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C'est pas mon idée !

lundi 31 mai 2021

Le GAB omnicanal de CaixaBank

CaixaBank
La baisse régulière des volumes de paiement en espèces, fortement accélérée par la pandémie, incite de nombreuses banques à réduire leurs parcs d'automates, perçus comme devenant progressivement inutiles. En revanche, pour l'espagnole CaixaBank, les distributeurs ont encore suffisamment d'avenir pour mériter une modernisation.

S'il démarre doucement, avec le déploiement de quelques améliorations cosmétiques sur une cinquantaine d'appareils installés dans les quartiers clés de Barcelone, c'est, à terme, un programme extrêmement ambitieux, destiné à couvrir l'ensemble du territoire, que prépare l'établissement, dans le but d'intégrer plus étroitement ses GAB au cœur de sa stratégie de relation client. Les priorités retenues pour ce faire relèvent d'abord, naturellement, de l'expérience utilisateur, supportée par de nouveaux services.

La première étape consiste ainsi à refondre les interfaces graphiques, de manière à les harmoniser avec les modèles mis en œuvre dans les applications web et mobiles existantes. L'objectif, trivial, est de capitaliser sur l'immense popularité de ces logiciels afin d'offrir une interaction familière quel que soit le canal emprunté. Le principe pourra d'ailleurs fonctionner dans le sens inverse, et permettre à des personnes a priori réticentes d'apprivoiser la banque sur leur smartphone, avec des mécanismes habituels.

La facilité d'utilisation est ensuite consolidée, grâce à, par exemple, une option de retrait finalisée en deux gestes. Plus élaborée, la personnalisation de l'écran d'accueil procure à chaque client la faculté de retrouver instantanément ses opérations les plus fréquentes dès que sa carte est reconnue et authentifiée. Il s'agit d'une idée ancienne (j'en retrouve des traces en 2013…) qui n'a jamais réussi à s'imposer mais reste pourtant attractive, surtout si le GAB a vocation à diversifier ses fonctions avec l'extinction du cash.

GAB de CaixaBank

En parallèle, CaixaBank accélère l'implémentation de son dispositif de reconnaissance faciale, qui sera présent sur 1 250 terminaux cet été. Combiné avec la lecture sans contact, qui accepte également les cartes virtuelles enregistrées dans un téléphone, il optimise la sécurité des transactions. Et, désormais, le parcours d'enrôlement prend sa totale autonomie, capture des données biométriques comprise, puisqu'il peut être réalisé entièrement depuis l'application mobile de la banque, sans l'assistance d'un conseiller.

Mais ce ne sont là que les prémices d'une vision beaucoup plus large. En effet, la cible ultime est de faire des automates des composantes d'une approche 100% omnicanale, dans laquelle le client a la liberté de choisir, à tout moment, pour chaque action, au cours de n'importe quel processus, de l'exécuter via le média de son choix et passer à sa convenance ou selon le besoin, sans frictions, de son micro-ordinateur à un rendez-vous avec son conseiller ou du centre d'appel au distributeur du coin de la rue.

Alors que nous entrons dans une période où les consommateurs adoptent massivement les services en ligne, la promesse d'une expérience transparente à travers tous les canaux de relation n'est probablement plus aussi importante que par le passé. Mais l'avancée restera utile pour une catégorie de population encore timorée sur les plates-formes électroniques. Et CaixaBank saura peut-être trouver les cas d'usage pertinents, au-delà des opérations impliquant des échanges physiques (de billets ou autres)…

dimanche 30 mai 2021

Banques et environnement : qui croire ?

ACPR
D'un côté, le premier test climatique du secteur financier français conduit par l'ACPR et montrant une exposition contrôlée aux risques environnementaux, dont se réjouit d'ailleurs la FBF. De l'autre, OXFAM France s'indigne de la croissance des financements par les grandes banques de l'industrie des énergies fossiles. Alors, qui croire ?

Commençons par les bonnes nouvelles. La principale est donc l'organisation, entre juillet 2020 et avril 2021, à titre expérimental, d'un exercice d'évaluation de la sensibilité des grands acteurs hexagonaux aux incertitudes de la transition écologique. Une première mondiale plutôt réussie puisqu'elle a rassemblé 9 groupes bancaires et 15 groupes d'assurance parmi les plus importants du pays (ils représentent 85% et 75% des bilans totaux de leurs domaines), alors que la démarche relève, à ce jour, du seul volontariat.

Surprenante de prime abord, la méthodologie employée, qui, de l'aveu du régulateur comporte encore des limites et nécessitera des ajustements pour être pleinement efficace, s'avère finalement adaptée à son objectif. En effet, elle établit une estimation de l'impact économique sur les institutions participantes d'un scénario à 30 ans, dans lequel sont injectées des hypothèses de mutation sociétale concoctées dans le cadre du réseau des banques centrales pour le verdissement du système financier (NGFS).

Pas question de calculer des projections directes sur le réchauffement de la planète, qui n'auraient guère de valeur et paraîtraient probablement trop abstraites, l'approche vise le portefeuille, en s'inspirant des « stress-tests » financiers aujourd'hui bien connus. En pratique, il s'agit de répondre à des interrogations telles que « quelles conséquences sur la solidité de la banque si l'industrie pétrolière s'effondre ? » ou « la compagnie d'assurance parvient-elle à surmonter la multiplication des catastrophes naturelles ? ».

Or, sur ces critères, les entreprises mesurées se positionnent relativement bien et apparaissent modérément affectées par les chocs climatiques considérés. En particulier, la proportion de leurs engagements sur les 7 secteurs identifiés comme les plus menacés (mine, chimie, raffinage, métallurgie…) se situe à un niveau raisonnable (moins de 10% pour les banques). Bien sûr, cette moyenne cache des disparités entre acteurs mais elle procure un intéressant aperçu de la situation, dans un contexte global.

OXFAM France – Quoi qu'il en coûte

Cependant, l'envers du décor, que révèle l'analyse réalisée par OXFAM France et Les Amis de la Terre sur l'activité dans les énergies fossiles des 4 premiers groupes français (BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole et Société Générale), ouvre une autre perspective. Leurs financements ont ainsi crû de 22,5% sur 2020, pour atteindre 100 milliards de dollars, tandis que leurs investissements s'élèvent à quelques 43 milliards de dollars. Et la reprise économique prévue en 2021 laisse craindre le pire pour cette année.

Du point de vue des deux associations, nous assisterions à une véritable fuite en avant. Les géants du pétrole et du gaz (BP, Chevron, ExxonMobil, Shell, Total…) souffrent de la conjoncture et leurs titres se déprécient dans les portefeuilles. Les banques (qui, par exemple, ont vu s'évaporer 1,4 milliards de dollars sur les actifs qu'elles détiennent) manœuvreraient donc dans le but de les maintenir à flot et, de la sorte, limiter leurs pertes, sans aucune préoccupation des implications de ces choix pour l'environnement.

Heureusement, l'exercice de l'ACPR permet de conclure que cette perception est sans doute excessive. La dépendance des institutions financières aux énergies fossiles n'est certes pas négligeable, mais elle ne constitue résolument pas un risque vital. Il reste pourtant vrai que, à l'échelle des départements qui gèrent ces positions, le réflexe de survie est probablement omniprésent, induisant ce gouffre persistant entre la réalité des opérations et les discours rassurants sur la prise en compte des enjeux de RSE.

