Au cours d'une intervention publique, Fabio Panetta, représentant de la Banque Centrale Européenne, exprimait le mécontentement de l'institution face à la faible adoption du paiement instantané par les citoyens, mettant en cause les politiques tarifaires de la plupart des banques. À l'arrière-plan, émerge une erreur stratégique récurrente…
Le message officiel est parfaitement limpide : quand les fournisseurs payent 0,2 cent d'euro par opération exécutée sur l'infrastructure TIPS de la BCE, il est indécent que les clients se voient facturer le service 1 euro par un certain nombre d'établissements. Implicitement, est ainsi pointé du doigt ce qui est présenté comme la raison majeure du désintérêt manifesté par les utilisateurs. Et Fabio Panetta profite de l'occasion pour rappeler que l'objectif visé était de faire de l'immédiateté la norme du paiement.
En effet, une erreur d'appréciation colossale a été commise par l'industrie dès l'origine (à quelques rares exceptions près). Face à l'apparition d'une solution innovante, son premier réflexe a consisté à rechercher un modèle économique dans laquelle l'inscrire, sans s'interroger d'abord sur les éventuelles attentes qu'elle pourrait combler. Or dans ce cas précis, il n'existe pas de besoin formel, l'unique justification est la nécessité pour le système financier de s'adapter au fonctionnement en temps réel du monde contemporain.
Autrement dit, du point de vue des usagers, le paiement instantané ne possède aucune valeur intrinsèque, il constitue seulement la correction tardive d'une aberration historique. Naturellement, cette perception interdit toute hypothèse de surcoût : qui paierait pour un service jusqu'alors gratuit dont aurait été juste éliminée une anomalie irritante ? La méprise des banques est facile à expliquer : aveuglées par la rupture du concept par rapport à leurs habitudes, elles imaginent à tort qu'elles tiennent une innovation.
En vérité, ce genre de dérives est relativement fréquent. Dans le secteur financier, il est également à l'œuvre autour des API, dont beaucoup croient qu'elles créent un produit monétisable par elles-mêmes alors qu'elle ne sont qu'un support de distribution. Et, dans un domaine différent, j'aime à relater mon expérience dans une grande entreprise qui, au début des années 2000, considérait que la mise à disposition des factures sur son portail web (générant, par ailleurs, d'énormes économies) méritait rétribution.
En synthèse, Fabio Panetta souligne simplement par son allocution que, dans l'esprit de la BCE, le paiement instantané n'est guère qu'un ré-alignement technologique sur les standards d'aujourd'hui. Plus généralement, il faut prendre conscience que, parfois, des solutions apparemment révolutionnaires ne fabriquent pas une innovation mais ressortent d'une évolution jugée banale par ses bénéficiaires. Il reste toutefois la faculté, dans ces circonstances, d'explorer les nouvelles opportunités ouvertes indirectement.
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