Malgré les craintes de l'industrie face à une concurrence menaçante, les aventures des géants du web (occidentaux) dans le domaine financier reposaient jusqu'à maintenant sur des collaborations avec des acteurs en place. Avec le lancement de sa solution de paiement fractionné (BNPL), développée en propre, Apple change désormais de stratégie.
À l'occasion du traditionnel discours d'ouverture de sa conférence annuelle pour les développeurs (WWDC), la marque à la pomme confirmait donc la rumeur insistante qui se propageait depuis presque un an. Les utilisateurs américains éligibles de son application de paiement mobile se voient ainsi offrir la faculté de répartir en 4 fois, sur 6 semaines, sans aucun frais ni intérêt, le règlement de leurs achats, quels qu'ils soient, dans la seule limite du plafond d'engagement établi préalablement pour chaque individu.
De toute évidence, le produit paraît, en soi, résolument classique, même accompagné de son tableau de bord, destiné, dans une tentative un peu timorée de prendre soin du bien-être financier du consommateur, à fournir en permanence à ce dernier une transparence totale sur l'état de ses dettes et son échéancier de remboursement. Néanmoins, par son immersion au sein d'un porte-monnaie mobile parmi les plus populaires du monde, il devient instantanément un poids lourd face aux spécialistes.
En revanche, alors qu'Apple nous avait habitué, comme les autres membres du club des GAFA, à n'avancer dans le marché des paiements qu'à travers l'intégration de capacités fournies par des partenaires issus du sérail, tels que Goldman Sachs pour sa carte de crédit, la grande surprise avec cette initiative est qu'elle est portée directement par l'entreprise – pour la qualification des clients, le gestion des risques et le financement – par l'intermédiaire d'une filiale dédiée possédant toutes les licences nécessaires.
La décision, qui marque une rupture importante pour un groupe technologique (sauf en Asie), est certainement justifiée par les moyens dont dispose Apple, entre sa trésorerie colossale (environ 200 milliards de dollars de liquidités), qui trouvera là un nouvel emploi, et sa captation des informations sur les transactions réalisées avec ses téléphones, autorisant une analyse de fiabilité et de risque extrêmement performante, que la récente acquisition de Credit Kudos peut en outre contribuer à faire monter en puissance.
À défaut de charte bancaire, l'évolution envisagée vers la vente à tempérament (pour des prêts sur plusieurs mois) devrait revenir à un modèle de coopération (probablement avec Goldman Sachs). Cependant, à l'inverse, Apple travaillerait actuellement à la conception d'une plate-forme interne de traitement des paiements (aujourd'hui prise en charge par CoreCard). Par ailleurs, aucune précision ne filtre sur l'extension prévue de l'option BNPL hors des États-Unis : reposera-t-elle sur la même approche indépendante ?
En synthèse, il est difficile de déterminer à quel niveau Apple place ses ambitions d'infiltration au plus profond de l'univers financier. Certes, les ressources ne lui manquent pas et la perspective de garder le contrôle des outils encourageant la fidélité et l'adhérence des usagers à ses matériels et logiciels constitue une motivation majeure. Mais la complexité du marché, surtout quand il faut appréhender une vision globale, avec, notamment, des réglementations nationales disparates, reste aussi un frein important.
Presque 10 mois plus tard, Apple Pay Later est enfin officiellement lancé…
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