Soyons optimiste et croyons à la sincérité des déclarations. La problématique à traiter se résume alors classiquement à un « simple » besoin de réaligner l'ensemble de la structure sur la vision stratégique élaborée au sommet. Il ne suffit pas, pour ce faire, de communiquer vers l'extérieur, il est indispensable de convaincre et d'accompagner les collaborateurs, surtout les plus touchés par le changement. Le régulateur pourrait en outre introduire des incitations spécifiques, complémentaires de ses efforts de surveillance.

samedi 29 mai 2021

Hearth finance les travaux sur devis

Hearth
Les commerçants disposent d'une palette de plus en plus large de solutions de financement sur le point de vente, mais qu'en est-il des artisans ? Aux États-Unis, Hearth a concocté une offre originale, dédiée aux professionnels de l'habitation, qui leur permet d'accélérer leur cycle de vente sans sacrifier la liberté de choix de leurs clients.

Destinée principalement aux indépendants et aux petites structures qui ne possèdent pas une dimension suffisante pour établir une collaboration directe avec un établissement de crédit, l'application mobile de Hearth leur apporte d'abord un moyen simple de délivrer un service équivalent : une fois leur devis établi et moyennant la saisie de quelques informations personnelles sur le bénéficiaire, elle suggère un plan de financement et transforme immédiatement le coût des travaux demandés en un échéancier mensuel.

Elle dispose cependant d'un deuxième avantage, exclusif. En effet, n'étant pas elle-même bailleresse de fonds, la jeune pousse se positionne en réalité comme un comparateur (et courtier) en temps réel. À ce titre, elle est capable de rechercher la meilleure option disponible pour chaque opération et pour chaque situation, à la fois en explorant les catalogues de plusieurs fournisseurs et en évaluant diverses catégories de produits (prêt à la consommation, prêt hypothécaire, carte de crédit spécialisée…).

Afin de simplifier la vie de ses utilisateurs, Hearth enrichit leur expérience avec quelques options pratiques. En amont des chantiers, un système de suivi des dossiers de financement déposés invite à en vérifier l'avancement à tout moment et émet une alerte dès leur acceptation définitive, de manière à déclencher le début des travaux. En aval, un module d'encaissement en ligne – reposant sur la technologie de Stripe – est également intégré de manière à libérer un peu plus l'entrepreneur des tâches administratives.

Accueil Hearth

Il s'agit là d'un axe essentiel de l'ambition des fondateurs de la startup : faire en sorte que les artisans puissent consacrer un maximum de temps à exercer leur métier, au lieu de le perdre en actes de gestion pour lesquels il n'ont pas les compétences requises. Parmi ces dernières, il faut d'ailleurs espérer que les algorithmes mis en œuvre comprennent un volet de conseil intelligent, aidant le client final à faire les bons choix parmi les instruments qui lui sont présentés. Car, naturellement, la seconde priorité de Hearth est de faciliter le pilotage financier des rénovations pour les consommateurs.

Enfin, en adoptant un modèle économique par abonnement (à partir de 1 000 dollars par an), elle affirme clairement sa mission de catalyseur purement technologique d'optimisation des parcours dans l'économie moderne. En clair, et sous un angle qu'il est aisé de généraliser, l'innovation ne se situe plus au niveau des services bancaires distribués mais uniquement dans leur orchestration au cœur des moments dans lesquels ils sont nécessaires. Elle relève ainsi du design et de l'informatique et non de la finance.

vendredi 28 mai 2021

Lemonade : IA mais pas trop

Lemonade
Une polémique déclenchée sur Twitter par une tentative de Lemonade d'expliquer comment l'intelligence artificielle l'aide à optimiser sa gestion des sinistres nous procure une occasion de découvrir les limites de la technologie, sur deux plans complémentaires : la perception du grand public et les frontières éthiques infranchissables.

Ce n'est pas un secret. Depuis l'origine, la jeune pousse déploie de puissants algorithmes d'analyse au sein de ses processus de manière à, notamment, renforcer son efficacité opérationnelle, améliorer son expérience utilisateur et réduire la fraude. Sa déclaration de sinistre, en particulier, adopte une méthode originale puisqu'elle se déroule en vidéo, dans le but de simultanément capter automatiquement toutes les informations nécessaires – pour une indemnisation immédiate – et repérer les tentatives d'abus.

Malheureusement, évoquer ces méthodes publiquement éveille fatalement les soupçons d'une fraction de la population, probablement peu nombreuse mais, comme toujours avec les médias sociaux, capable de capter une visibilité importante en quelques échanges. Il est vrai que la description de sa faculté de déchiffrer des « indices non verbaux » au sein des conversations enregistrées n'était peut-être pas une idée très heureuse tant elle est sujette à interprétations et source de confusions possibles.

Les phantasmes ont rapidement pris une dimension invraisemblable, jusqu'à des références à la phrénologie et la physiognomonie, portant la croyance d'une exploitation des caractéristiques physiques du demandeur dans le cadre de l'évaluation de son dossier. Tel est le risque auquel s'expose une entreprise qui promeut une transparence totale… mais n'est pas exempte d'erreurs de communication, dans un domaine perçu par le citoyen lambda comme mystérieux et, par conséquent, propice aux pires excès.

En effet, dévoiler les dessous des technologies mises en œuvre ne suffira jamais à conquérir les consommateurs si l'ignorance (normale) de ces derniers n'est pas prise en compte. En l'occurrence, Lemonade touche à deux sujets sensibles et méconnus : l'intelligence artificielle, d'une part, et l'assurance, d'autre part. Oui, l'assurance, dont les principes statistiques sont généralement nébuleux pour le non spécialiste et dont les problématiques sont totalement ignorées, en particulier en matière de fraude.

Lemonade – Automatisation dans la gestion de sinistre

Face au mini-scandale suscité par ses propos, la startup a remis les pendules à l'heure. Elle rejette les accusations dont elle fait l'objet et affirme clairement ne pas utiliser les traits ou les expressions du visage (y compris l'analyse de sentiment) dans ses algorithmes de détection de fraude. Elle se contente, dit-elle, de vérifier qu'une même personne ne se présente pas sous des identités multiples, tandis qu'elle considère que le simple fait de décrire le sinistre en vidéo réduit la propension de ses clients à mentir.

Surtout, Lemonade clame sa conviction que des biais affectent inévitablement les résultats obtenus par logiciel et que, pour cette raison, elle estime impossible de concevoir un système déterministe capable de remplacer l'humain. Elle enfonce alors le clou en indiquant qu'un agent est obligatoirement impliqué lors d'une décision de rejet d'une demande (ce qui est vraisemblablement une exigence légale, par ailleurs, sans même aborder les questions d'éthique sous-jacentes) et… qu'il en sera toujours ainsi.

Notons au passage que ce raisonnement qui prétendrait donner à un individu le libre arbitre ultime afin d'éviter l'abus de pouvoir des machines reflète une parfaite illusion. Que fera donc ce quidam des conclusions et recommandations restituées par les algorithmes ? N'aura-t-il pas tendance à les accepter sans exercer son esprit critique, que ce soit par facilité (paresse) ou par excès de confiance ? N'oublions pas que l'être humain aussi est victime de biais, souvent encore plus incontrôlables que ceux des logiciels.

Son discours permettra certainement à la jeune pousse de surmonter cette crise mais il ne répond en rien aux enjeux soulevés. Toutes les organisations adeptes de l'intelligence artificielle au service de leurs usagers seront confrontées à ce même dilemme de la transparence auprès d'une population qui n'est pas en mesure d'appréhender la teneur de l'information qui lui est fournie. Ce n'est pas un motif pour abandonner ni la technologie ni le désir de pédagogie. Mais d'autres incidents de parcours surviendront.

jeudi 27 mai 2021

Des petites frictions contre la fraude ?

NatWest
Presque un demi-milliard de livres sterling détournés en 2020, en hausse de 22% par rapport à l'année précédente, par des fraudes dites « APP » (« Authorized Push Payment »), consistant à convaincre un client, souvent par ingénierie sociale, d'approuver un transfert vers le compte d'un escroc. Pas étonnant que les banques britanniques multiplient les protections, même aux dépens de l'expérience utilisateur.

