrants. Pendant une petite décennie, l'innovation est ainsi devenue une composante critique des stratégies et a accompagné de très près la transformation « digitale » du secteur.

Depuis quelques temps, les deux mouvements se sont mis à converger : les établissements historiques, prenant conscience du potentiel immense que recèle la FinTech, en termes de diversité, d'agilité, de vélocité… autant que dans sa capacité à appréhender les besoins de notre époque, ont progressivement transféré leurs espoirs d'innovation vers celle-ci, à un point tel qu'une grande partie, voire l'intégralité, de leurs programmes reposent désormais sur des expérimentations avec des partenaires.

Les avantages de l'approche sont évidents et en parfait alignement avec les handicaps classiques des grandes structures. La délégation des phases exploratoires, les plus incertaines et les plus susceptibles d'échouer, qu'elle instaure implicitement soulage en effet l'aversion au risque souvent inscrite au plus profond de leur culture. Il faut également souligner que ces étapes amont des processus sont celles qu'elles maîtrisent le moins et où leurs tentatives sont régulièrement sources de gaspillages et de frustrations.

En revanche, la tendance à ne compter que sur l'écosystème pour innover expose à de graves dangers qu'il ne faut surtout pas ignorer. Il s'agit d'abord de prendre garde à la finalité sous-jacente, qui peut facilement dériver vers une focalisation excessive sur les solutions proposées par les partenaires éventuels, au détriment de l'exigence de préoccupation centrée sur le client, qui plus est dans sa perception spécifique par l'institution et non sous une forme générique, toujours relativement artificielle.

Autre défaut majeur, la distanciation introduite par les collaborations systématiques nuit fortement au développement de l'indispensable culture d'innovation dans toutes les strates de l'organisation. Les conséquences s'étendent d'une absence persistante d'audace, conduisant à privilégier la maturité des concepts considérés et à éviter toute rupture, jusqu'à de possibles réticences récurrentes à adopter des produits externes. L'immobilisme et le conservatisme ont alors toutes les chances d'asseoir leur emprise.

Enfin, d'un seul point de vue technique, l'intégration de composants tiers dans le système d'information existant étant naturellement délicate et complexe, en comparaison des cas de logiciels créés par les équipes internes, la recherche de la facilité (notamment pour des raisons de coûts, de rapidité, de compétences, d'incompatibilités structurelles…) peut fréquemment aboutir à des compromis et des approximations préjudiciables à l'expérience utilisateur, contre-productives pour l'ensemble de la démarche.

En synthèse, la capitalisation sur la FinTech – qui s'est donc résolument adaptée à cette orientation – dans les programmes d'innovation de l'industrie financière est incontestablement une voie à poursuivre. Cependant, elle requiert la définition préalable des différents mécanismes qui lui permettront de s'épanouir, entre inscription explicite et partagée dans la stratégie, entretien du pilotage par les besoins des clients et mise en place et propagation d'un modèle de collaborations au cœur de toutes les activités.

Changement
Illustration par Gerd Altmann (via Pixabay)

jeudi 16 juin 2022

Kate Coin, l'illusion de l'innovation

KBC
En présentant comme une petite révolution un concept vieux de plusieurs décennies, cette annonce tonitruante de KBC mérite d'entrer directement au palmarès des plaisanteries, dont il vaut donc mieux rire… bien que la tentation soit grande de s'attrister du gaspillage (probablement conséquent) d'énergie et de ressources qu'elle reflète.

Nommée Kate Coin, en référence à l'assistant virtuel mis à la disposition des clients particuliers de la banque depuis la fin 2020, cette nouveauté extraordinaire (?) consiste en une monnaie numérique en circuit fermé, dont la valeur est fixée à parité avec l'euro. En tant que telle, elle est pensée pour des usages spécifiques, dans un périmètre contrôlé, relevant généralement d'avantages promotionnels ou de programmes de fidélité.

