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C'est pas mon idée !

dimanche 27 mars 2022

L'EPI fait pschitt !

EPI Interim Company
Les 33 fées qui s'étaient progressivement rassemblées autour du berceau de l'initiative de paiements européenne (EPI) promettaient un démarrage en 2022… Las, Carabosse a mis son grain de sel et les 13 participants qui restent sont aujourd'hui contraints de réduire drastiquement leurs ambitions. Comment la remettre sur les rails ?

En soi, le funeste destin du projet n'est guère une surprise et il pourrait (devrait) aisément devenir un cas d'école pour les générations futures. Délibérément et inconditionnellement focalisé sur la définition d'un produit, sans aucune considération pour ses usages ni pour les besoins et les attentes qu'il s'agirait d'abord de combler, il s'est en outre élancé immédiatement avec une seule caractéristique chiffrée, alors que ses contours étaient encore bien flous : son budget préliminaire pharamineux d'un milliard d'euros.

Autant en raison du montant de l'addition envisagée (officiellement) que de sérieux doutes sur cette méthode (à mon avis), les deux années écoulées ont vu successivement se défausser une majorité des établissements engagés dans l'aventure, dont ne subsistent donc maintenant que les 6 principaux groupes bancaires français, un espagnol, deux allemands, un belge, un néerlandais et deux opérateurs techniques. L'allègement du tour de table est tel qu'une restructuration complète des objectifs était inévitable.

L'entreprise intermédiaire qui était chargée de préparer le dossier a donc d'ores et déjà annoncé qu'elle renonçait à un des piliers de son programme originel, à savoir la création d'un « scheme » de carte de paiement susceptible de concurrencer les américains Visa et Mastercard. Ce pourrait être une bonne nouvelle car, outre son probable coût prohibitif, cette cible était justement celle qui semblait la plus déconnectée des évolutions prévisibles des habitudes de paiement des consommateurs… et des marchands.

Malheureusement, rien ne semble avoir changé quant à l'approche même du problème : à ce stade, les propositions sont toujours polarisées sur une logique exclusive de produit, seul le périmètre est révisé. En l'occurrence, l'objectif serait maintenant de recentrer les priorités sur un porte-monnaie mobile et un système de paiement en ligne, adossés à des virements bancaires (grâce aux services d'initiation de paiement de la DSP2). Quels bénéfices pour les utilisateurs potentiels ? Nul ne semble s'en préoccuper.

C'est que, dans la plupart des pays européens, existent des systèmes de paiement similaires, qui fonctionnent généralement depuis plusieurs années et sont parvenus – parfois difficilement et à grands renforts de promotions et de campagnes publicitaires – à conquérir leur cible. Pourquoi en élaborer un autre ? Incidemment, il se dit que les banques espagnoles (à l'exception de Santander) se sont retirées de l'EPI parce qu'elles considéraient que leur initiative commune locale, Bizum, suffisait à leur bonheur.

Or voilà bien un gisement de valeur qui reste à explorer et qui constituerait une mission digne d'intérêt : tous ces dispositifs hétérogènes, dispersés, parfois concurrents, mériteraient peut-être un mécanisme d'interopérabilité à l'échelle européenne ? Au lieu de chercher à réinventer la roue, les efforts ne seraient-ils pas plus efficaces et rationnels s'ils étaient dirigés vers les solutions actuelles, en les reliant aux comptes bancaires quand ce n'est pas le cas et en les rendant « universelles » dans l'Union ?

Ainsi, l'EPI se chargerait de concevoir des standards ouverts d'interface, pour les porte-monnaie virtuels et pour les plates-formes de commerce. Chaque implémentation nationale n'aurait plus alors qu'à adopter ces nouvelles normes, en complément de son modèle opérationnel existant (qui peut être maintenu aussi longtemps que souhaité) pour s'ouvrir à l'ensemble du marché européen. Et pourquoi ne pas accueillir aussi les modes de paiement historiques et ceux des acteurs émergents, pour plus de polyvalence ?

De nombreux observateurs estiment que l'EPI devrait mettre un terme à son projet. Indubitablement, la fermeture définitive serait la meilleure option si son cap actuel n'était pas radicalement corrigé. Cependant, l'initiative ne manquerait pas d'opportunités à creuser si elle prenait enfin une perspective centrée sur ses clients de demain.

L'EPI fait pschitt !
Photographie par Ulrike Leone (Pixabay)

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