Je suis prêt à admettre ne pas être extrêmement assidu de l'actualité de l'innovation dans la banque privée, mais la discrétion du secteur ou, comme aujourd'hui avec celle de BNP Paribas, la teneur des annonces qui en émanent laisse entrevoir une attitude excessivement prudente vis-à-vis de la transformation « digitale » et de ses opportunités.
Présenté comme une étape dans le plan stratégique du Groupe, le « Portail d'Actifs Privés », qui sera déployé dans tous les pays d'implantation de l'établissement avant la fin de l'année, est une plate-forme en ligne destinée aux clients ayant souscrit à un fonds d'investissements privés (comprenant sociétés non cotées, immobilier et infrastructures). Il leur permettra de surveiller leur portefeuille et ses performances, de recevoir des alertes en cas d'information importante et de consulter des contenus thématiques.
C'est tout ? Apparemment, oui. Nulle part dans la communication officielle ne sont mentionnées des possibilités aussi basiques que : une application pour smartphone (oublié le « mobile d'abord » ?), des recommandations personnalisées, l'exécution d'opérations, le dialogue ou, au strict minimum, la prise de contact avec un conseiller… La banque donne l'étrange impression de faire ses premiers pas sur le web, comme si nous étions encore au début du siècle, s'ébahissant de sa découverte et de son audace !
Le premier diagnostic à porter sur l'initiative est son prolongement, tragique en 2022, de la confusion qu'elle entretient entre la simple transposition de processus et de pratiques historiquement physiques – à base de documents imprimés et de rendez-vous face à face – et ses prétentions à la « digitalisation », qui demanderaient de repenser de fond en comble les modalités de la relation avec le client, telles que ce dernier les attend aujourd'hui, en capitalisant sur les médias numériques et les technologies.
Et puis il faut bien s'attarder sur cette idée saugrenue de développer une solution indépendante dédiée aux actifs privés, à l'écart de la plate-forme myWealth, dont on aurait logiquement imaginé, même si elle n'est guère plus riche fonctionnellement, qu'elle avait vocation à constituer la plaque tournante du patrimoine pour les clients de BNP Paribas, quelles que soient les gammes de produit qu'ils possèdent. À l'ère de l'intégration des services financiers multi-fournisseurs, l'approche détonne singulièrement.
Elle ne doit pourtant pas surprendre. Elle reflète en effet la culture ancestrale d'une institution profondément centrée sur elle-même, incapable de transcender ses silos organisationnels, et la volonté d'un département de créer SON logiciel (en affirmant sans rire qu'il offre une perspective à 360° !), sans se soucier outre mesure des besoins de ses utilisateurs et sans se préoccuper de l'évolution de leurs habitudes. Où est donc passée la co-construction censée présider au programme « Client Experience » ?
Si BNP Paribas Wealth Management est représentative de la profession (et je crains qu'il n'y ait pas beaucoup mieux à espérer), il faut croire que la banque privée a pris un retard considérable dans la mutation générationnelle affectant le reste du monde. Il devient maintenant urgent de prendre conscience des véritables défis à relever car les personnes, de plus en plus nombreuses, qui privilégient un pilotage « digital » de leur patrimoine n'accepteront plus très longtemps les archaïsmes qui prédominent actuellement.
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