Les cas d'application envisagés par ses géniteurs comprennent ainsi, notamment, l'attribution de Kate Coins lors d'actes positifs pour l'environnement (un emprunt pour l'acquisition d'un vélo électrique…), qui peuvent être convertis en sommes à investir dans un portefeuille responsable ou utilisés, dans le cadre d'un partenariat avec un fournisseur tiers, pour l'achat de fruits et légumes bio, en bénéficiant d'une réduction exclusive.

En attendant une éventuelle concrétisation de ces rêves, après une série de tests préliminaires organisés dans un contexte interne (avec 200 collaborateurs de KBC), la première expérimentation à relativement grande échelle (en l'occurrence avec 8 000 employés) se déroulera, ce dimanche 19 juin, sur les stands de nourriture et de boisson d'un important festival en Belgique, qui accepteront les paiements en Kate Coins.

KBC – Kate Coin

Où est donc l'innovation dans cette initiative ? Les monnaies virtuelles réservées à des destinations prédéfinies existent depuis belle lurette, entre les porte-monnaie événementiels, les programmes de miles des compagnies aériennes ou leurs équivalents chez les émetteurs de cartes de crédit, les monnaies locales (telles que l'Élef en Savoie, pour n'en citer qu'une) ou celles dédiées à une cause (dont le Tooket solidaire du Crédit Agricole, toujours vivant et bien portant plus de 10 ans après sa naissance).

La seule différence qu'a à défendre le Kate Coin est de fonctionner sur une blockchain, décrite comme nativement programmable. La belle affaire ! Il n'y a là rien de magique, la programmation reste de la programmation et, dans les exemples que je viens de mentionner, il est également possible de fixer des périodes de validité ou toute autre condition de dépense, d'associer des avantages…, avec des technologies traditionnelles, dont la mise en œuvre et l'exploitation sont plus faciles et mieux maîtrisées.

A contrario, les incertitudes planent encore sur l'implémentation retenue puisqu'un des objectifs de la journée de mise en situation sur le terrain consiste à vérifier si elle sera capable d'encaisser un volume de transactions typique d'un déploiement industriel, ce qui reste fréquemment un défi pour ce genre d'approche. Enfin, la communication officielle de la banque insistant sur des usages à vocation environnementale, il faudra peut-être aussi penser à évaluer l'empreinte carbone du système, probablement énergivore.

Au fil des années et de la persistance des illusions technologiques, aujourd'hui renforcées par les promesses fallacieuses du métavers et du web3, la blockchain continue à susciter des projets incohérents et sans aucune valeur ajoutée, dans lesquels sont consommés des efforts et des sommes considérables, alors que les enjeux vitaux les plus urgents, en particulier autour de la « digitalisation », sont non seulement négligés mais, pire encore, pas du tout appréhendés dans un grand nombre d'institutions financières.

mercredi 15 juin 2022

Échos de France API

France API
Ce mardi 14 juin, se tenait à Paris la première édition de France API, unique événement français consacré… aux APIs. À travers des présentations combinant le point de vue de fournisseurs de technologie et quelques retours d'expérience concrets, cette journée nous procure l'occasion de faire un point sur la maturité collective autour du sujet.

Un constat positif qui émerge immédiatement, confirmé par la présence d'environ 500 personnes à la manifestation, est la place essentielle qu'occupent désormais les APIs dans les stratégies des entreprises, notamment dans le secteur financier, toujours en pointe par sa nature d'industrie de services. Leurs motivations sous-jacentes sont bien connues et de mieux en mieux maîtrisées : agilité du système d'information, rationalisation des projets, accélération de l'innovation et développement de nouvelles activités.

Malheureusement, derrière les discours théoriques, surgit rapidement un décalage avec la réalité du terrain. Ainsi, la plupart des spécialistes ramènent régulièrement les enjeux à des problématiques de réutilisation et à des fins d'efficacité opérationnelle, qui ne devraient plus être la priorité aujourd'hui. À l'inverse, beaucoup d'entre eux évoquent l'évolution vers une approche de produit des APIs… mais celle-ci est généralement prise dans une acception informatique et non métier. À aucun moment, par exemple, n'est évoquée la nécessaire focalisation sur le client qui devrait présider à la conception !

