Pour de nombreux observateurs, l'idée que les institutions financières pourraient devenir des firmes technologiques est une absurdité. Pour quelques-unes d'entre elles, il s'agit désormais d'une ambition. Pour Capital One, c'est une réalité qui prend corps, avec la création d'une filiale dédiée à la commercialisation de logiciels aux entreprises.
Comme quand ING lançait SAIO l'année passée pour distribuer son expertise en matière de robotisation de processus (RPA), c'est bien parce qu'elle estime posséder un avantage déterminant dans un domaine spécifique (purement informatique) que Capital One s'engage dans une telle démarche. En l'occurrence, elle joue sur son exceptionnelle maturité dans l'infonuagique (avec sa rare stratégie d'adoption universelle du cloud public), plus particulièrement autour de la donnée et de l'intelligence artificielle.
Le premier produit qu'elle propose, essentiellement à des grands groupes, est une plate-forme (SaaS) de pilotage des entrepôts de données Snowflake, une solution populaire de « datawarehouse as a service ». Sans entrer dans des détails sordides, Slingshot permet aux équipes de la DSI de centraliser et automatiser les allocations de ressources nécessaires au stockage et aux calculs, sous le contrôle d'une gouvernance rigoureuse, afin d'optimiser les coûts tout en offrant un maximum de flexibilité aux utilisateurs.
Une originalité du modèle d'éditeur de Capital One Software est que son outil est directement issu des besoins et des réalisations de sa maison mère. Avant d'avoir conquis un client externe, elle peut ainsi mettre en avant, preuves à l'appui, le cas d'usage auquel il répond (en insistant ici sur l'absence d'équivalent sur le marché) et les bénéfices concrets qui en sont retirés (à savoir l'économie de 50 000 heures d'efforts manuels et la réduction – projetée – de 27% de la facture globale de services infonuagiques).
Naturellement, un deuxième argument de vente puissant de Capital One Software est son intransigeance vis-à-vis de la sécurité (entre autres sur la protection des données et la gestion des accès), d'autant plus critique quand il est question de déploiements dans des infrastructures cloud publiques sur lesquels ses clients potentiels ne disposent généralement pas de sa longue expérience. S'y ajoute peut-être, pour certains, la confiance distinctive accordée à un pair (plutôt qu'à un spécialiste du logiciel).
L'initiative méritera d'être surveillée, car rien ne dit qu'elle sera couronnée de succès. Un obstacle prévisible est notamment la difficulté, souvent mal anticipée, que rencontrera la banque à concilier ses habitudes de développement « à façon » avec la mise en place d'une approche standardisée (externalisée de fait), dans laquelle, par exemple, les évolutions sont dictées par les demandes de l'ensemble des clients.
Quelques acteurs, dont la MAIF, considérant aussi avoir un patrimoine logiciel susceptible d'intéresser d'autres entreprises, font plutôt le choix du partage sous licence libre, en profitant au passage de ses opportunités de contributions et d'enrichissement. À l'opposé, l'option retenue par Capital One vise évidemment à créer une nouvelle source de revenus à partir d'une charge intrinsèque à son activité… au prix de la mise en place d'une lourde organisation (ventes, support…) : le jeu en vaudra-t-il la chandelle ?
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