Parce que la peur est, de l'avis général, un des principaux freins à l'innovation dans les entreprises, une équipe de McKinsey a analysé le phénomène plus en détail, en comparant les perceptions des collaborateurs et des dirigeants dans les structures plus ou moins en pointe. Mais est-il possible de vaincre l'anxiété institutionnelle ?
Aussi diffuse soit-elle, cette cause de paralysie est largement reconnue au sommet des hiérarchies et encore plus (trois fois plus, apparemment), assez étonnamment, dans les organisations où elle semble se manifester le plus, à savoir celles qui sont les moins innovantes. Malheureusement, dans l'immense majorité des cas, rien n'est fait pour éliminer ou, à tout le moins, soulager les craintes et chacun attend, comme un coup de baguette magique, l'émergence de super-héros capables de toutes les audaces.
Les entretiens menés par les consultants de McKinsey font ressortir trois facteurs majeurs d'inquiétude qui peuvent être considérés comme responsables d'immobilisme : la peur pour la carrière, la peur de l'incertitude et la peur de la critique. De manière surprenante (encore !), le premier, qui, incidemment, se distingue en n'étant pas, comme les deux autres, une caractéristique intrinsèque de la psychologie humaine, est celui qui détermine le plus clairement les leaders de l'innovation, dans un rapport de 1 à 3,6.
Concrètement, la notion que la prise de risque que représente une sortie des sentiers battus puisse avoir des conséquences sur l'avancement, voire sur la rémunération, même si elle n'est appuyée par aucun argument ou fait objectif, constitue un puissant motif pour étouffer toute velléité de créativité, ne serait-ce qu'en des occasions exceptionnelles. Ce n'est donc pas un hasard si, chez les champions de l'innovation, celle-ci fait explicitement partie des critères d'évaluation de la performance individuelle.
Autre appréhension à prendre en compte, celle de l'incertitude. Nous sommes là dans un pur réflexe de notre cerveau primaire, qui préfère toujours la réassurance de la routine à l'exploration de nouvelles voies, dont l'issue n'est évidemment pas garantie. Son corollaire est le désir de contrôle des responsables, qui demandent des engagements fermes sur les résultats espérés des projets soumis à leur approbation, favorisant implicitement les améliorations incrémentales, aux ambitions limitées, au détriment de l'expérimentation.
Enfin, la peur de la critique, qui est également une expression d'un trait comportemental de conformité aux normes du groupe relevant de l'instinct de survie, se manifeste par des symptômes similaires, entre préférence pour le maintien des modèles traditionnels et hésitation systématique à proposer des idées originales. Pire, quand ces dernières émergent malgré tout, elles sont édulcorées afin de les réaligner sur les habitudes. Ce qui n'empêche pas toutefois que ceux qui réussissent encouragent la critique ouverte.
Dans un monde contemporain où le changement s'accélère et exige toujours plus d'esprit d'innovation, autant pour maintenir la compétitivité que pour relever les grands enjeux de l'époque, les entreprises ont l'obligation de lutter contre les angoisses qui l'asphyxient. De ce point de vue, il ne faut cependant pas rêver de miracle : seule une évolution de la culture interne, soutenue inconditionnellement, matériellement, par les dirigeants et diffusée en profondeur dans toutes les strates de l'organisation peut fournir la solution.
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