Les raisons de changer de point de vue sont pourtant clairement identifiées, entre le cas de la MACIF, qui veut repenser son architecture dans une perspective multi-producteurs et multi-distributeurs, et celui de BPCE, plusieurs fois mentionné, dont l'orientation vers un modèle de plate-forme impose une modernisation de son socle existant, en passant par Florian Graillot (Astorya) qui insistait, pour le secteur de l'assurance, sur l'impératif vital de prendre en compte la mutation inéluctable vers une logique de services enfouis.

Accueil France API

Mais, comme l'énonçait explicitement une intervenante et le sous-entendaient plusieurs de ses confrères, la vision qui prévaut largement est celle qui positionne l'API comme une référence technique pour la gestion des échanges entre applications et/ou systèmes. On est ici encore très loin de la notion de produit ! La capacité à l'appréhender comme un nouveau canal de distribution ou à la penser comme une offre prête à intégrer dans un parcours utilisateur de partenaire disparaît étrangement des préoccupations.

Certes les responsables qui s'expriment de la sorte font partie des départements informatiques. Ce n'est toutefois pas une justification, car leur principal rôle est de se projeter dans une réponse aux attentes de leurs interlocuteurs dans les lignes métier. Il est vrai que, sauf rares exceptions, ces derniers rencontrent des difficultés persistantes à dompter les tenants et aboutissants des APIs, fréquemment perçues comme de simples artefacts technologiques. Conséquence, c'est un dialogue de sourds qui s'instaure.

En conclusion, il reste beaucoup d'éducation à faire dans les entreprises, à tous les niveaux, afin d'espérer bénéficier pleinement des opportunités libérées par les APIs. Comme me le suggérait un participant, il faudrait peut-être commencer par revoir cette appellation, qui englobe des réalités extrêmement différentes, afin d'en isoler le sous-ensemble portant effectivement les promesses de nouveaux modèles d'affaires et d'innovation et le séparer des considérations purement technologiques. Rendez-vous à France API 2023 pour mesurer les progrès accomplis dans cette direction !

mardi 14 juin 2022

Lloyds insère l'affacturage dans la comptabilité

Lloyds Bank
Le principe de l'affacturage intégré au cœur de la plate-forme comptable de l'entreprise n'est certes plus une nouveauté mais il reste largement l'apanage de jeunes pousses audacieuses. Et quand, pour une fois, une banque telle que Lloyds essaye de s'inscrire dans le mouvement, il semblerait qu'elle ne puisse y parvenir seule.

L'annonce a été partagée à l'occasion de l'événement que Sage dédie annuellement à ses partenaires. À l'instar des précédentes initiatives du genre (dont celle de Finexkap), à compter de la fin de l'année, les clients britanniques de l'éditeur en mal de trésorerie pourront ainsi solliciter le financement de leurs factures émises en souffrance, individuellement ou de manière systématique, en quelques gestes, directement depuis leur logiciel de gestion habituel, à des conditions flexibles et totalement transparentes.

La particularité de l'opération est donc de faire officiellement apparaître le nom d'un établissement traditionnel. Cependant, Lloyds Bank n'est en réalité que le fournisseur du cœur de produit, se positionnant un peu comme l'usine sous-traitante d'une jeune pousse, Satago, dans laquelle elle a investi 5 millions de livres. Celle-ci est à l'origine à la fois de la technologie mise en œuvre et de la collaboration avec Sage, qu'elle désire décliner dans d'autres pays, ce pourquoi elle recherche des partenaires locaux.

Outre son recours à des banques pour l'apport des fonds nécessaires à son fonctionnement, qui est apparemment son modèle de prédilection, la startup est bien sûr encline à citer les marques qui l'accompagnent pour des raisons d'image. La présence d'une enseigne connue constitue en effet un facteur important de confiance qui lui permet de vaincre les réticences éventuelles face à un acte potentiellement intimidant, par sa simplicité, son immédiateté et sa nouveauté (dans un outil comptable et en dehors).

