Quand les plus hauts responsables d'institutions financières restent muets ou se veulent rassurants sur l'état (généralement) vieillissant de leur informatique, je me demande toujours s'ils ont véritablement conscience de la poudrière qu'elle représente. Grâce à une indiscrétion, nous avons maintenant une réponse pour le cas de Lloyds Bank.
Naturellement, le renouvellement récent de l'état-major de l'établissement, incluant l'arrivée d'un nouveau directeur général en août dernier, est propice à la mise à nu des difficultés identifiées, en préparation d'un virage stratégique. Ce n'est donc peut-être pas tout à fait un hasard si, au hasard d'une fuite, émerge quelques mois plus tard cette vidéo interne dans laquelle son directeur de la transformation, Nick Williams, lui-même promu au printemps, déclare que son informatique est inadéquate et préoccupante.
À travers les retranscriptions du discours, il est facile de percevoir l'ampleur du problème tel qu'il est appréhendé. Certes, il est d'abord question de l'anachronisme que constitue le fait pour un grand groupe, qui sert 17 millions de clients au Royaume-Uni, d'héberger 99% de ses applications dans ses propres centres de données. Mais cette anomalie n'est que la partie émergée de l'iceberg, surtout quand il s'avère qu'une transition vers l'infonuagique est matériellement impossible, pour l'essentiel du patrimoine.
Le défi à relever, pour maintenir le niveau de compétitivité mais également résister aux cyberattaques et autres risques de défaillances, ne consiste pas seulement à changer d'infrastructure. Il se situe dans toutes les composantes technologiques qui motorisent les métiers de l'entreprise, leur défaut principal étant leur ancienneté (pour ne pas dire leur obsolescence). L'indispensable modernisation imposera une remise à niveau de l'ensemble de l'architecture du système d'information, probablement douloureuse.
C'est justement là que devrait intervenir le changement de cap attendu avec la présentation de la nouvelle stratégie prévue au début de 2022. Alors que la génération précédente avait plutôt concentré son attention sur la réduction des coûts (comme tant d'autres…), l'équipe dirigeante actuelle pourrait (devrait ?) adopter une politique d'investissement agressive, permettant de repartir sur des bases, notamment informatiques, saines. Il se suffira cependant pas d'injecter des milliards de livres.
Le plus difficile sera de mettre sur pied un projet cohérent, à la hauteur des enjeux, c'est-à-dire capable de propulser les fondations et les applications à l'état de l'art. Une telle ambition devra nécessairement passer par l'élimination et le remplacement pur et simple de nombreux éléments existants, donc beaucoup paraissent pourtant parfaitement remplir leur rôle. En conséquence, il faudra une extraordinaire clairvoyance aux décideurs chargés d'en dessiner les contours, suivie d'une impeccable rigueur dans l'exécution.
Il est rassurant de constater qu'un personnage haut placé de la hiérarchie d'une banque (sans expérience technologique directe, d'ailleurs) ne se laisse pas abuser par les apparences d'un fonctionnement sans incident. Il est rafraîchissant de voir le même partager son inquiétude avec les employés, qui sont concernés au premier chef, même s'ils ne le réalisent pas immédiatement. D'ici à quelques années, il restera à voir si, avec tant de transparence, Lloyds Bank réussit une transformation exemplaire…
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