Taxer l'industrie de laxisme serait malhonnête. Au fil des années, ont été successivement mises en place quantité de mesures de prévention afin de limiter les risques. Entre les étapes de temporisation des opérations et le contrôle généralisé du bénéficiaire, qui, déjà, induisent quelques frictions lors de l'exécution de virements, en passant par le régulateur qui pousse à un remboursement systématique des pertes subies, la lutte s'est organisée sérieusement. Mais, en parallèle, la criminalité est toujours plus sophistiquée.

Pour NatWest, il est temps d'ajouter une nouvelle arme à son arsenal. En l'occurrence, il s'agit simplement d'un mécanisme de plafond quotidien sur les virements. Initialement fixé à 20 000 livres pour tous les comptes, il est désormais abaissé d'autorité à 5 000 livres. Les clients auront toutefois la possibilité de l'ajuster eux-mêmes, à la baisse ou à la hausse, moyennant une authentification renforcée (avec un lecteur de carte) afin d'empêcher les manipulations en cas d'usurpation des accès aux services en ligne.

Le premier objectif de l'initiative est de réduire le montant des préjudices encourus, en évitant que le changement n'incommode trop de personnes puisque seuls 5% des clients de la banque ont eu l'occasion d'effectuer un jour un mouvement de plus de 5 000 livres. Certes, un malfaiteur habile pourrait inciter un individu crédule à relever son plafond mais le simple fait d'introduire cette requête dans le processus devrait aider à éveiller son attention et constituer de la sorte une barrière de défense supplémentaire.

Which? – Outsmart the bank impersonator

On retrouve là le principe des petits obstacles semés dans son parcours dans le seul but de donner à l'utilisateur l'opportunité de s'interroger un instant sur ce qu'il est réellement en train de faire… et de s'interrompre avant qu'il ne soit trop tard. L'ambition peut paraître modeste mais les solutions commencent à manquer… En réalité, il est probable que les escrocs choisiront d'abaisser leurs exigences, ce qui non seulement amoindrit les dommages unitaires mais, également, affaiblit leur modèle économique.

L'article de l'association de consommateurs Which? qui présente la démarche note que Starling Bank ne croit pas à son efficacité, préférant consacrer ses efforts à la conception et au déploiement de modèles d'analyse de données capables de repérer les transactions inhabituelles en regard du comportement normal du détenteur de compte et d'engager alors des vérifications additionnelles. Ne serait-ce pas, finalement, la réponse – optimale – des jeunes pousses technologiques aux archaïsmes des acteurs historiques ? Ou bien les deux approches devraient-elles être considérés comme complémentaires ?

mercredi 26 mai 2021

State Farm en pointe de l'innovation sur l'habitat

State Farm
Elles sont encore relativement rares, mais quelques compagnies d'assurance se préoccupent suffisamment de la prévention des risques pour fournir à leurs clients des équipements dédiés, tels que des détecteurs d'humidité destinés à anticiper les dégâts des eaux. L'américaine State Farm investit maintenant dans des technologies innovantes afin de développer cette dimension de son métier.

Considérant que, dans l'univers de l'habitation, les inondations sont la première cause de déclaration de sinistres et que les outils de dépistage correspondants sont éprouvés et peu coûteux, il n'est pas surprenant qu'il s'agisse du premier domaine dans lequel les assureurs ont instauré des politiques de distribution généralisée leur permettant de réduire leur exposition et leurs coûts d'indemnisation. Cependant, le progrès aidant, d'autres types de dangers peuvent désormais aussi bénéficier d'approches similaires.

Dans le cas de State Farm, ce sont les incendies qui font l'objet de son attention et, plus particulièrement les incendies causés par des problèmes électriques. Bien que ces derniers ne représentent que 13% du total, les centaines de victimes et les dommages considérables qu'ils entraînent chaque année – évalués à environ 1,3 milliards de dollars aux États-Unis – fournissent une justification indiscutable au choix de cette priorité, d'autant que, en parallèle, une solution pertinente a été identifiée pour la traiter.

En l'occurrence, il s'agit d'un dispositif conçu par la jeune pousse Whisker Labs. Branché à une prise quelconque de la résidence, Ting analyse, au moyen de puissants algorithmes, les caractéristiques du courant qui circule et des ondes électromagnétiques qu'il transporte, de manière à repérer toute anomalie susceptible de dégénérer, qu'elle affecte le réseau ou les appareils connectés. L'utilisateur reçoit alors une alerte dans l'application mobile associée afin de prendre les mesures correctrices qui s'imposent.

State Farm & Ting

Un arc à l'intérieur d'un chandelier vétuste, un câble défectueux provoquant des étincelles, des surtensions récurrentes, un raccordement au neutre absent, un signal symptomatique d'une interaction avec de l'eau… constituent quelques exemples (tous issus de situations réellement observées) révélateurs de phénomènes qui s'aggravent dans l'ombre, souvent pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois, et finissent par déclencher une catastrophe s'ils ne sont pas éliminés en temps et en heure.

Après avoir distribué 40 000 Ting au cours d'une première expérimentation menée en 2020 (apparemment concluante, donc), State Farm va en déployer (gratuitement) 100 000 supplémentaires auprès de ses clients propriétaires d'ici à la fin 2022, accompagnés de 3 ans d'abonnement au service et d'un crédit de 1 000 dollars en travaux de réparation. La compagnie a en outre pris une participation au capital de la startup, démontrant ainsi son engagement résolu dans la prévention, en complément de son cœur de métier.

Le modèle de rapprochement adopté par la compagnie représente à la fois une excellente opportunité pour cette dernière de prendre un avantage déterminant dans son propre secteur à travers l'innovation dans un domaine adjacent et, simultanément, une voie idéale pour son partenaire de mettre sa technologie entre les mains de consommateurs, ceux-ci étant, comme le savent bien les assureurs, difficiles à convaincre des bienfaits d'un produit qui promet de les protéger d'un futur accident hypothétique.

mardi 25 mai 2021

Quand l'innovation doit céder au progrès

Banque Centrale Européenne
Au cours d'une intervention publique, Fabio Panetta, représentant de la Banque Centrale Européenne, exprimait le mécontentement de l'institution face à la faible adoption du paiement instantané par les citoyens, mettant en cause les politiques tarifaires de la plupart des banques. À l'arrière-plan, émerge une erreur stratégique récurrente…

Le message officiel est parfaitement limpide : quand les fournisseurs payent 0,2 cent d'euro par opération exécutée sur l'infrastructure TIPS de la BCE, il est indécent que les clients se voient facturer le service 1 euro par un certain nombre d'établissements. Implicitement, est ainsi pointé du doigt ce qui est présenté comme la raison majeure du désintérêt manifesté par les utilisateurs. Et Fabio Panetta profite de l'occasion pour rappeler que l'objectif visé était de faire de l'immédiateté la norme du paiement.

En effet, une erreur d'appréciation colossale a été commise par l'industrie dès l'origine (à quelques rares exceptions près). Face à l'apparition d'une solution innovante, son premier réflexe a consisté à rechercher un modèle économique dans laquelle l'inscrire, sans s'interroger d'abord sur les éventuelles attentes qu'elle pourrait combler. Or dans ce cas précis, il n'existe pas de besoin formel, l'unique justification est la nécessité pour le système financier de s'adapter au fonctionnement en temps réel du monde contemporain.

Autrement dit, du point de vue des usagers, le paiement instantané ne possède aucune valeur intrinsèque, il constitue seulement la correction tardive d'une aberration historique. Naturellement, cette perception interdit toute hypothèse de surcoût : qui paierait pour un service jusqu'alors gratuit dont aurait été juste éliminée une anomalie irritante ? La méprise des banques est facile à expliquer : aveuglées par la rupture du concept par rapport à leurs habitudes, elles imaginent à tort qu'elles tiennent une innovation.

