En annonçant sa dernière réorganisation (dont la frénésie ne ralentit décidément jamais), Société Générale affiche son ambition de « mieux répondre aux enjeux du digital ». Pourtant, la nouvelle structure de direction donne furieusement l'impression de reléguer informatique, transformation et innovation au second plan des préoccupations…
En réalité, à l'opposé de la communication superficielle, le changement a pour principal objectif de remettre la priorité sur la maîtrise des risques et la conformité réglementaire. Pour cette raison, Frédéric Oudéa, le directeur général, assumera désormais la supervision directe de ces fonctions, précédemment prise en charge en délégation par Diony Lebot, en sus de l'inspection et l'audit, la finance, le secrétariat général, les ressources humaines et la communication. Et qu'abandonne-t-il, en contrepartie ?
Les « ressources » du Groupe. Chapeautant donc l'informatique, la transformation « digitale » et l'innovation, celles-ci seront désormais pilotées par une nouvelle directrice générale adjointe (un rang légèrement inférieur à celui de délégué), Gaëlle Olivier. Outre leur rétrogradation explicite au sein de la pyramide décisionnelle, leur inscription sous un titre complémentaire de responsable des opérations (COO) restaure pleinement leur positionnement en rôle de support, qu'on espérait définitivement oublié.
Autant l'impact d'un changement de gouvernance est-il généralement limité, autant les messages transmis à travers une telle action ont-ils une portée considérable. En l'occurrence, la banque signale à l'ensemble de ses collaborateurs (et au monde) que ses efforts de « digitalisation » ne sont plus prioritaires (sans avoir, heureusement, l'outrecuidance de prétendre qu'ils ont abouti). Non seulement ceux qui y consacrent leur quotidien seront-ils découragés mais, en outre, toutes les énergies vont s'en détourner.
Le revirement de Société Générale est incompréhensible, alors que la plupart de ses concurrentes commencent (enfin !) à admettre que leur avenir repose sur leurs capacités technologiques (ce qui a récemment conduit BNP Paribas à accueillir son DSI Groupe à son comité exécutif) et sur leur faculté à innover à une échelle industrielle. Ce sont là des enjeux stratégiques, encombrés des obstacles les plus nombreux et les plus difficiles à franchir, dont devrait impérativement s'emparer un directeur général.
Certes, les travaux de transformation ne s'interrompront pas et il est même possible que le flambeau soit en partie repris dans les différentes filiales et entités (par exemple avec le dangereux chantier de fusion des réseaux). Cependant, la dynamique transverse instaurée il y a une dizaine d'années, qui inspirait un mouvement de modernisation indispensable, assorti d'une volonté de cohérence globale et d'efficacité, subit aujourd'hui un sérieux coup d'arrêt, qui pourrait se révéler fatal pour l'avenir de l'institution.
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