Décidément, toutes les aventures d'innovation bancaire de Société Générale en Afrique tournent court. La pionnière Yoban'tel, lancée en 2010 au Sénégal, a disparu des radars un peu plus tard. Manko, apparue en 2013, fermait ses agences fin 2020. C'est aujourd'hui au tour de Yup, la dernière-née, d'annoncer l'arrêt de son service fin juin.
Comme les tentatives précédentes, celle-ci visait un double objectif, d'ouvrir à l'établissement de nouvelles perspectives d'expansion sur des territoires relativement vierges où elle est implantée de longue date et de développement de l'inclusion financière dans ces pays émergents. Inspirée plus ou moins directement par le succès, de l'autre côté du continent, de M-Pesa, elle prenait la forme d'un porte-monnaie mobile, dont les fonctions de paiement intégreraient progressivement d'autres possibilités.
Nombreux sont ceux qui ont essayé de reproduire la recette Kenyane, en vain. Même Orange Money, qui, vraisemblablement, s'en approche le plus, n'est peut-être pas aussi performante qu'on le croit mais parvient à tirer son épingle du jeu grâce à ses synergies avec l'activité de télécommunication de sa parente. Dans le cas de Yup, les explications officielles de son abandon évoquent une rentabilité insuffisante pour envisager un jour un modèle économique viable, en dépit des plus de deux millions de clients conquis.
Sans vouloir jouer les prédicateurs rétrospectifs, je confirme n'être guère surpris par cette issue, qui représente certainement un des rares effets bénéfiques du repli stratégique que Société Générale semble avoir engagé depuis quelques mois dans l'innovation. Ce qui peut étonner le plus est plutôt qu'il ait fallu 5 ans à la banque rouge et noire pour couper court à l'expérience, tant les conditions de l'échec étaient réunies (presque) depuis son origine et déjà identifiables dans d'autres initiatives similaires antérieures.
Pour mieux comprendre la dynamique en jeu, il faut d'abord appréhender les composantes clés de la réussite. En premier lieu, l'univers des paiements, qui constitue le socle de base de ces offres, n'opère efficacement que dans un marché de très forts volumes et ce prérequis est d'autant plus critique dans des pays où le montant moyen des échanges unitaires est faible. Puis il faut ajouter à l'équation une infrastructure (au sens large) légère, rationalisée à l'extrême, pour espérer atteindre le point d'équilibre.
Or Yup pêche sur les deux volets. Ainsi, sa solution ne s'est jamais s'imposée comme un instrument universel auprès de ses utilisateurs (particuliers comme agents) et une telle perspective ne paraît pas réaliste à une échéance raisonnable, au vu des progrès enregistrés. Faute d'adoption massive, la profitabilité est illusoire, d'autant plus que la structure et ses opérations subissent la lourdeur d'un acteur traditionnel (par exemple les emplois menacés par l'arrêt iraient de 100 à 1 000, selon les sources).
Derrière les ratés successifs, je soupçonne que les mêmes défauts sont toujours à l'œuvre, à savoir le fantasme d'une réponse essentiellement technologique à des problèmes génériques, en oubliant de se mettre à la place du client ciblé, en évitant de s'interroger sur ses attentes fondamentales, en négligeant de prendre en compte ses habitudes et son contexte…, ce qui est évidemment très difficile pour des collaborateurs d'une banque européenne cherchant à projeter une solution pour une autre culture.
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