BCE – Fabio Panetta

En vérité, ce genre de dérives est relativement fréquent. Dans le secteur financier, il est également à l'œuvre autour des API, dont beaucoup croient qu'elles créent un produit monétisable par elles-mêmes alors qu'elle ne sont qu'un support de distribution. Et, dans un domaine différent, j'aime à relater mon expérience dans une grande entreprise qui, au début des années 2000, considérait que la mise à disposition des factures sur son portail web (générant, par ailleurs, d'énormes économies) méritait rétribution.

En synthèse, Fabio Panetta souligne simplement par son allocution que, dans l'esprit de la BCE, le paiement instantané n'est guère qu'un ré-alignement technologique sur les standards d'aujourd'hui. Plus généralement, il faut prendre conscience que, parfois, des solutions apparemment révolutionnaires ne fabriquent pas une innovation mais ressortent d'une évolution jugée banale par ses bénéficiaires. Il reste toutefois la faculté, dans ces circonstances, d'explorer les nouvelles opportunités ouvertes indirectement.

lundi 24 mai 2021

CommBank ouvre sa technologie aux startups

x15ventures
Combinaison entre structure d'innovation et incubateur de startups, x15ventures matérialise la stratégie concoctée par l'australienne CommBank pour réinventer ses métiers dans le monde de demain. Afin d'accélérer l'industrialisation des projets qui y sont hébergés, elle la dote d'une plate-forme technologique adaptée à ses exigences.

Quiconque s'est un jour intéressé, d'une manière ou d'une autre, aux démarches d'innovation des institutions financières a identifié leur principal facteur d'échec : quelle que soit la qualité des solutions élaborées, leurs chances d'aboutir à un déploiement sont systématiquement réduites en raison des contraintes imposées par le contexte de production sécurisé dans lequel elles sont appelées à s'inscrire… qui sont généralement découvertes en fin de parcours, lorsque leur prise en compte devient coûteuse.

La création de xStack est donc la réponse directe de CommBank à ce défaut universel. Son principe est simple puisqu'il s'agit de mettre à la disposition des jeunes pousses soutenues un environnement complet, identique à celui de la banque (mais indépendant de ses infrastructures opérationnelles), avec son carcan réglementaire, de contrôles, de sécurité, de performance… Utilisé dès les premières étapes de développement, il garantit que les phases ultérieures d'exploitation pourront être abordées sans heurts.

Qualifié de « venture-in-a-box », l'ensemble comprend un socle technique, une palette d'outils et un espace de travail représentatifs des standards en vigueur dans la banque, complémentaire à l'accompagnement spécialisé existant. Les participants restent libres de leurs choix d'implémentation, mais l'adoption anticipée de ces pratiques les place sur une trajectoire optimale vers la promesse de x15ventures, de faciliter l'intégration au cœur des actifs de CommBank (dont son app mobile) et d'accéder à ses 15 millions de clients.

x15ventures

Un objectif secondaire est en outre assigné à xStack, toujours dans une logique d'efficacité renforcée, mais à travers une autre perspective : grâce au recours à une plate-forme commune, à des processus identiques et à un référentiel partagé de composants informatiques, ses promoteurs espèrent encourager des collaborations, interactions et synergies fructueuses entre les différents projets qu'ils accueillent, soit au niveau des produits conçus, soit au niveau des problématiques à résoudre au quotidien.

Naturellement, le dispositif ne s'adresse pas à tous les trublions de la FinTech. Tant pis pour ceux qui veulent secouer le statu quo, seuls sont ciblés les entrepreneurs qui ne craindront pas de s'enfermer (un peu) dans les critères propres à CommBank, de manière à profiter automatiquement de son expérience concrète des obligations du monde bancaire. Incidemment, au-delà du domaine de l'innovation, l'approche pourrait se décliner sur toutes sortes de coopérations avec des partenaires technologiques.

Combien d'expérimentations prometteuses sont abandonnées faute d'une bonne appréhension des règles rigides régissant la collaboration avec une institution financière ? La démarche entamée avec xStack est incontestablement un pas dans la bonne direction en vue d'éviter ces désillusions. Il faudra pourtant prendre garde à ce qu'elle n'introduise pas, par excès de rigueur (et abus de pouvoir), de barrières trop élevées à l'entrée, risquant de décourager prématurément les aventures trop disruptives.

CommBank est déterminée à faire le nécessaire pour que toutes les parties prenantes bénéficient de son initiative. Et, si ses résultats s'avèrent concluants, elle envisage de faire un jour de xStack une solution commerciale (sous quelle forme ? une boîte à outils ?), qu'elle distribuerait alors à d'autres entreprises, y compris à l'international…

dimanche 23 mai 2021

Westpac aide ses clients à équilibrer leur budget

Westpac
À l'instar de la plupart des banques de la planète, l'australienne Westpac offre depuis longtemps une certaine flexibilité sur le remboursement de ses prêts hypothécaires. Dorénavant, elle introduit une politique accommodante supplémentaire destinée à aider formellement ses clients en difficulté à maintenir leur santé financière globale.

Si, dans le sillage de la crise sanitaire, on parle beaucoup des ménages ayant accru leur épargne depuis 15 mois, en parallèle, une fraction importante de la population mondiale a vu sa situation se dégrader, jusqu'à ne plus disposer de la moindre réserve pour faire face à une urgence. En Australie, environ 2 consommateurs sur 5 confirment cette fragilité, quand 1 sur 5 a été confronté à une dépense imprévue (réparation automobile, travaux sur l'habitation, frais médicaux, principalement) au cours de l'année écoulée.

L'initiative de Westpac vise donc spécifiquement à prendre en compte ce risque. Il ne s'agit plus d'accorder – en général par obligation ou, a minima, par réalisme économique – des facilités temporaires aux personnes tombées dans le surendettement et incapables de s'acquitter de leurs dettes, mais plutôt de permettre à celles qui se trouvent dans une position intermédiaire, parvenant tout juste à joindre les deux bouts, de commencer ou continuer à accomplir les gestes nécessaires à la préservation de leur avenir.

Concrètement, la banque établira, en concertation étroite avec chacun des clients concernés – prioritairement ceux ne possédant aucune épargne de précaution – un plan de rééchelonnement de leur crédit de manière à ce que, une fois écartées leurs charges incompressibles (factures récurrentes essentielles, achats de première nécessité…), il leur reste toujours une marge de manœuvre, à hauteur de 100 dollars chaque mois au minimum, afin de constituer ce matelas de secours qui leur fait aujourd'hui défaut.

Westpac Savings Buffer

Unique en son genre, la démarche de Westpac est précieuse en ce sens qu'elle reconnaît explicitement que la gestion des finances personnelles n'est pas une simple juxtaposition de problématiques dont chacune aurait sa solution indépendamment des autres. Dans la vie réelle, la maîtrise des dépenses en fonction des revenus, les remboursements d'emprunts, l'anticipation d'embarras plus ou mois graves, la préparation de grands projets à long terme se combinent en permanence, dans chaque décision.

Cette perspective à 360° doit naturellement être intégrée dans une stratégie de conseil si on veut qu'elle porte ses fruits. Prélever la totalité des revenus d'une famille afin de régler ses échéances de crédit, sans lui laisser aucun moyen de subsistance, serait stupide, de toute évidence. Lui interdire de mettre de côté un pécule en prévision d'un incident de parcours l'est autant, tandis que lui donner un peu d'air à plus long terme préserve sa sérénité et peut contribuer à stabiliser un comportement positif.

