D'un côté, le premier test climatique du secteur financier français conduit par l'ACPR et montrant une exposition contrôlée aux risques environnementaux, dont se réjouit d'ailleurs la FBF. De l'autre, OXFAM France s'indigne de la croissance des financements par les grandes banques de l'industrie des énergies fossiles. Alors, qui croire ?
Commençons par les bonnes nouvelles. La principale est donc l'organisation, entre juillet 2020 et avril 2021, à titre expérimental, d'un exercice d'évaluation de la sensibilité des grands acteurs hexagonaux aux incertitudes de la transition écologique. Une première mondiale plutôt réussie puisqu'elle a rassemblé 9 groupes bancaires et 15 groupes d'assurance parmi les plus importants du pays (ils représentent 85% et 75% des bilans totaux de leurs domaines), alors que la démarche relève, à ce jour, du seul volontariat.
Surprenante de prime abord, la méthodologie employée, qui, de l'aveu du régulateur comporte encore des limites et nécessitera des ajustements pour être pleinement efficace, s'avère finalement adaptée à son objectif. En effet, elle établit une estimation de l'impact économique sur les institutions participantes d'un scénario à 30 ans, dans lequel sont injectées des hypothèses de mutation sociétale concoctées dans le cadre du réseau des banques centrales pour le verdissement du système financier (NGFS).
Pas question de calculer des projections directes sur le réchauffement de la planète, qui n'auraient guère de valeur et paraîtraient probablement trop abstraites, l'approche vise le portefeuille, en s'inspirant des « stress-tests » financiers aujourd'hui bien connus. En pratique, il s'agit de répondre à des interrogations telles que « quelles conséquences sur la solidité de la banque si l'industrie pétrolière s'effondre ? » ou « la compagnie d'assurance parvient-elle à surmonter la multiplication des catastrophes naturelles ? ».
Or, sur ces critères, les entreprises mesurées se positionnent relativement bien et apparaissent modérément affectées par les chocs climatiques considérés. En particulier, la proportion de leurs engagements sur les 7 secteurs identifiés comme les plus menacés (mine, chimie, raffinage, métallurgie…) se situe à un niveau raisonnable (moins de 10% pour les banques). Bien sûr, cette moyenne cache des disparités entre acteurs mais elle procure un intéressant aperçu de la situation, dans un contexte global.
Cependant, l'envers du décor, que révèle l'analyse réalisée par OXFAM France et Les Amis de la Terre sur l'activité dans les énergies fossiles des 4 premiers groupes français (BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole et Société Générale), ouvre une autre perspective. Leurs financements ont ainsi crû de 22,5% sur 2020, pour atteindre 100 milliards de dollars, tandis que leurs investissements s'élèvent à quelques 43 milliards de dollars. Et la reprise économique prévue en 2021 laisse craindre le pire pour cette année.
Du point de vue des deux associations, nous assisterions à une véritable fuite en avant. Les géants du pétrole et du gaz (BP, Chevron, ExxonMobil, Shell, Total…) souffrent de la conjoncture et leurs titres se déprécient dans les portefeuilles. Les banques (qui, par exemple, ont vu s'évaporer 1,4 milliards de dollars sur les actifs qu'elles détiennent) manœuvreraient donc dans le but de les maintenir à flot et, de la sorte, limiter leurs pertes, sans aucune préoccupation des implications de ces choix pour l'environnement.
Heureusement, l'exercice de l'ACPR permet de conclure que cette perception est sans doute excessive. La dépendance des institutions financières aux énergies fossiles n'est certes pas négligeable, mais elle ne constitue résolument pas un risque vital. Il reste pourtant vrai que, à l'échelle des départements qui gèrent ces positions, le réflexe de survie est probablement omniprésent, induisant ce gouffre persistant entre la réalité des opérations et les discours rassurants sur la prise en compte des enjeux de RSE.
Soyons optimiste et croyons à la sincérité des déclarations. La problématique à traiter se résume alors classiquement à un « simple » besoin de réaligner l'ensemble de la structure sur la vision stratégique élaborée au sommet. Il ne suffit pas, pour ce faire, de communiquer vers l'extérieur, il est indispensable de convaincre et d'accompagner les collaborateurs, surtout les plus touchés par le changement. Le régulateur pourrait en outre introduire des incitations spécifiques, complémentaires de ses efforts de surveillance.
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