En dépit des apparences, les institutions financières traditionnelles qui tentent de répliquer les recettes de la FinTech ne parviennent pas toujours à se débarrasser de leurs anciennes habitudes. La récente conclusion d'un litige entre le régulateur américain et trois filiales de Charles Schwab en fournit un exemple particulièrement révélateur.
L'affaire en question, qui s'est conclue par la restitution de 187 millions de dollars aux clients lésés (sans admission de culpabilité !), concernait le robot-conseiller d'investissement de l'institution, « Schwab Intelligent Portfolios ». La SEC reprochait à cette plate-forme sa stratégie d'allocation d'une partie des portefeuilles sur une enveloppe de liquidités qui, loin d'offrir l'optimisation de rendement qui lui était attribuée, était surtout exploitée par la banque affiliée pour financer ses crédits à bon compte.
En première analyse, qui correspond à celle des autorités, la pratique (abandonnée en 2018) reflétait la difficulté pour un établissement historique à s'aligner entièrement sur l'avantage tarifaire des nouveaux entrants dans sa réponse à la menace qu'ils représentent. La solution retenue consistait alors à générer des revenus indirects afin de compenser les coûts de fonctionnement, impossibles à maintenir au même niveau que chez les concurrents émergents faute d'une efficacité opérationnelle équivalente.
Cependant, en arrière-plan, ce qui fait le plus défaut à la démarche de Schwab dans cette histoire est son incompréhension des attentes profondes des consommateurs vis-à-vis de leurs fournisseurs et sa confusion quant à ce que la FinTech leur apporte de différent, au-delà du facteur relativement superficiel du prix des services. Je veux parler, bien évidemment, des quatre grands critères de succès à l'ère digitale que je réunis sous l'acronyme « TIPS » (pour transparence, immédiateté, personnalisation, simplicité).
Or autant les trois dernières de ces caractéristiques, bien que non triviales à implémenter, relèvent essentiellement d'une mise en œuvre technique (à la fois dans la définition des processus et dans leur incarnation informatique), autant la transparence est prioritairement affaire de culture et s'avère, de ce fait, beaucoup plus complexe à inscrire dans l'innovation. Un vieux démon tel que le détournement au profit de la banque d'une partie des fonds confiés, en toute opacité, est ainsi toujours prêt à ressurgir.
Rétrospectivement, l'attitude de Schwab paraîtra un peu stupide, entre la quasi certitude de voir ses dérives exposées au grand jour à plus ou moins long terme, dans un monde où les cachotteries des grands groupes résistent rarement aux investigations des plus curieux, et l'impact désastreux sur son image de la dénonciation publique de ses malversations, sans même revenir sur la lourde pénalité pécuniaire qui lui est infligée.
En synthèse, cela reste encore une erreur courante, des années après la généralisation du mouvement, de considérer que la valeur ajoutée de la FinTech réside principalement dans la technologie (et certaines startups sont également parfois victimes de cette illusion). En réalité, les acteurs qui réussissent savent parfaitement que leur succès émane d'abord de leur capacité à ajuster leurs modèles aux besoins de leurs clients, en prenant en compte l'évolution de leurs comportements et de la société.
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