Il est extrêmement rassurant de voir une banque se préoccuper ainsi véritablement du bien-être financier de ses clients et déployer dans ce but une activité (sérieuse) de conseil de proximité. Il reste à regretter que cette dernière ne porte que sur (environ) 4 500 comptes identifiés comme relevant d'un tel besoin. Car, selon toute vraisemblance, une majorité de consommateurs mériteraient un accompagnement multi-dimensionnel similaire, qui, pour les cas moins critiques, pourrait aussi être assuré par voie logicielle.

samedi 22 mai 2021

Les dessous du « low code » chez Sabadell

Banco Sabadell
L'espagnole Sabadell est une de ces banques, de plus en plus nombreuses, qui s'approprient les approches de développement « low code » dans le but d'accélérer la production de logiciels et en réduire les coûts. Cependant, une lecture entre les lignes de la présentation de sa démarche permet aussi d'identifier quelques-unes de ses limitations…

Rappelons tout d'abord de quoi il est question derrière cette terminologie. Une génération émergente d'outils promet aux organisations de créer des applications informatiques sans programmation (« no code ») ou presque (« low code »), grâce à une automatisation plus ou moins poussée de la rédaction du code. Au lieu d'écrire des instructions dans un langage spécialisé, il suffit de dessiner les interfaces souhaitées et de décrire les comportements désirés par assemblage graphique de briques élémentaires.

Toutes les institutions financières, dont les métiers dépendent fortement de leur système d'information, s'intéressent de près aux opportunités de ces nouvelles technologies et quelques-unes ont déjà franchi le pas de l'adoption. Les pionnières sont généralement de petites entités qui voient là le moyen de soutenir la course concurrentielle des services en ligne malgré leurs moyens limités. Au sein de ce paysage, Sabadell est une des premières grandes enseignes qui envisage une stratégie agressive en la matière.

Notons tout de même que, à ce stade, sa transition est embryonnaire. Sa trajectoire a débuté avec la formation de 5 étudiants de l'université d'Alicante, destinés à devenir les défricheurs du sujet. Pourtant la vision est prête : l'utilisation extensive du « low code » sera promue pour la modernisation des systèmes internes en voie d'obsolescence, avant une extension vers les solutions mises à la disposition des personnels en agence. En revanche, les applications destinées aux clients sont écartées, pour l'instant.

Les bénéfices mesurés jusqu'à présent justifient apparemment l'optimisme de l'entreprise et la politique agressive qu'elle esquisse pour l'avenir. Selon ses évaluations préliminaires, le temps de développement des logiciels web et mobiles – considérés comme les plus propices à ces usages – serait réduit d'environ 30% grâce au recours à la plate-forme retenue (dont l'origine n'est hélas pas précisée). Les responsables affirment en outre que des gains sensibles seraient également observés dans les phases de maintenance.

Low-code chez Sabadell

Mais derrière le tableau idyllique se dissimulent quelques incertitudes qui devraient tempérer l'enthousiasme. Par exemple, que penser réellement du ratio de 30% évoqué ? Sans être négligeable, il paraît finalement assez faible en regard de l'automatisation supposée. L'exemple donné de réalisation d'un écran (d'application) en 80 heures au lieu de 110, en moyenne, fournit l'explication : les tâches les plus longues d'intégration, de test, de validation… ne sont pas affectées et atténuent l'avantage.

Par ailleurs, bien que la raison officielle exprimée touche, de manière diplomatique, à la minimisation des risques, le choix de réserver le « low code » aux logiciels internes reflète certainement l'incapacité des outils actuels à générer des interfaces du niveau de qualité et de sophistication attendu par des clients. En arrière-plan, c'est la faiblesse principale des solutions disponibles qui transparaît : seules des fonctions relativement simples et standardisées peuvent être vraiment prises en charge sans programmation.

Il reste enfin à revenir sur un argument extrêmement pertinent : en confiant ses premiers projets à des étudiants, Sabadell démontre aussi sa préoccupation vis-à-vis du marché de l'emploi. Les banques traditionnelles connaissent en effet des difficultés à recruter les meilleurs talents informatiques et la possibilité de déléguer les opérations basiques à des débutants laisse espérer libérer le temps des plus aguerris afin qu'ils travaillent sur les composants définissant sa valeur ajoutée. Mais seront-ils à la hauteur de l'enjeu ?

En synthèse, les approches « low code » n'offrent, à ce jour, qu'une réponse tactique à des tensions profondes dues à l'explosion de l'informatique dans tous les domaines de l'économie. Or, à ce titre, leur mise en œuvre doit être soigneusement réfléchie et encadrée. À défaut de planification à long terme, elles se transformeront rapidement, comme d'autres technologies (de RPA, par exemple), en fardeau historique (le fameux « legacy »), de plus en plus lourd à porter, qui finit toujours par paralyser l'entreprise.

vendredi 21 mai 2021

Le crédit sans score s'institutionnalise

Wall Street Journal
Plus de 50 millions d'américains, dont beaucoup sont issus des minorités souffrant d'autres discriminations, sont inconnus des agences de notation de crédit et se trouvent alors écartés des circuits financiers traditionnels. Sous l'impulsion du gouvernement, quelques banques préparent actuellement une solution à grande échelle.

Les méthodes alternatives d'évaluation de la fiabilité des consommateurs existent et sont mises en œuvre depuis des années, mais ces implémentations ressortent généralement d'initiatives ponctuelles, qui, après leurs premiers pas chez de nouveaux entrants (géants du web ou FinTech), commencent tout juste à trouver une (petite) place dans les établissements historiques. Même les tentatives de diversification des fournisseurs de scores (Experian, par exemple) semblent rencontrer peu de succès.

Face à l'injustice de l'exclusion, particulièrement redoutée par l'administration en cette période d'incertitudes économiques, le régulateur fédéral (OCC) a demandé aux banques d'industrialiser ces approches. Plusieurs grandes enseignes, parmi lesquelles figurent JPMorgan Chase, U.S. Bank et Wells Fargo, concoctent donc aujourd'hui leur réponse, qui prendra la forme d'une estimation du risque de défaut à partir du comportement financier du client, sur la base d'une analyse de ses transactions courantes.

La technique retenue est désormais considérée comme éprouvée : le contrôle de la régularité de paiement des factures, l'absence d'incidents de gestion (découvert, chèque refusé…), la maîtrise des dépenses au quotidien…, lorsqu'ils sont correctement appréhendés, sont des indicateurs fiables du sérieux d'un individu avec son budget. En revanche, la nouveauté que les projets en cours introduisent est le partage d'information entre les banques. Une sorte d'institutionnalisation d'un usage de l'« open banking ».

Les participants songent en effet à instaurer des mécanismes standardisés d'accès aux comptes des clients afin de faciliter le déploiement de leurs systèmes. Ainsi, par exemple, un quidam sollicitant un prêt auprès de Wells Fargo pourra donner de la visibilité sur son compte détenu auprès de Bank of America dans le but de passer les filtres d'éligibilité. Une telle coopération serait du jamais vu dans le secteur. Une autre option envisagée consisterait à recourir à un service d'agrégation, comme celui de Plaid.

N'allez cependant pas croire que l'industrie soit soudain frappée d'un élan de responsabilité sociale. Outre l'injonction des autorités, elles sont motivées par un phénomène indépendant : dans le sillage de la crise sanitaire et de son impact sur les habitudes de dépenses de la population, la carte de crédit subit depuis quelques mois un fort déclin, à la fois en volume de transactions et en montants d'encours (les utilisateurs soldent leurs dettes), entraînant une baisse inquiétante des marges des émetteurs.

Ce n'est pas un hasard si les applications des nouveaux modèles de calcul de risque évoquées par les banques s'orientent en priorité dans cette direction, bien que la carte de crédit ne soit probablement pas l'instrument dont aient le plus urgemment besoin les personnes laissées sur le bas-côté du système financier. Si rien n'est fait pour contrôler cette tendance, les efforts gouvernementaux, loin de contribuer à la réduction des inégalités, menacent d'ouvrir une boîte de Pandore du surendettement

Agence Wells Fargo

jeudi 20 mai 2021

Dorothy avance les indemnités d'assurance

Dorothy
L'assurance offre une solution idéale quand frappe une catastrophe naturelle et qu'il faut réparer les dégâts qu'elle a causés. Hélas, les procédures d'indemnisation prennent généralement des mois, délais incompatibles avec l'urgence qu'affrontent les victimes. Aux États-Unis, Dorothy élabore une parade face à cette faiblesse structurelle.