Sage Partner Summit

En revanche, la démarche de Lloyds Bank soulève quelques questions. D'un côté, son implication dans une approche de services enfouis représente une vraie reconnaissance d'une tendance inéluctable, dont elle se fait de la sorte une pionnière. De l'autre côté, le choix de s'appuyer sur un tiers pour l'implémentation, même en tenant compte de sa prise de participation, donne une impression de demie-mesure, entre un soupçon d'incapacité technique à offrir un processus de décision et de souscription « digital » optimal et, peut-être, la perception d'une évolution pas si stratégique qu'elle devrait l'être.

Les progrès de l'industrie vers la « banque en services » (BaaS) et la distribution au plus près des besoins des clients restent globalement timides. Le premier pas fait par Lloyds Bank marque une avancée notable, dans un domaine qui approche désormais la maturité dans ce registre. Malheureusement, derrière les hésitations et les limitations, ressort probablement l'impuissance qu'entraîne le retard pris dans la transformation numérique – celle qui ne se contente pas de décliner le concept d'agence dans une application web ou mobile mais réinvente les métiers de fond en comble pour l'ère technologique.

lundi 13 juin 2022

HSBC forme ses collaborateurs à la FinTech

HSBC
Je le répète souvent ici, la transformation « digitale » de la banque est affaire autant, voire plus, de culture d'entreprise que de technologie. Pour cette raison, HSBC offre désormais à l'ensemble de ses collaborateurs, dans tous ses métiers, un programme pédagogique de découverte de la FinTech dans une optique de sensibilisation.

Toutes les institutions financières devraient se plier à ce petit exercice consistant à interroger leurs employés sur leur compréhension de la mutation que connaît le secteur et de l'émergence d'une génération de trublions qui réinventent les approches historiques. Elles découvriraient qu'une bonne partie d'entre eux, enfoncés dans le confort de leurs habitudes, ne perçoivent pas l'ampleur et la portée du phénomène, même quand ils connaissent et, parfois, utilisent des solutions telles que PayPal, Revolut, Wise…

Or cette ignorance représente un handicap majeur dans les stratégies de modernisation, non seulement parce qu'elle limite automatiquement les velléités et les capacités d'envisager de nouvelles manières de produire et délivrer des services mais également à cause du sentiment de sécurité qu'elle crée et qui conduit, sciemment ou non, à discréditer les idées originales et rejeter les innovations. Et même si les équipes informatiques sont au front, ce sont tous les salariés qui contribuent à l'immobilisme.

Forts de cette conviction, les responsables de HSBC lancent donc un plan d'action dont la première étape vise à faire prendre conscience à tous des enjeux de notre époque, à travers une mise en perspective de ce que la FinTech apporte de radicalement différent dans les activités existantes. Dans ce but, elle met librement à la disposition de ses troupes un cours en ligne mis au point avec l'université d'Oxford spécialement pour ses besoins, sur la base d'un cursus conçu à l'origine pour les entrepreneurs.

HSBC FinTech 101

Concrètement, les thèmes abordés au long des quatre (bien courtes) heures du parcours proposé se répartissent entre, notamment, un aperçu extensif de la disruption « digitale » et de la notion de plate-forme, ainsi que, à une échelle plus détaillée, l'intelligence artificielle et la banque ouverte (« open banking », un sujet particulièrement mal appréhendé à ce jour dans l'industrie). De nombreux exemples récents accompagnent les présentations théoriques, afin de mieux faire appréhender aux étudiants la réalité des changements en cours et leur impact potentiel sur leur quotidien.

L'inévitable transformation du secteur financier entraînée par l'emprise des technologies et les évolutions des comportements et attentes des clients ne pourra aboutir que si les organisations parviennent à rassembler toutes leurs forces derrière le chantier. Parce que rien n'a été fait jusqu'à maintenant dans ce but, il devient impératif de commencer par introduire un sens de la menace qui pèse sur l'avenir. Le meilleur moyen pour ce faire est bien de mettre en lumière les modèles innovants qui se développent autour de la banque traditionnelle. Mais ce ne sera qu'un point de départ à la révolution culturelle.