Depuis plus d'une décennie, les grandes banques historiques du monde entier conçoivent et implémentent des « agences du futur » censées répondre aux évolutions des besoins de leurs clients. Alors que CaixaBank poursuit la modernisation de son réseau (aux Baléares, dernièrement), la stratégie soulève quelques questions essentielles.
Au-delà de mes réserves générales quant à l'avenir du point de vente bancaire physique, un simple constat me pousse à cette mise en cause : au fil des ans, les principes directeurs de ces vastes programmes de réaménagement n'ont quasiment pas changé, en dépit d'une transformation profonde des comportements et des attentes des utilisateurs (particuliers et professionnels) et d'une certaine discrétion sur les résultats obtenus avec les initiatives précédentes, qui laisse augurer de bilans au mieux mitigés.
En l'occurrence, la vision partagée par CaixaBank repose sur trois piliers relativement classiques : proximité, technologie et, seule concession (un peu superficielle) à l'air du temps, responsabilité environnementale. En arrière-plan, les objectifs visés ne surprendront pas plus, puisqu'il est question d'améliorer l'expérience du visiteur, de renforcer la relation humaine et d'offrir plus que des services financiers, par exemple à travers l'animation de conférences, de sessions de formation et autres événements.
Malheureusement, les moyens mis en œuvre ne paraissent pas parfaitement adaptés à l'ambition affichée. D'emblée, le gigantisme des lieux – 1 500 m2 consacrés à l'accueil de 23 000 détenteurs de comptes dans le cas d'Ibiza – anéantit toute notion d'intimité et entame de la sorte sensiblement les velléités de proximité. D'autre part, et surtout, le déballage d'écrans immersifs, de bornes sans contact (pour annoncer son arrivée), d'automates de dernière génération… contribue à créer un sentiment d'incohérence.
Il y a une dizaine d'années, il pouvait sembler normal pour une banque de faire montre de sa compétence en exposant son expertise technologique et ses clients étaient encore nombreux à se déplacer dans les officines afin de se familiariser avec les outils innovants mis à leur disposition. Aujourd'hui, ces préoccupations n'ont peut-être pas disparu mais elles se sont massivement déplacées, notamment vers les applications en ligne et mobiles, devenues les nouvelles vitrines de l'excellence informatique.
À contrario, les personnes qui se rendent dorénavant dans leur agence le font exclusivement pour une interaction humaine (d'autant plus dans le sillage de la crise sanitaire) et une bonne partie d'entre elles sont en outre réfractaires (par exclusion ou par conviction) aux gadgets électroniques omniprésents. Elles préféreraient certainement être accueillies par un individu en chair et en os plutôt que par une borne aux fonctions difficiles à appréhender et donnant fréquemment l'impression de perdre son temps.
En conclusion, il ne me reste qu'à souligner une difficulté supplémentaire dans l'élaboration de stratégies pertinentes pour les réseaux des établissements traditionnels : s'il est indispensable d'accorder les installations à la demande des clients, il ne faut pas perdre de vue que cette dernière évolue constamment. Mais est-il possible et raisonnable de suivre le rythme de ces tendances ? Une organisation suffisamment flexible des implantations est-elle envisageable ? Où est donc cette agence de 2022 ?
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