Ouragans dévastateurs, incendies sauvages, pluies torrentielles…, autant d'événements, de plus en plus fréquents en raison des dérèglements climatiques, qui laissent tant de citoyens sans abri après avoir vu leur logement détruit ou, à tout le moins, rendu inhabitable par les éléments déchaînés. Or, quand le désastre intervient, même les mieux protégés sont parfois contraints de retarder les travaux de remise en état, dans l'attente de dédommagements suspendus à des expertises et autres décisions administratives.

La réponse des fondateurs de Dorothy consiste « simplement » à anticiper les paiements à venir – qui arrivent en moyenne entre 6 et 12 mois après le sinistre – et à avancer rapidement la somme correspondante aux personnes affectées de manière à leur permettre d'engager les chantiers nécessaires immédiatement et ainsi reprendre le cours ordinaire de leur vie au plus tôt. Notons que le même principe est en outre décliné à l'intention d'une cible professionnelle, pour les locaux industriels et commerciaux.

Afin de concrétiser sa promesse, la startup met en place une expérience utilisateur exceptionnellement fluide. Si elle invite les consommateurs intéressés à créer (gratuitement) leur compte avant d'être directement touchés, en fournissant les informations essentielles sur leur situation, leur propriété et leur contrat d'assurance, c'est pour garantir sa réactivité ultérieure. En effet, une fois ces formalités accomplies, elle affirme être en mesure de traiter les sinistres (presque) instantanément, sans frictions.

Dorothy – Don't wait for the next disaster to happen to be prepared. Having the money waiting for you costs $0.

Car, au moment crucial, Dorothy prend le relais, automatiquement. En amont, dès que survient un cataclysme, elle exploite des informations publiques et des données issues de capteurs distants dans le but d'évaluer les dommages subis. Lorsque le dossier complet est validé, elle procède au règlement de l'indemnité estimée et, en parallèle, entame les démarches de déclaration auprès de l'assureur. Elle prend en charge la totalité de la relation avec ce dernier, jusqu'au versement final sur lequel elle se rembourse.

Le modèle se positionne de la sorte à la rencontre de l'assurance et du crédit : d'un côté, il se substitue aux experts des compagnies dans l'analyse du préjudice (avec un avantage de volume sur le créneau particulier des catastrophes naturelles), de l'autre, il prend la forme d'un prêt adossé à une rentrée d'argent future (dans des circonstances où les acteurs traditionnels s'avèrent souvent frileux). L'ensemble est soutenu par une approche économique triviale, reposant sur une commission sur les montants financés.

En vérité, Dorothy constitue l'exemple typique d'une jeune pousse qui ne devrait pas exister. Entre son activité cyclique, théoriquement imprévisible mais devenant viable « grâce » au réchauffement de la planète, et la logique qui voudrait que les assureurs sachent eux-mêmes répondre aux attentes de réactivité de leurs clients, ce qui est d'ailleurs le cas chez ceux qui, comme Esurance, ont la plus grande maturité d'innovation, elle a pourtant identifié une lacune de l'industrie, qui ne demande qu'à être comblée.

mercredi 19 mai 2021

Comment lutter contre l'abus de Zoom ?

HSBC
Quasiment inconnue avant les premières mesures de confinement dictées par la pandémie, Zoom est maintenant devenue synonyme de collaboration à distance, entraînant immédiatement des excès que même la réunionnite aiguë n'a probablement jamais atteints. À tel point que HSBC teste un système de débranchement, au Royaume-Uni.

La mise en place généralisée du télétravail dans un grand nombre d'entreprises, sans préparation ni précautions préalables, a eu pour effet un phénomène désormais universel : les outils de visioconférence, dont Zoom est l'archétype, exploités à outrance, hors de tout contrôle, afin de maintenir le contact entre les collaborateurs, finissent par provoquer un épuisement et un stress dommageables chez leurs utilisateurs, qui vient, de surcroît, s'ajouter aux angoisses et autres difficultés dues à la situation sanitaire.

La perspective d'un retour aux habitudes d'antan s'éloignant, puisque toutes les enquêtes et tous les observateurs confirment que les employés souhaitent continuer à profiter, au moins partiellement, des avantages du travail à domicile, il n'est plus possible d'ignorer la dégradation de performance qu'induisent les abus de connexions en ligne. C'est justement dans le cadre d'une évaluation à grande échelle des pratiques actuelles et futures parmi ses effectifs que HSBC a commencé à explorer des pistes de solution.

Dans la lignée d'une idée déjà évoquée, entre autres, par la directrice générale de Citi, la banque britannique expérimente donc auprès des collaborateurs de sa division commerciale une nouvelle politique du vendredi après-midi sans Zoom. Celle-ci s'inscrit dans une démarche plus globale visant à préserver le bien-être des salariés, notamment du point de vue de l'équilibre (malmené) entre vie personnelle et professionnelle, alors qu'est annoncée une réduction de 40% de la surface des bureaux occupés.

Zoom HSBC

L'initiative représente une intéressante première étape… mais je ne peux éviter de questionner sa portée réelle. Elle ressemble aux innombrables tentatives similaires dont l'histoire regorge, pour réduire les volumes de messages électroniques, pour garantir le droit à la déconnexion, pour contraindre la planification des réunions à des horaires raisonnables… Tant d'approches plus ou moins coercitives, pleines de bonnes intentions, qui n'aboutissent hélas que rarement à des changements durables de comportements.

Car le vrai nœud du problème se situe évidemment au niveau de la culture d'entreprise. Ce sont les habitudes insidieuses, qui se propagent par les actes du quotidien, les encouragements inconscients des responsables, à tous les échelons de la hiérarchie, leurs infractions régulières, apparemment anodines, aux règles, avec, en arrière-plan, l'effacement de l'individu derrière le groupe, qui conduisent aux dérives constatées et ce ne sont pas des décrets tombés du ciel qui les corrigeront en profondeur.

Naturellement, les enjeux redoublent quand s'opère une transformation aussi profonde que celle qui se dessine aujourd'hui dans le monde de l'entreprise. Mais, en vérité, les précédentes mutations, en particulier technologiques, ont-elles été sérieusement appréhendées ou nous contentons-nous d'une adaptation a minima des modèles des années 50 ? Dans cette hypothèse, la recommandation de Gartner de réinventer l'organisation du travail (hybride, en l'occurrence) prend d'autant plus de relief…

mardi 18 mai 2021

Jerry, de l'assurance à la super app automobile

Jerry
Dans son incarnation actuelle, Jerry est un comparateur d'assurances… un peu plus malin que la moyenne de sa catégorie. Mais, surtout, grâce à sa dernière levée de fonds en date, de 28 millions de dollars, il veut commencer à concrétiser ses ambitions de développer une véritable « super app » à destination des automobilistes.

Disponible principalement sous la forme d'une application mobile, le service de la jeune pousse américaine se différencie de la concurrence par une expérience utilisateur réellement exceptionnelle. Après son installation, le nouveau venu crée son compte en quelques instants, en répondant à une série de questions élémentaires. Contact est alors pris avec son assureur existant (le parcours est optimisé pour ceux qui sont déjà couverts) afin de collecter toutes les caractéristiques de son contrat en cours.

Dès lors, la plate-forme lance automatiquement une recherche tous azimuts, sollicitant des devis auprès des compagnies référencées pour une protection sur des conditions identiques, éventuellement enrichies des compléments suggérés lors de la phase de découverte. En moins d'une minute (la promesse est de 45 requêtes en 45 secondes), les algorithmes suggèrent les trois propositions les plus intéressantes (sur la base de leur prix) et il ne reste plus, le cas échéant, qu'à déclencher la procédure de souscription.

Cette dernière est elle-même facilitée à l'extrême, puisque Jerry s'occupe de tout pour le compte du consommateur. Toutes les informations nécessaires ayant déjà été rassemblées, soit à travers le questionnaire d'inscription, soit à partir du contenu du contrat précédent, aucune formalité supplémentaire n'est nécessaire. Mieux, l'outil se charge même d'effectuer la résiliation de l'ancienne police. Par la suite, la même démarche est engagée spontanément à chaque échéance de renouvellement.

Accueil Jerry

Le principe est parfaitement rodé et a déjà séduit près d'un million d'américains depuis son lancement en 2019, tandis que les commissions de courtage offrent les fondations d'un modèle économique solide pour la startup. Pourtant, elle ne souhaite pas s'en tenir là, puisqu'elle porte depuis son origine une vision beaucoup plus vaste : il s'agit de simplifier la vie du propriétaire de véhicule dans tous ses petites tracasseries du quotidien, avec les mêmes qualités dont elle fait preuve dans l'assurance.

Les fondateurs de Jerry ayant auparavant bâti YourMechanic, le plus important service (en ligne) de réparation et d'entretien à la demande du pays, ces activités figureront naturellement au cœur de la place de marché qu'ils projettent de construire. Mais elle intégrera également crédit, parking, péages, suivi de garantie… et tout ce qui peut être utile à un automobiliste, devenant de la sorte son compagnon essentiel et exclusif, toujours prêt à répondre à tous ses besoins, sans aucune friction et au meilleur prix.

Similaire à celle des constructeurs les plus en pointe (Tesla en tête), l'approche de Jerry devrait agir comme un révélateur pour le secteur de l'assurance : la distribution indépendante cédera progressivement la place à une immersion au sein d'expériences plus étendues, plus riches, plus fluides et plus génératrices d'engagement, donc de fidélité. L'exemple spécifique présente aussi l'originalité notable de montrer comment il est possible d'élaborer une stratégie de plate-forme en partant de l'assurance.

lundi 17 mai 2021

Vers un découvert bancaire plus éthique

Starling Bank
En attendant que l'industrie abandonne entièrement l'antique pratique du découvert bancaire (ce qui n'arrivera probablement jamais), il reste toujours possible de lui redonner une vertu éthique. L'exemple de la britannique Starling illustre quelques-unes des options disponibles afin d'atteindre un tel objectif, bien qu'il paraisse inaccessible.

Après une incursion dans une combinaison originale avec le prêt à la consommation, aujourd'hui disparue (peut-être en raison des confusions qu'elle entraînait ?), la jeune pousse consacre désormais ses efforts à rendre plus transparentes, plus contrôlables et plus justes les conditions des découverts qu'elle accorde à ses clients, de manière à en faire un outil qui soit véritablement au service de leur bien-être financier et non en priorité une source de revenus opaque… et de mécontentement unanime.

Si la plupart des recettes employées sont connues, voire classiques, c'est leur intégration dans un ensemble cohérent qui donne du corps à la promesse. Ainsi, en premier lieu, le problème est abordé à travers ses deux dimensions principales, avec un accompagnement adapté dans chacune d'elles : en amont, sur les limites, et, en aval, sur l'utilisation du découvert et ses conséquences. L'une privilégie l'anticipation et la prudence, tandis que l'autre apporte une solution quand les circonstances l'exigent.

Concrètement, le client n'est jamais entraîné à son insu dans le dispositif. Il doit, au contraire, déposer une demande explicite et volontaire – affectant son score de crédit – en vue d'obtenir une autorisation de découvert qui, en réalité, ressemble plutôt à une ligne de crédit. Puis, s'il a obtenu une réponse favorable, il se voit attribuer un plafond individuel qu'il peut réduire à sa convenance, depuis l'application mobile de la banque, afin de mieux maîtriser son budget (à l'instar de ce que propose N26 depuis des années).

Le découvert bancaire selon Starling

Lorsque la facilité de trésorerie est mise à contribution, plusieurs mécanismes entrent en jeu dans le but de protéger le consommateur. Comme dans d'autres implémentations à l'état de l'art, une notification est émise immédiatement, offrant une visibilité permanente sur les frais encourus. Cependant, si le détenteur du compte possède également une réserve d'épargne (au sein des « Spaces », dans la terminologie de la startup), ses découverts, à hauteur de cette dernière, sont exemptés de toute facturation.

En complément, les transactions bloquées pour insuffisance de provision n'engendrent aucune pénalité de la part de la banque et les petits dépassements (au-delà du découvert autorisé, donc), quoique totalement exclus en principe, sont tolérés, encore une fois sans coût pour l'usager, notamment dans les cas de paiements hors ligne (par exemple aux tourniquets du métro londonien). Enfin, une orientation vers des organismes d'aide spécialisés est prévue pour les personnes qui peinent à rembourser leurs dettes.

Le tableau n'est pas tout à fait idéal. Il y aurait, entre autres, matière à questionner les taux d'intérêt pratiqués (de 15% à 35% en équivalent annuel, selon le niveau de risque estimé) et on pourrait regretter l'absence de la période de grâce qui réussit si bien dans quelques autres établissements (l'adossement aux « Spaces » pouvant être considérée comme une alternative, plus limitée mais plus efficace). Quoi qu'il en soit, la démarche de Starling constitue un vrai progrès, qui mériterait d'inspirer ses consœurs.

dimanche 16 mai 2021

Arkéa avance dans le financement mixte

Arkéa
Comme tant d'autres domaines économiques, la construction immobilière a été affectée par la crise sanitaire, dégradant une peu plus une situation du logement déjà tendue dans l'hexagone. Afin de contribuer à la reprise des mises en chantier, Arkéa déploie une solution de financement originale en collaboration avec la plate-forme Koregraf.

Le nouveau dispositif s'adressera aux promoteurs clients de la division entreprises de l'établissement. Son objectif consiste à leur proposer un modèle exclusif leur permettant de renforcer les fonds propres de leurs projets, en complément (et en parallèle) des crédits bancaires habituels. Dans ce but, les montages mixtes seront élaborés avec l'appui du spécialiste du crowdfunding immobilier Koregraf, qui, fort de son expertise, prendra en charge les opérations relatives aux investissements en capital.

Arkéa, qui est par ailleurs un actionnaire de référence de la jeune pousse (aux côtés de BNP Paribas Développement), a alloué une enveloppe globale de 20 millions d'euros à ces participations, avec laquelle elle compte accompagner une quinzaine de programmes, sur une période non précisée. Naturellement, elle assurera également, dans chacun d'eux, son rôle traditionnel de financement, pour un montant qui devrait atteindre, au total, environ 300 millions d'euros, ainsi que la mise en place des garanties nécessaires.

Accueil Koregraf

Les bénéfices de l'initiative se révèlent sur différents plans. Les promoteurs, tout d'abord, y trouveront une réserve supplémentaire de ressources mise à leur disposition pour mener à bien leurs activités, assortie, peut-être, d'une simplification de leurs démarches de recherche de financements. La banque, de son côté, profite de l'occasion pour diversifier ses engagements. Koregraf, enfin, institutionnalise et sécurise une partie de son modèle, tout en ajoutant un facteur de solidité aux projets qu'elle publie.

Cette dernière caractéristique sera particulièrement importante pour ses utilisateurs historiques. La présence d'une enseigne réputée parmi les soutiens d'une opération immobilière et la quasi-certitude qu'elle couvrira plus ou moins totalement l'ensemble de son budget représentent de puissants catalyseurs de confiance susceptibles d'accélérer le développement de la startup, non seulement auprès du grand public mais également vis-à-vis d'autres catégories d'investisseurs (si telle est sa stratégie).

Dans des secteurs de niche comme la construction immobilière, potentiellement intimidants pour l'immense majorité de néophytes qui, de ce fait, préfèrent s'en tenir à l'écart (ou les méconnaissent), l'avenir du crowdfunding passera probablement par ce genre d'approches mixtes, dans laquelle des individus désireux de mettre un peu de risque dans leur portefeuille (pour un rendement de 8 à 9%, tout de même) se joignent à des acteurs institutionnels eux-mêmes en mal de nouvelles sources de revenus.

samedi 15 mai 2021

Un modèle d'épargne socialement responsable

La Nef
Alors que le secteur financier s'emballe sur les thématiques sociales et environnementales, notamment autour de l'investissement et de l'épargne, les démarches mises en œuvre mélangent allègrement opérations superficielles et désinformation pure et simple. Il existe pourtant une référence en la matière, depuis plus de 30 ans…

Même en ne considérant que les produits les plus sérieux, proposés par les acteurs les plus sincères, il s'avère souvent difficile de vérifier les qualités réelles des instruments financiers qui nous sont présentés comme socialement responsables. Et, de toutes manières, le débat n'est-il pas biaisé à la base quand l'ISR, supposé définir un standard du domaine, assorti de labels plus ou moins officiels, se révèle être un concept reposant essentiellement sur la spéculation (de titres respectant quelques principes, certes) ?

Aux consommateurs décidés à s'engager pour changer la donne et aux entreprises, historiques ou startups, souhaitant répondre à leur attentes, La Nef montre, depuis sa naissance en 1988, une autre voie (et prouve par la même occasion que, parfois, les meilleures recettes ont déjà été inventées et que l'innovation consiste alors à les adopter). Adossée au Crédit Coopératif pour raisons réglementaires, cette structure atypique est en effet une des rares en France à agir concrètement pour ses valeurs… et à le prouver.

En premier lieu, son approche des problématiques sociales et environnementales, qui figure au cœur de sa mission de coopérative, ne se contente pas d'une logique passive : elle vise, au contraire, à contribuer directement à des projets à impact positif pour la planète. Selon cette perspective, elle distribue donc exclusivement des crédits à des organisations capables de démontrer leur alignement éthique, de l'agriculture biologique à la santé, en passant par les énergies renouvelables, le commerce équitable…

La Nef – Où va mon argent ?

À l'appui de ses convictions, La Nef fait en outre preuve d'une transparence exemplaire. Son rapport annuel [PDF], accessible à ses sociétaires et à l'ensemble du public, offre non seulement une synthèse de la répartition de ses actifs mais également une liste exhaustive des prêts qu'elle a accordés, soit, pour 2020, 459 opérations détaillées – telles que 17 700 euros pour une ferme maraîchère à St Quirc dans l'Ariège ou 5 millions pour la politique écologique du département de l'Aude, en introduisant au passage une dimension de proximité bienvenue – pour un montant total de 114 millions d'euros.

Bien sûr, l'autre versant du dispositif – la source des fonds qui alimente les financements – ne propose aux particuliers que des comptes d'épargne et des comptes à terme aux rémunérations faibles, peu attractives pour ceux qui préfèrent prendre quelques risques pour un rendement élevé. La Nef n'est donc pas le placement idéal pour toutes les circonstances. Mais son modèle, lui, représente une inspiration universelle à l'intention des entrepreneurs qui veulent développer des produits financiers vraiment responsables ainsi qu'un étalon pour quiconque désire que ses économies soient « bien » utilisées.

La Nef étant possiblement liée à un mouvement anthroposophique polémique (l'avantage de sa transparence étant tout de même de pouvoir vérifier que ces relations sont aujourd'hui extrêmement ténues), ne considérez pas cet article comme une recommandation bancaire (ce qui n'est jamais mon objectif, en tout état de cause) mais uniquement comme une démonstration d'une approche qui reste exemplaire…

vendredi 14 mai 2021

Le retour de la réalité augmentée ?

Niantic Lightship
Le concept de réalité augmentée, popularisé avec la démocratisation du smartphone (merci Apple !), atteint désormais l'âge de raison. Hélas, malgré des débuts et quelques rebonds prometteurs, il ne s'est jamais réellement imposé. L'ouverture de sa technologie par le créateur du célèbre Pokemon Go nous procure une occasion de faire le point.

Souvenez-vous : la préhistoire de l'ère « digitale » et les premières applications exploitant les capteurs de l'iPhone (caméra, GPS…) afin de projeter des informations et autres images virtuelles sur la représentation du monde réel affichée à l'écran. Que d'idées ont alors commencé à germer autour des possibilités ainsi offertes ! Le cabinet Gartner plaçait la technologie au sommet de son « hype cycle » en 2010 et les fournisseurs d'outils de développement se multipliaient (dont Layar, un des pionniers).

Les rêves ne se sont pourtant quasiment jamais concrétisés, les mises en œuvre se révélant souvent décevantes (à quelques exceptions spectaculaires près) et l'adoption, notamment parmi le grand public, restant marginale après une période de curiosité. Les tentatives d'insérer la réalité augmentée dans des lunettes, en particulier par Google, n'ont pas produit plus de résultats et, dès 2013, Gartner faisait plonger la tendance vers le puits des désillusions, dont elle ne parviendra jamais à ressortir au fil des années.

Dans le secteur financier, hormis une certaine vogue des services d'assistance à la localisation des agences et des automates bancaires, il faut reconnaître que les idées originales se sont avérées rares et n'ont généralement pas dépassé le stade de l'expérimentation. Une des seules implémentations méritant d'être soulignées, en raison de son succès durable, est à porter à l'actif de BBVA avec son module « Valora View » d'aide à la recherche de bien immobilier (un principe testé par CommBank en 2010).

Niantic Lightship

Au cours de cette longue histoire, un événement est tout de même venu redonner des couleurs à la réalité augmentée, en dépit de son glissement progressif vers l'oubli, accéléré par l'émergence de nouveaux modèles d'interface (la réalité virtuelle, d'abord, assortie de promesses encore plus mirobolantes, puis les enceintes connectées, dans un registre radicalement différent). Il y a 5 ans, le jeu Pokemon Go séduisait instantanément des millions de personnes à travers le monde, ouvrant une perspective inédite.

En effet, au-delà du succès spécifique du jeu, ce qui attire l'attention dans cette péripétie est la conclusion qu'il permet de tirer : déployée dans des conditions optimales, avec les mécanismes d'interaction appropriés, la réalité augmentée constitue un extraordinaire support d'engagement avec des utilisateurs. Tout d'un coup, les échecs du passé ayant plus ou moins scellé le destin de la technologie peuvent être balayés et la seule question qui compte revient au premier plan : quels usages sont susceptibles de s'imposer ?

Certes, peu de progrès ont été accomplis depuis le lancement de Pokemon Go. Mais, aujourd'hui, Niantic met son moteur à la disposition d'autres acteurs et il s'agit peut-être de l'opportunité tant attendue de ramener la réalité augmentée à la place qui lui échappe depuis si longtemps. Grâce à « Lightship », les applications sophistiquées, intégrant des capacités multi-participants et des fonctions de reconnaissance sémantique de l'environnement, seront bientôt à portée de tous les concepteurs et développeurs.

Aux côtés des entreprises de jeu ciblées en priorité, des institutions financières sauront-elles profiter de l'occasion qui leur tend ainsi les bras de proposer à leurs clients et prospects une expérience incomparable de leur relation avec l'argent ? Les possibilités ne manquent pas, entre, par exemple, méthodes ludiques d'accompagnement vers le bien-être financier et réinvention des moments de partage social autour des comptes, qu'aucun établissement n'a, à ce jour, réussi à appréhender de manière convaincante…